>~ Petit vagabondage sur Vick, synthé Troublemaker dans SOL, au niveau de la maj 80! ~
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? Dax Johson ~ Still Small Voice ?
Il commence à se faire tard et mes fesses, désormais humides à cause de la pelouse mouillée sur laquelle je suis assis depuis maintenant plus d'une heure, commencent à me refroidir la presque intégralité du corps. Je me sens bien. Il fait bon, ce soir, sur Wilmington. Je suis seul, mais je me sens bien. J'ai toujours été ainsi, de toute manière. La solitude, dieu que je l'aime. Ma meilleure amie. Non je ne suis pas misanthrope, j'aime la compagnie, des autres. À petite dose...
Mon regard vagabonde entre les étoiles. Il y en a plein, ce soir. Le ciel est magnifique. Le panorama, l'ambiance, l'endroit rêvé pour s'octroyer un court instant de nostalgie. J'aime me souvenir de mon frère. J'adore penser à lui. Il est légèrement plus vieux que moi, d'un an. Il s'appelle Stefan. Aujourd'hui, je ne sais pas ce qu'il devient, en fait. Depuis Noël, je ne l'ai plus revu. Et les coups de fil, c'est vraiment pas son truc... mais je ne le blâmerais pas là-dessus, car je suis pareil, à ce niveau. Petits, nous étions inséparables, lui était frêle et pleutre, tandis que moi, j'étais un cliché ambulant. Athlétique et impétueux, mais mystérieux! Mon entourage, mes amis, aimait jouer à essayer de me cerner, et je me plaisais à les faire tourner en bourrique. Les gens mystérieux ont tellement la cote, aujourd'hui. Stefan, lui, me soupirait que je ne devais pas jouer ainsi, que c'était mal. Qu'il fallait respecter les autres. Ne pas taguer un « fuck » sur la marelle des filles dessinée à la craie dans la cour de récréation. Mon frère était un saint des plus insupportable. Vous savez, cette sorte de petit sacrosaint brillant, qui fait l'honneur de vos parents en claquant simplement des doigts, tandis que vous, vous vous démenez pour tenter de l'égaler. Oui l'école n'a jamais été mon amie, mon alliée, ni mon acolyte ; et ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé... Et malgré cela, aujourd'hui, regardez-nous. Comparez-moi à mon frère. J'appartiens à un groupe de musique montant, tandis que lui est... hum. En fait, pour être honnête, aujourd'hui je ne sais même plus ce qu'il peut bien fabriquer, ni ce qu'il devient, là-bas, dans notre pays natal. En Allemagne, à Berlin. Ou ailleurs. Pensez-vous qu'il ait déménagé récemment? Le connaissant, il l'aurait fait sans problème sans m'en toucher deux mots. De toute manière, depuis qu'il a quitté la maison à l'âge de seize ans, c'est à peine s'il se souvient de mon existence. Pourtant, ce Noël dernier, lorsque nous avons passé le réveillon ensemble, je dois vous avouer que j'y ai cru. À des éventuelles retrouvailles. Nous aurions pu continuer sur notre lancée. Nous revoir plus régulièrement. J'aurais tant aimé, avoir enfin le droit de refaire partie de sa viet. N'avait-il pas remarqué mon changement? Tout de même, il était flagrant. Je suis pianiste, aujourd'hui. J'excelle sur mon synthétiseur. Moi, moi, Vick, moi, qui taguais des « Bitchs » dans les toilettes féminines, je suis un artiste, aujourd'hui. Quelqu'un de respectable et plutôt envié. Mon groupe, en Allemagne, est même plutôt connu. Je perce, lentement, mais surement, j'avance, j 'évolue. Est-il fièr de cette évolution? Il ne m'a pas vraiment félicité. Mon avancée lui semble sans aucun doute normale. Oh certes, je sais que dans la famille nous sommes l'humilité incarnée, « démerde-toi, et si tu fais quelque chose de bien, c'est normal. Pourquoi attendrais-tu quelque chose en retour? », je n'ai donc jamais attendu qu'il remarque à quel point je suis devenu quelqu'un d'intéressant avec le temps, même si je dois vous avouer que des fois je l'ai espéré. Rien qu'une fraction de seconde.
Mes parents sont fiers de moi. Enfin, je pense. La dernière fois que je les ai eus au téléphone, ma mère s'exclamait que les albums de mon groupe étaient dans le top des ventes des disques allemands. J'ai hésité entre deux réactions suite à cette affirmation. Un éclat de rire ; parce que lorsque j'ai rejoint les TroubleMaker, elle m'avait presque renié. « Comment ose-tu? Ce groupe est la honte du pays! Tu vas nous ridiculiser! » ; ou un grognement amer de rancoeur. Au souvenir de cette époque, lorsque j'avais douze ans et que je lui avais demandé des cours de piano. Elle m'avait soupiré que ça serait bien trop difficile pour moi. Que je ferais mieux de descendre en bas jouer au ballon avec mon meilleur ami, Tuomas. Vous ne réalisez pas à quel point j'avais pu être vexé, à l'époque. Mais je ne m'étais pas découragé pour autant, que nenni. Je pouvais me débrouiller sans elle, je pouvais trouver un moyen d'étudier l'instrument de mes rêves par mes propres moyens. Grâce à internet, ce merveilleux outil. À mon rythme, à ma façon, j'ai appris la théorie de cette manière. Pour ce qui est de la pratique, j'avais la chance de pouvoir utiliser le piano du père de Tuomas comme ça me chantait. Cet homme était quelqu'un de bon et gentil, je l'adorais. Au début, il n'hésitait pas à me vanner sur mes fausses notes! Mais ensuite, il a été ma première « félicitation » reçue. Ma première, et ma dernière de sa part... Une semaine plus tard, il nous quittait après deux ans et demi de lutte contre un cancer de l'oesophage. Avec Tuomas, nous n'avions pas tout compris, sur le coup. Nous ne l'attendions pas si vite, en quelques heures seulement, en soins intensifs, il s'éteignait. Cela s'est passé en un éclair. Trop vite. Oh bien sur, nous savions que cela arriverait, un jour ou l'autre, c'était inévitable, il avait énormément dépéri au fil des mois et peinait à s'alimenter. Alors, comme me l'avait ensuite dit mon père, avec son tact habituel, en me tapotant amicalement sur l'épaule « Tu t'y attendais! T'façon, avec cette merde, dès qu'on commence la chimio, ça sent l'sapin, tu l'savais, fils.. », j'étais donc censé être préparé à cette fatalité. Après tout, sur son physique tout entier était écrit « La mort arrive », comme disait mon frère...
Oui, les points forts de ma famille, cela a toujours été la compassion et la compréhension. Et sans ironie, la maladresse et les non-dits.
C'est en me remémorant tout ces souvenirs que je me relève enfin du sol en soupirant, souriant même ensuite avec satisfaction et émotion. Je tente de m'épousseter vite fait les fesses, je dois avoir le pantalon dégueulassé par la pelouse, mais tant pis. Comme à l'époque, où l'on revenait des bois avec Stefan, après avoir construit une cabane qui nous rendait fiers comme des coqs. On en a confectionné des tas, vous savez! Mais celle derrière la maison familiale, à l'orée du bois, restera notre plus grande réussite. Elle était tout de même sur deux étages! Avec une petite table, des chaises, et même des fenêtres! Notre père avait mis la main à la pâte pour nous scier de belles planches qu'il nous a ensuite aidés à clouer. Une fois terminée, notre antre faisait pâlir d'envie tout nos amis. Je me souviens même qu'à un moment, Stefan voulait leur faire payer l'entrée pour qu'ils aient le droit de venir y jouer. Et moi bien sûr, en bon chien-chien à son frè-frère, j'étais mort de rire. De toute manière, quoi que fasse ou décide Stefan, il restait mon idole et avec le recul, aujourd'hui, j'en rigole encore. Mais nous étions mignons. Non, sans rire, nous avons eu une enfance comblée et épanouie, dans l'ensemble. Et aujourd'hui, je n'arrêterais jamais de me le répéter : mon abruti de frère me manque...
Bon, c'est pas tout ça, mais il commence à se faire tard. Il est temps que je rentre à l'appartement. Je souris d'un air amusé en me disant que je vais surement retrouver Tobias et Ellie en train de niaiser devant la télé, Terry en train d'argumenter sur la politique des États-Unis, et Jane en train de beugler parce qu'elle ne retrouve plus ci, ou ça (qui disait que les femmes étaient ordonnées?). Ahhhhh, la vie en communauté, un rêve, mais un calvaire aussi. Même si je dois avouer qu'avec le temps, je me suis sacrément attaché à toute cette petite bande de demeurés. Avec les gars, nous irons loin, ici, foi de TroubleMaker!
Et toi, Stefan, ou que tu sois aujourd'hui et quoi que tu fasses.. Prends soin de toi.