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Dean n’avait pas tardé à se retrouver assis sur le canapé du

salon, face à Ted et Mark qui avaient fait pleuvoir sur lui une

avalanche de questions. Eve et sa mère s'étaient éclipsées

dans la cuisine et Dean, tout en leur répondant poliment,

commençait à trouver le temps long.

Comme si elle avait perçu son appel silencieux depuis la

cuisine, Eve apparut à l'instant précis où il se demandait ce

qu'elle fabriquait, une bouteille de bière à la main.

Si tu dois passer la soirée à faire une conférence,

mieux vaut te donner à boire, dit-elle en la lui tendant.

Merci, répliqua-t-il, sincèrement reconnaissant.

Eve s'installa sur le canapé, les jambes repliées sous ses

fesses, et s'appuya contre lui. Son attitude très naturelle et

décontractée devant ses parents indiquait qu'elle se sentait à

l'aise avec eux, ce qui plut beaucoup à Dean.

— Pourquoi vas-tu attendre si longtemps avant de

remonter sur le ring ? demanda Ted.

— Je te l'ai dit, papa, intervint Eve. Dean est ici pour faire

connaissance avec Cam et Jacki. Ils se sont perdus de vue

depuis vingt ans.

Dean passa un bras autour de ses épaules nues et apprécia

la douceur de sa peau.

Cela n'a rien à voir. J'avais déjà décidé de

prendre des vacances avant de recevoir la lettre de Cam,

mentit-il.

— Pourquoi ? s'enquit-elle en se tournant vers lui.

Comme son sein pressait contre ses côtes, Dean oublia ce

qu'il voulait dire et la dévisagea.

— Pourquoi, quoi?

Un sourire palpita un instant sur ses lèvres avant de

s'agrandir.

— Rien, oublie.

— Quand je pense que Cam a un frère célèbre et que je ne

le savais même pas ! s'exclama Ted en secouant la tête. Elle

fait pratiquement partie de la famille ; elle est copine avec

Eve depuis toute petite.

— Depuis la primaire, confirma Eve.

— Elle ne nous a jamais parlé de toi, enchaîna Ted d'un

ton surpris.

Dean se contraignit à sourire.

— Non, j'imagine qu'elle ne vous a pas parlé de moi.

Il prit une gorgée de bière et s'efforça d'ignorer la

sensation de malaise qui s'insinuait dans son ventre. Cam ne

savait même pas qu'il existait, comment aurait-elle pu parler

de lui ?

— Si je sors avec Jacki, je pourrai avoir des places

gratuites ? questionna Mark.

Eve lui lança un coussin du canapé sur la tête.

— Ben quoi ? Je demande, c'est tout ! se défendit Mark en

renvoyant le coussin à sa sœur.

— Désolé pour toi, Mark, mais je ne suis pas ce genre de

grand frère, lui répondit Dean.

— Bon, je crois que je vais garder mes distances, alors.

En fait, Jacki me fait un peu flipper.

Mark...

— Inutile de coasser comme ça, Eve, intervint son père.

Dean a compris qu'il plaisantait.

Rien n'était moins sûr. Mark était un garçon d'allure

sympathique, plutôt grand et mince, jeune et pataud, mais

lorsqu'il s'était permis cette remarque, Dean avait eu envie

de lui donner une tape sur la tête.

— Qu'est-ce qui te fait flipper chez Jacki ? demanda-t-il.

— Son côté imprévisible, expliqua-t-il. On ne peut jamais

savoir ce qu'elle va faire. Elle n'était pas comme ça avant.

Bon, elle n'a jamais été comme Cam, c'est sûr...

— Qu'est-ce que tu veux dire ? insista Dean, de plus en

plus intéressé malgré lui.

— Tu sais bien, réservée, discrète. Cam est quelqu'un de

très secret.

— C'est son caractère, dit Eve en traçant un cercle du bout

du doigt sur la cuisse de Dean, avant de lever les yeux vers

lui.

Il songea qu'elle avait les yeux d'un bleu très foncé -

outremer - et des cils remarquablement longs et fournis.

— Déjà au lycée, poursuivit-elle, elle était plus mûre que

les autres. Plus responsable, plus impliquée dans la vie.

Oui, Eve avait vraiment des yeux splendides. Dean

s'éclaircit la gorge en sentant son regard peser sur lui et

recouvrit sa main de la sienne sur sa cuisse.

— Je lui ai trouvé un petit côté mère poule, dit-il. Sans

doute parce qu'elle se sent responsable de Jacki.

— Oui, approuva Eve en laissant aller sa tête contre son

épaule. Cam n'a jamais été jeune, en fait. D'aussi loin que je

me souvienne, c'est elle qui prenait tout en charge. La

maison, les factures, Jacki... et même Lorna!

— Lorna ? Comment cela ?

Un silence embarrassé accueillit sa question.

— Cam a grandi avec l'idée que sa tante avait été obligée

de s'occuper d'elles, répliqua finalement Eve.

— Une pilule assez amère à avaler pour une petite fille,

ajouta Ted d'un ton reflétant parfaitement le dégoût que

ressentait Dean. Ça l'a rendue inquiète, comme si elle

craignait en permanence que Lorna ne les laisse subitement

tomber.

Dean sentit ses muscles se contracter. Il aurait de

nombreuses questions à poser à Lorna.

— Jacki est tout le contraire de sa sœur, dit Mark. Elle ne

se soucie de rien et, quoi qu'il arrive, elle s'arrange pour être

le centre de l'attention. Elle a un petit côté allumeuse, elle

provoque, elle flirte. Où qu'elle aille, elle est immédiatement

entourée d'une foule de gens qui se mettent à graviter autour

d'elle.

— Et tu trouves ça flippant ?

— Non, pas vraiment. Un peu intimidant, peut-être... Mais

ces derniers temps, elle a carrément dépassé les bornes.

— C'est-à-dire ?

Mark ouvrit la bouche pour répondre, mais sa sœur le

devança.

— Laisse tomber, Mark, lui conseilla-t-elle avant de se

tourner vers Dean. Je crois que Jacki traverse une sorte de

crise d'adolescence.

— A retardement, alors, nota Dean. Elle a quand même

vingt et un ans et elle est presque aussi grande que moi !

— C'est une façon de parler. Une crise tout court, si tu

préfères.

— Oui, il me semble que c'est justement de ça que ton

frère voulait me parler.

Eve voulut répliquer, mais il lui imposa le silence.

— Tu permets ? J'aimerais entendre ce que Mark a

à dire.

Tous les regards se braquèrent sur Mark qui devint rouge

comme une tomate.

— Euh... commença-t-il en lançant à sa sœur un coup

d'œil coupable. En fait, Eve a raison. Je ne voulais rien dire

de plus.

— Regarde ce que tu as fait ! s'exclama Eve en donnant

un coup de poing contre l'épaule de Dean. Il est aussi

effarouché qu'une pucelle à cause de toi.

— Moi ? Mais je n'ai rien fait ! rétorqua Dean, indigné.

— Tu as entendu sur quel ton tu as exigé qu'il parle ?

répondit-elle, taquine.

— Non. Quel ton ?

— Un ton autoritaire. Paternaliste, même !

— Pas du tout, je ne lui ai pas parlé comme ça, assura-t-il,

piqué par cette remarque.

— Du calme ! les interrompit Ted. Eve, à ta place,

j'arrêterais d'asticoter ce pauvre Dean.

— C'est vrai, Eve, renchérit aussitôt Mark. Arrête de lui

mettre la pression.

Eve leva les yeux au ciel et décocha un autre coup de

poing sur l'épaule de Dean.

— Comment voulez-vous que je lui fasse mal ? C'est un

roc !

Elle s'apprêtait à lui donner un nouveau coup de poing

lorsque Dean saisit son poignet et la déséquilibra. Il voulut la

rattraper avant qu'elle ne tombe, mais la bière qu'il tenait à la

main le ralentit, et Eve se retrouva couchée en travers de ses

genoux.

L'espace d'une seconde, Dean entrevit sa culotte en

dentelle bleu lavande.

Eve poussa un cri, voulut se dégager et tomba par terre.

Plus rouge encore que Mark un instant plus tôt, elle tira sur

sa robe d'un mouvement rageur.

Mark se tordait les côtes et Ted ricanait derrière sa main.

Crystal entra dans le salon à cet instant précis et leva les

bras au ciel.

— Qu'est-ce que tu fais par terre, ma petite fille ? s'écria-t-

elle.

Eve se releva, menaça Dean de son poing fermé et se

laissa tomber à côté de lui.

— Tout va bien ?

Elle lui tira la langue.

— Quand on se fait vraiment du souci pour quelqu'un, on

ne sourit pas comme ça, Dean !

— Désolé, dit-il en lui ébouriffant les cheveux. Tu veux

que je t'apprenne quelques prises pour que ça ne t'arrive plus

jamais ?

À sa grande surprise, elle hocha la tête.

— Efface-moi ce sourire idiot de ton visage, ordonnâ

t-elle ensuite à son frère. Tu es déjà moche, pas la peine d'en

rajouter!

— Au fait, Mark, demanda Dean en se tournant vers lui, tu

ne m'as toujours pas dit ce que Jacki avait fait de si terrible ?

— Rien, répliqua-t-il, subitement sérieux. Rien du tout.

Dean pivota vers Eve et la dévisagea sans un mot.

— D'accord, je vais t'expliquer, soupira-t-elle. Le patron

d'un bar a dû appeler la police à cause d'elle, la semaine

dernière.

— La police ? Mais pourquoi ?

— Rien de dramatique, rassure-toi. Elle était sortie avec

un groupe de copains de la fac, elle avait un peu trop bu et

elle a dansé sur les tables.

— Et la police s'est déplacée pour ça ?

— Des clients étaient assis aux tables en question et ils

n'avaient pas terminé leurs consommations.

Ah ! Dean fit de son mieux pour réprimer un sourire.

— Elle a eu droit à une simple mise en garde et ils ont

appelé Cam pour qu'elle vienne la chercher. Lorna est

persuadée que toute la ville ne parle plus que de ça!

— En fait, il n'y a que les gens de la fac que ça intéresse,

ajouta Mark, ravi d'apporter son grain de sel. Et de la part de

Jacki, ça n'a choqué personne.

— Mais c'est quoi cette histoire de crise, alors ? demanda

Dean.

— Je crois que tu ferais mieux d'en parler avec Cam,

répondit Eve, visiblement soucieuse.

— Pour l'instant, c'est avec vous que j'en parle, rétorqua-t-

il.

— Je ne vois pas pourquoi tu fais tant de mystères, Eve,

lança Crystal. Jacki n'est pas d'accord pour vendre la maison.

Elles vendent parce qu'elles n'arrivent pas à faire face aux

frais d'entretien, ce qui est complètement absurde. Si elles

travaillaient toutes les trois, elles y arriveraient très bien.

Parce que Lorna ne travaillait pas non plus ? Dean serra

les dents, mais laissa Crystal poursuivre.

— Jacki a toujours vécu dans cette maison. Tout le inonde

sait que c'est une des plus jolies propriétés de la ville, et la

quitter pour un appartement représente une déchéance. Elle a

honte de ce que vont penser les gens.

— Maman, je ne crois pas que...

— Pourquoi Jacki attache-t-elle de l'importance à ce que

pensent les gens ?

Crystal et Eve dévisagèrent Dean d'un air interloqué.

— C'est normal, non? répondit Eve. Tout le monde y

attache de l'importance.

— Pas moi.

— Ah bon ?

Dean secoua la tête. Il avait passé sa vie à déménager et

n'avait jamais connu personne assez longtemps pour se

soucier de ce qu'on pensait de lui. Jacki n'était qu'une entant

gâtée.

— Elle fait une dépression parce qu'elle va devoir

déménager? grogna-t-il. C'est ça, le fond de l'histoire?

— Elle ne fait pas une dépression, rectifia Eve. Elle est

simplement triste à l'idée de devoir laisser derrière elle...

Elle hésita, comme si elle se souvenait subitement des

circonstances dans lesquelles Dean avait quitté cette même

maison.

— ... son univers familier ? acheva-t-il à sa place.

Elle hocha la tête et glissa une main dans la sienne.

Pour le réconforter?

Dean se raidit.

Il désirait bien des choses d'Eve, mais la sympathie n'en

faisait pas partie.

— Si tu veux mon avis... commença Crystal.

— Il ne te l'a pas demandé, lui fit remarquer sa fille.

— ... Lorna a gaspillé une bonne partie de l'argent

qu'on lui avait confié pour l'entretien des filles, achevâ

t-elle néanmoins.

Dean était parvenu à la même conclusion. C'était la seule

explication logique. D'autant que Grover avait prédit que les

choses se passeraient de cette façon.

— Lorna n'est pas méchante, continua Crystal, mais elle

n'est pas du tout réaliste du point de vue financier. Elle fait

toujours passer ses besoins et ses envies en priorité. Une fois,

je me souviens, Cam a eu besoin de chaussures neuves pour

la fête du collège, en sixième. À entendre Lorna, ça

l'écorchait vive d'avoir à acheter une paire de chaussures. Ce

qui ne l'empêchait pas d'aller régulièrement chez la manucure

et de renouveler entièrement sa garde-robe chaque année.

Finalement, Cam n'a plus participé à aucune fête, tant qu'elle

n'a pas eu l'âge de travailler et de s'acheter elle-même ce

qu'elle voulait.

Dean n'apprécia pas du tout cette anecdote. D'après ce que

Grover lui avait dit, Lorna avait reçu plus d'argent qu'il n'en

fallait pour subvenir aux besoins de ses sœurs - y compris

des robes et des chaussures de fête. Les assurances avaient

couvert le crédit de la maison après le décès de ses parents et

déposé une somme rondelette sur leur compte en banque déjà

bien garni. Il était inconcevable que Lorna ait pu manquer

d'argent.

— Je suis désolée, fit mine de souffler Eve à son oreille,

ma mère est une vraie concierge. Elle ne vit que pour et par

les ragots.

Crystal donna une tape sur la main de sa fille.

— C'est leur frère ! Il faut bien que quelqu'un l'informe de

la situation. Comment veux-tu qu'il les aide, autrement ?

Dean serra les dents.

— Je ne suis pas venu ici pour aider qui que ce soit.

— Ne te fatigue pas, Dean, répliqua Crystal en agitant la

main. Eve m'a expliqué pourquoi vous ne vous étiez pas

revus depuis tout ce temps.

— Ah, vraiment?

Il comprenait mieux ce qui avait retenu les deux femmes

si longtemps dans la cuisine. Et Eve se permettait de traiter

sa mère de concierge !

— Elle m'a posé des questions, j'ai répondu, se défendit-

elle.

— Évidemment que j'étais curieuse ! revendiqua sa mère

sans honte aucune. Cam et Jacki venaient très souvent chez

nous quand elles étaient petites. C'était leur deuxième

maison. J'ai trouvé bizarre qu'elles aient un frère dont je

n'avais jamais entendu parler.

— L'été, j'avais l'impression d'avoir trois sœurs au lieu

d'une, se souvint Mark. Elles passaient plus de temps chez

nous que chez elles !

— Et ça ne nous dérangeait absolument pas, assura Crystal

avec un sourire attendri. Cam et Jacki étaient adorables et ça

me brisait le cœur de les voir grandir sans mère.

N'était-ce pas à Lorna d'assumer ce rôle ?

— Quel âge avaient-elles quand vous les avez connues ?

— Nous avons emménagé ici lorsque Eve avait huit ans.

Elle a un an et demi de plus que Cam.

Cam avait donc un peu plus de six ans et cela faisait

quatre ans que Lorna s'occupait d'elle - soit deux fois plus de

temps qu'elle n'en avait passé avec leurs parents.

Si Cam l'avait oublié, elle avait peut-être aussi oublié leurs

parents. Que lui avait dit Lorna sur eux? Sur leur vie ? Sur la

façon dont ils étaient morts ?

Rien ou bien des mensonges, à n'en pas douter.

Ted se rapprocha de sa femme et l'attira tendrement contre

lui.

— Nous adorons tes sœurs, dit-il. Toutes les deux, mais

Cam tout particulièrement, du fait de son amitié avec Eve.

— Cam venait me voir quand elle avait besoin de se

confier. Elle me posait les questions qu'une fille pose

normalement à sa mère.

Quelles que soient ces questions, Lorna aurait dû être là

pour y répondre, songea Dean.

— Lorna était difficilement approchable, poursuivit

Crystal, et elle ne comprenait pas tes sœurs. Elle exigeait

d'elles un comportement irréprochable de façon à être

dérangée le moins possible, et elle ne leur octroyait pas

beaucoup de liberté pour découvrir les choses par elles-

mêmes. C'était dur pour elles. Surtout pour Cam.

— Parce qu'elle se sentait responsable de Jacki, conclut

Dean, autant pour lui-même que pour Crystal.

— Tout à fait. Elle n'était encore qu'une enfant mais elle

s'est mise à materner Jacki, à la défendre, à la protéger et à la

guider.

— Lorna les étouffait avec tout un tas de règles et

d'interdictions, précisa Eve. Alors quand Cam avait des

problèmes, qu'elle se posait des questions sur les garçons ou

avait tout simplement besoin de s'aérer, elle venait me voir et

maman parlait avec elle.

Dean rumina ces révélations. Il avait passé des années

dans des pays lointains, sur des lits inconfortables, menant

une existence au jour le jour. Le soir avant de s'endormir, il

lui arrivait de penser à ses sœurs et il s'était toujours imaginé

qu'elles avaient une petite vie douillette. Après tout, elles

avaient tout gardé - la maison, les jouets, la piscine, les

copains... tout ce qui fait le bonheur d'un garçon de huit ans.

Lui, on l'avait éjecté du paradis de l'enfance avec quelques

vêtements de rechange.

Était-il possible qu'il se soit trompé ?

— Crystal est au courant de la vente de la maison parce

que l'agence pour laquelle elle travaille en aura l'exclusivité,

expliqua Ted. Elle s'efforce d'aider Cam à faire le moins

d'erreurs possible.

Dean serra les dents pour ne pas formuler à voix haute la

question qui tournait dans sa tête : quel genre d'erreurs ?

Il vit soudain qu'Eve scrutait attentivement son visage et

s'appliqua à gommer les plis de son front.

— Bon, ça suffit ! décréta-t-elle en se levant d'un bond.

Vous m'avez assez embarrassée pour la soirée ! À cause de

vous, je serai rouge de honte pendant au moins un an !

Les protestations de sa famille ne l'empêchèrent pas de les

forcer à prendre le chemin de la sortie.

— Je ne serais pas surprise si Dean prenait ses jambes à

son cou, à cause de votre cirque !

— Je n'ai pas l'intention de partir, lui assura-t-il en se

levant tranquillement.

Pas tant qu'il n'aurait pas obtenu ce qu'il était venu

chercher. D'autant qu'il avait encore quelques questions à

poser à Eve.

— Vous pourriez peut-être venir dîner à la maison demain

soir? proposa Crystal.

Maman...

— Ce serait avec plaisir, Crystal, mais je serai mal-

heureusement occupé, répondit-il.

— Ah bon ? À quoi donc ? s'enquit-elle sans se démonter.

— À chercher des maisons, répliqua-t-il avant qu'Eve ait

eu le temps de grogner. Tu pourrais peut-être me donner

quelques pistes.

— Quel type de bien recherches-tu, précisément ?

questionna-t-elle, ravie.

— Des maisons en mauvais état. Quelque chose que je

puisse retaper et revendre avec un bénéfice.

— Tu n'as pas l'intention d'emménager ici? demandât-elle,

visiblement déçue.

— Non. Je voyage beaucoup, ce qui fait que je ne

m'installe jamais nulle part.

— Passe à mon bureau demain matin, dit-elle en lui

remettant sa carte. Vers midi, ça te convient ? Je

sélectionnerai les dossiers susceptibles de t'intéresser.

— Merci, répondit-il en glissant la carte dans sa poche.

— Où habites-tu en attendant ? s'enquit Ted.

— J'ai pris une chambre au Cross Streets Motel.

— Une des propriétés de Roger, commenta Mark en

faisant la grimace. Le soupirant de Cam.

— Nous avons fait connaissance.

Dean ignorait cependant que Roger était propriétaire de ce

motel, et il n'aurait su dire si ça le dérangeait ou non. Il y

réfléchirait plus tard... lorsqu'il ne serait plus tenaillé par le

désir.

Crystal et Ted semblaient disposés à poursuivre la

conversation, mais Eve y mit le holà.

— C'est l'heure de rentrer ! déclara-t-elle en ouvrant la

porte sur la tempête qui faisait rage.

Ils prirent congé en échangeant quelques plaisanteries, des

invitations à se revoir et des éclats de rire. Eve alluma la

lumière du porche et resta sur le seuil jusqu'à ce qu'ils aient

atteint leur voiture. Après avoir agité la main une dernière

fois, elle referma la porte et la verrouilla.

— Désolée, dit-elle en s'adossant au battant. Ils ne sont

pas aussi envahissants, d'habitude.

— Tu t'imagines que je vais gober ça ?

Elle éclata de rire.

— Pas vraiment. Ils sont parfois pesants, mais jamais

méchants, rectifia-t-elle en se dirigeant vers le salon. J'espère

qu'ils ne t'ont pas mis mal à l'aise ?

— Pas du tout, répliqua-t-il en la regardant ramasser les

bouteilles de bière vides.

— Si tu achètes une maison dans le coin, ça veut dire que

tu ne comptes pas repartir tout de suite? lança-t-elle par-

dessus son épaule en gagnant la cuisine.

Dean n'avait encore pris aucune décision. L'achat d'une

maison lui fournirait l'alibi idéal pour continuer à observer la

situation sans pour autant s'engager à quoi que ce soit.

— Peut-être, je ne sais pas encore.

— J'espère que tu resteras un moment, dit-elle en rinçant

une assiette.

— Ah oui ? Pourquoi ?

— Cam et Jacki vont vraiment avoir besoin de ton aide.

Dean s'approcha d'elle par-derrière, posa les mains sur ses

hanches et frotta le bout de son nez derrière son oreille.

— Au risque de me répéter, murmura-t-il, je ne suis pas

ce genre de grand frère.

Eve se raidit et lui jeta un regard noir par-dessus son

épaule.

— Quel genre de frère es-tu, alors ?

— Je ne me sens pas vraiment dans la peau d'un frère,

pour l'instant.

Le contact de son corps sous sa robe lui plaisait

énormément, ainsi que le léger frémissement qui s'était

emparé d'elle. Il l'embrassa dans le cou.

— Ce soir, c'est toi qui m'intéresses.