Dean n'avait pas fini de remonter l'allée qu'Eve ouvrait
déjà la porte, Elle devait guetter son arrivée.
Elle avait enfilé un short en Jean et un T-shirt. Elle était
pieds nus et Dean remarqua qu'elle ne portait pas de soutien-
gorge. Un seul regard lui suffit pour comprendre qu'ils ne
s'attarderaient guère en préliminaires.
Il ne ralentit pas et ne dit pas un mot. Quand il parvint à sa
hauteur, elle passa les bras autour de son cou. Dean l'entraîna
à l'intérieur de la maison et referma la porte d'un coup de
pied.
Il plaqua les mains sous ses fesses, la souleva, et Eve
enroula ses jambes autour de lui. Dean la conduisit jusqu'à la
chambre.
En dehors de leurs halètements et de gémissements
occasionnels, la pièce était silencieuse. Dean la serra
longuement contre lui en la couvrant de baisers et en faisant
glisser ses mains le long de son dos et sur ses fesses
adorablement galbées. Eve se cambra et libéra ses lèvres.
— Je ne peux plus attendre !
— Tu n'en as plus besoin.
Il lui fit poser les pieds par terre, lui enleva son T-shirt, et
captura la pointe érigée d'un sein entre ses lèvres.
Eve enfouit les doigts dans ses cheveux.
Elle sentait bon le savon, elle sentait Eve aussi, et cette
combinaison avait le don de le rendre fou.
Lorsqu'il s'attaqua à l'autre sein, elle gémit et ses mains
cherchèrent sa braguette. Il saisit ses poignets.
— Non, ma belle. Pas encore.
— Dean...
— Chuuut. Laisse-toi faire.
Sans lâcher ses mains, il la fit reculer jusqu'au lit. Quand
ses jambes touchèrent le matelas, il l'incita à s'allonger et se
plaça au-dessus d'elle, les genoux repliés de part et d'autre de
ses hanches. Il embrassa la paume de ses mains, puis étira
ses bras au-dessus de sa tête.
Eve laissa échapper un gémissement soumis, tourna la tête
sur le côté et ferma les yeux.
Dean contempla son corps. Elle était si belle, si désirable.
Mais surtout, elle lui appartenait. Il l'avait su dès qu'il avait
posé les yeux sur elle.
Il sema une traînée de baisers sur sa peau soyeuse, depuis
l'épaule jusqu'au sein droit, puis descendit le long de ses
côtes jusqu'à l'os saillant de la hanche. Eve frissonna, mais
demeura immobile. Avec des gestes lents et précis, Dean la
fit basculer sur le côté pour lui retirer short et culotte.
— Écarte les jambes, exigea-t-il.
Eve lui obéit, mais Dean souleva sa jambe gauche de
façon qu'elle s'offre à lui le plus largement possible.
Il fit glisser ses doigts en respirant lentement, depuis le pli
de son genou jusqu'aux lèvres soyeuses de son sexe. Elles
étaient brûlantes et légèrement enflées. Il s'allongea au-
dessus d'elle, prit appui sur un coude et la caressa en
observant son visage.
Lorsqu'il la sentit frissonner et qu'elle laissa échapper un
gémissement, il sourit.
— Ça te plaît ?
— C'est toi qui me plais.
Dean introduisit deux doigts en elle, le plus loin possible.
— C'est tout ? Je te plais seulement ?
Eve creusa les reins pour se rapprocher de lui.
— Non, ne bouge pas, dit-il. Laisse-moi jouir de toi.
J'ai l'impression d'avoir attendu cet instant toute ma vie.
Ses cils se soulevèrent et elle le contempla, de son beau
regard bleu, troublé de désir.
— Non.
— Non quoi ?
— Non, tu ne fais pas que me plaire.
Le corps de Dean se tendit sous cet aveu. Il s'empara de
ses lèvres et plongea la langue dans sa bouche sans cesser de
la caresser. Il sentit ses muscles se contracter autour de ses
doigts, les retira et en introduisit un troisième. Eve était
moite d'excitation et le parfum intime de sa chair se répandit
dans la pièce.
Elle respirait de plus en plus vite et de plus en plus fort.
Incapable de résister plus longtemps, Dean s'écarta d'elle,
croisa son regard brûlant de reproche, et porta sa main à ses
lèvres. Il ferma les yeux quand la pointe de sa langue entra
en contact avec la saveur épicée du sexe d'Eve, puis les
rouvrit afin qu'elle soit témoin de ses réactions.
Eve le regardait faire, troublée.
— J'en veux plus, Eve, dit-il en embrassant son
ventre. Je veux tout !
Son visage descendit plus bas. Eve ouvrit les cuisses,
frémissante d'excitation. Dean posa les mains sur ses genoux
et, après lui avoir jeté un dernier regard ardent, recouvrit son
sexe de sa bouche.
Eve poussa un cri, puis un autre lorsque sa langue plongea
en elle pour la lécher, encore et encore.
Sachant qu'il risquait de perdre le contrôle d'une seconde à
l'autre, Dean plaça les jambes d'Eve en appui sur ses épaules.
Du bout des doigts, il écarta doucement les replis de sa chair,
enserra de ses lèvres la perle durcie de son clitoris et le suça
tendrement.
En quelques secondes, elle se mit à jouir et se frotta contre
sa bouche en se tordant d'extase. Ses mains plongèrent dans
ses cheveux quand elle atteignit l'orgasme avec un grand cri,
après quoi elle retomba sur le lit. Elle tremblait encore et sa
peau était douce et moite.
Dean recula et baissa son jean. Eve demeura étendue,
lascive, souriante, comblée. Il eut tout juste assez de
présence d'esprit pour enfiler un préservatif, avant de la
pénétrer en serrant les dents pour résister à l'incroyable
plaisir qui le submergea aussitôt.
La première poussée l'amena au bord de l'orgasme et il la
serra contre son cœur, un peu trop fort, incapable de se
contrôler.
Eve enroula ses jambes autour de lui et les petits bruits
qu'elle émit tout près de son oreille le rendirent fou. Il la
chevaucha sauvagement, presque violemment, parce qu'il
avait envie d'elle depuis trop longtemps, mais elle
accompagna ses mouvements, adoptant parfaitement son
rythme, et tandis qu'il renversait la tête en arrière pour lancer
un feulement de bonheur, elle caressa son torse en le
dévorant des yeux.
Dean se laissa retomber à côté d'elle, les membres encore
palpitants, et sut qu'il voulait recommencer. Tous les soirs et
tous les jours de sa vie. Jamais il ne pourrait se passer d'elle.
Il était presque neuf heures lorsque le téléphone sonna.
Dean regarda Eve ramper sur le lit entièrement nue et
chercher son portable au milieu des vêtements et des draps
éparpillés, avant de le retrouver sous une chaise.
— Allô?
Il était si absorbé par le merveilleux spectacle du corps nu
de la femme qu'il aimait - oui, il aimait Eve, cela s'imposait
comme une évidence - qu'il ne prêta guère attention à sa
conversation.
Quand elle raccrocha, il la regarda s'asseoir au bord du lit,
tout près de lui.
— Dean ?
— Mmm ? répondit-il en tendant la main vers sa poitrine.
— C'était Lorna, dit-elle en fronçant les sourcils.
— Qu'est-ce qu'elle voulait?
Dean croisa son regard et sut ce qu'elle allait lui annoncer
avant même qu'elle ouvre la bouche.
— Roger a appelé et il a demandé à Cam de le rejoindre à
l'hôtel. Elle est déjà partie.
— Elle a fait quoi ? s'exclama-t-il en se redressant.
— Lorna m'a dit que tu avais demandé à Cam de te
prévenir si Roger la contactait, et elle tenait à te mettre au
courant.
Dean cherchait déjà son jean.
— Tu penses qu'elle est en danger? s'enquit-elle en
l'aidant.
— Je ne sais pas.
Où était passé son portable ? Et son portefeuille ?
— Mes clefs ! Je ne trouve plus mes clefs, nom de Dieu!
— Je viens avec toi, déclara Eve, gagnée par sa panique.
Dean posa les mains sur ses épaules.
— Non, Eve. Je préfère que tu te tiennes à distance de
Roger. J'ai un mauvais pressentiment.
— Mais...
— Ne commence pas, Eve, coupa-t-il en sautant dans son
pantalon. Ce n'est pas le moment.
Il enfila sa chemise et ses baskets, et vit qu'Eve elle aussi
se rhabillait.
— Tu ne viens pas avec moi.
— Tu n'as pas d'ordre à me donner.
— Ecoute, Eve... soupira-t-il. D'habitude, je trouve ça
adorable que tu éprouves toujours le besoin de te mêler de
mes affaires...
Eve s'immobilisa et le regarda, incrédule et vexée.
— ... mais là, je ne trouve pas ça adorable du tout.
Tu ne comprends pas que tu vas me retarder, alors que Cam
est peut-être en danger ?
— Si c'est ce que tu crois, appelle la police.
— Pour leur dire quoi ? Que je suspecte son fiancé d'avoir
des intentions louches ? Ne sois pas idiote, je t'en prie !
— Idiote ? répéta-t-elle en se raidissant.
— Bon sang, Eve...
Elle se pencha, ramassa ses clefs et les lui lança.
— Va-t'en, lui dit-elle. Je serai là quand tu reviendras.
Cela ressemblait plus à une menace qu'à une promesse,
mais Dean hocha la tête et se dirigea vers la porte.
— Merci.
Il s'excuserait à son retour. Elle devait déjà avoir compris
qu'il n'avait pas voulu la traiter d'idiote.
Lorsqu'il se gara devant le motel, Dean aperçut
immédiatement Roger. Et Cam et Jacki. Et Gregor qui
essayait de sauter sur Roger... ou plutôt qui faisait comme si.
S'il avait vraiment voulu lui sauter dessus, Cam et Jacki
n'auraient pas pu le retenir.
— Écarte-toi, Gregor, lança-t-il en fonçant droit sur eux.
— Il dit que Jacki doit se faire opérer des seins ! hurla
Gregor.
— Je n'ai jamais dit ça ! riposta Roger. J'ai dit que je
l'aiderais si elle voulait le faire.
Jacki donna une tape à Gregor et le pinça, mais celui-ci
continua à s'approcher de Roger d'une façon menaçante.
— Arrête-les, Dean, implora Cam en se tournant
vers son frère. Fais quelque chose, je t'en supplie !
Dean hocha la tête, saisit Gregor par la nuque et l’ecarta.
Surpris, Gregor bascula en arrière et se retrouva sur les
fesses. Aussitôt, Jacki s'accroupit près de lui pour s'assurer
qu'il ne s'était pas fait mal.
— Où étais-tu passé, Roger? questionna Dean.
— Nulle part, répliqua-t-il en rajustant ses vêtements,
toujours bouillonnant de rage. J'avais besoin de réfléchir et je
suis resté chez moi quelques jours.
— Figure-toi que juste avant ta disparition, quel qu'un m'a
tiré dessus. Tu ne trouves pas que c'est une drôle de
coïncidence ?
— Je ne suis pas d'humeur à écouter tes accusations
ridicules, Dean. Va-t'en.
— N'y compte pas.
— Tu veux régler ça d'homme à homme? répondit Roger
en se plantant devant lui.
— Oui.
Gregor, qui s'était relevé, s'interposa entre eux.
— Attends, Dean... Tu n'as quand même pas envie de le
tuer?
— Non, intervint Cam. Il n'a pas l'intention de faire ça.
Recule, Dean. Quant à toi, ajouta-t-elle à l'intention de
Roger, je t'interdis de te battre avec mon frère.
Roger rumina un instant, puis acquiesça.
— Écoute, Dean, reprit-il. Cam m'a dit ce qui s'est passé et
ce que tu en penses, mais ce n'est pas moi.
— Qui est-ce, alors ?
— Comment veux-tu que je le sache ? riposta Roger. Un
type aussi arrogant que toi ne doit pas manquer d'ennemis,
j'imagine !
— Je t'interdis de voir ma sœur en tête à tête, rétorqua
Dean. Je n'ai pas confiance en toi.
— Je croyais que tu n'étais pas ce genre de grand frère,
Dean, lui fit remarquer Cam.
— Je ne l'étais pas, admit-il en lui jetant un coup d'œil,
mais je le suis devenu.
— Dans ce cas, ça change tout ! déclara Gregor. Fais-lui
sa fête, à cet abruti. Il l'a bien mérité.
Roger laissa échapper un rire rauque.
— Je n'ai pas beaucoup dormi, ces derniers jours, Cam.
Mais Lorna a laissé un message sur mon répondeur pour me
dire que tu voulais me parler d'urgence,
alors j'aimerais bien savoir de quoi il s'agit.
Cam cligna des yeux.
— Mais... Lorna m'a dit que toi, tu avais quelque chose à
me dire.
— C'est vrai. Mais ton frère nous interdit de nous voir en
privé, alors j'aimerais bien savoir ce que tu voulais me dire
parce que, une fois que j'aurai parlé, tu vas me haïr.
— Je ne pourrai jamais te haïr, Roger, assura Cam.
J'espère que tu le sais.
Roger lui tourna le dos et contempla la nuit. Cam posa la
main sur son bras.
— Je t'aime, Roger, dit-elle. Je t'aime vraiment, mais je ne
peux pas me marier avec toi pour l'instant.
— Tu ne pouvais déjà pas l'année dernière. Tu ne peux
pas maintenant, répondit-il en écartant sa main. Tu ne
pourras jamais !
— Je n'ai pas dit ça.
— Elle ne t'épousera pas tant qu'elle te devra de l'argent,
intervint Dean, agacé de les voir tourner autour du pot.
Roger pivota brusquement pour le regarder, avant de
reporter son attention sur Cam.
— Qu'est-ce qu'il raconte ?
Cam baissa la tête, et Dean répondit à sa place.
— Elle ne veut pas d'histoires d'argent entre vous. Du
coup, je me demande pourquoi tu t'obstines tellement à
l'aider sans arrêt et à prêter de l'argent à Lorna.
— Tu prêtes de l'argent à Lorna ? s'enquit Cam en levant
les yeux vers Roger.
- Ne le prends pas mal, ma chérie, mais ta tante est parfois
pénible.
— Et c'est facile de s'en débarrasser en lui glissant
quelques billets, n'est-ce pas, Roger ? laissa tomber Dean
d'un ton méprisant.
— Oui.
— Mais ça n'explique pas ton obstination à aider Cam.
Le regard de Roger passa alternativement de Dean à Cam.
— C'est pourtant facile à comprendre. C'est la seule façon
que j'ai d'être sûr qu'elle continuera à me voir.
— Comme c'est romantique ! railla Gregor.
— Tu vas la boucler, oui? gronda Jacki en lui don nant
une grande tape sur le bras.
— Pas tant qu'il n'aura pas expliqué ce qui lui a pris de
dire que tu dois te faire opérer des seins !
— J'avais remarqué que Jacki en faisait un complexe et je
savais qu'elle ne m'aimait pas tellement. C'était un marché
gagnant gagnant : elle se débarrassait de ses complexes et
j'obtenais sa gratitude au passage.
Cam secoua la tête.
— Je n'en reviens pas. Tu penses vraiment pouvoir acheter
l'affection des gens, Roger ?
— À part Lorna, tous les gens que tu aimes me détestent !
— Je n'ai pas besoin de l'approbation des autres.
— Tu as bien de la chance, Cam. Moi, je me suis dit
qu'être en bons termes avec ceux que tu aimes m'avantagerait
à tes yeux.
— Mais tu es complètement fou, Roger ! Je t'ai dit que je
t'aimais.
— Alors épouse-moi, nom de Dieu !
— D'accord !
Le silence s'abattit sur la petite assemblée.
— Et voilà! soupira finalement Roger en baissant la tête.
Maintenant que ta tante va tout dire à tout le monde, tu
acceptes !
— Dire quoi, Roger? demanda Dean.
— Ça n'a plus d'importance, maintenant. Si je ne vous le
dis pas, Lorna le fera à ma place, alors... Tu te souviens que
je t'ai parlé de tes parents, déclara-t-il en regardant Cam dans
les yeux. Je t'ai dit qu'ils buvaient trop et qu'ils se trompaient
mutuellement.
Dean comprit soudain ce qu'il allait révéler et ferma les
yeux en se traitant d'imbécile. Pourquoi n'avait-il pas deviné
plus tôt ?
— Oui, admit Cam en regardant Roger, les yeux emplis
d'amour.
— Tu es son fils ? ne put s'empêcher de demander Dean.
— Oui, répondit Roger qui fut le seul à comprendre.
— Grover m'avait dit que l'amant de ma mère était marié
et père de famille, et qu'il avait quitté sa famille après la mort
de ma mère.
— C'était un alcoolique et un dépressif, expliqua Roger
d'une voix sans timbre. Je venais d'avoir onze ans. Tes
parents sont morts et ma vie a volé en éclats. Pour vous
aussi, mais vous au moins, vous étiez trois et il vous restait
un oncle et une tante.
— Et toi ? s'enquit Cam d'une voix tremblante.
— Après le départ de mon père, ma mère a pleuré pendant
un mois. Elle était tellement occupée à maudire mon père et
à prier pour qu'il revienne qu'elle ne faisait même pas
attention à moi. Un jour, finalement, elle a laissé tomber.
Quand je suis rentré de l'école, elle était partie aussi, comme
mon père. La seule différence, c'était qu'elle avait laissé un
mot disant qu'elle ne reviendrait pas. Mon père n'avait pas eu
cette délicatesse, conclut-il avec un rire étouffé.
Cam posa la main sur son bras, mais il se dégagea.
— Les gens l'ont découvert, évidemment. Et c'est comme
ça que je me suis retrouvé placé dans une famille d'accueil.
Une première, puis une autre, et encore une autre...
— Je suis désolée, murmura Cam. Je ne savais pas
comment tu avais atterri dans une famille d'accueil.
Roger serra les poings et ses épaules se raidirent.
— J'ai tout perdu, tout ! Je ne voulais pas te perdre, toi !
— Tu ne me perdras pas.
Il eut un rire amer.
— Lorna m'a dit ce que tu penserais de moi. Elle m'a dit
que tu ne supporterais pas la honte de vivre avec moi. Si les
gens de cette ville savaient qui je suis, ils ne parleraient plus
que de ça. Reconnais que je n'ai pas de chance d'être
justement tombé amoureux de toi !
— C'est sans importance, répondit Cam comme s'ils
étaient seuls au monde.
— J'avais l'intention de te le dire. Je me suis isolé
quelques jours pour trouver le courage de le faire. J'ai essayé
de te séduire de toutes les façons possibles et imaginables, et
quand j'ai compris que tu n'accepterais jamais de m'épouser,
je me suis dit que je te devais au moins la vérité.
Gregor balaya l'assemblée du regard d'un air perplexe.
— Si tu avais onze ans quand c'est arrivé, comment se
fait-il que les gens d'ici ne sachent pas qui tu es ?
— Parce qu'on m'a placé dans des familles d'accueil loin
d'ici, dans d'autres comtés. Quand je suis revenu, j'avais
changé de nom et j'étais devenu un homme.
Cam tendit les mains vers lui et, cette fois, Roger ne la
repoussa pas.
— Pourquoi m'as-tu demandé de venir ici pour me
raconter tout ça ? s'enquit-elle, blottie dans ses bras.
— Ce n'est pas moi qui t'ai demandé de venir, répondit
Roger en la serrant contre lui. C'est toi qui voulais me voir.
Cam s'écarta de lui en fronçant les sourcils.
— Mais non, Lorna m'a dit que tu étais ici et que tu
voulais me voir. Excuse-moi de ne pas t'avoir appelé, ajouta-
t-elle en se tournant vers Dean. Nous avons estimé avec
Lorna que ce n'était pas nécessaire. Je savais que Roger ne
pouvait pas avoir fait ça...
— Lorna ! s'exclama Roger en se raidissant.
Dean eut l'impression que son cœur s'arrêtait de battre.
— Elle a appelé Eve pour qu'elle me prévienne que tu
venais ici, Cam.
— Je ne comprends pas. C'est elle qui m'a dit de ne pas
t'appeler.
— Elle a aussi appelé chez moi, déclara Roger. Elle savait
que j'y étais et je pensais qu'elle vous l'avait dit. Je n'ai pas
répondu, mais elle a laissé un message pour me dire que tu
voulais me parler et que tu m'attendrais à l'hôtel.
— Pourquoi a-t-elle fait cela ? s'étonna Jacki.
— Parce que c'est à vous que revient l'argent, s'exclama
Dean qui commençait enfin à y voir clair.
— Oui, approuva Roger. J'ai découvert il y a un certain
temps qu'un important héritage devait vous revenir.
Votre tante a détourné les fonds et les a placés sur un compte
à son nom. Elle ne supporte pas l'idée que Dean mette son
nez dans les comptes qu'elle a été chargée de gérer jusqu'à
votre majorité.
— Mais j'ai vingt-trois ans, s'étonna Cam. Et personne ne
m'a jamais parlé d'héritage.
— Parce que c'est ta tante qui s'occupe de tout depuis des
années. Elle te l'a dissimulé.
— Tu savais tout ça et tu ne l'as jamais dit à Cam?
questionna Jacki en croisant les bras.
— Lorna m'avait menacé de révéler tous mes secrets si je
lui en parlais, répliqua Roger. Je ne voulais pas la perdre.
— Imbécile !
Roger encaissa l'insulte de Jacki sans broncher.
— J'avais l'intention de tout te dire le jour où tu
accepterais de m'épouser, expliqua-t-il à Cam.
— Jacki a raison. Tu aurais dû me le dire.
— Je m'en rends compte, maintenant. Je suis désolé. Je
m'en veux énormément.
— Moi, ce que je me demande, déclara Gregor, c'est
pourquoi la vieille bique vous a tous réunis ici?
— Oh, non ! s'écria Cam en portant la main à ses lèvres.
— Qu'est-ce qui t'arrive ? s'inquiéta Roger.
— Dean... Après ton départ, tante Lorna a cherché à me
convaincre que tu te fichais complètement de Jacki et moi, et
que la seule chose qui te retenait à Harmony, c'était...
— Eve, souffla Dean, avant de se retourner et de courir
jusqu'à sa voiture.
— Tu veux que j'appelle les flics ? lança Gregor dans son
dos.
— Oui, répondit Roger derrière lui.
Dean prit à peine le temps de couper le moteur avant de
sauter de sa voiture pour se précipiter dans la maison.
— Eve ! cria-t-il.
Pas de réponse.
Il ouvrit la porte de la chambre. Vide. Traversa le salon, se
dirigea vers la cuisine et s'immobilisa.
Eve était assise sur une chaise, la tête renversée en arrière
par la traction que Lorna exerçait sur ses cheveux. Un long
couteau de boucher, la lame couverte de sang, pendait au
bout de son bras.