Le clair de lune dansait sur l'eau de la piscine. Une brise
tiède soulevait de fines mèches de cheveux autour de son
visage et caressait les parties de son corps que révélait son
bikini : sa gorge, son ventre et ses cuisses. Jacki prêta
l'oreille au chant des grillons dans le bois voisin. Une
chouette ulula.
Elle entendit également son cœur, que l'agitation et
l'appréhension faisaient battre plus vite. Derrière elle, la
présence virile de Gregor épanouissait ses sens.
— C'est joli ici quand il fait nuit, murmura-t-il.
Jacki ferma brièvement les paupières. Ses muscles
d'acier, ses tatouages voyants et son assurance le rendaient
terriblement dangereux à ses yeux. Fallait-il qu'elle soit folle
pour accepter de se retrouver seule avec un homme pareil !
Comme s'il avait entendu ses pensées, Gregor posa la
main sur son épaule pour l'inciter à se tourner vers lui.
— Tout va bien, princesse ?
— Pourquoi est-ce que ça n'irait pas ?
— Je ne sais pas, mais tu ne dis rien et c'est généralement
mauvais signe quand une femme se tait. Très mauvais signe.
— Pourquoi ? gloussa Jacki.
— Parce que ça veut dire que tu es en train de penser à des
trucs...
Le contact de ses doigts rugueux sur la peau délicate de sa
gorge lui tira un long frisson.
— Tu dois sûrement te demander ee que tu fais ici avec
moi, poursuivit-il, et je préférerais que tu profites du présent,
tout simplement.
De l'audace, se dit Jacki. Fonce, ma fille !
— Et qu'a-t-il donc de si agréable, ce moment ?
s'enquit-elle en lui souriant.
Si profonde soit-elle, la nuit ne parvint pas à masquer la
lueur de désir qui passa dans les yeux de Gregor.
— Ça... répondit-il en se penchant pour effleurer
ses lèvres des siennes.
Ce fut un baiser aussi léger qu'une plume. Prudent. Doux
comme une évidence... et qui ne dura pas plus de trois
secondes.
Gregor émit alors un long gémissement et l'attira contre
son corps puissant, donnant enfin libre cours à ses
sentiments.
En sentant sa chair se plaquer contre la sienne, Jacki eut
l'impression de recevoir une décharge électrique. Quand elle
sentit ses pieds se détacher du sol, elle posa les mains sur ses
épaules et déglutit au contact de ses muscles
impressionnants. Mon Dieu, il était plus viril qu'aucun
homme qu'elle ait jamais connu.
Sa bouche la dévorait, et sa main immense se plaquait sur
ses fesses pour la soulever de façon à frotter son sexe en
érection contre son ventre.
Jacki écarta vivement sa bouche.
— Gregor... Attends !
— D'accord, haleta-t-il. Combien de temps ?
Son gloussement était sans doute à mettre sur le compte de
sa nervosité. D'habitude, Jacki n'était pas le genre de fille à
glousser.
— Je ne sais pas. C'est juste... que je ne m'attendais
pas à ça.
Gregor la reposa lentement sur le carrelage qui entourait la
piscine.
— À quoi ?
— A tout ça, répliqua-t-elle en agitant la main. À me
retrouver ici avec toi et que les choses s'enchaînent aussi
vite.
Tel un animal blessé, Gregor renversa la tête en arrière,
gémit et posa les mains sur son visage.
Elle l'avait mis en colère et il allait la prendre pour une
allumeuse, mais elle n'avait pas voulu que les choses se
passent ainsi. Au départ, elle s'était dit qu'ils sortiraient
ensemble faire un tour lorsqu'il aurait fini de travailler sur le
toit. Puis elle avait réalisé que Lorna devait dîner avec son
amie el que Cam ne rentrerait pas du travail avant minuit, et
elle s'était dit que ce serait bête de sortir alors qu'ils avaient
la maison pour eux tout seuls.
— Il vaut peut-être mieux que tu t'en ailles, déclara-
t-elle en croisant les bras. Je ne supporte pas d'en
tendre un homme se plaindre.
Gregor recula d'un pas, laissa ses bras retomber le long de
son corps, et Jacki le défia du regard d'émettre le moindre
reproche.
— Je suis désolé.
— Comment ? s'exclama-t-elle, ébahie.
— Je suis désolé, princesse. Vraiment.
— Ah oui ?
— Oui, je sais que les femmes n'aiment pas être
bousculées. Elles aiment bien prendre leur temps, tout ça...
— Les femmes ?
Ce qu'il pouvait être balourd, par moments !
— Tu sais, Gregor, il reste peut-être une chance, une toute
petite chance, pour que cette soirée ne soit-pas un fiasco
complet...
— Je t'écoute, dit-il en s'immobilisant.
— Mais je te préviens que si tu recommences à me
comparer aux femmes que tu as connues, c'est la dernière
fois qu'on se parle.
Le silence s'abattit entre eux. Puis, avec une prudence
comique, Gregor se jeta à l'eau.
— Bon, j'ai fait quelque chose qui ne t'a pas plu.
Jusque-là, j'ai compris. Mais est-ce que tu voudrais bien
m'expliquer ce que c'était, pour que je ne recommence plus ?
Il s'approcha d'elle, mais Jacki leva la main. Aussitôt,
Gregor se pétrifia.
— Figure-toi que ça ne me dérange pas qu'on brûle
les étapes, lâcha-t-elle.
Gregor plia les genoux, de façon à amener ses yeux au
niveau des siens.
— Ah bon ?
— Oui. Mais justement, ça me plaît trop, enchaîna-t-elle
en posant machinalement les mains sur son torse. C'est pour
ça que je t'ai demandé d'arrêter.
Gregor plaça ses grandes mains sur celles de Jacki.
— Tu veux bien m'expliquer ça un peu mieux ?
— T'expliquer quoi ? s'impatienta-t-elle. On ferait mieux
de nager, ça te calmerait. On parlera après.
— Ne te fais pas trop d'illusions, princesse. Je suis dans un
tel état que l'Alaska n'arriverait pas à me refroidir.
— Ça ne coûte rien d'essayer ! répliqua-t-elle avant de
piquer une tête dans la piscine.
L'eau se referma sur son corps, caressant des endroits déjà
sensibilisés par les attentions de Gregor. Quand elle refit
surface, il était à côté d'elle, tout sourire.
— Dis donc, gloussa-t-il, tu nages comme une
limace.
Gregor maîtrisait décidément l'art du compliment.
— Viens là, ajouta-t-il.
Dangereux.
— Pourquoi ?
— J'ai envie de te toucher. Très
dangereux.
— D'accord.
À la seconde même où elle le rejoignit, la bouche de
Gregor se referma sur la sienne. Son baiser fut cette fois plus
doux, moins intrusif... mais tout aussi agréable. Un baiser qui
la berçait. Et Jacki réalisa qu'il la portait dans l'eau.
Lorsqu'elle souleva les paupières, elle s'aperçut qu'il les
avait conduits à l'autre bout de la piscine. La longueur de ses
jambes permettait à Gregor d'avoir pied, mais ce n'était pas
son cas.
— Je n'avais pas l'intention de précipiter les choses, tout à
l'heure.
— Ce n'est pas grave.
— C'était stupide de ma part de te comparer aux autres
femmes.
— Je ne te le fais pas dire.
— Tu es complètement différente des autres, c'est évident.
— Hum... Merci.
— C'est bien d'être différent, déclara-t-il en la prenant par
la taille. Je me suis senti soufflé, la première fois que je t'ai
vue.
— Ça t'arrive souvent ? demanda-t-elle en souriant.
— Non, j'ai du coffre. Peut-être pas autant que Dean, mais
j'y travaille.
Jacki s'écarta de lui. Pourquoi fallait-il toujours qu'il ait le
nom de son frère à la bouche ?
— Je n'ai pas envie...
— Moi non plus, l'interrompit-il en l'attirant contre lui. Je
n'ai pas envie de parler de lui.
Elle s'apprêtait à riposter mais il l'embrassa, manifestant
plus de désir que de finesse, et Jacki trouva cela délicieux.
Tout ce qu'il faisait lui plaisait énormément.
Lorsqu'elle passa les bras autour de son cou, il s'enhardit à
glisser les doigts vers ses hanches.
— Ton tatouage m'excite, souffla-t-il contre ses lèvres.
— C'est vrai ?
— Je t'imagine en train de te tortiller quand on te l'a fait, et
ça me fait penser à la façon dont tu te tortilleras quand je
l'embrasserai...
Ô mon Dieu.
— C'est un ornement esthétique, pas un truc sexy.
— Tu es très esthétique, décréta-t-il avant de la noyer sous
une avalanche de baisers. Et très sexy aussi.
— Gregor...
11 jouait avec l'élastique de la culotte de son bikini, il
Jacki trouvait cela à la fois choquant et exquis.
— Dis-moi que tu es prête, gémit-il. Dis-le-moi avant que
j'explose.
Jacki aurait voulu se sauver pour éviter de se retrouver
dans une situation gênante, mais en même temps, die avait
envie d'enrouler ses jambes autour de sa I aille et le supplier
de ne jamais s'arrêter.
Elle se contenta de secouer la tête.
— Non ? s'enquit-il en faisant glisser sa bouche de ses
lèvres à son oreille. Pas encore? insista-t-il, clairement déçu.
Jacki se sentit idiote.
— J'ai envie de toi, Gregor. Vraiment.
— Mais ?
Pourvu qu'il ne se moque pas d'elle.
-— Je suis vierge. Gregor ne rit pas. Il pouffa.
— D'accord, la taquina-t-il en passant une main dans ses
cheveux. Si tu as envie de jouer à ça, je te suis.
Jacki sentit son sang se glacer.
— Jouer ?
— Tant que ça t'excite, dit-il avant de l'embrasser sans
réaliser qu'elle s'était raidie. Je peux t'enlever ta culotte,
maintenant?
Jacki eut envie de hurler.
— Lâche-moi ! ordonna-t-elle cependant d'un ton calme et
glacé.
Gregor obéit, complètement abasourdi. Mortifiée, Jacki
regagna l'échelle aussi vite qu'elle le put et sortit de la
piscine.
— Jacki ? l'entendit-elle appeler.
Elle pivota vers lui en remerciant l'obscurité de dissimuler
ses larmes et le sourire moqueur que ne devait pas manquer
d'afficher Gregor.
— Tu crois vraiment que je mentirais sur un truc aussi
grave ?
Gregor posa les mains à plat sur le rebord de la piscine et
sortit du bassin d'un spectaculaire rétablissement. Jacki
recula mais, en deux bonds, il fut sur elle.
— Je m'en fous, tu sais.
— De quoi ?
— Que tu sois ou que tu ne sois pas, euh... vierge. Jacki
laissa échapper un petit rire méprisant.
— Tu t'en fous tellement que tu n'es même pas fichu de
dire le mot !
— Je viens de le dire ! répliqua-t-il, visiblement mal à
l'aise.
— Mais tu ne me crois pas.
— D'accord, je te crois ! Si tu veux l'être, tu l'es.
— Je ne te demande pas la permission !
— C'est pas vrai... aidez-moi, je deviens fou !
Il s'approcha d'elle, la dominant de toute sa taille, et la
dévisagea d'un air à la fois furieux et contrarié. Désespéré
aussi.
— Qu'est-ce que tu veux, au juste? gronda-t-il.
Jacki n'avait pas de réponse à cela dans l'immédiat,
mais elle savait en revanche ce qu'elle ne voulait pas. Elle ne
voulait pas que Gregor lui parle sur ce ton. Elle détourna la
tête.
— Regarde-toi, railla-t-il. Tu suintes le sexe par tous les
pores de ta peau et tu le sais parfaitement.
— Je suinte ?
— Franchement, tu as déjà vu une vierge coiffée et
maquillée comme toi ?
Jacki serra les dents, et cette fois ce fut elle qui marcha sur
lui.
— Qu'est-ce que tu insinues, là? Que je fais pute, c'est ça
?
— Non ! Pas du tout ! assura-t-il, la prenant par la taille.
Je dis que tu as l'air d'une femme qui sait ce qu'elle veut. Si
ce n'est pas le cas, tant pis. Pas de problème. Pas grave.
— Je vois, ricana Jacki. Tu trouves que ce n'est pas grave
parce que tu te dis qu'il te reste encore une chance de
coucher avec moi.
Gregor leva les mains.
— J'avoue que c'est une partie de la vérité.
— La plus grosse.
— - La plus grosse partie est en train de distendre mon
caleçon, à cause de toi, rétorqua-t-il en se rapprochant. Ça te
dit d'y jeter un coup d'œil ?
Jacki baissa machinalement les yeux... et le regretta
aussitôt.
— Rentre chez toi, Gregor.
— C'est dans le Nevada ! Jacki sentit son cœur se serrer.
— J'ai promis à ton frère que je l'aiderai à refaire la toiture
et je tiendrai parole, ajouta Gregor en ramassant une serviette
qu'il enroula autour de lui. Je suis un homme de parole, moi.
— Et moi, je ne suis pas un homme ! riposta Jacki.
— Prouve-le ! laissa tomber Gregor avant de lui tourner le
dos.
Jacki ne bougea pas d'un pouce jusqu'à ce que la nuit l'ait
complètement englouti, et elle ne bougea pas non plus quand
elle entendit rugir le moteur de sa voiture. Il démarra en
souplesse et ne fit pas crisser ses pneus sur l'asphalte.
Gregor était un gros nul, d'accord, mais quand même pas à
ce point-là.
De toute façon, il était parti.
Jacki ramassa sa serviette et rentra dans la maison. Son
seul réconfort, c'était qu'il avait dit qu'il reviendrait. Mais en
gravissant les marches de l'escalier, dans la grande maison
silencieuse, elle se demanda combien de temps prendraient
encore les réparations. Un jour, deux tout au plus.
Elle avait toujours su qu'elle se ridiculiserait le jour où elle
déciderait de faire le grand saut. Lorsqu'elle se comportait
normalement, les hommes s'imaginaient un tas de choses sur
son compte. Mais elle ne pouvait pas se comporter
autrement, puisque c'était sa vraie nature. Une nature qui lui
jouait bien des tours.
C'est pour ça qu'elle était toujours vierge. Pas pour des
raisons religieuses ou morales. Elle n'avait tout simplement
jamais rencontré un garçon qui méritai! qu'elle se ridiculise
devant lui.
Sauf Gregor. Avec lui, ce n'était pas pareil.
C'est ce qu'elle avait cru, en tout cas, mais apparemment
elle s'était trompée. Ce qui n'avait rien d'étonnant, au fond.
Jacki se mit au lit, mais ne parvint pas à trouver le
sommeil. C'était impossible.
Bon sang, Gregor lui manquait déjà !
En remontant l'allée qui menait chez Eve, Dean
réfléchissait à un certain nombre de choses. Connaissant
Simon comme il le connaissait, celui-ci ne tarderait guère à
pointer son nez. Simon n'avait que deux ans de plus que lui,
mais il menait déjà une vie très rangée, selon les critères de
Dean, et pour lui les choses étaient noires ou blanches.
Jamais grises. Dean partageait ce point de vue avant que
Cam ne surgisse dans sa vie, mais à présent, il nageait dans
le flou le plus absolu. Il changeait d'avis plus vite qu'un
politicien, se laissait guider par ses émotions et entamait une
liaison avec une femme qui n'avait rien de commun avec son
mode de vie.
Une pointe de culpabilité s'insinua en lui quand il frappa à
la porte. Il n'aimait pas cela. La culpabilité ne s'accordait pas
avec sa personnalité.
Mais comment y échapper ?
Il avait contribué à aggraver les incertitudes de Cam en lui
laissant penser qu'il pourrait un jour repartir sans crier gare.
Cam se faisait également du souci à cause du job qu'avait
décroché Jacki et parce que Gregor avait des vues sur elle.
Bien joué, grand frère ! Zéro sur toute la ligne, oui ! À se
demander ce qui retenait Cam de l'envoyer paître.
Impatient, Dean frappa à nouveau et la porte finit par
s'ouvrir. À moitié endormie, Eve lui fit signe d'entrer avant
de s'éloigner. Elle s'était fait une queue-de-cheval qui
commençait à donner des signes de fatigue, il ne portait en
tout et pour tout qu'un maillot de foot Jeux fois trop grand
pour elle.
En tout et pour tout? se demanda Dean. Peut-être une
culotte, quand même? Pas sûr... Pas de short, en tout cas. Ni
de soutien-gorge.
Subjugué, il la regarda regagner le canapé et se laisser
tomber dessus. Lorsqu'elle allongea ses jambes, il eut un bref
aperçu de sa petite culotte... Sexy à damner un saint.
Joli. Très, très joli.
Le son de la télévision l'arracha à sa contemplation
fascinée. Ces bruits mats accompagnés de grognements lui
étaient aussi familiers que 1 elocution survoltée du
commentateur et les acclamations du public. Il se décida
enfin à entrer, un sac en papier à la main, et referma
tranquillement la porte derrière lui en prenant soin de
repousser le verrou.
— Tu regardes des rediffusions de combats du SBC?
— C'est mon frère qui m'a apporté des DVD. Il en a
regardé deux avec moi pour m'expliquer les règles, mais il
vient de partir, répondit-elle sans quitter l'écran des yeux.
— Combien de DVD a-t-il apportés ?
— Un tas, dit-elle en désignant une pile de boîtiers à côté
de la télé. C'est sympa, comme distraction. Tes muscles ont
l'air encore plus gros quand tu te bats. C'est fascinant.
— C'est à cause de la pression sanguine. Les muscles
gonflent toujours pendant un combat.
Eve plaça une main devant ses yeux.
— Ah ! C'est trop affreux ! Je ne peux pas regarder
ça!
Dean sourit. Une seconde plus tard, le public rugit et Eve
écarta sa main.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? Comment tu as fait
pour te retrouver au-dessus de lui ?
— Je t'ai dit que j'étais doué, répondit-il en s'asseyant.
Sur l'écran, l'adversaire de Dean se mit à saigner du nez et
Eve poussa un cri horrifié.
— Ne t'inquiète pas, la rassura-t-il en lui tapotant la
jambe. L'arbitre va mettre lin au combat.
Le contact de sa peau soyeuse lui plut et sa main remonta
spontanément sur sa cuisse. Eve ne prêta pas attention à son
geste, mais il vit ses orteils se recroqueviller.
Arrête, se dit-il, ou tu vas oublier que cette soirée doit
rester chaste.
— Je reviens tout de suite, annonça-t-il en se
levant.
Trop absorbée par le combat, Eve ne répondit pas.
Dans les placards de la cuisine, Dean dénicha un bol. Il
ouvrit le pot de crème glacée que contenait son sac en papier
et en déposa deux grosses cuillerées dans le bol.
Quand il retourna dans le salon, le DVD était terminé et
Eve éteignit l'écran.
— Il y a toujours tout un tas de célébrités, com-menta-t-
elle.
— Dans le public, tu veux dire ?
— Oui. Des stars du cinéma et de la télé, des top models,
des champions.
— C'est un sport populaire, répliqua-t-il en se rasseyant à
côté d'elle, avant de placer le bol sous son nez d'un ample
mouvement du bras. Tiens, c'est pour toi.
Eve recula et fixa le contenu du bol.
— Amaretto Cheese-cake ? murmura-t-elle.
— Oui. Il y en a tout un pot au freezer si tu en veux plus.
— Comment as-tu deviné ? demanda-t-elle sans prendre le
bol.
— Cam m'a révélé ton péché mignon.
— Tu lui as parlé de nous ? s'enquit-elle en levant les
yeux vers lui.
— Oui, je lui ai dit que tu avais tes règles et que ma soirée
allait être gâchée, mais que je ne voulais pas que la tienne le
soit aussi. Alors je lui ai demandé ce qui pourrait te faire
plaisir.
Les yeux d'Eve lancèrent des éclairs.
— C'est malin !
Lui arrachant presque le bol des mains, elle en prit une
généreuse cuillerée.
— Maintenant, ta sœur sait que je couche avec toi alors
que je te connais à peine ! Je n'ose imaginer ce qu'elle pense
de moi !
Dean éclata de rire.
— Mais non, Eve ! Je plaisantais.
— Oh, fit-elle, la bouche pleine.
— Je lui ai simplement dit que j'avais l'intention
d'apporter de quoi dîner et elle m'a conseillé d'apporter plutôt
de la glace.
— Elle me connaît par cœur, admit-elle en plongeant sa
cuiller dans le bol. De toute façon, elle a sûrement deviné
qu'on couche ensemble. Je n'ai jamais rien pu lui cacher.
Mmm... ajouta-t-elle en fermant les yeux. Merci, Dean, c'est
exactement ce dont j'avais besoin.
L'expression de son visage, tandis qu'elle savourait sa
glace, emplit Dean de satisfaction.
— Je suis content que ça te plaise, souffla-t-il tendrement.
Elle lui proposa la bouchée suivante, mais il secoua la
tête.
— Non, merci.
— Tu ne sais pas ce que tu manques.
Si, Dean le savait. Mais pour Eve, il était prêt à ce
sacrifice. Il cala les pieds de la jeune femme sur ses genoux
et examina ses orteils. Elle avait les pieds étroits, joliment
cambrés, doux et lisses. Pour avoir des ongles aussi
parfaitement vernis, elle devait aller régulièrement chez la
pédicure.
Eve Lavon était un animal de luxe.
Dean avait remarqué son goût pour les vêtements chics et
ne lui avait jamais vu deux fois la même paire de chaussures.
Qu'elle s'habille ou qu'elle adopte une tenue négligée, tout
était toujours parfaitement coordonné. Depuis ses boucles
d'oreilles jusqu'à son rouge à lèvres, en passant par sa
coiffure et son parfum. Même quand elle traînait sur son
canapé en maillot de foot, sa culotte en dentelle était assortie
au rouge du maillot.
Elle vida le bol de glace en un rien de temps, et Dean
proposa de la resservir.
— Pas tout de suite. Plus tard, peut-être.
Comme il la sentait tendue, il lui massa la plante des pieds et
les chevilles, en insistant bien sur les tendons. Elle laissa
aller sa tête contre l'accoudoir avec un gémissement de
gratitude et ferma les yeux.
— Tu vas faire de moi une affreuse hédoniste. Y a-t-il un
seul domaine dans lequel tu ne sois pas doué? s'enquit-elle
en rouvrant vin œil.
Dean enfonça les pouces dans sa voûte plantaire et regarda
ses orteils se recroqueviller à nouveau.
— Probablement des tas.
— Lesquels ?
— Je crois que je ne suis pas très doué pour les rapports
fraternels, par exemple.
Eve ouvrit les paupières et se redressa.
— Ah bon ? Pourquoi ?
— Mes sœurs sont très différentes de ce que j'avais
imaginé.
— Tu ne t'attendais pas à ce qu'elles soient aussi gentilles
?
Non, il ne s'y était pas attendu. Il s'était imaginé que ses
sœurs seraient égoïstes et imbues d'elles-mêmes, comme si
elles avaient été responsables de tout ce qui lui avait été
arraché quand il avait huit ans. Il s'était attendu à rencontrer
deux jeunes femmes choyées et privilégiées qu'il trouverait
inintéressantes.
Alors qu'elles étaient douces, gentilles et affectueuses.
Adorables, pour tout dire. Des sœurs de rêve.
Mais Dean, qui n'était guère enclin aux élans lyriques,
garda ses pensées pour lui.
— Je vais acheter une voiture à Jacki, annonça-t-il
sobrement.