Cam regarda Dean dévorer à belles dents. L'épouvantable
silence qui régnait à table ne lui coupait visiblement pas
l'appétit. Il avait déjà englouti un plat de pâtes et deux blancs
de poulet accompagnés de salade et de gressins, alors qu'elle
avait à peine touché à sa salade. Elle enviait son assurance et
sa désinvolture.
Son indépendance.
Son frère était extraordinaire, et elle se sentait fière de lui.
Il ne se laissait jamais déstabiliser. En acceptant son
invitation, il avait pénétré de plain-pied dans un monde dont
il ignorait tout et son attitude avait été remarquable.
Cam, elle, avait tendance à parler pour ne rien dire, à
s'agiter inutilement et perdait facilement son calme. Elle
avait tant de choses à lui dire, mais comment s'y serait-elle
prise quand la seule chose qu'elle souhaitait vraiment, c'était
le serrer dans ses bras et lui dire qu'il lui avait affreusement
manqué, alors même qu'elle ignorait jusqu'à son existence ?
Au fond, elle avait envie de s'en remettre entièrement à lui.
Elle n'avait que lui au monde.
Mais elle ne pouvait pas faire ça. Dean n'avait rien
demandé de tel. On l'avait honteusement trompé. On l'avait
chassé de chez lui.
— Je vais commander un tiramisu, annonça-t-il en posant
sa fourchette et en croisant les mains sur son ventre plat.
J'adore ça, et puis c'est une soirée exceptionnelle, non ? Je
peux bien me le permettre. Jacki, un petit dessert ?
À la grande surprise de Cam, sa sœur hocha la tête.
— Le zabaglione me fait complètement craquer, mais je
fais généralement une croix dessus parce que c'est trop cher.
— C'est dans mes moyens, lui assura-t-il avec un bon
sourire.
— Si c'est toi qui paies, je me laisse faire !
— Je t'autorise à t'en mettre jusque-là, dit-il avec un clin
d'œil avant de pivoter vers Lorna. Et toi, Lorna, ça te tente,
une petite douceur ?
— Non, merci.
— On surveille sa ligne ?
Lorna parut sur le point de lui sauter à la gorge, et Cam
donna un léger coup de pied sous la table à son frère.
— Tu fais cela pour attirer mon attention? demanda-t-il.
— Oui, répondit Cam en rougissant. Nous devons encore
discuter de certaines choses, et ce n'est pas le moment
d'asticoter tante Lorna.
— Ça ne te dérange pas si je vais droit au but ?
— Pas du tout, je t'écoute.
— Je ne veux pas de votre maison. Faites-en ce que vous
voulez, je m'en fiche. Je ne veux rien de ce qu'elle contient.
Trie tout, vends ce que tu peux et jette le reste à la poubelle.
— Au moins, c'est clair, commenta Jacki.
— Les souvenirs ne font que remplir inutilement les
placards.
— Peut-être, mais je prends ta part ! déclara Jacki.
Cam foudroya sa sœur du regard.
— Ben quoi ? enchaîna celle-ci. Ne me dis pas que tu
auras le courage de jeter quoi que ce soit...
— Ça ne ferait que m'encombrer, poursuivit Dean sans
prêter attention à Jacki. Je me déplace beaucoup et j'aime
voyager léger. Crois-moi, je ne veux rien du passé ni du
présent. Le chapitre est clos. Bien, maintenant que l'affaire
est réglée, tu es sûre que tu ne veux pas de dessert, Cam ?
— Allez, Cam, dit Jacki en lui donnant un coup de coude.
Laisse-toi tenter.
Cam déclina l'offre. Elle n'aurait pas pu avaler une
bouchée.
— Non, merci. Je prendrai juste un café.
Alors que le serveur s'éloignait de leur table après avoir
pris la commande, Dean leva les yeux et son regard se figea.
Cam se retourna pour voir ce qui retenait son attention et
aperçut Eve en compagnie d'un homme. Assis au bar, leurs
épaules se touchaient et ils parlaient avec animation.
Le masque imperturbable de Dean s'était envolé. Il avait
l'air... Comment Cam aurait-elle pu décrire son expression ?
Mécontent. D'un autre côté, elle ne l'avait pas vu afficher
beaucoup d'expressions. Distant, poli, amusé, vaguement
méfiant de temps à autre, mais jamais d'émotion excessive.
— C'est probablement un de ses clients, lui souffla Cam.
Dean plissa les paupières, mais continua de les observer,
et lorsque Cam se retourna à nouveau, elle vit Eve se raidir
sur son siège, puis pivoter lentement vers leur table. Son
regard se riva aussitôt à celui de Dean et, malgré la distance
qui les séparait, Cam eut l'impression de voir scintiller entre
eux un flot d'étincelles.
Les secondes passèrent et ils ne se quittaient toujours pas
des yeux. Cam n'avait jamais vu sa meilleure amie tomber
amoureuse d'un homme aussi rapidement. Eve était très
indépendante. Elle ne s'entichait de personne et demeurait
insensible aux tentatives de séduction. Elle ne craignait
jamais de dire tout haut ce qu'elle pensait, et méprisait
ouvertement tout ce qui s'apparentait à des manœuvres
d'approche éculées ou à de la flatterie polie.
Cam la vit pourtant clairement rougir.
Eve se retourna pour dire quelque chose à son compagnon.
Ils échangèrent des sourires et une poignée de main, scellant
visiblement un contrat, puis l'homme quitta le restaurant. Eve
le regarda partir, vida son verre et descendit de son tabouret.
Vêtue d'un chemiser de satin blanc et d'une jupe noire, elle
s'approcha de leur table sur ses très hauts talons. Dean ne
cilla pas. Il suivait attentivement ses pas. Juste avant qu'elle
arrive à leur table, il recula sa chaise et se leva.
Ils s'observèrent en silence.
— Salut, Eve, dit Cam. Je ne savais pas que tu serais là ce
soir.
— J'avais rendez-vous avec un client, répondit-elle sans
détacher le regard de Dean. C'est sympa, ajoutât-elle en
promenant finalement les yeux sur les personnes présentes,
vous dînez en famille. Dommage, je n'ai pas pris mon
appareil photo.
Jacki ricana.
— Joins-toi donc à nous, proposa Cam en lançant un coup
d'oeil à Dean.
— Elle est attendue, l'informa celui-ci.
— Oui, confirma Eve avec un petit sourire. Je dîne avec
mes parents. Je passais juste vous faire un petit coucou.
— Coucou, murmura Dean en couvant Eve d'un regard
lourd de convoitise.
— Coucou, répliqua-t-elle en rougissant.
— Mets un bémol, Dean, dit Jacki en plaçant son menton
en appui sur sa main. Je suis trop jeune pour voir ça.
Lorna lui frappa la main avec sa serviette.
— Un peu de tenue, jeune fille ! Quel manque de
manières !
— Moi ? Mais c'est Dean qui emballe Eve alors qu'on est
à table ! C'est lui que tu devrais frapper avec ta serviette !
— Fais-moi confiance, Jacki, je ne suis pas de celles qu'on
emballe, rectifia Eve avec un petit sourire. Mais je ne suis
pas en avance, il faut que je me sauve. Amusez-vous bien !
Elle s'apprêtait à partir, mais Dean la retint par la main et
planta un rapide baiser sur ses lèvres.
— À tout à l'heure, souffla-t-il.
— Oui, répondit Eve, de plus en plus rougissante. À tout à
l'heure.
Elle était encore à portée d'oreilles lorsque Lorna lâcha
son commentaire.
— Toujours aussi vulgaire !
— Moi j'ai trouvé ça très instructif, rétorqua Jacki pendant
que son frère se rasseyait.
— Elle devait avoir bu pour se comporter ainsi en public,
poursuivit Lorna. Eve a une très mauvaise influence sur vous
deux.
— Ce n'est pas la première fois que tu le dis, remarqua
Cam.
Sa tante ne supportait pas qu'elles fréquentent quiconque
qu'elle n'ait pas d'abord choisi. Eve était effectivement
différente. Elle était libre, et c'est justement pour ça que Cam
l'aimait tant.
— Ce n'est plus une petite fille, observa Dean. Quel âge a-
t-elle ? Une vingtaine d'années ?
— Vingt-cinq ans, lui apprit Cam. Heureusement, sinon
les pensées que tu as en ce moment feraient de toi un pervers
!
Lorna laissa tomber sa serviette dans son assiette,
visiblement excédée.
— Je ne tolérerai pas cela une minute de plus. Vous êtes
de plus en plus dévergondées, ces temps-ci !
— Quoi? s'écria Jacki. Qu'est-ce que j'ai fait, cette fois ?
— Voyons, Jacki, lui dit Dean avec un sourire malicieux,
tu sais bien que tu es trop jeune pour deviner mes pensées.
— Voilà les desserts ! annonça Cam, manifestement ravie
de cette diversion.
Jacki rendit son sourire à Dean.
— Ça fait longtemps que tu as ton tatouage ? lui demanda-
t-elle.
— Je devais avoir quatorze ans quand je l'ai fait faire.
— Quatorze ans ! s'exclama Cam. Je croyais que c'était
interdit aux mineurs.
— Pas en Thaïlande.
Cam en resta bouche bée.
— Je t'ai dit que Grover m'avait fait voyager, lui rappela-t-
il.
— Oui, mais... la Thaïlande! C'est tellement exotique !
— Grover était contremaître d'une société qui recevait des
commandes du gouvernement. Il supervisait des chantiers
aux quatre coins du monde.
— Et il te traînait avec lui n'importe où ? s'enquit Lorna
d'un ton pincé. Ça ne m'étonne pas de lui, tiens !
— Normal.
Ce simple mot, à peine murmuré, trancha l'air aussi
nettement qu'une lame de rasoir. Dean dévisageait Lorna
sans chercher à dissimuler sa fureur.
— Plaît-il?
— Tu peux insinuer ce que tu veux, Lorna. Me parler d'un
ton condescendant et manifester ouvertement le mépris que
je t'inspire. Ça m'est parfaitement égal, et j'imagine que tu ne
peux pas t'en empêcher. Tu te montres telle que tu es, voilà
tout. Mais je t'interdis de salir la mémoire de Grover. Si tu as
envie de parler de lui, fais-le toujours avec le plus profond
respect.
Lorna serra les poings sur sa tasse.
— Tu n'as pas d'ordre à me donner ! Grover était mon
frère et je...
Dean se leva d'un seul coup, ce qui fit sursauter tout le
monde, plaqua les mains sur la table et se pencha au-dessus
de Lorna en la dévisageant intensément.
— Tu l'as renié comme tu l'as fait avec moi, et à ta place,
je n'insisterais pas.
— Que feras-tu sinon? demanda Lorna en s'efforçant du
mieux qu'elle pouvait de surmonter sa surprise.
Dean la gratifia d'un sourire lourd de promesses
déplaisantes.
— Je pourrais leur révéler certaines choses plus tôt que je
n'en avais l'intention.
— Parce que tu as de toute façon l'intention de leur en
parler?
— Elles ont le droit de savoir.
— De quoi parlez-vous ? s'enquit nerveusement Cam.
Lorna pinça les lèvres et jeta un coup d'œil coupable en
direction des deux sœurs. Cette réponse surfit à Cam. Que
pouvait-il bien avoir à leur révéler? Quelque chose d'assez
grave pour clouer le bec à sa tante...
Contrairement à ses habitudes, Jacki intervint avec tact.
— Tu t'es donc fait faire ce tatouage en Thaïlande.
C'est cool. Qu'est-ce qu'il représente ?
Plusieurs secondes s'écoulèrent avec la précision d'une
bombe à retardement. Cam retint son souffle et son regard
passa alternativement de Dean à Lorna. Finalement, Dean se
rassit, aussi rigide qu'un bloc de glace.
— Des roses, répondit-il en plongeant sa cuiller dans son
tiramisu.
— Relève ta manche, exigea Jacki. Je veux le voir en
entier.
Il hésita.
— Moi aussi, dit Cam. Fais voir, Dean !
Dean releva sa manche droite et la cala sur son épaule
dure comme de la pierre. Un rosier à trois branches. Deux
tiges graciles ornées de boutons de rose, une troisième plus
épaisse et bardée d'épines, s'enroulaient sur la saillie de son
biceps. Dean posa son coude sur la table pour faire
davantage ressortir ses muscles.
— J'étais jeune et bête, déclara-t-il.
— Les couleurs sont superbes, s'extasia Cam. A-t-il une
signification particulière ?
Dean pâlit légèrement, mais se ressaisit aussitôt.
— Non, c'est juste un souvenir de jeunesse. Et toi, Jacki,
fais-nous voir le tien.
Jacki ne se le fit pas dire deux fois. Elle se leva, contourna
la table et se plaça à côté de Dean, la hanche pointée vers lui.
— C'est une rose qui recouvre un motif tribal. Cool, non?
— Très joli, approuva Dean en relevant les yeux vers elle.
Allez, je t'écoute. Tu brûles d'envie de nous expliquer sa
signification.
Jacki retourna s'asseoir en gloussant.
— Je me disais que ça représente la perte de mon
innocence. Pas de panique, tante Lorna, je ne fais pas
allusion à ma virginité !
Au bord de l'apoplexie, celle-ci recula sa chaise.
— Veuillez m'excuser, coassa-t-elle. J'espère que cette
conversation absurde aura cessé quand je reviendrai.
— Prends tout ton temps ! lança Jacki dans son dos.
Exceptionnellement, Cam ne dit rien, ravie de profiter d'un
moment de calme. Dean gloussait dans sa barbe.
— Tu es vraiment une sale gosse, Jacki.
— Elle est tout le temps comme ça, commenta Cam,
amusée.
— Tu parlais de la perte de ton innocence, reprit Dean en
croisant les bras sur la table.
— Oui, répondit Jacki. Vous savez, cette sensation qu'on a
quand on a l'impression que la vie n'est pas comme elle
devrait être.
— Non, je ne vois pas, répliqua Dean. Comment devrait-
elle être, d'après toi ?
— Je ne sais pas... Plus amusante, peut-être. Plus paisible,
aussi. Avec moins de mauvaises surprises.
Cam, profondément troublée, leva sa tasse de café pour
porter un toast, histoire de détendre l'atmosphère.
— Eh bien, moi, je lève ma tasse aux surprises ! La vie
serait épouvantablement ennuyeuse sans elles !
Dean hésita un instant, puis se joignit à elle.
— Aux bonnes surprises.
— Comme un frère perdu de vue depuis toujours !
renchérit Jacki en trinquant avec eux.
— Je vois que tout le monde a terminé, retentit la voix de
Lorna derrière eux. Tant mieux car je suis prête à rentrer,
précisa-t-elle en sortant son foulard de son sac.
Cam n'avait pas envie que la soirée s'achève aussi vite,
mais Dean s'était déjà levé. La panique la saisit. Quand le
reverrait-elle ? Combien de temps resterait-il en ville ?
— Je vais être occupé les deux prochains jours, dit-il
en reculant sa chaise. Mais j'ai ton numéro, je t'appellerai.
Il ne proposa pas de lui donner le sien et Cam n'osa pas le
lui demander.
— J'aimerais avoir l'occasion de te connaître un peu
mieux... se contenta-t-elle de lui répondre sur un mode
interrogatif.
À sa grande surprise, Dean lui souleva brièvement le
menton.
— Je ne suis pas encore parti.
— Heureusement, parce que j'ai hâte de tester ta
nouvelle voiture, lança Jacki en lui décochant un clin
d'œil. Il faut bien qu'il y ait des avantages à avoir un frère,
non ?
— Des avantages... et des inconvénients, précisa Dean
en regardant ostensiblement Lorna.
Sous une pluie battante, Dean se dépêcha de parcourir
les quelques mètres qui séparaient sa voiture de la maison
d'Eve. Pas uniquement à cause de la pluie, mais parce qu'il
avait hâte de la retrouver. Il avait tout juste eu le temps de
raccompagner sa tante et ses sœurs avant que l'orage
éclate. Le tonnerre, les éclairs et un vent violent
s'ajoutaient à la pluie. Dean aimait les orages - furieux et si
turbulents qu'il pouvait les sentir au plus profond de lui-
même.
Il frappa à la porte. Coucher avec Eve lui permettrait
d'oublier les émotions contradictoires qui avaient surgi en
lui au cours de cet épouvantable dîner de famille. Eve
ouvrit et Dean s'engouffra aussitôt chez elle pour la serrer
dans ses bras et l'embrasser à pleine bouche.
C'était doux.
Ardent aussi.
Une combinaison qui garantissait une ignition rapide.
Derrière lui, le tonnerre gronda si fort qu'il sentit le sol vibrer
sous ses pieds. Eve sursauta, mais il affermit son étreinte et
leur baiser s'intensifia.
Le rituel des préliminaires allait être un calvaire. Il avait
envie de lui arracher ses vêtements et de la posséder, là, par
terre. Ce n'était pas une mauvaise idée, d'ailleurs. Trouver la
chambre réclamerait trop de temps. Il posa une main sur ses
fesses pour la plaquer fermement contre son corps. Eve en
profita pour libérer sa bouche.
— Dean...
Il s'écarta de façon à créer un minuscule espace entre eux.
— On parlera plus tard.
— Mais, plus tard, on sera partis et j'ai hâte de faire
connaissance avec vous, s'éleva une voix masculine dans le
dos d'Eve.
Dean se figea et eut l'impression que son cœur cessait de
battre. Eve gémit et enfouit son visage contre son torse.
Dean leva lentement les yeux et découvrit un homme qui
avait facilement vingt ans de plus que lui. Un homme qui
ressemblait étrangement à Eve... comme un père, par
exemple.
À côté de lui, se tenait une femme et un grand jeune
homme... qui ressemblait à Eve comme un frère. Tous trois
le regardaient en souriant.
— Ta famille ? chuchota-t-il à l'oreille d'Eve sans la
lâcher.
Mortifiée, elle hocha la tête.
— J'arrive trop tôt ?
Elle s'écarta de lui et se retourna pour leur faire face, les
poings sur les hanches.
— Je leur ai demandé de partir, mais ils n'ont rien voulu
savoir!
— C'est vrai, confirma le jeune homme.
— Elle a même insisté, précisa la femme.
— De vraies mules, conclut inutilement Eve. Je suis
vraiment désolée, ajouta-t-elle à l'intention de Dean.
Elle semblait plus agacée que gênée. Dean s'avança vers
eux, la main tendue.
— Dean Conor.
— Plus connu sous le nom du Ravageur, répondit le plus
âgé des deux hommes en lui serrant vigoureusement la main.
Mon fils et moi sommes vos fans. C'est un immense plaisir
de faire votre connaissance.
Alors qu'il venait pratiquement d'assaillir sa fille sous ses
yeux ? Dean ne savait plus où se mettre. Il n'avait pas
l'habitude de rencontrer les parents des filles avec lesquelles
il sortait. Il jeta un coup d'œil à Eve, mais elle était trop
occupée à fusiller sa famille du regard pour se soucier de lui.
Elle avait troqué son chemisier de satin et sa jupe contre
une robe d'été. Des bretelles spaghettis maintenaient le
bustier moulant en place, et la jupe s'arrêtait juste au-dessus
des genoux. Pas de chaussures, pas de soutien-gorge. Deux
cercles humides s'étalaient sur ses seins, là où son corps
s'était plaqué contre son T-shirt mouillé.
Dean s'empressa de reporter son attention sur le père.
— Merci, je suis également ravi de vous rencontrer,
mentit-il.
La femme, aussi petite qu'Eve, tendit la main.
— Étant donné que ma fille s'emploie à nous jeter des
sorts et que mon mari est trop troublé pour se charger des
présentations, je m'en charge. Je suis Crys-tal, la maman
d'Eve. Ted, mon mari et Mark, notre fils. On se tutoie ?
— Ravi, répliqua machinalement Dean en se demandant si
Eve était vraiment capable de leur jeter un sort.
Si elle savait faire ça, il espérait que ce serait efficace. Et
surtout très rapide.
— Nous avons conscience d'abuser de la situation,
poursuivit Crystal, mais ces messieurs sont des fans du SBC
et il a suffi qu'Eve glisse ton nom...
— Maman.
— Bref, ils ont refusé de partir avant de t'avoir vu. J'espère
que tu aimes assez Eve pour les excuser, parce qu'ils ne sont
pas près de te lâcher !
Personne ne s'avisait donc de lui reprocher son arrivée
fracassante et son comportement pour le moins cavalier vis-
à-vis d'Eve ? Dean réprima un grognement et maintint son
sourire en place. Il était venu la voir pour se changer les
idées, au terme d'un repas de famille particulièrement
houleux, et il se retrouvait piégé au sein d'une autre famille.
Il se serait peut-être senti moins mal à l'aise s'il avait su à
quoi ressemble la vie de famille, mais grandir avec son oncle
ne l'avait pas préparé à cela.
— Pas de problème.
S'il suffisait de bavarder un peu avec eux pour qu'ils
déguerpissent, Dean était prêt à leur dire tout ce qu'ils
voulaient savoir.
Mark, qui semblait avoir à peu près le même âge que
Jacki, ouvrit le feu.
— Quand aura lieu ton prochain combat ?