Jacki battit des cils enduits d'une couche épaisse de
mascara.
---Tu déconnes?
---Surveille un peu ton langage, la gronda Cam.
---Ou'est-ce que j'ai dit ?
---J'ai déjà entendu pire, intervint Dean avec un ri .nul
sourire. Tu t'es couchée tard, Jacki? demanda-t-il en
regardant sa montre.
Jacki pinça les lèvres, passa Dean au scanner de ses MMix
charbonneux, puis se dirigea vers la cafetière i m n me si un
frère perdu de vue depuis longtemps n'avait rien
d'exceptionnel.
Une soirée d'enfer. J'ai l'impression que ma tête va
exploser. Il n'y a plus de café, Cam?
- Assieds-toi avant de t'écrouler, je vais t'en faire. Dean
observa sans broncher la dynamique régissant les rapports
entre les deux sœurs. Il était clair que Cam maternait Jacki, et
que celle-ci se laissait faire.
Jacki s'affala sur une chaise et, au terme d'un bâillement
remarquablement inélégant qui révéla ses amygdales, pivota
vers Dean et lui sourit.
— Tante Lorna va nous chier la pendule du siècle !
— Jacki, la morigéna Cam sans prendre la peine de se
retourner. Je lui expliquerai. Tu n'as pas à t'en soucier.
— Ah ouais ? Et qu'est-ce que tu vas lui raconter ? s'enquit
Jacki en se tassant un peu plus sur sa chaise.
Elle risque de se demander ce qui nous vaut le retour de
l'enfant prodigue, tu ne crois pas ? J'imagine que c'est toi
qui lui as demandé de venir ?
— Oui.
— Évidemment ! Et tu as visiblement accepté son
invitation, ajouta-t-elle en se tournant vers Dean. Ce que
j'aimerais bien savoir, c'est pourquoi ? Est-ce qu'on est
subitement devenues riches et personne ne m'ai rien dit?
Cam s'immobilisa.
Eve elle-même parut choquée par cette déclaration
intempestive. Elle avait l'habitude des provocations de
Jacki, mais celle-ci était particulièrement grossière.
Dean, lui, ne cilla pas.
— Prodigue ? se contenta-t-il de relever tranquillement.
Pas vraiment, non.
— Mais toi, tu es riche ? insista Jacki en haussant les
sourcils.
— Pourquoi ? Tu veux qu'on compare nos comptes en
banque ? rétorqua-t-il en balayant du regard l'équipement
électroménager vieillissant et le papier peint jauni de la
cuisine. Mon petit doigt me dit que c'est le mien le plus gros
!
Ah ouais ? C'est génial, alors ! J'ai un frère plein aux
as,! N'empêche, qu'est-ce que tu fais ici? Tante Lorna a
toujours dit qu'on ne devait pas se voir.
— Est-ce qu'elle t'a dit pourquoi ? s'enquit Dean avec un
léger pincement au cœur.
— Ouais, répondit-elle avant de prendre une voix de
vieille femme. « Les hommes ne sont que des propres-à-
rien, on ne peut jamais compter sur eux. »
— Ça suffit, Jacki ! trancha Cam qui avait terminé de;
préparer le café. Tu peux rentrer tes griffes, maintenant.
— Tu ne trouves pas que je l'imite bien ? répliqua sa sœur
avec un grand sourire.
Eve s'apprêtait à approuver, mais Cam la devança.
— Pas du tout. Tu as l'air d'une gamine mal élevée,
et j'apprécierais que tu arrêtes ton cirque.
Oui, maman.
Dean éclata de rire.
Eve fut soulagée par sa réaction, mais Jacki parut surprise.
---Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? lança-t-elle en posant
les coudes sur la table. Je me demande si j'ai envie de le
savoir, en fait...
---Disons que tu pousses le bouchon un peu loin.
Eve nota le sourire et le regard chaleureux de Dean. 11
était vraiment séduisant à plus d'un titre.
Si
tu
ne
fais
pas
attention,
poursuivit-il
inconsidérément, tes frêles épaules risquent de se briser sous
le poids du rôle que tu essaies d'incarner.
Sans le savoir, Dean venait de poser le doigt sur l'un les
plus gros complexes de Jacki : sa maigreur. Eve .attendit le
feu d'artifice... qui ne tarda guère.
— Je ne vais pas prendre de café, finalement, décréta Jacki
en se levant. Je vais plutôt prendre une douche et m'habiller.
Elle hocha la tête à l'intention de Dean et fit une profonde
révérence à sa sœur.
— Je pensais qu'on allait faire connaissance tous
ensemble, objecta Cam en se raidissant.
— Je dois sortir avec des copains, lâcha Jacki avant île
quitter la pièce.
— Je suis désolée, Dean, s'empressa de l'excuser Cam.
Jacki n'est vraiment pas du matin.
— Elle a surtout la gueule de bois. C'est un truc qui met
tout le monde de mauvaise humeur.
— Jacki ne boit jamais d'alcool.
Bien qu'il fût évident que sa sœur avait bu plus que de
raison la veille, Dean préféra ne pas insister.
— Si tu veux bien m'excuser, je vais... déclara Cam,
laissant sa phrase en suspens pour s'élancer à la poursuite de
sa cadette.
— Bravo, le félicita Eve d'un ton aigre une fois que Cam
eut disparu. Tu as vraiment le chic pour mettre les pieds dans
le plat ! Immobilier, problèmes de poids el d'alcool... Tu as
abordé d'entrée de jeu les problèmes les plus cuisants de la
famille Conor.
Le regard de Dean se chargea d'une intensité qu'elle n'y
avait jamais lue. Il quitta sa chaise et contourna la table pour
s'approcher d'elle. Eve sentit son cœur se bloquer dans sa
gorge.
— Qu'est-ce que tu fais ?
Dean posa une main sur la table et l'autre sur le dossier de
sa chaise, l'emprisonnant entre ses bras.
— Je vais t'embrasser.
Il avait dit cela d'une voix profonde et grave, qui la fit
frissonner.
— Ce n'est pas une bonne idée.
— C'est une excellente idée et tu le sais très bien,
murmura-t-il, les yeux rivés sur ses lèvres. Tu l'as dit toi-
même. Le courant est tout de suite passé entre nous, hier
soir.
— Hier soir, je ne savais pas que tu étais le frère de...
La bouche de Dean emprisonna ses lèvres, l'empêchant
d'achever sa phrase. Il embrassait divinement bien, et Eve se
laissa submerger par le plaisir de ce baiser volé. Quand la
langue de Dean effleura ses lèvres, la sienne alla aussitôt à sa
rencontre. Elle sentit un gémissement s'élever dans sa gorge,
et il s'écarta juste assez pour l'inspecter de ses beaux yeux
dorés.
— A ta place, je ne commencerais pas quelque chose que
je ne suis pas sûr de terminer, le mit-elle en garde.
— Fais-moi confiance, ma belle, j'irai jusqu'au bout,
assura-t-il d'un ton sans réplique.
Eve s'éclaircit la gorge et le repoussa lorsqu'il voulut
l'embrasser à nouveau.
— Je t'en crois capable, mais je dois bientôt partir. J'ai
rendez-vous avec un client.
— Dîne avec moi ce soir.
— Impossible, affirma-t-elle en secouant la tête. Tu viens
juste de retrouver tes sœurs et elles voudront sûrement...
— Moi, c'est toi que je veux.
Il n'y allait pas par quatre chemins.
Réfléchis, Dean. Imagine que Cam soit déjà en train de
faire des projets de son côté. Je suis sa meilleure .unie, je ne
peux pas m'interposer.
Je resterai avec elle jusqu'à l'heure du dîner.
Elle aussi, elle doit travailler. Écoute, ajouta-t-elle en
voyant qu'il n'avait pas l'intention d'abandonner, je dois dîner
avec mes parents, mais après...
Sa phrase demeura en suspens quand il passa la main
autour de son cou, et Eve sentit le bout de ses doigts effleurer
sa nuque.
— Donne-moi l'heure et l'adresse, répondit-il en
approchant ses lèvres des siennes. J'y serai.
— Huit heures ? proposa Eve en se demandant si elle
parviendrait à tenir jusque-là.
Dean acquiesça d'un bref hochement de tête et, avant
qu'elle ait eu le temps de comprendre comment, Eve se
retrouva subitement debout, pressée contre son i oips ferme.
La main de Dean n'avait pas quitté sa nuque, mais l'autre
enveloppait à présent ses fesses et li plaquait contre lui.
— Tu as des fesses splendides.
Il pressa son bassin contre son bas-ventre et elle retint son
souffle. Le corps de Dean était tout en muscles, brûlant de
désir, et il maîtrisait parfaitement la force. Chaque
centimètre carré de ce corps promettait une fin de soirée
délicieuse.
Elle était sur le point de gémir, mais il ne lui en laissa pas
le temps. Sans avoir déployé le moindre effort pour cela, elle
atterrit subitement sur sa chaise, abasourdie. Dean était assis
en face d'elle et donnait l'impression de s'ennuyer ferme.
Qu est-ce qui s'était passé?
Cam entra dans la pièce. Elle ouvrit la bouche pour dire
quelque chose, mais lorsque son regard se posa sur Eve, elle
la referma. S'immobilisant au milieu de la cuisine, elle les
couva d'un œil suspicieux.
Eve, consciente qu'elle était censée dire quelque chose,
parvint seulement à sourire d'un air coupable.
Dean avait-il entendu Cam approcher? Eve
était tellement absorbée par sa présence, par le goût de sa
bouche et le parfum envoûtant de son corps qu'elle n'avait
fait attention à rien d'autre.
— Tout va bien ? demanda Cam.
— Si j'ai bien compris, Jacki n'était pas au courant que tu
m'avais écrit ? s'enquit Dean, évitant ainsi à Eve de s
eclaircir la voix.
— Non, admit Cam en rougissant. Je n'en avais parlé
qu'à Eve.
— Je n'ai absolument pas fait le rapprochement entre
Cam et toi quand je t'ai vu hier soir, lança celle-ci. Cam
t'avait écrit il y a tellement longtemps.
— Tu n'en as donc pas parlé non plus à tante Lorna?
Cam secoua la tête.
— Parce qu'elle t'avait interdit de me contacter ?
insista-t-il.
Cam échangea un regard avec Eve.
— Lorna ne parle jamais de toi, Dean, expliqua Eve.
Cam était tellement petite quand tu es parti...
— Quand on m'a chassé.
Cam se figea, apparemment incapable de parler.
— Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda Eve à sa place.
— Ce n'est pas moi qui ai décidé de partir. J'avais huit
ans et je n'ai pas eu mon mot à dire. Grover m'a emmené
avec lui parce que tante Lorna refusait de s'occuper de nous
trois.
— Tu dois te tromper, fit Cam en secouant la tête.
— Comment peux-tu le savoir, si Lorna ne parle jamais
de moi ?
Cam tira machinalement une chaise et s'assit en face de
lui.
— Je me souviens à peine de toi, Dean.
— Tu veux dire que tu m'as très vite oublié.
Dean avait dit cela d'un ton totalement dénué d'émotion,
mais Eve tiqua. Il avait apparemment une fausse opinion de
la situation. D'un autre côté, Cam aussi.
Celle-ci prit les mains de Dean dans les siennes et les
serra bien fort.
— Tu ne peux pas m'en vouloir, Dean, je n'avais que deux
ans et il s'est passé tellement de choses en même temps. La
mort de nos parents, l'enterrement, les allées et venues dans
la maison. Tout est devenu subitement étrange, plus rien
n'était comme avant, et dans la foulée, tu étais... parti.
Comme papa et maman.
Dean écarta ses mains de l'étreinte de Cam, comme s'il ne
supportait pas qu'on le touche lorsqu'on abordait ce sujet.
Cam prit une profonde inspiration avant de poursuivre.
— Quand j'avais seize ans, j'ai découvert de vieux albums
photos au grenier. Il y avait des photos de toi tenant Jacki sur
un bras et moi par la main, m'arro-sant avec le jet d'eau du
jardin ou embrassant Jacki sur la tête...
— On était frère et sœurs. Ce sont des choses qui se font,
lâcha Dean d'un ton plus distant que jamais. Où veux-tu en
venir, exactement ?
— J'en ai parlé à Lorna, qui n'a pas du tout été enchantée
par ma découverte, et j'ai subitement réalisé que je n'avais
jamais vu de photos de nous avant la mort des parents, et que
c'était la première fois que je voyais des photos de toi.
— J'imagine qu'après s'être débarrassée de moi, elle .1
évacué toute trace de mon passage dans cette mai-son. Et nos
parents? s'enquit-il en plissant les yeux. Tu as déjà vu des
photos d'eux ?
— Je n'en avais vu que très peu, avant de tomber sur ces
albums.
Si Lorna les avait trouvés avant toi, elle n'aurait i
criaillement pas hésité à les jeter, estima sombrement Dean.
Cam demeura un instant les yeux dans le vide, visiblement
perplexe.
Selon toi, Lorna voulait que nous ignorions que i mi is
avions un grand frère ?
Ça me paraît évident, non ?
Mais... pourquoi aurait-elle fait cela? Questionna Cam
fronçant les sourcils.
— C'est à elle qu'il faut le demander, Cam... J'ai moi aussi
quelques photos de nos parents, si ça t'intéresse, ajouta-t-il
d'une voix plus douce.
— C'est toi qui m'intéresses, Dean, répondit-elle en le
dévisageant franchement. Je veux comprendre tout ça. Je
veux faire connaissance avec toi.
— Si tu veux, poursuivit-il sans tenir compte de ce qu'elle
venait de dire, je peux demander qu'on me les envoie ici et
en faire tirer des doubles.
— Comment se fait-il que tu aies des photos d'eux ?
— Quand Grover m'a emmené avec lui, il a pris deux
albums et quelques photos encadrées. Il ne les a pas volées,
Lorna n'en voulait pas.
— C'est ce qu'elle a dit ? Mais pourquoi ?
— Grover disait que c'était parce que ça vous aurait
rappelé des souvenirs douloureux.
D'un hochement de tête machinal, Cam accepta cette
explication.
— C'est possible, en effet.
S'animant tout à coup, elle reprit les mains de son frère
dans les siennes.
— Elle ne m'a pas menti, tu sais, Dean. Quand je lui ai
demandé qui était ce grand garçon sur les photos, elle m'a dit
que c'était mon frère. Mais elle a dit que c'était toi qui avais
voulu partir avec Grover. Que tu rêvais d'une vie
aventureuse...
— Donc, selon toi, elle n'a pas menti ?
Cam eut soudain l'air si profondément blessée et perdue
qu'Eve passa un bras autour de ses épaules. Dean détourna
les yeux.
— Est-ce que tu crois vraiment qu'à huit ans, alors que je
venais de perdre mes parents, j'ai pu avoir envie de quitter
mon univers familier ? Ma chambre, mes copains, mes jouets
? Lorna t'a menti, Cam, conclut-il en se tournant vers elle.
Dean s'exprimait toujours sur le même registre. Il ne
haussait jamais le ton, ne baissait pas la voix et son
expression demeurait imperturbable.
— Mais pourquoi ? s'enquit Cam.
- J'ai ma petite idée là-dessus. Je n'étais qu'un enfant, à
l'époque, mais Grover m'a beaucoup parlé de vous deux... et
de Lorna.
Eve se dit qu'il était temps de s'éclipser. Elle pressa les
épaules de Cam et se leva.
— Je vais vous laisser en famille. Il faut que je repasse
chez moi pour me changer et je ne suis pas en avance.
— Je t'accompagne à ta voiture, déclara Dean en se levant.
— Ce n'est pas la peine, assura Eve, choquée qu'il I H lisse
avoir l'idée d'abandonner Cam.
— Tu ne m'as pas donné ton adresse.
Cam tourna la tête vers eux, soudain très intéressée, il Eve
se sentit rougir. Elle prit un bloc-notes et un stylo sur le
comptoir et inscrivit ses coordonnées.
— Voilà, j'ai mis mon numéro de portable, au cas où...
— Vous allez sortir ensemble ? demanda Cam.
— Oui, répondit Dean.
— Non, rectifia Eve en se dirigeant vers la porte. On se
verra peut-être ce soir, à condition que ça ne contrarie pas tes
projets. Vous avez beaucoup de choses à vous dire, ajouta-t-
elle en gratifiant Dean d'un regard lourd de sous-entendus, et
je ne veux surtout pas m'interposer.
Dean soutint son regard.
— Je dois la retrouver chez elle. N'est-ce pas, Eve?
— Pas si Cam a d'autres projets, répliqua-t-elle d'un ton
ferme.
— J'espérais que tu dînerais avec nous, Dean, avoua Cam.
Tu es évidemment invitée, Eve...
— Je suis malheureusement déjà prise.
Il y eut un instant de flottement, puis Dean pivota vers sa
sœur.
— Je dois y aller, moi aussi, déclara-t-il. Qu'est-ce que tu
dirais si je passais te prendre à l'heure du dîner ? Avec Jacki,
bien sûr. Tu connais un resto sympa dans le coin?
Les épaules de Cam se détendirent.
— Si tu es d'accord pour dîner très tôt, ce serait une
excellente idée. Je commence mon service à sept heures.
— Si je passe à seize heures trente, ça te convient?
proposa-t-il en regardant sa montre.
— C'est parfait.
— Je me sauve ! lança Eve depuis la porte.
Dean ramassa ses lunettes de soleil et hocha la tête à
l'intention de sa sœur.
— Merci pour le rafraîchissement, Cam. Je te retrouve
tout à l'heure.
Cam le rejoignit à la porte et se jeta à son cou.
— Merci d'être venu, Dean. Je suis tellement contente que
tu sois là !
Dean n'amorça pas le moindre geste pour 1 etreindre. Les
bras ballants, visiblement mal à l'aise, il attendit que sa sœur
relâche son étreinte.
— À tout à l'heure, dit-elle en s'écartant de lui. Prends soin
de toi.
Dean acquiesça, visiblement ravi de lui échapper.
— Je ne veux pas retarder Eve. À tout à l'heure.
Dean accompagna Eve jusqu'à sa voiture.
— Je n'en reviens pas que tu la quittes de cette façon-là !
déclara-t-elle d'un ton fâché.
— Qui ça?
— Ta sœur, Dean ! Qui d'autre ?
— Je vais la revoir tout à l'heure ! se défendit-il. Tu n'as
pas de souci à te faire pour elle.
— C'est ma meilleure amie, tu sais. On est comme deux
sœurs, toutes les deux. J'ai bien vu qu'elle n'avait pas envie
que tu partes. Si elle t'a demandé de venir, c'est qu'il y a une
raison. Tu aurais dû rester avec elle et lui faire part de ta
théorie au sujet de Lorna, au lieu de la planter là.
Dean se pencha vers elle et l'embrassa. Même quand elle
le rabrouait, Eve avait la bouche la plus désirable
qu'il ait jamais vue. Elle s’ecarta et le gratifia d'un regard de
reproche qui manquait de conviction.
— Arrête.
— Non.
Eve ne chercha pas à discuter. Elle ferma les yeux cl Dean
pressa sa bouche sur la sienne. Il avait connu bien des
femmes dans sa vie. Des femmes faciles. Des femmes qui
avaient une idée derrière la tête. Des femmes intéressées.
Mais c'était la première fois qu'il sentait une femme fondre
ainsi sous ses baisers.
La bouche d'Eve avait un goût délicieux, et la serrer dans
ses bras offrait un agréable contrepoint au bouleversement
émotionnel que les retrouvailles avec i ara avaient déclenché.
Le simple fait de toucher Eve lui permettait presque d'oublier
ses sœurs et tout ce qui avait surgi lorsqu'il s'était trouvé
confronté à la banalité de leur quotidien.
Eve s'écarta pour reprendre son souffle.
— Ne mets pas ton nez dans mes affaires avec mes
sœurs, d'accord, en profita-t-il pour lui conseiller à
voix basse.
Eve en demeura un instant bouche bée. Elle s'apprêtait à
répliquer vertement, mais Dean ne lui en laissa pas le
temps... Sa bouche s'était déjà emparée i le la sienne.
Eve se laissa faire... au moins deux secondes avant
d'exploser. C'est du moins ce qu'elle voulut faire, mais il la
tenait si étroitement pressée contre lui qu'elle parvint
seulement à libérer ses lèvres.
— Inutile de t'emportes Eve, murmura-t-il.
— Recule immédiatement, ordonna-t-elle en se raidissant.
C'était bien la première fois qu'une femme le repoussait de
la sorte. Dean s'en réjouit et leva les mains en signe de
reddition.
— Est-ce que tu viens sérieusement de me conseiller de
me mêler de mes affaires? s'enquit-elle.
— Oui. Ça te pose un problème ?
Elle était vraiment adorable quand elle était en colère.
— Oui, figure-toi. Tu n'as pas le droit de faire irruption
dans la vie de ma meilleure amie et de repartir comme un
voleur cinq minutes après.
— Je lui ai dit que j'allais revenir.
— Et tu t'es servi de moi comme prétexte pour te
carapater. Franchement, mets-toi à sa place : tu crois que ça
lui a fait plaisir ?
— Je n'avais pas l'intention de passer ma journée chez
elle, de toute façon.
— Et tu croyais sérieusement que j'allais me taire ?
poursuivit-elle sans tenir compte de son intervention. C'est
quoi ton problème, Dean?
— J'espère qu'il s'agit d'une question purement rhétorique,
et que tu ne t'attends pas à ce que je mette mon âme à nu.
— Quoi ? s'exclama-t-elle, complètement abasourdie.
Dean éclata de rire.
— Je suis bourré de défauts, Eve, autant t'y faire tout de
suite. Je suis venu ici plein de doutes et d'incertitudes. Je ne
sais pas ce que j'ai envie d'apprendre sur mes sœurs, ni
jusqu'à quel point j'ai envie qu'elles me connaissent.
T'investir dans cette histoire serait une erreur, et c'est pour ça
que je te conseille gentiment de garder tes distances.
Choquée, Eve s'adossa à la voiture et croisa les bras.
— Je n'arrive pas à croire que tu oses me dire ça en face.
— C'est pourtant vrai.
— Que tu es bourré de défauts ? Je n'en doute pas une
seconde ! Mais figure-toi que je t'ai observé pendant que tu
étais avec tes sœurs...
— Et alors ? Tu as l'intention de me psychanalyser, peut-
être ?
— Tu as envie de faire partie de leur famille, Dean,
répliqua-t-elle sans se soucier de ses sarcasmes. C'était
visible comme le nez au milieu de la figure. Tu en fais déjà
partie, d'ailleurs, que tu le veuilles ou non.
— J'ai à peine eu le temps de dire deux mots à Jacki avant
qu'elle se sauve, alors ce que tu prétends avoir vu...
— Tu dissimulais mieux tes émotions que Cam,
l'interrompit-elle. Ce qui est logique, vu que ce n'est
absolument pas le genre de Cam. Depuis qu'elle a appris Ion
existence, elle se soucie beaucoup de toi. Tu serais arrivé
sous l'apparence d'un ogre qu'elle ne t'en aime-i ait pas
moins.
— Oh, je t'en prie ! grommela-t-il pour couper court a ses
commentaires.
— Le fait que tu sois son frère compte énormément pour
elle, ajouta Eve en posant la main sur son bras. Bile a de la
chance : tu n'as rien d'un ogre, et je suis certaine que le fait
qu'elle soit ta sœur compte énormément pour toi aussi.
Dean leva les yeux au ciel.
— Promets-moi de faire tout ce que tu peux pour lui faire
oublier ton comportement grossier, exigea-t-elle en se
rapprochant de lui.
Mais Dean n'était pas le genre d'homme à se laisser
manipuler aussi aisément.
— Pourquoi es-tu devenue toute pâle quand j'ai dit que
Roger t'avait chahutée ? demanda-t-il.
— Il ne m'a pas chahutée, répondit-elle en détournant les
yeux.
— Il t'a serré le bras tellement fort que tu as failli on
garder la trace.
— Il n'avait pas l'intention de me faire mal.
— Il en avait parfaitement l'intention, et tu le sais aussi
bien que moi.
Eve soupira.
— Roger fait ça avec tout le monde. C'est sa façon d'être,
c'est tout. La plupart des athlètes sont comme ça, ajouta-t-elle
en le toisant.
— Son comportement n'avait rien de sportif, Eve. Les
combattants que je connais sont des pères tranquilles dans la
vie de tous les jours. Ils traitent les femmes avec respect.
— Même les groupies ?
Son ton insidieux le fit sourire.
— Oui, même les groupies. Il n'y a que les imbéciles qui
profitent de leur taille et de leur force pour s'en prendre à
plus petits qu'eux. Et pour ta gouverne, la groupie qui m'a
suivi chez moi n'a pas obtenu ce qu'elle espérait.
— Pourquoi ? Tu as eu des scrupules ? railla-t-elle.
— Je ne pense pas que les scrupules m'étouffent quand il
s'agit de sexe.
— Voilà une réponse qui a le mérite d'être honnête !
s'esclaffa Eve.
— Je serai toujours honnête avec toi, répliqua-t-il avec un
profond sérieux. La vérité, c'est que j'étais trop mal en point
pour m'occuper d'elle. Et c'est le lendemain matin que la
lettre de Cam m'est enfin parvenue... Je l'ai renvoyée chez
elle en promettant de lui obtenir des billets pour le prochain
combat.
Dean attendit de voir ce qu'elle pensait de son sacrifice,
mais sa réaction le laissa pantois.
— Et elle a accepté? Quelle idiote ! Si tu veux mon avis,
elle a perdu au change !
Dean inspira à fond.
— Tu es une sacrée coquine, toi !
— D'habitude, non, répondit-elle en plaçant une main sur
sa nuque. Cette fois, il faut vraiment que j'y aille. Je suis déjà
en retard.
— C'est toujours d'accord pour ce soir?
— Oui, dit-elle en fixant ses lèvres. J'espère que je ne le
regretterai pas.
Dean posa son front contre le sien et rit doucement.
— J'adore les défis.
Il ne la laissa partir qu'après un dernier baiser brûlant.