Points qui seront commentés
ANNOTATIONS de CASAR
flaqueseau Apparition d'eau paranormale?
physicien mise a contribution d'un physicien de la SPR
transmaterialite Phénomène de "transmaterialité"
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Pieces materialisation de piece de monnaie
verticale Depuis l'etage au dessus l'appareil réagit a la verticale
BELOFFGREGORY La SPR en renfort
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piece une piece se materialise
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LES PHENOMENES SE PASSENT
sousnosyeuxPas d'entités
femmes ?dematerialisation du couteau
Froid froid
combustion spontanée
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metapsychistes critique des metapsychistes
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repéres par pages
Page 24 pelicule photo percée?
Pages 22, 42 à 53 Jets de billes
Page 51 inertie du lego
Page 47, 48 et 60 resultats des experiences faussés par le sobservateurs
Page 56 inertie lors de jets de livre
Page 64 materialisation d'objets
Page 94 et 95 inertie
Page 100 levitation
Page 127 materialisation d'une piece de monnaie
Page 170 transmaterialité
Page 195 au sujet des voix
Page 209 conaissance scientifique
Page 217 materialisation biscuit
Page 220 au sujet les fraudes faites par les gamines
Page 222 phoniste
Page 251 apparition d'eau ( dossier Ron Decker)
Page 268 pluie d epierres
Page 274 levitation et transmat (a travers vcouvertures)
PAGE 305 bande son artisan
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Guy Lyon Playfair
"Cette maison est hantée"
Aux
confins de l'étrange EDITIONS DU ROCHER 1982
PREFACE DE L'AUTEUR
Que feriez-vous si l'un de vos meubles se déplaçait soudain sous vos yeux ?
L'espace d'un instant, réfléchissez et soyez honnête avec vous-même. Que feriez-vous si cela se produisait maintenant ?
Le premier choc encaissé, peut-être hausseriez-vous les épaules, en présumant qu'il s'agit d'un tremblement de terre, de Concorde ou d'une souris et surtout en espérant que cela ne se reproduise plus. Mais cela recommence, encore et encore. Et bien d'autres choses du même ordre ,en plus. Des pierres tombent sur le carrelage de votre
cuisine comme si elles avaient traversé le plafond. Quelqu'un ou quelque chose frappe dans les murs. Des objets disparaissent et réapparaissent ailleurs. Avant longtemps, vous réaliserez qu'il ne peut s'agir d'un séisme, de Concorde ou d'une souris. Mais de bien autre chose, de quelque chose de franchement inexplicable et de très effrayant en soi. Quoi que vous fassiez ou quoi que vous aimeriez faire, je peux vous raconter ce que plusieurs personnes, confrontées elles-mêmes à cette fâcheuse situation, ont fait.
Ces gens furent pris de panique. En 1978, tous les membres d'une famille de Birmingham abandonnèrent la maison dans laquelle ils avaient vécu heureux pendant onze ans refusant dorénavant d'y
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remettre les pieds. Quelques années auparavant, au sud de Londres, un couple se précipita hors de leur nouvel appartement H.L.M., laissant leur mobilier et la plupart de leurs biens derrière eux et on ne les vit jamais plus dans le voisinage.
D autres firent appel à leurs voisins, à la police, aux prêtres, aux médecins et aux journaux suppliant qu'on leur vienne en aide mais en vain. Soudain, ils ont vu leurs amis se détourner d'eux, leurs voisins leur jeter des regards amusés dans les boutiques alentours. Des curieux s'arrêtaient et regardaient effrontément leur maison. Ils reçurent des lettres malveillantes et des appels téléphoniques menaçants. Leurs vies étaient ruinées.
D'autres furent même encore plus infortunés. Ils durent s'en remettre aux psychiatres et furent internés dans des institutions. C'est ce qui arriva à une maîtresse de maison londonienne en 1977. Pourtant certains eurent plus de chance. Ils trouvèrent quelqu'un pour leur expliquer que ce qui leur arrivait était un phénomène connu sous le nom de poltergeist. De tels cas sont rapportés dans le monde depuis 1500 ans. Ils cessent aussi soudainement et mystérieusement qu'ils ont commencé et iIs n'occasionnent que rarement des dommages sérieux.
Cependant, bien sûr, il y a des exceptions et le propos de ce livre concerne l'une d'entre elles. cc En bref, qu'est-ce qu'un poltergeist ? Que dites-vous ?.
On m a souvent posé de telles questions et lorsque je disposais d un peu plus de trente secondes pour répondre voici, a peu prés, ce que j'en disais : cc On ne peut expliquer ces phénomènes en quelques mots, c'est la raison pour laquelle mes livres sont plutôt longs. Personne ne sait ce qu'est un poltergeist et je l'ignore moi-même.
Comme Bertrand Russel l'a dit à propos de l'électricité ce n'est pas une chose mais une façon qu'ont les choses, de se comporter. cc Je peux vous dire ce que le mot signifie. II s'agit d'un "esprit frappeur" , dérivé du mot allemand poltern : faire beaucoup de bruit - et geist - fantôme. De toute façon, de nos jours, les Allemands n'utilisent plus ce mot ; ils nomment ce phénomène "Ein Spuk".
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cc Je peux aussi vous dire comment les poltergeists se conduisent. II semble y en avoir trois ou quatre sortes. Certains peuvent être purement malfaisants, d'autres donnent I' impression de vous rendre visite par hasard, ils peuvent même être bienveillants ou posséder un caractère franchement hostile et destructeur. Actuellement, ce que nous savons des façons dont ils se manifestent nous permet de les classer dans quatre ou cinq grandes catégories : ceux qui frappent les murs et les sols ; ceux qui lancent des objets alentours ; ceux qui déclenchent des débuts d'incendie et ceux qui, s'insinuant dans nos esprits nous font faire d'étranges choses. L'activité du poltergeist est, en réalité, ce que les médecins appellent un syndrome ou un groupe de symptômes qui, ensemble, indiquent une certaine maladie ou un fonctionnement anormal. Ici, l'acceptation du mot anormal n'est pas à prendre seulement dans le sens pas normal mais également dans le sens paranormal. Il en résulte que ce phénomène ne peut être expliqué selon les critères scientifiques reconnus. Sans doute est-ce la raison pour laquelle les scientifiques tendent à ignorer ces phénomènes et arguent qu'ils n'existent pas, laissant le travail d'investigation à des individus tels que moi qui sont intéressés par les différents domaines de l'expérience humaine, ceux qui, selon toute vraisemblance, laissent les scientifiques indifférents. v Le Poltergeisi de Enf ield est sans conteste l'un de ceux qui ont fait couler le plus d'encre. Il a fait la Une d'un grand quotidien dix jours après qu'il ait commencé alors qu'un enquêteur était déjà au travail à temps complet. Il a fait l'objet de plusieurs émissions de radio et de télévision et d'environ trente articles dans la presse écrite tant nationale qu'étrangère. Et, maintenant, il fait l'objet d'un livre, celui-ci. La raison de cette attention soutenue s'explique parce que ce cas mit en évidence une quantité énorme d'activité paranormale, illustrant ainsi presque tous les phénomènes psychiques jamais rencontrés. Nombre d'entre eux ont été enregistrés sur cassette alors qu'ils se manifestaient. Quelques-uns ont été photographiés par un professionnel
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comme ils survenaient et quelques autres pris au vidéoscope.La plupart des manifestations ont été consignées dans une. trentaine de témoignages dont le mien. L'écrivain et chercheur Andrew Green a décrit le cas de Enfield (dans New Psychologist, January 1979) comme promettant d'être c le poltergeist le plus intéressant jamais connu v. J'espère que ce livre tiendra cette promesse.
Mais avant d'en venir au fait et de décrire minutieusement quatorze mois d'activité et d'agitation à Enfield quelques mots d'avertissement s'imposent. Si vous n'êtes pas encore rassasiés par le côté sensationnel et épouvantable de livres ou de films tels que l'Exorciste et autres du même genre et que vous réclamiez toujours plus d'émotions fortes, ce livre n'est pas pour vous. Vous en trouveriez le rythme trop lent, l'intrigue inexistante et les dialogues en dessous de tout. Il y a une raison à cela. Dans "Cette Maison est hantée", tout est vrai. Et même si je suis convaincu qu'ici, la vérité dépasse la fiction, je sais aussi que ce livre est loin d'être bien construit, qu'on peut lui reprocher des répétitions et des lenteurs. Qu'une table ou Qu'un fauteuil quitte le sol est très excitant en soi mais lorsque ceci arrive vingt ou trente fois je reconnais qu'on peut trouver ça monotone et franchement ennuyeux. Si, d'un autre côté, vous êtes fatigués de toutes les versions dramatiques qui bien souvent reposent sur des événements réels et que vous désiriez apprendre par le menu ce qui arrive vraiment dans un cas de poltergeist, vous pouvez lire ce livre en gardant cependant présentes à l'esprit deux choses. En premier lieu, il faut savoir que les répétitions et la confusion générale sont des faits bien établis de l'activité du poltergeist et, à ce titre, j'ai été contraint de rapporter tant les épisodes ennuyeux que ceux intéressants.
En second lieu, que les manifestations du poltergeist soient fatigantes ou excitantes, le phénomène lui-même représente pour nous tous un défi à l'imagination. Il nous montre qu'il y a réellement une relation entre l'esprit et la matière et suggère qu'il pourrait exister des
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forces et des dimensions de notre monde que nos philosophies n'ont pas encore imaginées. Pour moi, la perspective d'explorer ces dimensions et de domestiquer ces forces afin de les utiliser aussi bien pour que contre nous comme nous l'avons fait avec succès pour l'électricité et le magnétisme est bien plus excitante que la seule vue d'une
chaise se renversant. Et je crois que cette perspective est à présent devenue réalité.
S'il s'agissait d'un roman, je devrais avertir que tout est imaginaire et que toute ressemblance avec des personnes vivantes ou ayant existé serait fortuite. Mais ce n'est pas un roman et tous les personnages sont réels.(Toutes les personnes vivantes le sont ; mais bien sûrr, je ne puis répondre de l'identité exacte des esprits qui se sont manifestés.) Quelques noms ont été modifiés à la demande des personnes concernées ; ils sont identifiables par un astérisque lorsqu'ils sont mentionnés pour la première fois. Tous les autres noms ont été conservés et toutes les citations des dialogues proviennent soit des enregistrements magnétiques, soit des déclarations certifiées ou encore de mes notes personnelles prises sur le vif.
Dans le souci de supprimer l'effet répétitif, quelques dialogues ont été coupés s'ils n'apportaient aucun élément nouveau mais rien, absolument rien, n'a été rajouté.
J'ai du procéder ainsi puisqu'une retranscription littérale de tous les propos enregistrés pour chaque phénomène m'aurait conduit à écrire un ouvrage de deux mille pages.
J'adresse, tout d'abord, des remerciements sincères à mon collègue, Maurice Grosse, pour son soutien et sa participation ; au Professeur John B. Hasted, à David Robertson, au Dr Peter Fenwick, à Elsie Dubugras, â Luis Gasparetto, à Gerry Sherrick, à George et Annie Shaw *. à Peter Liefhebber, à Dono Gmelig-Meyling, à Richard Grosse, à George Fallows, à Matthew Manning, à Graham Morris, à Ron Denney et ses collègues
et à mon frère, John, pour son aide opportune dans bien des domaines. Je remercie également Mme Harper *et ses enfants (dont les noms ont aussi été modifiés)
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Ma gratitude va à John et Sylvie Burcombe, à Vic et Peggy Nottingham qui, avec Mme Harper et M. Grosse ont relu le manuscrit de ce livre et signé une déclaration certifiant que tous les faits rapportés étaient réels.
Bien que je n'aie ni sollicité ni reçu d'aide financière de quiconque durant les deux années que j'ai consacrées à la préparation et à la rédaction de ce livre, j'ai apprécié le soutien des membres de la Society for Psychical Research, en particulier celui d'Eleonor O'Keeffe, de Renée Haynes, du Dr Ian Fletcher et du Dr E.J. Dingwall, de Lawrence Berger et des membres du comité dirigé par John Stiles qui effectua, au profit de la société ,une nouvelle investigation du cas.
De plus, mes remerciements vont à quiconque est mentionné dans cet ouvrage pour sa contribution ou sa participation. Ceci vaut, bien évidemment, pour le poltergeist lui-même. pour m'avoir donné l'hospitalité durant leur longue épreuve.
1 - POLTERGEIST
J'entends des bruits ! dit Pete Harper."Moi aussi", répondit Janet.
Les deux enfants se dressèrent dans leur lit et écoutèrent. Un son étouffé, vraiment très bizarre, paraissait s'échapper du plancher de leur chambre. Pete avait dix ans et sa soeur était d'un an plus âgée. Leur chambre, comme les deux autres, était située à l'étage de cette maison de la banlieue nord de Londres,très précisément à Enfield. Dans la plus grande chambre, la seule donnant sur la rue, leur mère s'apprêtait à se coucher avec l'aînée et le benjamin des enfants : Rose treize ans et Jimmy, sept ans. Il était à peu près vingt et une heures en ce 31 aout 1977, et nul chez les Harper ne savait encore qu'ils avaient déjà connu leur dernière nuit tranquille avant longtemps. Mme Harper sortit de sa chambre. Qu'est-ce qui se passe ? "demanda-t-elle" assez mauvaise humeur. Ce n'était pas la première fois que Pete et Janet lui faisaient des farces à l'heure du coucher. La nuit précédente, notamment, ils avaient essayé de lui faire croire que leurs lits remuaient. C'est très amusant avait déclaré Janet. Lorsque ces deux enfants étaient ensemble, il n'en allait jamais autrement ; Pete et Janet étaient
les plus dissipés de la famille.
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CROQUIS de la maison des HARPER
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c Qu'est-ce que c'est, à présent ? << Quelque chose d'étouffé , dit Janet. On aurait dit que c'était cette chaise. Très bien, je l'emporte , répondit leur mère. Sur ce, elle descendit la chaise dans le living et remonta. Janet et Peter bavardaient encore, toujours très excités.
Aussi, Mme Harper éteignit-elle la lumière de leur chambre espérant qu'ils se calmeraient. Puis, elle aussi, entendit un bruit sourd inhabituel.
Elle ralluma la lumière aussitôt, mais tout paraissait en ordre. La commode près de l'encadrement de la porte, une autre chaise entre les deux lits et quelques livres sur le manteau de la cheminée. Les enfants étaient allongés, les mains sous les couvertures. Pour la seconde fois ,Mme Harper éteignit la lumière.Derechef, le son étouffé se manifesta à nouveau. Elle pensa que le bruit ressemblait à celui que ferait quelqu'un glissant sur le plancher en pantoufles ; mais elle était certaine que qui que ce soit ou quoi que ce soit qui produisit le bruit, ce ne pouvait être aucun des enfants.
Puis, des coups furent frappés. Quatre coups forts que Mme Harper, Pete et Janet
perçurent nettement. Ils paraissaient venir du mur mitoyen et bien que leurs voisins - les Nottingham - recevaient souvent des amis le soir, il n'était pas dans leur habitude de frapper dans les murs. Bien qu'elle ne songea pas à une explication normale pour les coups et le son étouffé; Mme Harper supposa qu'il devait y en avoir une. Il lui fallut pourtant bien se rendre à l'évidence parce que rien dans ce qui suivit ne peut être considéré comme normal. La lourde commode, placée juste à côté de la porte de la chambre des enfants, commença à glisser sur le parquet, s'éloignant du mur et oscillant entre l'encadrement de la porte et l'intérieur de la pièce.
Même au prix d'un effort d'imagination, il était impossible de tenir les enfants pour responsables. Mme Harper était effrayée ; même les enfants étaient silencieux. Elle remit la commode dans sa position initiale et estima qu'elle s'était déplacée de cinquante centimètres environ
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.
Puis, le meuble bougea de nouveau en glissant simplement vers la porte comme s'il tentait de barrer le passage. Cette fois, quand Mme Harper essaya de la remettre en place , la commode ne bougea pas d'un pouce. C'était comme si quelqu'un poussait en même temps en sens inverse.
Ainsi que le feraient la plupart des gens en réalisant qu'ils se trouvent en présence d'un phénomène qu'ils ne comprennent pas, Mme Harper se mit à trembler de peur.
<< Bon , dit-elle après un silence. Tout le monde en bas. Ils rassemblèrent draps et couvertures et descendirent comme un seul homme, suivis en fin de compte par Rose et Jimmy, tout à fait désorientés à présent.
< Qu'allons-nous faire ? demanda Pete. Nous ne pouvons rien faire , répondit sa mère. Brusquement, le besoin urgent de fuir cette maison sans délai s'imposa à elle. "Nous devons aller chez John et Sylvie", décida-t-elle. John Burcombe, son frère, vivait avec sa femme et ses deux enfants, six numéros plus bas dans la même rue et depuis le divorce de sa soeur en 1974, il ne refusait jamais de l'aider et ce, à chaque fois que l'aide d'un homme était nécessaire. "Ils doivent déjà être couchés", objecta Janet. Elle scruta à travers la vitre de la porte-fenêtre. "Il y a encore de la lumière chez Peggy-d'à-côté " ajouta-t-elle. Peggy Nottingham était surnommée "Peggy-d'à-côté " pour éviter la confusion avec Mme Harper, qui portait le
même prénom. Personne ne peut imaginer de meilleurs voisins que les Nottingham, serviables en n'importe quelles circonstances. Vic, un homme solide au cœur d'or, approchait de la quarantaine ; il était entrepreneur spécialisé dans les travaux de couverture. Par son travail, il était familier du danger et il en fallait beaucoup pour l'émouvoir.
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Sa femme paraissait jeune et en la voyant, on avait du mal à croire qu'elle était la mère d'un garçon de vingt ans, Garry. Toute la famille Harper l'aimait beaucoup, en particulier Janet qui la considérait comme sa tante. Mme Harper n'aimait pas déranger., ses voisins ; pourtant, elle craignait que son frère ne soit déjà endormi ou sur son lieu de travail. John était chef brancardier à l'hôpital, ses horaires étaient irréguliers et son service souvent fort long. Aussi, toute la famille sortit en robe de chambre et frappa à la porte des Nottingham. Vic et Peggy écoutèrent le récit de Mme Harper sans en croire un seul mot.
<< Voudriez-vous venir et regarder, Vic ", supplia Mme Harper. Peut-être est-ce quelqu'un qui se moque de nous mais en tout cas, nous n'y sommes pourrien. "
Vic accepta et, avec son fils, visita toute la maison de fond en comble. Même dans le jardin, personne n'aurait pu se cacher et nulle trace de chiens, de chats ou de souris. Puis, les coups recommencèrent. Les Nottingham entendirent clairement quatre petits coups secs frappés sur le mur. Cette fois, ils semblaient provenir de l'extérieur.
" Il y a peut-être quelqu'un dehors ", dit Vic. " Jevais voir si ce n'est pas un des gamins d'à côté. " Il se précipita à l'extérieur dans l'allée qui séparait la maison des Harper de celle de leurs autres voisins. Mais tout était calme. Les lumières éteintes. Personne en vue. Les coups continuèrent. Ils semblaient suivre Vic tout autour de la maison et quand Garry posa la main sur le mur, il dit qu'il avait perçu des vibrations et que cela sonnait bizarrement creux. C'était comme si quelqu'un était derrière le mur et essayait d'entrer , commenta Peggy. Que feriez-vous si votre maison était soudain investie
par une force invisible ? Si comme les Harper, vous n'aviez pas le téléphone, vous alerteriez probablement vos voisins. Mais si, ni eux, ni vous ne trouviez d'explication logique pour ce que vous avez vu ou entendu,
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la prochaine étape raisonnable serait d'appeler la police et c'est ce que fit Peggy Nottingham. Le gardien de la paix Carolyn Heeps et son collègue étaient dans une voiture de patrouille quand le message laconique fut diffusé à la radio. "Rendez-vous au 84 Wood Lane *. Agitation. " Ils se rendirent sur les lieux s'attendant à trouver une
bagarre à la sortie d'un pub ou un rôdeur en train de forcer une fenêtre. Mais lorsqu'ils arrivèrent, ils trouvèrent, dans une petite pièce de la maison des Harper, sept personnes normales qui semblaient avoir vu un fantôme".Ils n'avaient pas vu de fantôme. Cela viendrait plus tard, puisque tous les phénomènes psychiques ou paranormaux, habituellement enregistrés, seraient illustrés ainsi que d'autres encore. Mais ils étaient tous convaincus d'en avoir entendu un. Mme Harper essaya de garder son calme. " Je pense que cette maison est hantée", déclara-t-elle. " Nous venonsd'être les témoins d'étranges choses." Elle montra aux deux policiers perplexes la commode dans la chambre du fond. " Je l'ai remise en place, une première fois mais elle s'est redéplacée ", expliqua-t-elle. " Elle s'est dirigée progressivement vers la porte comme si elle voulait sortir. J'étais vraiment pétrifiée. Je l'ai repoussée encore parce que je ne pouvais en croire mes yeux. " Les deux policier écoutèrent ce récit sans faire le moindre commentaire. Regardez , dit Vic Nottingham quand ils furent tous redescendus dans le living. Je vais éteindre la lumière et nous verrons bien s'il se produit quelque
chose. Il le fit. Aussitôt, chacun put entendre quatre coups nets frappés dans le mur. Ensuite, après deux minutes de silence environ, quatre autres coups mais dans un mur différent cette fois-ci. L'éclairage public était suffisant pour que les personnes présentes puissent s'observer les unes les autres. Pour la seconde fois de la nuit, la maison fut fouillée de fond en comble. Pendant que son collègue vérifiait la tuyauterie dans la cuisine,
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le gardien de la paix Carolyn Heeps se tenait dans le living, suffisamment éclairé, quand
soudain, Pete montra du doigt une des chaises près du sofa.
Personne ne touchait à cette chaise et pourtant, elle oscillait de droite à gauche. Puis, selon l'avis unanime des personnes réunies dans la pièce, la chaise fit exactement ce que la commode avait déjà fait plus tôt au cours de la soirée à l'étage. Glissant sur le sol,elle se dirigea vers la cuisine. Carolyn Heeps estima qu'elle s'était déplacée d'environ un mètre et bien qu'elle ait examiné la chaise immédiatement après, elle ne put expliquer comment celle-ci avait bougé. A présent, il était minuit passé et les deux gardiensde la paix dirent qu'ils ne pouvaient vraiment rien faire de plus. Personne ne violait la loi et si quelque chose d'invisible enfreignait les lois de la nature, c'était du ressort des scientifiques et non du leur. Cependant, ils promirent de garder un oeil sur la maison les jours prochains. Quand les policiers furent partis, personne ne voulut remonter au premier étage ; une chambre de fortune fut donc installée dans le living. C'était un tant soi peu la bousculade et cette situation remémora à Mme Harper la vie qu'elle avait connue dans les abris antiaériens pendant la Guerre.
" Oh mon Dieu " soupira-t-elle en se recroquevillant dans un fauteuil. "C'est comme si les bombardements recommençaient. " En fait, c'était pire parce qu'à cette époque, on savait qui était Hitler et on pouvait voir les bombes et les obus tandis que maintenant, l'ennemi était invisible et insondable. Ce qui arrivait aux Harper était donc beaucoup plus effrayant. Personne ne dormit profondément cette nuit-là ; pourtant, au petit matin, tout paraissait clair et la vie reprit son cours normal. Cependant, les Harper étaient à peine remis de leurs émotions nocturnes que ce que Mme Harper avait comparé aux bombardements survint de nouveau.
"Janet, qu'est-ce que tu lances ? "
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" Je ne fais rien ! Je n'ai rien lancé ! " " Tu vas voir si je t'attrape. " " C'est vrai Mam, ce n'est pas elle ! " Quelqu'un ou quelque chose lançait dans tous les sens les billes et les petites briques du jeu de Lego de Jimmy ou plus exactement les catapultait à travers la pièce. Ils montaient en flèche et rebondissaient sur les murs ou s'écrasaient sur le plancher comme s'ils tombaient tout droit du plafond.
Aussitôt, Mme Harper retourna demander aide à ses voisins. Vic, Peggy et le père de Peggy, M. Richardsont vinrent voir ce qui se passait. Comme ce dernier se tenait dans la cuisine, deux billes passèrent près de lui à une vitesse terrifiante et allèrent frapper la porte de la salle de bains tout au bout du couloir. Il les ramassa et constata qu'elles étaient brûlantes. Ainsi qu'il l'avait promis, le policier, un homme gentil et paternel, repassa ; il eut une conversation avec les enfants pour leur expliquer que c'étaient des choses qui arrivaient parfois et qu'ils n'avaient aucune raison d'être effrayés.
Mais ils étaient effrayés et les Harper connurent une nouvelle nuit inconfortable dans leur living. Le lendemain, les billes et les briques se murent à nouveau en projectiles et le surlendemain, il en alla de même.Le dimanche
4 septembre 1977 au soir, Mme Harper ne savait plus à quel saint se vouer. " Qu'allons-nous faire à présent ? " , demanda-t-elle à Vic et à Peggy. "Bon , dit celui-ci." Je vais tous vous conduire au commissariat de police dans ma camionnette et nous verrons s'ils peuvent vous trouver un endroit où passer la nuit et résoudre ce problème. Peggy l'interrompit. " Non, n'y allez pas encore. Je téléphone au Daily Mirror pour leur demander s'ils savent à qui nous pouvons nous adresser. " Elle le fit dans le but fort louable d'aider sa voisine. Ils avaient déjà essayé la police, alors de quel autre recours disposaient-ils ? Aurait-elle connu les secrets de Fleet Street que Peggy aurait téléphoné à n'importe quel autre journal.22
Au Mirror ,une loi non écrite faisait des "histoires de revenants "un sujet tabou. Cet interdit remontait à quelques années déjà, très exactement à la polémique soulevée par les recherches psychiques de
Harry Price. C'était un homme d'affaires riche qui consacrait la plupart de son temps à chasser les fantômes et à rechercher la publicité. Price avait été employé par le Mirror en tant que chasseur de fantômes salarié et d'après certains qui le connaissaient bien, il essayait de débusquer des fantômes et peu lui importait qu'ils existent ou non. Mais Peggy eut de la chance. Le rédacteur en chef de service ce week-end était un nouveau venu qui n'avait jamais entendu parler de cette loi . Flairant une bonne piste, il envoya à Enfield le reporter Douglas Bence etle photographe Graham Morris. Après un court moment passé dans la maison, Bence
et Morris étaient certains que quelque chose de très étrange allait se produire. Pourtant, bien qu'ils soient restés toute la soirée avec les Harper, rien n'advint en leur présence.
Dans la nuit, vers deux heures et demie, ils décidèrent donc de rentrer. " On ne peut plus rien faire maintenant ",dirent-ils à Mme Harper " mais on reviendra ". Ils prirent
congé et sortirent. A peine avaient-ils quitté la maison que le bombardement de Lego recommença. Les Nottingham et M. Richardson, qui tenaient encore compagnie à Mme Harper, se précipitèrent à l'extérieur pour rappeler les reporter du Mirror. Morris saisit un de ses Nikon et se rua à l'intérieur de la maison. Il venait tout juste de couvrir de violentes scènes de rues et n'était pas intimidé par quelques briques - petites ou grandes flottant dans les airs. Bence était sur ses talons. Debout près de Mme Harper dans l'encadrement de la porte, le doigt sur le déclencheur de son appareil, Morris vit quelque chose à la périphérie du champ de vision de son oeil gauche. Mme Harper baissa la tête instinctivement et une fraction de seconde plus tard ,ce "quelque chose " le heurta juste au-dessus de l'oeil droit.
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(Quand je fis sa connaissance une semaine après, il avait encore une belle ecchymose sur le front.) (
boîtier K7videode LJ ) Il s'en fallut de peu que cet incident ne finisse mal pour ses yeux et l'objectif de son appareil. Mais le plus étrange est que l'objet qui se révélerait être une étroite pièce de Lego n'apparut pas sur le négatif. Morris supposa que le projectile n'était pas dans le champ couvert par son grand angle lorsqu'il prit le cliché. Pourtant, il y avait deux détails intéressants sur la première des centaines de photographies que Morris devait prendre à Enfield. L'une était un minuscule troudans le négatif
, comme s'il avait été fait par une aiguille hypodermique. Morris ayant développé le film lui-même était incapable d'en expliquer la présence. Le secondétait encore plus intéressant ; on ne pouvait réfuter qu'il n'y avait réellement personne dans la pièce occupé à jeter les Lego. Au moment où la photo avait été prise deux
personnes se tenaient au fond du living : Bence qui avait les mains dans les poches et Peggy Nottingham dont les bras étaient croisés. De retour à Fleet Street, le compte rendu qu'ils firent de leur visite à Enfield impressionna le reporter expérimenté George Fallows. Ce dernier savait que les histoires de revenants n'avaient plus droit de cité au Mirror ; mais jugeant que ce cas était le plus spectaculaire dont il ait entendu parler, il décida d'aller à Enfield, dès le lundi matin, se rendre compte par lui-même de la situation prenant avec lui le photographe David Thorpe.Fallows est l'opposé du journaliste typique de Fleet Street, cynique et impitoyable. C'est un chrétien convaincu
un homme poli qui respecte les êtres qu'il rencontre. A cette époque, il était en passe de devenir reporter en chef .
Lorsque Fallows et Thorpe arrivèrent chez les Harper, ils trouvèrent porte close. Quand enfin ils les découvrirent quelques maisons plus loin, chez les Burcombe, ils perçurent une atmosphère proche de l'hystérie collective.
Mme Harper était maintenant tellement effrayée qu'elle ne pouvait plus remettre les pieds chez elle même durant la journée.
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Ni elle, ni aucun des enfants excepté Jimmy (qui à ce stade n'était pas encore perturbé) n'avaient dormi correctement depuis six nuits et la tension était telle que nous l'avons décrite. Mme Harper ne tenait pas en place. Elle débita d'un trait son histoire à Fallows, se tenant debout, face à lui, les mains sur les hanches. Fallows l'écouta patiemment. "Je crois ce que vous me dites", lui dit-il quand elle eut fini de le mettre au fait de la situation. " Je ne suis pas un expert mais j'ai lu un certain nombre de choses à ce propos. Je pense que vous avez affaire à un poltergeist. >>
" Pardon " demanda Mme Harper. " Un pol-ter-geist ", répéta-t-il en détachant chaque
syllabe. " Personne ne sait vraiment ce que c'est. Il semble que ce soient des forces qui animent des objets. Ils peuvent déranger mais il ne faut pas trop s'en émouvoir. Actuellement, nous savons qu'ils se manifestent volontiers en présence de jeunes filles pubères. " Fallows avait très vite remarqué que Rose Harper était bien formée pour son âge et aussi, qu'elle semblait beaucoup plus affectée que les autres par le phénomène.
En fait, elle était très angoissée et très nerveuse dès que le poltergeist entrait en action et fondait en larmes pour un oui, pour un non. Mme Harper ne sembla pas comprendre aussi Fallows la prit-il à l'écart pour lui expliquer ce qu'il entendait par puberté.
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"Ah, c est ça " , dit-elle."Oui, Rose est reglée depuis mars." Pour mieux cerner le problème, il lui posa des questions pertinentes. "Vous êtes locataire d'une habitation à loyer modéré, n'est-ce pas ? Aimeriez-vous déménager ? "
Il avait ouï dire que certaines personnes inventaient de toutes pièces des histoires de fantômes ou de revenants pour être relogées en priorité. "Non", coupa-t-elle d'une voix déterminée. " C'est ma maison. C'est ici que vit ma famille. C'est ici que sont mes amis. Il n'en est pas question." Elle habitait là depuis douze ans et c'était la seule maison qu'elle et ses enfants aient jamais connue.
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Elle ne voulait la quitter à aucun prix. A présent, Fallows était tout à fait certain de l'authenticité du cas. Comme tous ceux qui devaient rencontrer Mme Harper dans les mois suivants - journalistes et chercheurs du monde entier, compris - il reconnut sa
sincérité et son ouverture d'esprit. Il souhaitait s'occuper de cette histoire et se sentait obligé de faire quelque chose pour la réconforter.
<< Je vous crois " , répéta-t-il et j'aimerais vous aider. Mais comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas un expert. Je vais faire appel à quelqu'un de la Society for Psychical Research .
Brusquement, Mme Harper s'évanouit. Pendant que Fallows parlait, elle était demeurée debout et aux mots << Psychical Research , elle s'était écroulée
sur le plancher. Elle était sans connaissance. Fallows et Peggy Nottingham se précipitèrent pour l'aider. Ils l'installèrent sur une chaise et elle revint très vite à elle. Après quelques questions anodines, Fallows essaya de déterminer la raison pour laquelle elle s'était ainsi évanouie.
Elle avait tout simplement mal interprété ses derniers mots et pensait qu'il voulait appeler un psychiatre. Or, elle avait quelque raison de se méfier des membres
de cette profession. Le psychiatre du service local d'aide à l'enfance était apparemment responsable du fait que Pete Harper ait été envoyé dans ce que sa mère nommait une " pension privée " alors qu'en réalité, c'était une institution pour enfants à problèmes. Mais nul, pas même le psychiatre n'avait cru bon d'expliquer à la mère quels étaient les problèmes de son fils. Tout ce qu'elle savait à propos des psychiatres était que l'un
d'entre eux avait retiré de la maison, le plus vieux de ses deux garçons. Et c'est tout ce qu'elle voulait en savoir.
" Bon ", dit Fallows. " Vous avez tous besoin de repos. Pourquoi n'allez-vous pas chez vous pour vous étendre quelques heures ? Ne vous en faites pas, je resterai dans les parages ! "
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Réconfortée par le souci évident que Fallows avait de lui venir en aide, Mme Harper accepta et ils rentrèrent tous au 84, Wood Lane. Les enfants tombaient de sommeil,
ils s'endormirent rapidement. Leur mère, elle, était trop angoissée pour se reposer.
Environ une demi-heure après le retour des Harper, les coups commencèrent. Fallows les entendit clairement. Ça y est , dit Mme Harper. Ça recommence. Janet paraissait profondément endormie, les mains sous les draps. Fallows était sûr qu'elle n'avait pas bougé et personne d'autre n'était suffisamment près d'un mur pour être soupçonné d'y cogner. c Maintenant, je vais, de ce pas, appeler les experts ,dit Fallows. Ne vous tracassez pas Madame Harper.Ils sauront ce qu'il convient de faire. Il traversa donc la rue pour aller à la cabine téléphonique et composa le numéro de la Society f or Psychical Research. Il parla à la secrétaire, Eleanor O'Keeffe. Pouvait-elle envoyer quelqu'un, tout de suite, pour enquêter sur un phenomène de poltergeist à Enfield.La Society f or Psychical Research ou SPR avait ete créée en 1882 par un groupe d'anciens étudiants de Cambrigde et quelques éminents spirites qui décidèrent d'élucider ensemble certains phénomènes encore inexpliqués dont ceux communément appelés " psychiques ", "mesmèriques" ou " spiritualistes" et de publier les résultats de leurs recherches. Les poltergeists, ces mystérieux esprits frappeurs , entraient certainement dans cette catégorie.
La SPR était, et est toujours, une société très respectable. Au début, dans ses rangs, on trouvait des membres de la Société Royale, des magistrats de la Cour de Justice des membres du Parlement (même le Premier Ministre Arthur Balfour) et des savants aussi éminents que Sir William Crookes, Sir Oliver Lodge et deux lauréats du Prix Nobel, Lord Rayleigh et Charles Richet. A présent, ses membres comptent des auteurs distingués :
J.B. Priestley, Arthur Koestler et Colin Wilson ; des scientifiques, Sir Alister Hardy, le Professeur H.H. Price (aucun rapport avec Harry) et des professeurs d'académies à l'esprit ouvert comme J.B. Hasted, Archie Roy ou Arthur Ellison.
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Quant aux autres membres - hommes ou femmes - ils viennent de tous les horizons et sont plus d'un millier. Malgré - ou peut-être à cause -de près d'un siècle d'existence, la SPR avait perdu son zèle des débuts et en 1977, il n'y avait guère de membres prêts à tout abandonner pour partir séance tenante à chasse aux fantômes. Cet état de chose alarmant dénoncé par certains qui pensaient que la SPR se perd en des discussions stériles. Quand George Fallows téléphona, la secrétaire, Eleanor O'Keeffe, venait tout juste de dresser une liste des membres disposés à assurer des enquêtes.
Pour satisfaire à sa demande, elle n'eut pas à chercher dans ses dossiers. Un nouveau venu l'avait plusieurs fois priée de lui faire savoir lorsqu'un cas se produirait
nord de Londres. En réalité, il s'était montré de plus en plus insistant .Son comportement semblait mû par d'urgentes raisons personnelles. Il était pressé d'être envoyé enquêter ; des phénomènes paranormaux , lesquels étaient en 1977 tout aussi déconcertants pour la science qu'en 1882 Et effectivement, il avait ses raisons.
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2 - DIX COINCIDENCES
Aux premières heures du 5 août 1976, une moto pilotée par Adam Speller, un étudiant en médecine de vingt-deux ans, fut accidentée au coeur de Cardiff. Aucun autre véhicule n'était impliqué dans ce sinistre et ses causes ne furent jamais établies. Speller fut tué sur le coup alors que sa passagère, Janet Grosse, une journaliste du même âge, était transportée d'urgence à l'hôpital sérieusement blessée. La veille, le 4 août, les parents de Janet étaient sur une plage de Jersey où ils passaient leurs vacances. Soudain, Betty Grosse eut un malaise comme elle n'en avait jamais eu auparavant. Il fut aussi bref que violent et disparut une demi-heure plus tard pour ne jamais réapparaître.
Ce soir-là, Maurice Grosse s'était rendu à la synagogue de Jersey. C'était un office spécial pour commémorer le jour du Neuf Ab. On lui avait demandé de diriger un choeur de dix hommes requis par la tradition de ce jour sacré de l'Année Juive. Durant cette cérémonie l'affliction est de rigueur. Ainsi, quelques heures avant l'accident de sa fille ,
Maurice Grosse était-il en deuil . Janet mourut vers 16 h 20, le 8 août. Ses parents n'eurent que le temps de se précipiter à l'hôpital pour la voir une dernière fois bien qu'elle n'ait pas repris conscience.
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Sa tête était emprisonnée de bandages ; malgré le casque qu'elle portait, les causes de son décès furent imputées à des lésions crâniennes. La veille de l'accident, c'était l'anniversaire de Richard , le frère de Janet. Elle lui avait donc adressé une carte qu'il reçût le matin même de sa mort. I1 s'agissait d'une carte humoristique sur laquelle on voyait une fille en guenilles, assez mal en point, la tête enserrée dans des bandages. La légende imprimée disait : J'allais; t'envoyer une bouteille d'eau de toilette pour ton anniversaire... (C'était au plus fort de la grande sécheresse de 1976.) A l'intérieur de la carte, le texte continuait ainsi : " mais le couvercle m'est tombé sur la tête. Bon anniversaire ! ! " . Au-dessous, Janet avait écrit : et bientôt, il ne restera plus grand chose de cela non plus. Grosses bises. Jan" (correspondante au Pays de Galles). A ce moment, elle travaillait pour l'hebdomadaire Cardif Leader. Une demi-heure avant l'accident, la belle-soeur de Maurice Grosse, Miriam, avait fait un violent cauchemar non pas à propos de Janet mais du plus jeune de ses petits-fils qu'elle voyait noyé.
Miriam n'apprit la mort de sa nièce qu'aux environs de 17 h 30, soit une heure après son décès. Deux heures plus tard; elle rendit visite à Richard et Marylin, ses frère et soeur. En quittant son domicile, elle s'aperçut que son horloge de table fonctionnait. Ce détail méritait attention puisque ce n'était pas arrivé depuis un an. Elle le fit remarquer à son époux mais n'en parla aux Grosse que plusieurs mois après. Quand Miriam et son mari rentrèrent vers 23 h 30, ils entendirent encore le tic-tac. Le lendemain matin, ils constatèrent que la pendulette était à nouveau arrêtée. Les aiguilles indiquaient 4 h 20 du matin. L'heure approximative à laquelle Janet était décédée douze heures plus tôt. Les Grosse possédaient la même horloge de table et n'avaient jamais eu le moindre problème quant à son fonctionnement.
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Janet fut enterrée le 7 août. La veille, la peine que ressentait son père était tempérée f
un étrange sentiment à propos des coïncidences qui semblaient liées au décès de sa fille. Parmi celles-ci, la carte d'anniversaire était, sans conteste, à ce moment, la plus frappante. Elle parraissait vraiment prédire la mort quoique de façon humoristique. Janet avait la tête enveloppée de bandages quand ils la virent sur son lit de mort, elle était exactement comme la petite bonne femme de la carte. Le " couvercle "ou le casque pouvait très bien avoir été, d'une manière ou d'une autre, responsable des blessures qui
entraînèrent sa mort et après avoir écrit : et bien il ne restera pas grand-chose de cela non plus v, E avait tracé une flèche renvoyant au mot imprimé TETE .
Un autre fait était étrange. C'était la première fois depuis plusieurs années que Maurice s'était renduà cette cérémonie particulière et ce, quelques heures avant
l'accident fatal. Puis, il y avait eu le soudain et bref malaise de Betty, puis le cauchemar de Miriam. Quatre coïncidences déjà.
II devait y en avoir d'autres. Grosse en vint à penser que si Janet survivait à sa mort physique d'une quelque façon, elle aurait à coeur de lui adresser un signe le jour de son enterrement. En quarante ans, il avait lu énormément de choses à propos des recherches paranormales et savait que de tels événements ont souvent rapportés.
Il n'avait pas plu depuis plusieurs semaines ; aussi Grosse pensa-t-il qu'une averse serait un signe convaincant.
·Il ne souffla mot de tout ça à son épouse. Le lendemain, il s'éveilla à 8 h 15. Il se rendit dans la salle de bains du premier étage et regarda par la fenêtre comme il le faisait toujours. De là, il pouvait voir le toit de la cuisine naissant sous la fenêtre la chambre de Janet et avançant vers le jardin.
La toiture était trempée. Il appela Betty pour s'assurer qu'il n'était pas victime de son imagination.
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Mais elle ne put que constater avec lui que le toit était indubitablement mouillé.
c Mais regarde , ajouta-t-elle. Ailleurs tout est archisec. La sécheresse de 1976 se termina durant la dernière semaine d'août ; cette nouvelle coïncidence devint parmi toutes la plus étrange puisque Grosse avait expressément demandé une averse. Il avait plu sur le toit situé sous la chambre de Janet et nulle par ailleurs ! ...
Puis, survint le mystère des cierges. Après un enterrement juif, il est une coutume qui exige pour la mémoire du défunt qu'on allume un cierge différent durant les sept jours qui suivent l'ensevelissement. Ces cierges sont conçus de telle façon qu'ils ne s'éteignent pas ; en temps normal, ils brûlent bien plus de vingt-quatre heures. Le 8 août au soir, Grosse alluma donc le premier. Durant la journée du lendemain, il s'éteignit et ce bien qu'il restât mèche et cire en quantité. De plus, il n'y avait pas eu de courant d'air. Ni Grosse, ni Marilyn Grant, sa fille déjà mariée qui était chimiste, ne trouvèrent d'explication plausible. Il saisit un autre cierge, l'examina soigneusement et
l'alluma. Le lendemain, ce cierge s'éteignit lui aussi sans raison apparente. Le surlendemain, il en alla de même. Ce phénomène dura trois jours. Les quatre derniers jours du deuil, tous les cierges brûlèrent comme ils le devaient et étaient encore allumés quand Grosse venait les changer. II devait bien y avoir une limite au nombre de coïncidences qu'on pouvait attribuer au hasard, pensa-t-il. Elles étaient déjà au nombre de huit : le malaise de Bett I office inhabituel, la carte d anniversaire, le cauchemar de Miriam, la pluie et les trois cierges (l'épisode de la pendulette, comme il allait l'apprendre, aurait été la neuvième). Grosse éprouvait le sentiment violent que Janet n'avait Bas entièrement cessé d'exister. Peu de temps après, il rédigea un rapport de tous ces faits et l'adressa à la Society for Psychical Research.
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C'était le premier contact qu'il avait avec la SPR en dépit de l'intérêt qu'il manifestait depuis toujours pour le sujet. Maurice Grosse était né à Londres en 1919. Il avait fréquenté le Regent Street Polytechnic et, après avoir étudié les techniques de distribution de l'art et de la création commerciale, il servit dans l'Artillerie Royale pendant la Seconde Guerre Mondiale, recevant son ordre de mission en 1941. Il épousa Betty en 1944 et ils eurent trois enfants ; Janet était la plus jeune. La guerre terminée, il s'occupa du commerce familial et, finalement se découvrit une vocation d'inventeur d'instruments électriques et mécaniques. Il déposa le premier de ses brevets universels en 1945, pour un jouet mécanique. En 1962, il ouvrit son propre cabinet d'ingénieur-
conseils pour la promotion des idées industrielles ; par ce biais, il lança à travers le monde, avec succès, nombreuses de ses inventions personnelles. Celles-ci s'étendaient du simple rayonnage facile-à-monter à des machines hautement sophistiquées telles que, les tableaux d'affichage automatique des aéroports internationaux et le premier distributeur automatique de journaux. Membre de la Fondation Royale et de l'Institut des Brevets et des Inventions, il consacrait une grande partie de son temps au travail social, à la protection infantile et animale. Il était également Supérieur à la synagogue. En 1977, l'intérêt que Grosse manifestait pour le, questions paranormales était essentiellement philosophique. Comme tous les pratiquants juifs, il était attentif aux sévères interdictions du Cinquième Livre du Pentateuque ou Deutéronome (XVIII-10-12)
Parmi vous, il n'y aura aucun... devin, prédicateur enchanteur ou sorcier. Ni ensorceleur, ni spirite, ni magicien, ni nécromancien. Toutes ces choses étant insupportables aux yeux du Seigneur...
Ce qui précède ne signifie pas que les Juifs nient l'existence de tous les phénomènes psychiques pas plus qu'il leur soit interdit de s'y intéresser.
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Nombre d'entre eux d'ailleurs, croient que l'âme plane au-dessus de la Terre pendant trente jours ou encore qu'après la mort physique elle progresse vers sa destination finale grâce aux prières qui, selon les lois, cessent onze mois après. Précisons que la religion juive n'est pas dogmatique à cet égard et qu'elle encourage les pratiquants à se
forger des idées personnelles sur ce sujet comme sur les autres. C'est sans doute ce que pensa Grosse après le décès de sa fille, et il sentit qu'une petite recherche pratique ne serait pas hors de propos pour autant qu'elle soit faite dans l'esprit d'une enquête philosophique et non pour la recherche du sensationnel. C'est avec sa formation professionnelle et religieuse, qu'il postula pour être admis à la SPR et dès qu'il eut été accepté en tant que membre, il ne fit plus aucun doute qu'il deviendrait l'un des plus actifs. Il consultait fréquemment les ouvrages uniques et rares de la bibliothèque et était toujours à la hauteur lors des discussions suivant la réunion mensuelle.
Je me souviens de la critique virulente qu'il fit à un participant ayant employé des termes comme perception extrasensorielle générale et domaine PSI >.
On n'explique rien avec de pareils mots , déclarat-il. < Que savez-vous vraiment ? . Même avant de le connaître personnellement, je pressentais que Grosse ne serait jamais très populaire parmi les autres membres. Il avait peu de patience pour les discussions académiques ; il entendait respecter le rôle initial de la SPR, c'est-à-dire : enquêter et publier les résultats. Quand George Fallows téléphona à Eleanor O'Keeffe la secrétaire de la SPR, celle-ci fut en mesure de faire d'une pierre deux coups. D'une part, elle procura à Fallows l'enquêteur qu'il réclamait sur-le-champ et, d'autre part, elle apaisa Grosse en le chargeant du cas qu'il lui avait réclamé si souvent auparavant. Ce fut la dixième coïncidence .
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Dès qu'il reçut l'appel téléphonique de la SPR, Grosse quitta son bureau au beau milieu d'une journée très chargée et moins d'une heure après que Fallows ait demandé de l'aide, sa rutilante Jaguar s'arrêtait brusquement devant chez les Harper.
3 - L'EPICENTRE
Pour Grosse, c'était un coup de chance. Dès qu'il eut franchi la porte des Harper, il eut la certitude que le cas était authentique. L'atmosphère qui régnait dans la maison était celle de la panique. "On n'invente pas ça" , me confia-t-il plus tard. "Tout ce qu'ils décrivent est si typique des cas de poltergeists qu'on dirait qu'ils puisent dans un livre. Or, ils ne savaient pas ce qu'était un poltergeist, avant que Fallows ne leur en parle. Comment auraient-ils pu savoir ce qu'il fallait dire si leur histoire avait été montée de toutes pièces ? "
Avant de prendre en charge un tel cas, un chercheur a trois choses à faire. Grosse les fit lors de sa première visite.
En premier lieu, il s'assura que le cas valait bien la peine de faire l'objet d'une enquête. En second lieu, il fit de son mieux pour calmer tout le monde et expliqua aux Harper que ce qu'ils vivaient, d'autres avant eux l'avaient déjà vécu et ce, depuis des siècles dans le monde entier. Bien sûr, la vie pouvait être perturbée pendant quelque temps. Au pire, ces manifestations durent six à huit semaines mais, très souvent elles disparaissent au bout de quelques jours. Enfin, il réussit à convaincre Madame Harper de devenir enquêtrice à ses côtés, plutôt que de subir la situation passivement.
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Il lui demanda de prendre note de chaque incident qui survenait et de relever, aussi exactement que possible, l'emplacement des meubles et des objets à l'heure actuelle.
Il s'était senti obligé de se présenter lui-même comme un expert pour des raisons essentiellement humaines. Il n'ignorait pas que nul ne savait ce qu'était exactement un poltergeist, ni pourquoi, ni comment il arrivait, ni ce qu'il faisait ou pouvait faire. En revanche, il savait qu'il avait été appelé sur les lieux en tant qu'expert et qu'il devait essayer de se comporter comme tel, en donnant à cette famille réconfort et espoir quant au retour à une vie normale.
Les Harper, comme les Nottingham, étaient soulagés d'avoir enfin à faire à quelqu'un qui ne les prenne pas pour des fous. "Depuis qu'il a pris les choses en main ,tout est différent " dit Peggy Nottingham quelques jours plus tard. "Nous étions si effrayés et puis, il a commencé à nous expliquer et c'était comme si ses explications nous calmaient >>.
Pendant un jour ou deux, il sembla même qu'il avait réussi à calmer le polterbeist ; il n'arriva rien le 5 septembre. Les deux jours suivants furent également très calmes hormis un incident bizarre rapporté par une camarade de Rose et de Janet qui habitait la même rue. La fillette se tenait sur le seuil de la porte de la chambre de Janet quand quelques livres, sautant de l'étagère, avaient flotté vers elle. Grosse prit note de son récit et, bien que n'ayant aucune raison de douter de ses propos, pensa qu'il aurait aimé être témoin d'une telle chose. Il n'eut pas longtemps à attendre. Le jeudi 8 septembre 1977, fut pour Grosse le jour de sa première rencontre avec un poltergeist, trois jours seulement après le début de son premier travail d'enquêteur. Ceci se passa à 0 h 15. Janet dormait dans sa chambre, Pete était retourné à la pension. Grosse montait la garde avec trois hommes du Mirror, sur le petit palier qui séparait les trois chambres (la troisième était envahie de meubles inutilisés et personne n'y dormait jusqu'à ce que quelques semaines plus tard, je m'y installe). Janet paraissait dormir à poing fermé. 38
Soudain, un bruit fort fit sursauter les quatre hommes. Se précipitant à la porte, ils virent que la chaise près du lit de Janet avait fait un bond en avant d'environ un mètre, qu'elle
s'était renversée et qu'elle avait pivoté sur elle-même de 180 degrés. En réalité, personne ne l'avait vu faire, il s'agissait plutôt d'une constatation. Une heure plus tard, la
même chose se reproduisit et à ce moment, le photographe David Thorpe la vit bouger et s'empressa de faire une photographie. Cette fois, Janet n'avait pas bronché alors que lors du premier incident elle s'était réveillée en sursaut et avait commencé à pleurer, manifestement terrifiée. Grosse voulut s'assurer qu'elle dormait vraiment. Avec précaution il souleva une de ses paupières pour vérifier si le globe oculaire était renversé. " Qu'en pensez-vous ? " demanda-t-il à George Fallows. Fallows saisit le bras de Janet et n'enregistra pas la moindre résistance ; quand il le lâcha, il retomba mollement. Lorsqu'il lui poussa légèrement la tête, elle boula sur le côté. Elle est presque inconsciente , dit-il.
Un peu avant dans la soirée, Fallows lui-même avait entendu frapper dans un mur et Douglas Bence avait été assailli par un Lego qui volait. D un commun accord, ils décidèrent que cette histoire valait la peine d'être suivie avec attention. D'ailleurs, Graham Morris, l'autre photographe, passait déjà la plupart de son temps libre dans la maison, bien décidé à prendre une photographie d'un incident paranormal réel. Il savait que s'il y parvenait il serait certainement le premier professionnel à réussir une telle chose. Après plusieurs semaines de frustration, ses efforts furent couronnés de succès.
Bien qu'il n'ait pas vu la chaise bouger, Grosse en rentrant chez lui, à trois heures du
matin, était assuré que l'évolution du cas allait bon train. Invariablement, les poltergeists se manifestent en jetant de petits objets et en frappant des coups ; puis, ils lancent des objets de plus en plus lourds
Ce cas il l'avait voulu. Il décida qu'il le suivrait jusqu'à la fin. S'il avait su que le dénouement était si lointain, on aurait pu l'excuser d'en décider autrement.
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Ce soir-là, la conférence mensuelle de la Society for Psychic Research (prévue depuis plusieurs mois) portait sur les poltergeists.
J'étais assis près de Grosse, dont je n'avais guère entendu parler auparavant. Nous ne nous étions jamais adressé que quelques mots. La première fois à l'issue d'une autre conférence alors que je le félicitais pour une de ses questions toujours pertinentes ; la seconde quand il me dit qu'il venait de lire un de mes livres et qu'il en avait tiré grand plaisir. Notre conférencier était Monsieur D.N. Clark-Lowes, un instituteur en retraite, qui était maintenant bibliothécaire de la Société. A propos des poltergeists, il nous donna un aperçu savant et intéressant, mettant en relief que des choses semblables avaient été rapportées depuis des centaines d'années partout à travers le monde et souligna les deux théories principales à propos de leur nature. L'une d'entre elles était que des gens, souvent des adolescents, filles ou garçons à l'âge de la puberté, paraissaient capables de faire agir des forces inconnues qui s'avéraient dotées d'une action intelligente. C'était l'approche psychologique. L'autre arguait que les fantômes ou les esprits des morts absorbaient l'énergie de leurs victimes et la détournaient au profit de leurs mystérieux desseins. Son exposé fut chaleureusement applaudi par la centaine de membres présents et comme je m'y attendais Grosse lança la discussion. Il fit savoir qu'il enquêtait présentement sur un tel cas et qu'un peu d'aide lui serait utile.Il y eut un silence.
Je constatai avec intérêt qu'un certain nombre de membres furent sidérés en se souvenant que les poltergeists existaient réellement dans le monde, aujourd'hui.
" L'hypothèse d'hallucinations peut, bien sûr, être envisagée
", commenta un membre assis au premier rang. Quand la réunion se termina, j'attendai que les volontaires se désignent. Il n'y en eut qu'un. Lawrence Berger un chirurgien dentiste du sud de Londres, s'avança et offrit son aide, en avouant que ses occupations et la distance de son domicile à Enfield ne lui permettraient pas de consacrer beaucoup de temps au cas.40
Quant à moi la dernière chose dont je m'étais occupé en septembre 1977 était un poltergeist. La veille seulement, j'avais remis en main propre à mon éditeur le manuscrit de mon livre The Cycles of Heaven , résultat de quinze mois de recherches fatigantes, de voyages et de rédaction. Je pensais que j'avais bien gagné mes premières vacances depuis deux ans. Je savais ce que Grosse allait vivre à Enfield. Des nuits sans sommeil, une confusion constante ef à la fin de tout, un sentiment de frustration déroutant. Au Brésil avec mes collègues Hernani G. Andrade et Suzuko Hashizume du IBPP (Brazilian Instüuie for Psychobiophysical Reseasch), j'avais participé à des recherches sur de tels cas et les avais décrits en détail dans deux ouvrages . Je dois reconnaître humblement que j'en avais assez de ces choses. J'étais plus intéressé par les taches solaires puisqu'à l'encontre des poltergeists vous pouvez les voir, les mesurer, et les étudier en toute tranquillité. Faites-moi savoir si vous avez des problèmes , dis-je à Grosse sans enthousiasme comme nous quittions la
salle de conférence de la bibliothèque privée de Kensington. Il me remercia et fila à Enfield. Quant à moi, je me dirigeai vers le bar voisin pour prendre un verre avec des
amis. Grosse arriva chez les Harper à 21 h 20 pour apprendre que la maison avait été très agitée depuis son départ, dix-huit heures plus tôt. Prises de folie, les billes montaient en flèche. Pendant que la famille regardait la télévision, un des tiroirs de la
table TV s'ouvrit brusquement sous leurs yeux. Il n'en fallut pas plus pour les faire s'enfuir et chercher refuge chez les Nottingham, leurs compagnons d'infortune.
Grosse avait déjà constaté que rien de tel ne se produisait en sa présence et s'en étonna encore. Il n'eut pas longtemps à attendre. Moins d'une heure plus tard, il fut
un témoin privilégié, Il vit plus de phénomènes paranormaux en une fois que certains chercheurs durant toute leur vie
.l. n The Flying Cow n et e The Indefinite Boundary n, Souvenir PressLondres.
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A 22 h 05, une bille fonça sur lui à toute vitesse, surgissant on ne sait d'où. Vu sa trajectoire, elle semblait s'être matérialisée au-dessus de la tête des enfants ; mais,il était certain qu'aucun d'eux ne l'avait jetée.Il prenait des notes fébrilement quand six minutes plus tard, Mme Harper l'appela de la cuisine. Il y a du bruit dans la salle de bains , dit-elle. Grosse et les trois enfants se rendirent dans la cuisine (Pete était toujours en pension) et écoutèrent. Au-dehors tout était calme ; il n'y avait ni vent, ni pluie et on n'entendait aucun bruit de circulation. Puis à sa grande stupéfaction, Grosse vit la porte des toilettes s'ouvrir et se fermer seule. Ceci se produisit trois ou quatre fois. En même temps, il sentit un souffle froid et glacial autour de ses jambes, puis de sa tête. Ceci, il le savait, était une des manifestations les plus fréquentes rapportées dans
les cas de poltergeists. Avant qu'il ait eu le temps de coucher cela sur le papier, un mouvement soudain dans la cuisine attira son attention. Un T-shirt venait de sauter du haut d'une pile de linge, placée sur la table et était tombé sur le sol. Personne ne pouvait y avoir touché sans qu'il s'en soit aperçu. L'excitation retombée, les enfants se préparèrent pour la nuit. Rose se rendit à la salle de bains pour se brosser les dents mais elle s'arrêta à la porte de la cuisine en poussant un cri. Venez voir ! Une tasse à moitié remplie d'eau était par terre au beau milieu de la cuisine. Grosse ne voyait pas comment l'un d'entre eux aurait pu la déposer là sans se faire marquer.
Janet allait entrer dans sa chambre lorsqu'une bille s'écrasa sur la porte. Deux autres traversèrent les airs à sa suite. Grosse qui se tenait sur le palier voisin, nota un détail curieux ; les billes ne rebondissaient pas. Elles frappaient le sol et restaient là, comme si une main invisible les y avait placées. Plus tard, je serais témoin d'événements semblables.
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Le lendemain, Grosse constata avec plaisir que Mme Harper avait fait de bons débuts en tant qu'enquêtrice sur son propre cas. Elle lui montra un calepin sur lequel il put lire :
19 h 57 : le tiroir de la cuisine a bougé six fois.
20 h O5 : le carillon de la porte se balance d'avant en arrière.
20 h 10 : dans la cuisine, une cuiller à thé se met à sauter. ·
Un peu plus tôt, un carton à dessin avait sauté de la table de la cuisine alors que Janet passait. Il était déjà clair qu'elle était l'agent principal responsable des incidents ou l' < épicentre , pour employer un mot appartenant au vocabulaire géologique. Elle n'était jamais bien loin quand quelque chose arrivait. Inévitablement, elle fut accusée ; pourtant Grosse était convaincu qu'elle ne portait pas l'entière responsabilité de tous les incidents. Elle n'avait pas touché au carillon mural, ni à la porte des toilettes. Elle ne lui avait pas lancé de billes et n'avait pas causé, non plus, le soudain souffle glacial. Mais, la tenir à l'oeil n'était pas superflu. Cet après-midi-là, le père de Peggy-d'à-côté
Monsieur Richardson, rencontra les enfants rentrant du parc et les raccompagna chez
eux. Janet monta à l'étage et l'appela aussitôt. La chaise qui était habituellement placée près de son lit était juchée sur la porte ouverte, appuyée contre le mur. Monsieur Richardson ne se laissa pas impressionner.
"Oh, ça suffit comme ça !" , dit-il, admettant néanmoins que Janet n'avait pas eu le temps de mettre la chaise là-haut. Son équilibre était aussi précis que précaire et une simple poussée du doigt suffisait à la faire chanceler. De tels tours de force allaient devenir un fait courant à Enfield et, plus tard, j'en verrais un moi-même.
Lorsque j'essayerais de placer la chaise comme la petite fille disait l'avoir trouvée, j'éprouverais de sérieuses difficultés. Je ne l'ai pas mise là s'indignerait Janet
A ce moment dé;à, elle était très contrariée d'être accusée de jouer des tours.
Ils redescendirent et Janet plaça quelques cailloux qu'elle avait ramenés du parc dans l'aquarium pour tenir compagnie aux deux poissons rouges.
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Avec précaution, elle remit le couvercle en place et se rendit à la cuisine. Elle y était encore quand le couvercle sauta, vola dans les airs et atterrit un mètre plus loin.
Janet apparut alors sur le seuil de la porte. "Bon, je n'ai pas fait ça, n'est-ce pas ?" , lança-t-elle sur le ton du défi à Monsieur Richardson, qui était assislà, muet de stupéfaction. Un peu plus tard, le même jour, Grosse eut une conversation avec Mme Harper et lui demanda de garder constamment un œil attentif sur Janet.
"Je ne dis pas qu'elle nous mystifie", dit-il, "mais nous ne pouvons pas écarter l'hypothèse que le poltergeist se soit emparé de son esprit, lui faisant faire certaines choses sans même savoir pourquoi .
Comme elle le faisait toujours, Mme Harper écouta attentivement puis choisit ses mots avec soin avant de répondre. Voyez-vous, Janet n'est plus la même ces dernières semaines. Elle n'est plus l'enfant qu'elle était. Elle est quelque peu différente.
Grosse, ayant lui-même élevé deux filles, tenta de la rassurer."C'est un âge ingrat. Elle vit des périodes de transformations importantes. "
Mme Harper ne paraissait pas tout à fait satisfaite."De toute façon, je l'aurai à l'œil à partir de maintenant. "
Et elle mit son projet à exécution.Le samedi 10 septembre 1977, le poltergeist de Enfield partagea la Une du Daily Mirror avec un compte rendu sinistre de la mort du fils d'un homme politique ayant succombé à une over-dose.Le titre en pleine page disait : "La maison aux événements étranges".
Dans cet article, George Fallows racontait l'histoire dont il avait été témoin au même titre que ses confrères,la police et Grosse. Il rapportait fidèlement les faits et concluait :
"En raison de l'atmosphère émotionnelle qui règne tant dans la maison que dans le voisinage, passant de l'hystérie
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à la terreur, de l'excitation à la tension, il est difficile d'apprécier de façon satisfaisante tous les éléments. Néanmoins, je suis persuadé que, dans son ensemble ,notre enquête est précise. Dans la mesure de nos moyens, nous sommes parvenus à éliminer la possibilité d'une totale mystification..."
Mike Gardiner, producteur pour la LBC Radio de 'émission populaire Night Line, au cours de laquelle les auditeurs peuvent téléphoner, décida de suivre l'histoire du Mirror. Fallows n'ayant mentionné, ni le nom, ni 'adresse de Mme Harper, Gardiner se rendit au commissariat de police de Enfield.
Là, il rencontra Maurice Grosse qui conversait avec le policier Carolyn Heeps, pour obtenir d'elle une déclaration écrite qu'elle signerait plus tard sur les événements du 31 août. Comme on pouvait s'y attendre, Gardiner demanda à Grosse, à Mme Harper et à Peggy Nottingham d'être les invités de son émission le soir même.
A aucun moment, Grosse n'essaya de prendre contact avec les médias. Ni lui, ni Mme Harper n'ont jamais demandé le moindre défrayement. Il ne fait pourtant aucun doute que . Mme Harper aurait su comment employer cet argent puisqu'elle n'avait pour toutes ressources que les allocations familiales et la pension alimentaire que lui versait son ex-mari. Grosse ne formula aucune objection pourvu que la publicité donnée au poltergeist de Enfield fut objective. De plus, il reconnaissait qu'aller en ville changerait les idées de Mme Harper et lui ferait le plus grand bien. L'émission commençait à 22 h 30 et durait deux heures et demie. Mme Harper se révéla être une bonne chroniqueuse ; elle décrivit avec calme et simplicité sa récente épreuve et termina en racontant les incidents survenus le jour même.
" Ce matin, j'ai été réveillée par un bruissement et je ne savais pas ce que c'était. J'allais me lever pour aller voir ce dont il s'agissait quand Janet entra et me dit :
"Mam, ça saute sur les lits " . Je pensais qu'elle voulait dire que les lits bougeaient.
Janet rentra de l'école à 16 h 15. En entrant, elle se dirigea vers la cage de la perruche
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et tapota dessus ; à ce moment, la cloche du carillon mural commença à se
balancer. Puis, elle se rendit à la cuisine pour se servir une tasse de lait glacé. Je la suivis et restai près d'elle. Elle passa à côté du placard de la cuisine, près de l'évier et un des tiroirs commença à s'ouvrir. Tout en buvant son lait, elle dit :
"Oh regarde Mam, le tiroir s'ouvre tout seul !" Elle revint sur ses pas pour sortir de la cuisine ; sur la table, il y avait un carton rempli de dessins curieux qui brusquement sauta sur le carrelage. Peggy Nottingham, quant à elle, décrivit ce qu'elle avait vu le matin même avec le policier qui avait été appelé. Ils étaient montés jeter un coup d'oeil au premier étage et avaient eu l'impression que quelqu'un était ou venait tout juste de s'étendre sur un des lits. Mais Peggy était sûre que personne n'était monté depuis que
les lits avaient été faits deux heures plus tôt. " C'est étrange ", raconta-t-elle aux 250000 auditeurs,"parce que je suis remontée cet après-midi, je me suis étendue sur le lit et en me relevant, j'ai constaté qu'il n'y avait pas de forme, là où je venais de m'étendre. Alors comment expliquer l'autre ? "
L'animateur de l'émission, Simond Reed, demanda à Mme Harper si elle croyait aux fantômes. "Bon !, répondit-elle lentement " je crois en la vie après la mort donc aux fantômes aussi, je suppose. Mais si j'avais lu cela dans un journal, je crois que j'aurais
pensé que c'était un peu fort, toute cette histoire ! "
Les auditeurs furent invités à téléphoner pour raconter leurs expériences et quelques témoignages parurent très convaincants. Helen de Sutton fit un compte rendu intéressant du célèbre cas de Runcorn remontant à 1952. Elle raconta comment l'étui à lunettes de son mari avait été projeté à travers la pièce. Hugo, un avocat de Bloomsbury, évoqua une affaire dont son père, avocat lui aussi, s'était occupé dans laquelle une échelle à barreaux avait été vue valser toute seule. Jackie d'Islington raconta que sa petite fille avait des visions étranges et qu'elle voyait des hommes autour de son lit (plus tard, il arrivera la même chose à Rose et à Janet).
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Hilda de Wandsworth rappela qu'à Barnsley dans le Yorkshire, une femme en lévitation avait monte des escaliers (la même chose se produira également à Enfield). Tous ces interlocuteurs paraissaient être des gens honnêtes et intelligents et non des fabulateurs. Maurice Grosse avait eu beaucoup à faire. Certains auditeurs lui avaient posé des questions auxquelles ni lui, ni personne ne pouvait répondre (< Est-ce que nous, avons affaire à des êtres physiques ? Le poltergeist écoutait-il l'émission en ce moment ? et quelques autre remarques encore plus stupides). Inévitablement, bien sûr, des comparaisons furent faites avec le best-seller l'Exorciste qui fut également le premier film sur le sujet. Grosse savait que deux ecclésiastiques avaient rendu visite aux Harper et béni leur maison, sans que le cours des choses s'en trouvât changé. Il décida qu'il valait mieux ne pas en parler en public. Quand on lui demanda quel jugement il portait sur l'exorcisme, il s'écarta délibérément d'un sujet si brûlant.
" Nul ne peut être dogmatique quant aux remèdes "dit-il. "Nous ne possédons qu'une partie des éléments. Il semble qu'il y ait une recrudescence de ces phénomènes
aujourd'hui, peut-être pour combattre notre horrible façon de penser matérialiste que la seule chose importante dans la vie, c'est... Mais pour ne pas fatiguer les auditeurs, il
est préférable que je me taise ! "Vers la fin de cette longue émission, Peggy Nottingham
fit remarquer qu'elle avait constaté des réactions désagréables de la part de ses voisins, l'un d'entre eux était allé jusqu'à lui dire qu'il ne voudrait pas avoir les Harper chez lui.
Elle ajouta : certaines personnes vous font des réflexions et vous traitent comme si vous étiez simple d'esprit .
Simond Reed fit le commentaire suivant :
" Je ne pense pas que ce soit l'opinion des personnes qui ont suivi cette émission. "
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Son sentiment devait être partagé par tous ceux qui finalement rencontrèrent l'un des témoins du phénomène de Enfield. Il était peut-être difficile de croire ce qu'ils rapportaient mais il était encore plus difficile de ne pas croire en leur honnêteté et en leur sincérité.
Après l'émission, Grosse retourna à Enfield avec Mme Harper et Mme Nottingham. Bien qu'il soit près de deux heures du matin quand ils arrivèrent, une visiteuse les attendait. Elle se présenta comme étant Rosalind Morris une journaliste de la BBC Radio 4 travaillant pour le magazine d'actualité The World This Week-end.
Elle passa la nuit là, et afficha un calme olympien sous le feu lorsque le poltergeist entra en action lança la chaise de Janet à travers la chambre et secouant vivemment son lit. Tout de suite après ces incidents, elle interviewa Grosse et Mme Harper. Elle ne rentra chez elle qu'à l'aube mais s'arrangea pour être au studio pour l'émission de midi, au cours de laquelle elle consacra dix minutes sur quarante au cas qui nous intéresse.
J'écoutai ce programme tout en déjeunant.Cétait une affaire spectaculaire et Grosse qui n'avait pas eu une seule nuit de sommeil complète depuis huit jours paraissait vraiment épuisé. Je savais ce qu'il ressentait l'ayant vécu moi-même. Autant lui que moi, pensa je égoïstement en prenant mon journal pour aller le lireau jardin m'apprêtant à passer un après-midi tranquille.
Mais quelque chose me tracassait. Je pensai à Hernani Guimaraes Andre qui m'avait
enseigné tout ce que je savais des recherches psychique Pendant que je travaillais dans son équipe, au Brésil, Il m'avait souvent dit :"Quand des cas spontanés se manifestent, on doit tout laisser tomber et s'en occuper. Ils n'attendront pas après nous" . Pour lui, il s'agissait d'une obligation morale. J'étais en train de dépouiller les pages des. petites annonces espérant découvrir un vol pas cher pour le Portugal. j'arrêtai et rentrai. De toute évidence, j'avais un collègue en difficulté. je reconnus que mes vacances pouvaient attendre quelques jours.
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L'Algarve n'en perdrait pas pour autant ses charmes. Je téléphonai à Maurice Grosse et lui demandai s'il avait besoin d'aide. Il en avait besoin ; il le dit. Ainsi, le lundi 12 septembre 1977, je remettais mes projets de vacances à plus tard (du moins, le pensais-je) et m'en allais vers La maison aux Evénements Etranges .
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4 - JE L'AI VU BOUGER
La plupart des gens n'imaginent pas une maison hantée comme ça. La maison du 84 Wood Lane était identique à toutes les autres de la rue. Elle faisait partie d'un vaste programme HLM, construit dans le pur style 1920 ; les maisons jumelles étaient séparées par des allées et des jardinets. La rue était large et l'école, sur l'autre trottoir était calme en ce début de soirée. Je me trouvais dans une jolie banlieue paisible et avenante. Je sonnai. Madame Harper, elle, m'invita à entrer dans un autre monde...
" Monsieur Playfair ? Oui, Monsieur Grosse m'a prévenue de votre arrivée ! " Je l'observai. Elle était solide, amicale et directe, avec des yeux bleus très clairs et un sourire chaleureux. Malgré son air vidé, je percevais la rudesse Cockney de son caractère. Dès ce moment, j'ai senti que je pouvais lui faire confiance.
Elle m'offrit une tasse de thé et je lui demandai de me raconter les événements des douze derniers jours. Elle le fit, prudente, en choisissant ses mots et ajoutant peu aux descriptions qu'elle avait déjà données à Grosse. Puis, elle me présenta à toute la famille. Rose, l'aînée, paraissait plus âgée qu'elle ne l'était en fait. Grande avec de longs cheveux bien coiffés, ses façons étaient agréables et franches mais on la devinait quelque peu timide.
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Elle aurait pu passer pour la soeur de Mme Harper. Janet était pleine de vie, grande pour son âge, courant et sautant au moindre prétexte ; elle parlait si vite qu'au début, j'eus quelques difficultés à la comprendre. Son espièglerie était évidente ; il n'est donc.. pas étonnant que certains, dans les mois qui suivirent, la suspectèrent de jouer des tours. Le jeune Jimmy avait une belle tignasse de cheveux blonds, un sourire jusqu'aux oreilles et portait une grande paire de lunettes. Malheureusement, il ne parvenait pas à prononcer les consonnes et ce défaut rendait toute conversation avec lui très difficile ; pour le reste, il était parfaitement normal. Son frère aîné, Pete, était en pension et je n'ai fait sa connaissance que quelques semaines plus tard.
Le living ressemblait à un véritable studio de prises de vues avec des appareils, des pieds, des lampes et des câbles partout. Graham Morris était déjà à l'oeuvre, travaillant maintenant pour son propre compte, après avoir achevé sa tâche pour le Daily Mirror. Il me montra l'ecchymose sur son front faite par le Lego. Ce n'était pas beau à voir et la vitesse de la petite brique avait dû être vertigineuse.
Tôt le matin, il y avait eu ce que Mme Harper appelait un peu d'agitation ; le reste de la journée avait été très calme. Pourtant, l'ambiance était tendue et quand un grand mille-pattes se fourvoya dans la cuisine, ildéclencha une véritable panique. J'attrapai l'inoffensif insecte dans mes mains jointes et lui rendis sa liberté dans le jardin derrière la maison. Je remarquai alors qu'une des portes coulissantes du placard de la cuisine était ouverte. Chacun m'assura qu'elle avait été fermée, mais il en fallait plus pour me convaincre de la présence d'un poltergeist. Je ne mettais pas en doute ce que j'avais entendu mais je demandais à voir par moi-même. L'activité du poltergeist est, par essence, incroyable et la plupart des gens rationnels et simples ne peuvent y croire. Mais quand ils l'ont vu, de leurs yeux vu, ils y croient. Alors, ils reconnaissent qu'il est très difficile de convaincre qui que ce soit que de telles choses se produisent vraiment.
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convaincre qui que ce soit que de telles choses se produisent vraiment. En dépit du fait que j'ai "connu" de nombreux poltergeists et qu'une dizaine de témoins extérieurs
(Grosse, les quatre journalistes du Mirror, les Nottingham, Rosalind Morris et les policiers) m'assuraient que des choses inexplicables arrivaient, je restais méfiant. Je voulais être réellement convaincu. Peut-être à cause de l'étincelle malicieuse dans le regard de Janet.
A l'heure du coucher, Graham et moi-même, montâmes la garde sur le palier du premier. Nous avions placé un appareil équipé d'un flash, sur un pied dans la chambre
de la petite fille. Le long câble qui le reliait au déclencheur à distance ne quittait pas la main de Graham. Si quoi que ce soit bougeait, il prendrait un cliché.
Nous restâmes silencieux pendant une demi-heure. Rien ne bougeait. Janet paraissait profondément endormie. Je dis à voix haute : Bon, nous pouvons descendre à présent . Nous étions de connivence pour ce numéro. Graham me passa le déclencheur à distance et descendit bruyamment les escaliers bavardant, comme s'il était avec moi alors que je restais exactement là où je me trouvais. Il foulait deux fois chaque marche ainsi que je le lui avais appris et cela donnait l'illusion que deux personnes descendaient l'escalier.Du seuil de la porte, j'observais en silence la chambre
de Janet. Dès que Graham eut fermé la porte du living, la tête de la fillette se souleva de l'oreiller. Ah... pensais-je, ainsi tu ne dormais pas. Je ne dis rien et elle non plus. Au moins, je tirerai au clair cette histoire ; et puis, si elle jouait des tours, pourquoi pas moi ?
Avait-elle attendu que nous soyons partis pour jeter des billes ? Je descendis et expliquai à Mme Harper ce que je venais de faire. Elle comprit mon mobile. "Même
si Janet fait des farces ", lui dis-je, " ce n'est peut-être pas sa faute. Si vous la surprenez, dites-le moi, mais ne lui en parlez pas ! >>. Elle accepta. Graham et moi remontâmes. Janet paraissait endormie. J'en déduisis que malgré toute sa vitalité, elle avait du céder à la fatigue.
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A 23 h 15, quelque chose frappa le plancher de sa chambre. Le bruit ressemblait à celui d'une bille qui ne rebondirait pas et ne roulerait pas. Je ne vois pas comment elle aurait pu lancer ça sans que ça roule. Et vous ? murmurai-je." Moi non plus", répondit Graham. .J'enlevai mes chaussures et entrai à tâtons dans la chambre avec l'intention d'explorer chaque centimètre carré pour trouver la bille. "Aïe ! ", m'exclamais-je. J'avais mis le pied dessus ; elle était juste au milieu de l'entrée. Je pris la bille et la laissai tomber d'une hauteur d'environ cinquante centimètres. Elle rebondit plusieurs fois et roula sur le lino faisant un peu de bruit. Pour répéter le son que nous
avions entendu quelques instants plus tôt, je dus la laisser tomber d'environ cinq centimètres ou encore, la prendre .et la poser sur le sol. Si Janet avait fait une telle
chose. nous l'aurions vue'.Aussi, dès ma première visite à Enfield, j'étais convaincu de l'authenticité du cas. Le soir suivant, Graham et moi, nous revînmes ; nous avions apporté assez de matériel photo pour monter un petit commerce. Il le transporta en haut et installa trois Nikon sur des pieds de sorte que chaque centimètre carré de la chambre de Janet était couvert au moins par un objectif. Puis, il effectua les réglages qui nous permettraient de les déclencher depuis le couloir. Je fais un essai dit Graham. Il avait vérifié les trois appareils et les flashs au rez-de-chaussée. Tout était en ordre, les flashs chargés et prêts. Il appuya sur le déclencheur, les trois obturateurs cliquetèrent ensemble mais les trois flash défaillirent. Un professionnel de Fleet Street doit être capable de prendre une photographie de n'importe quoi, n'importe où, et dans n'importe quelles conditions.
I. In Poltergeists of The South (Cape Town : Howard Timmins, 1966,
page 42), le professeur I.D. Du Plessis décrit un cas en Afrique du Sud,
dans lequel des pierres tombaient, s'immobilisant dès qu'elles touchaient le
sol au lieu de rouler au loin ainsi qu'on pouvait s'y attendre d'après le
bruit qu'elles faisaient x. C'était le premier des innombrables incidents dé
ce genre au 84 Wood Lane et c'était presque une répétition exacte de
ceux déjà décrits, partout ailleurs, précédemment.
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Le matériel de Graham était constamment examiné, réparé ou remplacé. En sept ans d'expérience, il n'avait jamais manqué à sa tâche. Hum , fit-il calmement. C'est curieux . II réexamina son matériel. Tous les appareils étaient en bon état de fonctionnement ; les trois flashes, eux, ; n'avaient, pour une raison ou pour une autre, pas tenu la charge. Et ce, alors qu'ils venaient d'être chargés. Le lendemain, il les rechargea tous les trois sur la même batterie et constata leur bon ordre. C'était la première des multiples occasions au cours desquelles les appareils photo et les enregistreurs adopteraient une conduite bizarre à Enfield. Je savais que c'était un phénomène courant avec les poltergeists et fit une vérification minutieuse de mon matériel d'enregistrement personnel. Le 19 septembre 1977, je passai la nuit chez les Harper ; le débarras était suffisamment dégagé pour que je puisse atteindre le lit d'appoint. A ce moment, le cas s'enlisait dans la monotonie et la routine avec toujours et encore les mêmes incidents - les lits qui remuaient, les billes et les Lego qui volaient, les tiroirs qui s'ouvraient et les chaises culbutées. Si j'avais compilé tous les événements et incidents observés, j'aurais obtenu un rapport de deux mille pages, d'une lecture éminemment fastidieuse.
Malgré mon refus initial et authentique d'être mêlé à un autre cas de poltergeist, je me découvris vite, de plus en plus attaché, à la famille Harper et à leur mystérieux visiteur. Ce cas semblait pourvu d'une activité inhabituelle et comme Grosse avait saisi la chance au commencement, nous décidâmes de rester jusqu'au dénouement.
Sachant qu'en général un cas durait huit semaines, je pensais que je pouvais m'y consacrer. Si j'avais su que celui-ci m'occuperait deux années, il est probable qu'à ce moment-là, j'aurais laissé tomber. De mon lit, je pouvais entendre tous les sons provenant des deux autres chambres dont les portes restèrent ouvertes à ma demande. A trois heures du matin, j'entendis Janet et sa mère - elle dormait dans le lit de Pete se réveiller.
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J'allai jusqu'au seuil et demandai : Que se passet-il ? Il y a un bruit étouffé , répondit Mme Harper la voix ensommeillée. Personnellement, je n'avais rien entendu. Oh, c'était sans doute moi , répondis-je. J'ai été faire un tour. Ne vous inquiétez pas . Je retournai me coucher. Au moment, où je m'étendais, il y eut un bruit mat et bref comme si quelque chose avait heurté le lino dans le couloir, à quelques pas de mon lit. Je trouvai l'objet tout de suite. Il s'agissait d'une petite brique
Lego, atterrie sur les marches de l'escalier. Je ne voyais pas comment Janet aurait pu la lancer. Rien n'avait rebondi sur le mur ; de plus, elle ne s'était pas relevée.La nuit suivante, à l'insu de Janet, j'attachai la chaise turbulente à un des pieds de son lit. A peine était-elle couchée que la chaise se dégagea et je trouvai le fil de fer cassé net. Je la rattachais aussitôt, mais cette fois, en faisant plusieurs tours avec le fil. Bien sûr, Janet me vit faire. Mme Harper et moi étions redescendus depuis trente minutes, lorsque nous entendîmes un autre craquement. Nous nous précipitâmes en haut. Elle s'arrêta sur le seuil de la porte. c Oh ! > dit-elle, mais c'est une tout autre histoire Cette fois, le gros fauteuil, près de la cheminée avait basculé. Je m'y attendais dit-elle. Pas plus tard qu'aujourd'hui, j'ai dit c'est un miracle que l'autre siège n'ait pas encore bougé !
> Je descendis chercher mon mètre ruban. En remontant ,i'entendis un autre coup sourd. La même chose venait de se reproduire. L'avez-vous vu bouger ? , demandai-je. Je l'ai vu , dit-elle. L'autre est-elle attachée ? Je répondis par l'affirmative. Alors, c'est la raison pour laquelle celle-ci bouge remarqua-t-elle. La prochaine fois, le lit basculera . Il me semblait qu'elle développait un don de prémonition alarmant.
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Alors que nous redescendions, il y eut un fracas de tous les diables dans la chambre de Janet. Non seulement le lit avait bel et bien basculé mais la petite chaise, rnalgré son fil à la patte, avait fait un bond, se libérant à nouveau de ses entraves. I1 fallait jouer au plus fin. Le poltergeist paradait. La prochaine fois, les livres tomberont , prédit
Mme Harper. Il y avait trois livres d'enfants posés sur le manteau de la cheminée, derrière le fauteuil. Mon magnétophone était sur le sol, près de la porte'. Tout exprès pour qu'il enregistre les éventuels craquements du plancher au cas où Janet se lèverait. Faute de quoi, elle ne pouvait atteindre les livres. Quelques minutes plus tard, quatre choses survinrent en même temps dont trois étaient parfaitement audibles sur la cassette. La petite chaise se renversa et le lit inoccupé s'éloigna très vite du mur vers Janet. Le mouvement fut si violent qu'un de ses pieds métalliques se tordit. En même temps, un des livres de la cheminée traversa la pièce et en sortit ; il alla s'écraser sur la porte close de la chambre principale avant de s'immobiliser ouvert et debout sur le plancher de < ma chambre. Il était intitulé : Fun and Gairces for Children . J'en restai coi. Sur la cassette, j'entendis le livre siffler en passant au-dessus de l'enregistreur à une vitesse vertigineuse, frappant d'abord la porte puis le sol. Il devait avoir frappé la première porte à un angle de trente degrés environ puis fait une demi-volte pour se diriger vers l'autre. Ceci défiait les quelques lois de physique que je connaissais. Néanmoins, c'était effectivement arrivéLe quatrième incident était encore plus étrange. Pour la première fois ce soir-là, croyez-le ou non, Janet semblait avoir été réveillée. < Regarde ton oreiller, Mam dit-elle. Nous regardâmes. < C'est une forme là dis-je ressemblant à ... N c Oui >>, m'interrompit Mme Harper, < un petit creux .C'était exactement comme si quelqu'un d'invisible était étendu sur le lit, ainsi que l'avait dit Peggy Nottingham à la radio.
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cc Nous avons affaire à une petite fille qui s'amuse à nos dépens , dis-je.
cc Je le dis depuis le début v, fit Mme Harper. c Je pense que c'est un enfant . Elle m'avait déjà raconté l'histoire horrible qui s'était passée quelques années auparavant dans le voisinage. Un homme avait étouffé sa petite fille âgée de quatre ans avant de se donner la mort.Il se trouvait que Monsieur Harper connaissait un peu l'homme en question et qu'il avait racheté des meubles provenant de sa maison. Au début de l'activité dt poltergeist, se souvenant de cette tragédie, Mme Harper en avait tiré une conclusion hâtive et erronée. Malgré leur bonne qualité, elle les avait tout simplement remisés dans le jardin en attendant que l'administration de la cité les fasse enlever. Bien sûr, cette démarche n'avait rien changé De toute manière, rien ne nous empêchait de supposer, que le poltergeist était l'esprit d'une enfant tourmentée qui s'amusaït ; alors pourquoi être effrayé par une gamine de quatre ans, vivante ou morte ?
c Elle est simplement perdue et décontenancée , dis-je.cc Elle veut sûrement parler et ne comprend pas pourquoi nous ne répondons pas . J'expliquai, en accord avec les croyances spirites ,que les gens ignorent souvent qu'ils sont morts et, pour autant que je le sache, il existait suffisamment de preuves indiquant que quelque chose survivait certainement au-delà de la mort physique. Quelque chose qu'on appelait cc esprit à défaut d'un mot plus précis. Ce n'était pas un mot que je tenais en grande estime pas plus d'ailleurs, que je n'aimais le sentimental et insignifiant non-sens trop souvent associé au Spiritualisme. En revanche, il n'y a rien de puéril dans la volonté d'en savoir plus sur la véritable nature de l'homme avant ou après sa mort. Le seul moyen pour acquérir cette connaissance, pensais-je, était d'étudier les faits liés à des cas comme celui-ci, où les
l. Dans cet ouvrage, Spiritisme renvoie à la doctrine basée sur les écrits d'Allan Kardcc tels que mis en pratique au Bnsil alors que Spiritualisme renvoie aux religions plus informelles de l'Europe et de l'Amérique du Nord.
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frontières entre le familier et le jamais-vu paraissaient atteintes. cc J'aimerai entrer en contact avec elle , dit Mme Harper. cc N'aie pas peur, Janet, elle ne te fera pas de mal Elle essaie simplement de nous parler à sa manière cc Mais pourquoi après six ou sept ans ? , demanda Janet. cc C'est différent pour eux , dis-je. cc Ils n'ont pas la même notion du temps que nous . Ensuite, je bavardai avec Janet et lui expliquai qu'elle n'avait aucune raison d'être effrayée.
cc Je ne suis pas effrayée , répondit-elle endormie. cc Je m'y habitue mais les coups, les craquements, le fracas tout le temps... Je lui souhaitai une bonne nuit et descendis. Quelque minutes plus tard, nous crûmes que la maison alla s'écrouler. Rose poussa un cri et hurla " Mam ! ". Nous nous précipitâmes au premier pour découvrir que la lourde commode habituellement placée contre le mur s'était renversée ; les tiroirs vides étaient tombés sur le sol et elle était à présent immobilisée dans un coin, tout contre le grand fauteuil, faisant avec lui un angle de 45 environ.
cc Oh mon Dieu ! , dit Rose. cc Quelle force ! quoi que ce soit c'est doué d'une puissance meurtrière . Jamais aucun des incidents précédents n'avait encore réussi éveiller Rose ou Jimmy. I1 en fallait beaucoup pour l'empêcher de dormir et cela n'a jamais cessé de me surprendre.
"Ça devient de plus en plus puissant chaque jour dit Janet."
J'ai vu ça, je regardais. Je l'ai vue bouger , je l'ai vue se renverser. J'ai entendu le plancher craquer Sadernière remarque était intéressante. En écoutant l'enregistrement, je l'entendis également. En était-elle l'auteur Je recommençais à avoir des doutes. "Graham devrait être là cette nuit ", observa Janet Je pensai à lui téléphoner mais il était très tard et nous étions tous fatigués. Du reste, j'eus une idée et le matin suivant,
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Grosse téléphonait, à ma demande, à tous les fabricants de matériel vidéo de la région pour leur demander sans détour s'ils accepteraient de mettre à sa disposition - gracieusement - une caméra et une console d'enregistrement pour essayer de photographier un poltergeist en action. Cette démarche audacieuse paya ; le soir même, une équipe de chasseurs de fantômes passionnés débarqua de Cambridge. Il n'y avait pas moins de quatre personnes : le directeur des ventes, le chef démonstrateur et deux de ses collègues de chez Pye Business Communicatiôns. Tous avaient sauté sur l'occasion de mettre leur équipement à l'épreuve pour une utilisation aussi inhabituelle.
La caméra Pye Newicon > est à peu près de la taille d'une brique. Elle peut prendre une photo parfaite à la seule lumière d'une bougie et si quelqu'un passe devant
l'objectif, 1'image s'éclaircit encore comme si l'émission d'infrarouges émanant d'un individu s'imprégnait sur le film.
Ron Denney était démonstrateur de la caméra depuis trois ans. Comme d'habitude, il testa entièrement le matériel, la console d'enregistrement vidéo et l'écran témoin avant de l'installer. Tout était en ordre. Il installa la caméra sur un pied dans la chambre de Janet, laissant en bas l'enregistreur raccordé à l'écran de sorte que nous pouvions tous observer la petite fille dans son lit. Puis, il brancha l'enregistreur (pas fabriqué par Pye) et pour la seconde fois cette semaine, un appareil coûteux défaillit entre les mains d'un professionnel expérimenté. D'abord, toutes les lumières commandées par les différents boutons de l'enregistreur s'allumèrent en même temps, ce que Denney pensait impossible. Puis, la bande refusa de défiler, alors qu'elle venait tout juste d'être vérifiée. Après s'être < gratté la tête >, l'équipe Pye entreprit de démonter la console ; ils constatèrent qu la bande avait bourré , paralysant tous les mécanismes. Ils rencontrèrent les plus sérieuses difficultés pour les débloquer. "I1 n'était pas impossible qu'un tel vice se révèle" écrivit Denney dans son rapport,
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< mais c'est extrêmement désagréable . Il ajouta que ni lui, ni ses collègues n'avaient rencontré ce défaut auparavant. Mais il faut dire que ni lui, nieux n'avaient encore essayé de photographier un poltergeist. Nous avons sur les bras un spectre qui s y connaît , en mécanique, ironisa GrosseEn fin de compte, le matériel daigna fonctionner Nous nous relayâmes pendant plusieurs heures pour surveiller l'écran témoin. Ce fut le spectacle TV le plus ennuyeux auquel j'aie jamais assisté. Janet alla se coucher, s'endormit et il n'arriva absolument rien. Bien que l'équipe Pye très coopérative, revint à deux occasions, les performances ne s'améliorèrent nullement.
Nous aurions obtenu un résultat si Janet avait ignoré la présence de la caméra , dis-je. Je pense que la Chose utilise ses facultés ; si Janet ignore quelque chose, elle l'ignorera aussi. A votre place, je ne compterais pas là-dessus, Guy ,répondit Grosse. "Il est plus malin que nous. Regardez sa façon d agir au moment où vous sortez d'une pièce quelque chose arrive "
. Vous restez dans la même pièce pendant des heures et rien ne bouge. Il sait que nous
sommes éveillés. J'étais d'accord, c'était vraisemblable. Mais, de temps en temps, il nous laisse le voir à l'oeuvre, n'est-ce pas ? Oui, et c'est même ce qui me stupéfie >, me dit Maurice . Juste avant que les gens de chez Pye n'arrivent
il s'est produit quelque chose que je n'ai pas encore eu le temps de vous raconter. Voilà, j'étais assis dans la cuisine - seul dans la cuisine - notez ce détail, quand tout à coup, la théière près de la gazinière commença à se balancer d'avant en arrière pendant environ sept secondes, faisant une petite danse juste sous mes yeux. Elle était vide et froide. Logiquement, c'était impossible . J'examinai la théière - plus tard, elle serait impliquée dans un incident encore plus spectaculaire - et ne trouvai aucun moyen de la faire bouger comme Maurice assurait qu'elle l'avait fait. Je ne voyais pas non plus com ment Janet aurait pu être soupçonnée puisqu'elle n'était pas dans les parages à ce moment.
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J'insistai pour que nous mettions la maison à l'épreuve en la truffant de micros. Ce n'était peut-être pas facile ou pas tellement éthique mais ça valait la peine d'essayer.
Je ne me doutais pas que quand nous mettrions cette proposition en application, il en résulterait tant de doutes et de confusion. Cependant , repris-je. Il y a une chose que nous devons faire. Nous devons arrêter tout ça >. < Bonne idée , répondit Grosse, mais comment ? > Je lui montrai quelques coupures de presse, extraites de la revue hebdomadaire spirite, Psychic News. Dans son numéro du 17 septembre 1977, l'éditorialiste Maurice Barbanell commentait l'article paru dans le Mirror
en disant qu'il trouvait étrange que personne n'ait songé à faire appel à un médium pour résoudre le mystère.
" Les médiums, écrivait-il, sont les seuls vrais experts dans le domaine psychique. " Voici, en substance, ce que j'écrivis au journal en question, dès la semaine suivante : Je suis convaincu de l'utilité et de l'efficacité des médiums dans certains cas ; j'en ai connu plusieurs au Brésil ; en Angleterre, le problème est d'en trouver un,capable de faire ce qu'il faut. Je parlais d'expérience. En 1975, j'avais essayé d'aider la victime d'un cas de poltergeist au sud de Londres. Cette personne souffrait d'une angoisse réelle et même
de dommages physiques ; le poltergeist lui causait des démangeaisons insupportables sur tout le corps. (Accompagné d'un membre du conseil de la SPR, j'ai vu et photographié quelques-unes des écorchures alors qu'elles saignaient encore.) A cette occasion, j'avais fait appel à des spirites, mais en vain. Ils étaient tous très occupés ·
certains ne savaient tout simplement pas quoi faire.L'un d'entre eux m'ayant même répondu qu'il ne voulait pas être impliqué parce que l'entité pourrait s'emparer de moi . Au Brésil, j'en étais certain, j'aurais rassemblé sans problème une demi-douzaine de médiums, prêts à offrir leurs services gratuitement. L'un d'entre eux aurait pro bablement
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incorporé le poltergeist, parlant avec sa voix et les autres l'auraient persuadé de quitter le plan terrestre et d'aller dans les royaumes auxquels il appartenait. Ceci peut paraître stupide, mais je possède suffisamment de preuves pour démontrer que cette approche donne des résultats satisfaisants. Alors si quelque chose pouvait marcher, pourquoi ne pas essayer ?
Je savais que Grosse n'était pas enchanté par l'idée d'une éventuellel association avec des médiums mais il ne s'opposa pas à ce que j'en cherche un. Avec son accord, j'allai trouver Paul Beard, directeur du College of Psychic Studies pour lui demander son aide. Après quelques questions pour s'assurer que nos intentions vis-à-vis des Harper étaient réellement bienveillantes, il consentit à me donner le nom de la personne qu'il pensait être la plus apte pour traiter ce type de cas, insistant sur le fait que son identité réellee devrait jamais être divulguée. Elle était en vacances avec sa famille et je ne pourrai prendre contact avec elle avant la première semaine d'octobre. Pendant ce temps à Enfield, la tournure des événements évolua rapidement.
Le calvaire des Harper - déjà long - durait et chacun s'attendait au pire.
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5 - ACTION ET AVENTURE
A 17 h 30, le dimanche 25 septembre 1977, Sylvie Burcombe se rendit dans sa cuisine pour préparer le thé tant pour sa famille que pour les Harper. Une fois de plus, ces derniers avaient quitté leur demeure tellement effrayés qu'ils avaient passé l'après-midi au 72. Il y avait eu beaucoup d'<< activité v ; Mme Harper avait écrit dans son carnet de notes que la journée avait mal commencé et que tout allait de mal en pis :
<< Lorsque Janet et moi nous réveillâmes, nous attendîmes une minute avant de nous lever. Nous pensions avoir entendu des pas légers qui gravissaient les marches.Tout à coup, la petite chaise près du lit fit un bond ; elle recommença comme je sortais du lit. Il était 6 h 45. Il était 6 h 50 quand je sortis de la salle de bains ; Janet y entra. La grosse commode sauta et fit un tour complet sur elle même. Maintenant, tout le monde était descendu. Janet était dans la pièce de devant, seule. Le coussin de la chaise rouge sauta près du secrétaire vitré. 7 heures. La petite table TV dans le coin se renversa et tout ce qui y était posé fut éparpillé sur le sol. 7 h 05. Janet était seule dans la pièce. La grosse chaise rouge dans le coin le plus éloigné bascula. Janet traversa la cuisine pour aller aux toilettes. A 8 h 40, j'étais dans le living quand la chaise de la cuisine est tombée. Plus tard dans la matinée les événements se succédèrent si vite que Mme Harper n'eut que le temps de noter les détails essentiels - Janet dans la cuisine.
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; ": Nous observons la chaise ; elle bouge et Janet est dessus. Quand Janet se lève le canapé vert se renverse. Les Harper espéraient trouver un peu de calme et de tranquillité chez les Burcombe ; il n'en fut rien. De la cuisine, Sylvie poussa soudain un cri perçant et lâcha la bouilloire qu'elle tenait en main. Ce n'est que quelque temps après l'incident qu'elle réussit à se dominer pour décrire ce qui était arrivé. Je versais l'eau de la bouillire dans la théière,dit-elle, quand quelque chose apparut juste devant mes yeux et tomba sur le plan de travail en rebondissant
c'était une barre de plastique d'environ douze centimètres de long provenant d'un des jouets des enfants. J'avais les yeux baissés et quand je les relevai la chose était face à moi raconta-t-elle à Grosse quand il arriva un moment plus tard. Je criai, je hurlai, je sautai en arrière et après avoir reculé je vis la chose sauter et remonter encore. Grosse questionna Mme Burcombe très : consciencieusement à propos de cet incident. Il semblait qu'il s'agissait d'un cas authentique, un des plus rares dans le domaine psychique - la matérialisation.Personne n'avait jeté vers elle la barre de plastique insista-t-elle. Elle était < seulement apparue sous ses yeux, puis tombée. Chacun dans la maison reconnut qu'aucun d'entre eux ne pouvait l'avoir jetée. C'était un fait nouveau : le poltergeist pouvait suivre Harper hors de leur domicile. John Burcombe avait montré le plus grand scepticisme quand sa sœur lui avaitparlé pour la première fois de ce qui se passait chez elle. Ma première réaction a été l'incrédulité , dit-il. J'essayai de la calmer en lui disant que si les meubles bougeaient chez elle c'était à cause des vibrations ou de quelque chose comme ça. Mais le temps passait et je n'y croyais toujours pas vraiment. J'avais bien évidemment assisté à l'une ou l'autre chose mais je me refusais à y croire sans pour autant pouvoir les nier. > Il ajouta : < Je sais que c'est un peu difficile à expliquer.
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En fait, il en avait vu pas mal, tant chez lui que chez sa soeur. Il avait observé, bouche bée, une lampe qui, glissant lentement de la table, tomba sur le plancher avec de violentes vibrations. Il avait vu un tiroir s'ouvrir tout seul. Une force invincible l'avait empêché de fermer la porte de sa propre chambre - à moitié. ouverte - alors qu'en temps normal, elle se fermait d'elle-même.
Et il avait assisté à quelque chose d'encore plus alarmant. Un jour, il se trouvait au pied de l'escalier chez Mme Harper regardant vers le haut. Je vis cette lumière,dit-il. Je pense qu'elle mesurait une vingtaine de centimètres de hauteur. Une lumière fluorescente qui brûlait furieusement derrière une vitre givrée puis qui s'évanouit lentement. c Quelle fut votre réaction ? demanda Grosse. J'étais mort de peur. Je n'ai jamais rien vu de semblable ; le sentiment qui me dominait était celui
de la peur comme si quelqu'un était debout devant moi et m'observait. Je n'avais jamais connu un tel sentiment. Quant à ses deux enfants, ils avaient, eux aussi été témoins d'un certain nombre de choses. Sa fille, Brenda, âgée de seize ans, avait vu plusieurs objets bouger dans sa chambre et aussi senti un de ces soudains souffles glacials qui accompagnent souvent les cas de poltergeist. C'était comme s'il y avait quelque chose là, mais vous ne pouviez pas le voir, dit-elle, " une personne... ".Son frère, Paul Burcombe, gamin turbulent et aimable, avait treize ans. Il n'avait pas seulement vu beaucoup de choses mais montrait des talents d'enquêteur circonspect
notant les moindres détails. Janet était assise sur cette chaise, dit-il, et la chaise bougeait vraiment. J'étais juste à côté d'elle et elle bougeait de quelques centimètres et puis elle a été projetée. Etait-il possible que Janet pousse la chaise ?demanda Grosse. - En aucune façon, répondit Paul. Si elle bougeait, elle aurait du contracter tous les muscles de ses jambes. > Une autre fois, quand Jimmy posa sur la table une de ses petites voitures, elle fut rapidement jetée au sol. Mais Paul trouva immédiatement qu'il était possible
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de répéter la même chose en remontant son mécanisme. J'étais heureux de constater qu'il cherchait d'abord une explication rationnelle et qu'il ne supposait pas systématiquement que c'était l'oeuvre du poltergeist. Les apparitions constituèrent le second fait nouveau. Parmi les gens ayant vu la première, il y avait Vic Nottingham. Ce n était pas exactement le genre d homme à prétendre qu'il avait vu un fantôme. Mais il le. Prétendait et le racontait à sa manière habituelle :" J'ai peut-être une imagination débordante ", disait-il, Mais je pense que cela n'a rien à voir. J'allais dans mon appentis et en passant dans le jardin j'ai eu l'impression de voir une apparition a la fenêtre. A la fenêtre aveugle du no 84. On aurait dit une vieille dame, une vieille dame
aux cheveux gris. Il n'en parla à personne si ce n'est à sa femme. Cet après-midi là, il rencontra Mme Harper dans la rue. Je viens de la revoir, lui dit-elle, la vieille femme dans la fenêtre. Vic trouva que la description qu'elle lui en donnait correspondait exactement à ce qu'il avait vu, seul le lieu de la vision différait. Mme Harper, elle l'avait vue à la fenêtre côté façade. Incidemment, leur; deux visions s'étaient produites le jour où M. Burcombe avait rencontré la source lumineuse dans les escaliers
Ainsi, un mois après le début du phénomène, nous comptions quinze personnes en plus des Harper - les Nottingham, les Burcombe, l'équipe du Mirror, Carolyin Heeps , Rosalind Morris de la BBC Grosse et moi-meme qui étaient convaincues que le cas de Enfield était authentique. Avions-nous tous eu la berlue Ce n'est que le 15 octobre, lors de ma treizième visite aux Harper, que je fus capable de rejeter mes doutes et d'accepter ce que mes yeux et, plus important encore, mon enregistreur me prouvaient.
Ce fut un jour de grande agitation. Des mon arrivée un incident me montra que Mme Harper avait encore les pieds sur terre, en dépit de tout. Nous étions assis dans la cuisine et elle me décrivait comment la théière avait été retrouvée sur une barre de pâte à modeler sous la chaise de la cuisine, entourée d'une flaque d'eau. Soudain elle s'arrêta Vous savez ce que c'est ? me demanda-t-elle.
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- Quoi ? interrogeais-je Des souris, déclara-t-elle. C'est ce que je pense. C'est mon point de vue. J'entendis un faible grattement venant d'au-dessus. Manifestement, elle n'était pas disposée à entendre des fantômes même après une journée pénible, sans chercher d'abord une explication normale. Puis Janet et Rose entrèrent dans la cuisine." Il y eut alors quelques coups sourds frappés au mur." Ce sont les gamins d'à côté ", dit Janet. Les deux filles se précipitèrent hrors de la maison pour les fairedéguerpir. C'étaient effectivement les gamins d'à-côté et j'étais;heureux que Janet fasse la différence entre eux ou quelque chose d'autre. Quand Mme Harper eut terminé son compte rendu des événements de la journée, je décidai de remonter la rue pour prendre une bière et un sandwich. J'ai toujours refusé de la laisser me nourrir et de plus, je voulais tenter une nouvelle expérience. J'avais noté que les choses semblaient, de façon systématique, se produire soit à mon arrivée, soit juste après mon départ. Aussi, ce soir-là, je me débrouillai pour cacher mon enregistreur au-dessus du placard du living et je le mis en marche. J'étais certain que personne ne savait qu'il se trouvait là et cette première tentative pour espionner la famille - il y en aurait d'autres - s'avéra effectivement très intéressante.La qualité de la bande était loin d'être parfaite. Ils avaient regardé un film à la télévision : " Escape from the
Planet of the Apes ". Le lendemain, ce ne fut pas un jeu d'enfant d'identifier les différents sons sur l'enregistrement. Mais, j'acquit au moins la certitude que le fort bang , quelques minutes seulement après mon départ de la maison existait bel et bien. On entendait Rose demander : Qu'est-ce que c'était ? - Rien, répondit Mme Harper. - Tu m'as vraiment fait peur, disait Rose.
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- Il n'y a pas de quoi s'affoler , répondait Mme Harper. Samedi prochain à 19 h 35, action et aventure avec... >, disait une voix à la TV. Juste après, il y eut un bruit terrifiant. Mince ! criait Rose. - Il m'a manqué de peu , disait Mme Harper. Ça va, pas de panique ! II y eut à nouveau un bruit épouvantable. J'allais m'asseoir à peu près là et la détonation venait d'en dessous. C'était la voix de Janet ; elle paraissait plus contrariée qu'effrayée. Puis, on entendait Mme Harper dire : Attends une minute. Ouvre cette porte. Regarde... A nouveau, un autre claquement violent l'interrompit et Jimmy hurla : Ça m'a frappé ! Quand il était bouleversé, il parlait intelligiblement. Vite M. Playfair, où que vous soyez, disait Janet. - Il n'a pas pris ce chemin, il est parti de l'autre côté , remarquait Mme Harper. Janet était probablement en train d'observer à travers les rideaux.Puis, suivait une discussion à propos de l'heure exacte à laquelle j'étais parti pour savoir quand je reviendrais. II était clair que chacun, ici, souhaitait que je revienne rapidement. A ce moment, la bande s'arrêta. Ce devait être la nuit où j'avais mis une cassette de 60 mm alors que d'habitude j'utilisais, de préférence, des 90 mm. Mais, d'ores et déjà, j'en savais assez pour avancer que personne en mon absence ne jouait des tours. Du reste, quand je revins du pub et demandai ce qui s'était passé, le compte rendu qu'ils me donnèrent confirma l'enregistrement. Voici les notes que j'ai prises sur le vif : La chaise rouge et le canapé du living retournés, la brosse à dents et le gobelet de )anet lui échappèrent des mains après qu'elle se soit brossé les dents. La théière voyagea entre l'évier et un coin éloigné. Vu par Rose et Mme Harper, Jimmy est f rappé à la tête violemment par une brosse à récurer en plastique. Les deux tables de la cuisine ont bougé, l'urte sans se renverser, l'autre(avec le tiroir) que je ne me rappelle pas avoir vu bouger avant, s'est retournée quand je suis entré.
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Pendant que j'étais assis dans la cuisine essayant de tirer au clair tous ces incidents ; Janet, elle, était assise sur un des fauteuils rouges du living, face à la porte de la cuisine, de sorte que je pouvais l'observer aisément. Rose me racontait qu'elle avait vraiment vu la brosse voler à travers la pièce et frapper Jimmy à la tête. Je la vis s'élever et vroom ! dit-elle. Juste à ce moment je vis Janet se lever et marcher vers moi. Simultanément, j'entendis un sifflement puis un bruit sourd et épouvantable alors que le fauteuil qu'elle venait de quitter la suivait en glissant sur le tapis ; ensuite, il bascula en arrière. Je remarquai que le tapis était fripé tout au long du parcours du fauteuil. Oh ! bien joué ! dis-je. - Ça, je l'ai vu , dit Mme Harper qui, elle aussi, avait Janet dans son champ de vision. Janet entra dans la cuisine pour aider à ramasser les couteaux et les fourchettes qui jonchaient le sol depuis que la table s'était renversée. J'allai m'asseoir sur le fauteuil qui venait de se retourner ; j'essayai de voir si je pouvais le faire basculer ou dégringoler. C'était absolument impossible. Non seulement en raison de son poids mais, également parce que les pieds et les côtés étaient massifs et solidaires ; il n'aurait jamais basculé à moins que vous ne poussiez violemment sur le dossier. Or, Janet le précédait d'au moins un pas quand il s'était retourné. C'était l'incident que j'attendais. Il était réel. Le même scénario se reproduisit mais en sens inverse alors que je me levais et que Janet - toujours dans mon
champ de vision - se relevait, elle, dans la cuisine. A son tour, la seconde table de la cuisine se renversa sur elle-même, le dessus s'écrasant dans un fracas assourdissant sur le sol carrelé. Je courus à la cuisine. Ne t'en fais pas >, dis-je. Je t'ai vue debout là ; je sais que tu n'es pas responsable ! C'était suffisant pour moi. Bien que je n'aie pu voir la table se retourner,
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je savais que Janet comme sa mère, là où elles se trouvaient, ne pouvaient l'atteindre. De toute manière, retourner la table aussi vite et brutalement que le son sur la bande le suggérait, était impossible. Quand plus tard, Grosse et moi essayâmes de le faire, nous constatâmes qu'elle était trop large et trop lourde pour qu'une personne seule y parvienne. Cet incident aussi était réel. Puis, Mme Harper fit une remarqué très intéressante à laquelle je n'attachai que peu d'importance sur le moment, sans doute à cause de la confusion générale et de mon soulagement d'avoir enfin vu quelque chose arriver. Nous ramassions la coutellerie ensemble quand elle me dit : Avant que tout cela n'arrive, je suis venue ici et j'ai pensé que je ferais mieux de nettoyer. J'avais la migraine. Au-dessus de la tête... Ce n'était pas une migraine normale. - Vous le ressentez tout le temps quand " il " est là, ou juste quand " il " arrive ? demandais-je. Par " il ", j'entendais le poltergeist, bien sûr. - Quand il va venir je le sens, répondit-elle. Et quand le calme revient, la migraine diminue elle aussi. A présent, j'ai moins mal, je sais que le répit est proche. Pouvait-elle avoir dans la tête, un système prémonitoire ? Je me demandais si cela n'avait pas quelque rapport avec les crises d'épilepsie qu'elle avait eues étant jeune - et dont elle m'avait déjà parlé - mais , elle n'avait pas eu d'attaque depuis bientôt dix ans. Quand en fin de compte, nous eûmes nettoyé la cuisine et rangé les chambres, les enfants allèrent se couche sans incident. Le calme régnait quand je partis vers 22 h 30. Aussitôt les coups reprirent de plus belle. Cela dura à peu près deux heures et demie , me dit Peggy Nottingham plus tard. D'abord très fort, puisils diminuèrent et s'amplifièrent de nouveau. Alors, nous entendîmes que l'on jetait des objets contre notre mur. Je n'avais pas entendu les coups mais d'après la description de Peggy il me semblait que la chose essayait de communiquer avec nous, et par conséquent, le mieux était de la laisser s'exprimer. Je me souvins du commentaire fait par Allan Kardec
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- le premier enquêteur sur les cas de poltergeists - à propos d'un cas au cours duquel des coups avaient été frappés avec insistance. Peut-être s'agissait-il d'un esprit amical cherchant à transmettre un message ? Une fois qu'il l'aurait fait par l'intermédiaire d'un médium, les coups cesseraient. Quand les soldats sont déjà à la parade, nota Kardec. Il n'est plus nécessaire de sonner le clairon pour les, réveiller. Il était certain que quelque chose réveillait les Harper à tout moment, il paraissait donc raisonnable d'essayer de découvrir ce qu' il voulait dire. Mais là, je me heurtai à un problème : je venais juste de contacter Annie Shaw , la médium que Paul Beard m'avait recommandée ; une des premières choses qu'elle me dit était qu'en aucun cas, je ne devais prendre contact avec le poltergeist. Cela, disait-elle, ne ferait que l'encourager. J'entamai les pourparlers afin qu'Annie et son mari, George, viennent à Enfield. Ils promirent de faire tout ce qu'ils pourraient pour faire taire le poltergeist. Je pensai que je pouvais leur faire confiance sur leur propre terrain.
La nuit qui précéda leur visite, il y eut encore un fait nouveau, particulièrement mauvais. John Burcombe était présent à ce moment et il l'a décrit comme il l'a pu. c Janet pleurait dans son sommeil. Cela commença par une plainte très lente qui s'amplifia jusqu'à ce qu'elle devienne hystérique. Elle paraissait être en transe. C'est le terme le plus approprié que je connaisse pour décrire son état. Je réglai le volume de mon transistor très fort et approchai l'appareil de son oreille, mais cela n'eut aucun effet sur elle. Dans son travail à l'hôpital comme brancardier, John avait souvent vu les docteurs utiliser ce qu'ils appellent Radio-One-Therapy >. II s'agit de faire écouter à des patients dans le coma de la pop music diffusée par BBC Radio One (les lecteurs intéressés trouveront le rapport original dans The Lancet du 16 novembre 1971). Je n'aimais pas du tout la tournure que prenaient les événements. J'avais espéré que cela ne devienne pas un de ces cas - que mes confrères brésiliens nommaient
possession
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.
La visite des Shaw à Enfield fut brève et spectaculaire. C'était un couple charmant. Ils refusèrent catégoriquement paiement ou publicité pour leur travail qu'ils considéraient comme un service. Avant leur arrivée, j'avais expliqué à Mme Harper ce qu'ils venaient faire ; je l'avais assurée qu'elle n'avait aucune raison de s'alarmer quoi qu'il arrive. Dès que les présentations furent faites, les Shaw se mirent au travail. C'était tard dans l'après-midi, les travailleurs rentraient chez eux et des bribes de leurs conversations nous parvenaient par la fenêtre. Une fois de plus, je me rappelai combien les frontières du quotidien et de l'extraordinaire sont minces. Annie s'installa sur une chaise en bois au milieu du living. Voici l'avertissement qu'elle nous adressa : Maintenant, il est possible que les entités qui s'exprimeront en se servant de moi soient quelque peu tapageuses. Mais ne vous en faites pas ! George sait comment les traiter. Puis, George récita une courte prière demandant à Dieu de rendre la paix à cette maison, de chasser les entités fauteuses de trouble en les éclairant. Annie commença à respirer fortement. Mme Harper et Janet l'observaient dans l'expectative. Rose et Jimmy n'étaient pas présents mais Grosse, à ma grande surprise, était venu bien qu'il ait passé les jours précédents cloué au lit par un méchant coup de froid. Pas besoin d'être effrayé, dit George. Personne ne sera blessé. > Puis, il se tourna vers sa femme et sa voix douce s'éleva soudain forte et sévère. < Maintenant, dit-il sèchement, me voyez-vous ? Annie laissa échapper un cri hideux : << Allez-vous en ! >, hurla-t-elle. Puis elle se mit à rire ; c'était plus exactement un ricanement grotesque, à la manière des sorcières de Macbeth. << Le temps est venu d'arrêter ! > dit George fermement. Il prit une petite glace dans sa poche et la tint devant le visage d'Annie. Elle se détourna promptement et lui cracha au visage.
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cc Des gens mieux que vous m'ont déjà craché au visage, dit George calmement. Maintenant regardez ceci. Regardez et voyez ce qui ne va pas, nous vous guiderons pour vous remettre sur le droit chemin. cc Gozer, Gozer, aide-moi ! gémissait Annie, Elvie, viens ici... - Vous cherchez de l'aide, dit George. Vous avez oublié que vous êtes un enfant de Dieu. Maintenant regardez ! C'est ce que vous pouvez devenir. > Il replaça encore la glace. c Nous allons vous emmener au loin, là où vous pourrez jouir d'une vie paisible... Voyez-vous cette porte bleue ? Nous allons la franchir ensemble... George continua ainsi pendant quelque temps jusqu'à ce qu'Annie finalement se calme. cc Restez hors de cet endroit, ordonna-t-il. cc Essayez de revenir ici et iI vous en cuira ! Soudain, Annie retrouva son état normal ; elle nousregardait et souriait. c Oh, mon Dieu , dit-elle, sa voix tranquille contrastait étrangement avec les mots rauques des vingt minutes précédentes. c< Cela paraît centré sur Janet, mais ils sont plusieurs. - Ce Gozer est un rude morceau, ajouta George. Une sorte de bonhomme s'occupant de magie noire. L'autre, Elvie, est un élémental. Elle utilise le plan élémentaire et Gozer se sert d'elle. C'est lui le chef. Si nous réussissons à l'écarter tout s'écroulera. Pour les spiritualistes un élémental est une forme primaire de l'esprit manipulée par les esprits supérieurs pour faire le sale travail.
- Nous devrons utiliser votre aura pour réussir, dit Annie.
- Le champ de l'aura qui les environne tous les deux faiblit et ils tirent leur pouvoir de vous. Janet regardait perplexe et un peu nerveuse.George lui demanda si elle savait ce qu'était une batterie. Janet fit un signe d'approbation. cc Voyons, nos corps sont utilisés comme des batteries et s'ils sont abîmés, il y a une perte d'énergie. La puissance est alors chapardée par ces méchantes créatures qui lancent des objets partout. Les Shaw firent ensuite à Mme Harper des passes magnétiques de guérison en apposant leurs mains près de sa tête et de ses épaules et en les déplaçant le long de son corps.
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c< Nous confectionnons un bel emballage, comme pour un oeuf de Pâques , expliqua George. Quand vint son tour, Janet fit un peu la comédie avant de se laisser faire. Je me demandais si quelque chose la manipulait pour résister à l'aide offerte. Mais, finalement, elle accepta. Nous savons qu'il y a une faiblesse psychique ici,dit George après avoir " nettoyé " l'aura de Janet, c ainsi qu'une situation familiale perturbée. Mme Harper fit un signe de tête pour acquiescer. Tout cela a fait de vous un objectif idéal pour des esprits mauvais qui ont senti que vous n'étiez pas assez protégées.
- Vous avez dû connaître une amère déception par le passé, poursuivit Annie. Et vous sentir envahie par une haine insidieuse qui vous rongeait. > C'est en partie ça. Mme Harper reconnut qu'elle avait souvent été déçue par son-ex-mari et qu'elle avait caché ses sentiments durant plusieurs années. Je me souvins alors que dans un des cas sur lesquels j'avais enquêté la situation était très semblable et impliquait une femme divorcée, à peu près du même âge que Mme Harper, et ses deux filles. Les Shaw invitèrent Mme Harper et Janet à leur rendre visite pour poursuivre le processus de guérison. On ne peut pas toujours venir à bout de ces choses en une fois , expliqua George. J'avais averti Mme Harper qu'elle ne devait pas attendre de miracles mais je constatai que la visite des Shaw lui avait fait du bien. Ils lui avaient donné un peu de réconfort et d'espoir. Bon , dis-je à Maurice comme nous roulions sur le
périphérique nord dans sa Jaguar. " C'était très spectaculaire. " Ce n'était pas de la comédie , répondit-il. J'ai fréquenté des comédiens amateurs et je connais les trucs qu'ils utilisent. Très intéressant. Nous verrons bien si ça marche. Jusqu'à un certain point nous obtînmes des résultats. Le reste de la semaine fut plus calme qu'auparavant et je pensai que ce n'était pas une coïncidence. Trois jours plus tard, une réunion exceptionnelle se tint à l'école de Janet pour discuter de son problème qui
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commençait à affecter très sérieusement son travail scolaire. Les événements la tenant éveillée souvent très tard elle avait manqué plusieurs jours de classe, de plus, elles y endormait fréquemment, réellement épuisée. A la réunion, étaient présents : le directeur de l'école, un couple d enseignants deux assistantes sociales et le psychiatre de l aide à l' enfance, tous demandèrent à Grosse de ne pas révéler leur identité.
Le poltergeist de Enfield était déjà célèbre dans le voisinage. Après le compte rendu prolixe et détaillé de Grosse à propos des principaux événements chacun lui posa des questions, sauf le psychiatre, qui paraissait s'ennuyer à mourir et ne souffla mot. Une institutrice souligna que Janet était nouvelle dans l'école et qu'elle avait de sérieuses difficultés d'adaptation. < Nous sommes convaincus que la meilleure chose à faire est d'éviter le battage à propos de cette histoire. Il faut traiter Janet normalement dit-elle. Une assistante sociale donna son opinion sur Mme Harper qu'elle connaissait bien. C'est une femme énergique qui a les pieds sur terre et ne semble pas du tout encline à l'hystérie, dit-elle .C'est une famille très unie ; elle garde son intérieur propre et fait l'impossible avec ses maigres ressources. Sans conteste, les Harper jouissaient d'une bonne réputation dans leur entourage et étaient appréciés par tous ceux qui les connaissaient. Grosse avait demandé ce qui pourrait être fait mais
il était clair Que personne n'avait de suggestions à faire. Surtout pas le psychiatre qui gardait toujours le silence. Selon moi, reprit Grosse, le plus urgent serait de
sortir cette famille de son environnement quotidien. J'en ai parlé au Service du Logement >>, dit l'assistante sociale, c ils donneraient la priorité absolue aux Harper
pour déménager s'ils le souhaitaient. Je ne pense pas que les reloger soit la solution, dit Grosse, sachant que Mme Harper n'y consentirait pas. Des vacances peut-être . Qui fut dit, fut fait, et on adressa des remerciements à Grosse pour ses suggestions. En fin de compte, le conseil décida de s'arranger pour
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envoyer la famille entière au bord de la mer une semaine à moitié prix, dès que Pete pourrait les rejoindre. Vers la fin de la réunion, Grosse proposa d'écouter une partie de la bande que John Burcombe avait enregistrée lors de la récente c transe de Janet. c Puisque nous avons un docteur parmi nous, dit-il, j'aimerais connaître son avis. < Bien , dit le psychiatre, ouvrant la bouche pour la première fois depuis près d'une heure. c Je suis seulement ici en tant... Il ne termina jamais son unique phrase. Bien que son travail lui donnât la responsabilité de la santé mentale des enfants de Enfield, non seulement il n'avait rien à suggérer mais, de plus, il n'avait jamais vu Janet. Sa seule contribution au cas fut, plus tard, de nous faire savoir indirectement que la meilleure façon d'arrêter tout ça, était d'abandonner les Harper à leur triste sort ! . .
Les Harper avaient besoin de vacances, Grosse et moi aussi. A cause du manque de sommeil, nous étions épuisés et avions attrapé chacun de méchants coups de froid.
Mais, avant que la famille ne parte à Clacton-on-Sea , le 29 octobre 1977, l'activité redevint c normale . C'est à dire, que les meubles étaient projetés n'importe où
dans la maison, les lits bougeaient, les draps et les couvertures étaient tirés et arrachés des lits, pendant que des coups sourds dérangeaient tant les Harper que les Nottingham, à toute heure du jour ou de la nuit. Les choses se succédaient à une telle allure que nous étions incapables de les recenser, perdant le compte quelque part vers quatre cents points. Des flaques d'eau apparaissaient soudain sur le sol de la cuisine alors qu'il n'y avait personne dans la pièce. Peu importait que Grosse et moi
soyons dans la maison quand une des mystérieuses flaques était découverte. Elles avaient à peu près soixante centimètres de diamètre ; celle que je vis avait un contoursi étroit qu'on aurait pu penser qu'elle avait été dessinée avec un doigt. C'était aussi une forme bizarre pour une flaque d'eau, ressemblant vraiment à une petite image humaine pourvue de bras et de jambes déployés.
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Après avoir épongé la flaque, j'essayai de la reproduire en versant l'eau d'un verre et en pressant un chiffon ,mais à chaque fois l'eau s'étalait laissant des contours imprécis.
Nous n'avons jamais su comment ces flaques avaient été produites. Nous savons simplement qu'elles le furent.
Janet rencontrait de plus en plus de problèmes à l'école. Ma chaise a commencé à sauter me dit-elle un après-midi comme elle rentrait à l'heure du thé. Et mon travail scolaire est très mauvais ! Elle me montra son cahier d'exercices, tout était très proprement écrit jusqu'à ce que l'écriture devienne illisible. Sans conteste, quelque chose secouait son bras. < Ces choses te harcèlent ? demanda Grosse. < Elles vont à l'école répondit-elle. <c Est-ce qu'elles te harcèlent à la maison ? c Oui, quelquefois. Tu n'as pas l'air très tourmentée. cc Non, je m'habitue. Je déteste vraiment avoir peur. Elle nous raconta qu'alors qu'elle se
reposait un peu au cabinet médical, son lit avait commencé à bouger ; elle pensait que c'était c quelqu'un qui le secouait. Grosse lui demanda qui cela pouvait-il être. Peut-être le poltergeist ? répondit-elle après réflexion. Janet fut vraiment effrayée une nuit. Elle se plaignit d être en train de suffoquer - quelqu'un mettait une main sur son nez et sa bouche pour arrêter sa respiration. Je m'assis sur son lit et eut une longue conversation avec elle, lui répétant plus ou moins ce que les Shaw lui avaient dit au sujet du contrôle de son énergie. Quand je la quittai, elle me demanda de laisser la lumière de sa chambre allumée. Je n'étais pas en bas de l'escalier que j'entendis un bruit familier : la chaise s'était à nouveau envolée. < Il y avait un vieil homme assis sur cette chaise,dit Janet. Il mettait ses mains sur mon visage. Je ne pouvais plus respirer. Son désarroi me parut sincère. A une autre occasion, elle confia à sa mère qu'elle avait vu un vieil homme assis sur son lit qui ressemblait beaucoup au père de Vic Nottingham. Le vieil homme était mort mais il avait toujours été très gentil avec elle deson vivant.
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Peut-être, me demandais-je, essayait-il de l'aider maintenant ? J'aurais pu ne pas faire grand cas des apparitions de Janet. Mais Rose, Mme Harper, Vic Nottingham, John et Brenda Burcombe, tous rapportaient de telles visions. John fut témoin de la plus .spectaculaire d'entre elles, que je décrirai dans un chapitre ultérieur. Deux semaines après la visite des Shaw, quand l'agitation revint à son niveau précédent, Grosse et moi
décidâmes que nous avions besoin de plus d'aide. Je pensai que je ne devais plus demander aux Shaw de revenir. Mais que peut-être la science traditionnelle pourrait nous donner une chance de venir à bout du cas. Nous convînmes que nous avions besoin d'un physicien pour étudier la nature des forces apparemment à l'œuvre et d'un psychiatre pour évaluer l'état mental et émotionnel des Harper afin de localiser la faille qui permettait à toutes ces choses extraordinaires d'agir contre eux. Nous n'eûmes aucun problème à trouver un physicien. Le Professeur John B. Hasted, directeur du département de physique à Birkbeck College, accepta de nous aider dès que nous le lui demandâmes. C'était un physicien expérimental très connu pour ses recherches sur les phénomènes de torsion de la matière, il s'était récemment joint à la SPR et nous délégua un de ses propres étudiants pour traiter le cas. Vous devez prendre en charge le phénomène, nous conseilla le professeur Hasted. Etablir le contact avec " lui " par tous les moyens. Défiez-le en lui demandant des choses difficiles... d'écrire, de parler ou même de se matérialiser. Nous lui avions raconté les coups et les apparitions. J'avais des sentiments très partagés quant au contact avec le spectre, puisque les Shaw, que je tenais en grande estime, m'avaient dit sans équivoque de ne pas m'y risquer. Mais que faire, que décider quand des personnes que vous estimez vous donnent deux avis opposés ? Face à ce dilemme je rendis visite sur la côte Sud, au Docteur Eric J. Dingwall, le plus vieux membre encore
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en vie de la SPR et probablement une sommité au niveau mondial dans le domaine des phénomènes psychiques auxquels il s'intéressait depuis 1905. En dépit de sa réputation de féroce "débusqueur" de médiums et de chercheurs véreux, je l'ai toujours trouvé aimable, d'esprit ouvert et prêt à donner un avis pratique. Il écouta attentivement le compte rendu détaillé du cas que je lui fis mais se récria à ma suggestion qu'un psychiatre ou un psychologue pourrait nous aider. Le verdict qu'il me rendit à ce propos fut on ne peut plus direct : Qu'est-ce que ces gens connaissent à ces choses ? Absolument rien. Le poltergeist frappe, dites-vous ? Bon, frappez vous aussi ! Nous le fîmes.
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6 - OH ! IL REPOND
La première fois que j'entendis les coups, ils venaient du plancher de la grande chambre alors que j'étais au rez-de-chaussée, dans le living. Je montai pour voir si ma présence dans la pièce changerait quelque chose. La famille entière était maintenant endormie ; Rose, Mme Harper et Janet, toutes trois fourrées dans le grand lit, et Jimmy sur le lit pliant près d'elles. A chaque fois que j'ouvrais la porte de la chambre, les coups s'arrêtaient. Je feignis d'y attacher peu d'importance. Grosse et moi nous savions que nous devions modérer notre enthousiasme à l'égard des événements et des incidents qui arrivaient dans la maison ; ainsi les enfants ne seraient pas tentés de rajouter à l'activité du poltergeist leurs propres tours, soit délibérément, soit inconsciemment manipulés. Tous deux, nous nous attendions à ce que les enfants le fassent et comme la supercherie était le seul aspect du cas qui intéressait quelques-uns de nos collègues
de la SPR, nous n'en avions que faire. Certains incidents que nous avions vus de nos propres yeux ne pouvaient pas avoir été provoqués à dessein. De plus, à présent, il était évident qu'aucun des enfants ne frappait le plancher, leur mère les aurait vus et, supposer que la famille entière nous mystifiait était franchement absurde. Je ne paraissais pas très impressionné par les coups, mais en fait, j'étais très intrigué par leur localisation ; ils semblaient venir de tous les coins du sol,
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comme si plusieurs frappeurs s'y employaient en même temps. Quelques-uns étaient forts, d'autres légers et certaines séquences s'évanouissaient tel un faible signal radio. Je remarquai un autre détail déconcertant ; un tapis épais recouvrait presque toute la surface de la chambre pourtant jus qu'alors les coups que j'avais entendus n'étaient pas étouffés. A l'ouïe, ils paraissaient venir de l'intérieur des lattes de parquet. Ma première tentative pour contrôler le poltergeist, comme l'avait suggéré le professeur Hasted, s'avéra être un insuccès notoire et ses conséquences auraient pu être dramatiques.
Les pantoufles, les poupées et les coussins volaient si souvent dans la chambre que je décidai de voir ce qui arriverait si je déménageais tout, ne laissant rien dans
la pièce excepté ses occupants, leurs lits et la vieille cheminée prise dans la maçonnerie et désormais inutilisée. Il ne m'était d'ailleurs jamais venu à l'idée d'essayer de la bouger. Ce soir-là, je quittai les Harper à 23 heures. Pour une fois, tout paraissait tranquille. Vers minuit environ, Maurice Grosse me téléphona. << Vous savez ce qui est arrivé, Guy ? < Il n'est rien arrivé. J'étais là-bas ce soir... je viens seulement de rentrer. Il y a eu quelques coups frappés mais je les ai ignorés, et j'ai vidé la chambre pour que rien ne vole, lui dis-je. Ecoutez ça, m'interrompit Maurice. c Je suis chez Peggy Nottingham - elle m'a appelé juste après votre départ en me demandant de venir séance tenante, parce que la panique régnait à nouveau chez les Harper. La partie inférieure de la cheminée, la grille de métal, s'est mise à planer dans les airs avant d'atterrir sur l'oreiller de Jimmy, le manquant de peu. Il aurait pu être tué. Je comprenais la cause de cette alarme. Mme Harper n'aurait certainement pas dérangé les Nottingham à cette heure sans raison valable et supposer que quelqu'un avait sciemment jeté la plaque de la cheminée sur Jimmy que tout le monde adorait, était ridicule. << Je me suis déjà arrangé avec John Burcombe pour qu'il vienne dès
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demain démanteler cette chose , ajouta Maurice. << Puis, je suppose que le papier peint a été arraché (cela se révéla exact). L.e lendemain soir, Rosalind Morris de la BBC vint pour recueillir plus d'éléments destinés à la réalisation d'un long métrage que le producteur Sally Thompson avait accepté de faire avec elle comme narratrice. Il était
clair qu'elle avait l'intention de faire un travail minutieux et de présenter le cas avec loyauté et objectivité, aussi, nous acceptâmes tous de coopérer pleinement avec elle.
Ce n'est qu'à 20 h 35 que nous réussîmes à installer la famille en bas et au moment où nous quittions la pièce, un furieux tir de barrage de coups commença. En même temps, tous les jouets et les chaussons, que j'avais cru opportun de laisser cette fois, étaient lancés à travers la pièce, l'un frappant Mme Harper en plein visage. John Burcombe monta et nous confirma que les coups venaient bien de tout le plancher, exactement ce que j'avais constaté la nuit précédente.Je pris Rosalind à part et arrangeai le même subterfuge que j'avais joué avec Graham Morris (aucun lien de parenté entre eux) lors de ma première visite. Je descendis les escaliers lourdement foulant deux fois chaque marche et fermai la porte. Rosalind resta sur le palier, l'enregistreur en main. Au moment même où je fermai la porte les coups reprirent. Rosalind poussa doucement de quelques centimètres la porte entrouverte (nous avions
pris soin de ne pas tirer le loquet) ils cessèrent immédiatement. Puis elle ferma la porte tout à fait et ils recommencèrent. c: C'était vraiment très puissant >, me dit-elle.< Comme connecté - ces choses arrivent au moment précis où l'on ferme la porte.
Ce quoi-que-ce-soit est très intelligent >> dit Mme Harper, en entrant dans la chambre. c Il sait quand il y a quelqu'un dans la pièce. Il m'entend même parler maintenant. > < Ne dites pas qu'il est intelligent >, dis-je me souvenant de ce que les Shaw nous avaient dit.
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" Je pense qu'il est carrément stupide de se comporter comme ça. Il a un bon sens du rythme mais..." A ce moment, malgré ma présence les coups recommencèrent. Je constatai que personne ne faisait ça à dessein et ce, sans doute possible. cc Il peut m'avoir entendu, dis-je. cc Peu importe. Je feignis encore de ne pas être très intéressé et après quelques rafales supplémentaires, que Rosalind enregistra très clairement, tout s'arrêta. Rosalind nous quitta pour attraper le dernier train vers Clapham, où elle habitant ; je restai dans la maison, et ceci dit en passant, je l'ai toujours trouvée moins effrayante que la banlieue londonienne tard le soir. Je demeurai dans la pièce jusqu'à ce que les filles soient endormies, suite à ma première tentative pour les apaiser par hypnose. J'avais une raison particulière d'agir ainsi ; j'étais soucieux à la pensée qu'un jour ou l'autre je devrais hypnotiser Janet afin d'en apprendre plus sur ce qui se passait dans sa tête, et je voulais voir comment elle réagirait. A mon grand soulagement, toutes deux sombrèrent dans le sommeil quelques minutes seulement après que j'eus terminé ma procédure. Bien sûr, j'avais demandé et obtenu l'autorisation de leur mère, au préalable. Mme Harper aussi s'endormit bientôt et le reste dela nuit fut paisible... Mais, le matin suivant, un bruit familier me réveilla à 8 h 15. Aussitôt, je branchai mon magnétophone, qui était relié à un micro placé dans la grande chambre. (Permettez-moi d'insister sur le fait que tous les dialogues mentionnés dans ce livre sont la reproduction fidèle de ceux enregistrés sur les cassettes. J'ai dû supprimer un certain nombre de répétitions ou des éléments qui n'apportaient rien au cas mais je n'ai ajouté aucun mot qui n'ait été prononcé par les Harper.) cc Je ne peux pas dormir, Rose dit Mme Harper. Il y eut un autre bruit. cc Ça m'a frappé sur le ventre ! C'était un petit jouet léger. Puis, survint l'un des incidents les plus remarquables et les plus alarmants de ce cas.
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Il y eut une secousse soudaine et violente qui déclencha immédiatement la panique la plus complète.c Oh mon Dieu , s'écria Mme Harper. << C'est lui toute cette puissance. Je vais craquer. De ma position dans le lit du débarras , je voyais
toute la surface du plancher à travers la porte ouvertede la grande chambre. Je regardai et vis quelque chose de rouge et de pelucheux passer au-dessus de la porte et tomber droit. Où est M. Playfair ? appela une des filles. Parfois, il était impossible de dire s'il s'agissait de la voix de Rose ou de celle de Janet. Et bien, M. Playfair,il était déjà sur ses pieds, debout au seuil de la porte deeur chambre, se demandant s'il n'avait pas été victime d'hallucinations. La carcasse métallique du chauffage avait été arrachée du mur et n'était plus reliée à l'installation que par le tuyau d'arrivée du gaz. De plus, ce tuyau avait été tordu et faisait un angle de 32o. C'était un travail de démolition sérieux pour une chose qui était scellée la maçonnerie. Il était hors de question de supposer, ne serait-ce qu'un instant, qu'un des enfants pouvait l'avoir arrachée. Et quand, en fin de compte, nous démantelâmes l'installation entière, nous constatâmes que l'engin était très difficile à bouger. Il devait peser dans les 25 kg. j'éprouvai curieusement un sentiment de soulagement. Enfin, nous avions trouvé quelque chose que le poltergeist ne pouvait apparemment pas faire. Mais, les Harper ne le virent pas du même oeil et ils se précipitèrent tous dans la chambre de derrière pour s'habiller, sauf Rose. Elle était toujours la dernière hors du lit et était encore là quand je vins chercher l'objet rouge qui pouvait êtreune des pantoufles de Janet. Dans l'agitation générale ,j'avais oublié la chose que j'avais vue passer au-dessus de la porte.
J'explorai du regard la chambre. Il n'y avait qu'un seul endroit où la pantoufle pouvait être tombée - sur le seuil de la porte, à gauche. Mais elle n'y était pas. Personne d'autre n'ayant encore mentionné cet incident je n'en parlai pas. Mais bon sang où était-elle ? Depuis le moment où je l'avais vue tomber, je n'avais pas cessé d'observer l'endroit.
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Si quelqu'un l'avait ramassée, je l'aurais vu. Mais aucun ne l'avait fait. Quant à Rose, elle était encore assise sur son lit à plusieurs mètres de là. Je décidai que je devais trouver cette pantoufle avant que quelqu'un d'autre ne le fasse. c Pouvez-vous attendre une minute ? demandai-je de la chambre du fond. Je descendrai avec vous, c'est peut-être un de ses matins" chauds ". J'attends, répondit Mme Harper. Je mis mes chaussures qui, incidemment, avaient été utilisées pour garder
la porte de la grande chambre ouverte et me préparai à conduire la famille en bas de l'escalier. Rose était juste derrière moi. Oh, regardez, dit-elle. Il y a une des pantoufles qui a été jetée, une des pelucheuses. Placée au beau milieu du paillasson de la porte d'entrée au pied de l'escalier, c'était vraiment une des pantoufles
rouges ; on pouvait penser qu'elle venait d'arriver par la porte. Nous nous arrêtâmes tous pour l'observer. Attendez un instant, dis-je. C'est celle que j'ai vue.
Comment est-elle arrivée là ? Comment a-t-elle pu tourner le coin ? Elle n'est pas passée à travers la porte. J'étais là ! < Elle ne peut pas être arrivée là toute seule, dit Rose avec un petit rire nerveux, < parce que... >>. Bon, répondis-je. Elle est là, n'est-ce pas ? On pouvait penser qu'elle était sortie de la pièce, en contournant deux encoignures puisqu'elle était descendue de son
propre fait ou encore qu'elle était passée à travers le plancher. Au vu des événements ultérieurs, cela paraîtra plausible. J'ai vu des bâtons de craie et des pièces de Lego qui passaient à travers le plafond, > commenta Mme Harper
avec à propos, comme si le passage de la matière solide à travers la matière solide était la chose la plus normale du monde. Ils ont toujours l'air de venir de n'importe où quand Janet est dans sa chambre aussi... Je n'avais pas songé à l'autre pantoufle, qu'une des filles dira plus tard avoir trouvée dans le living, approximativement au-dessous de l'endroit où elle aurait dû être près du lit.
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Peut-être était-elle passée à travers le plancher ? Qui sait ?
Rien dans le cas de Enfield ne pouvait me surprendre. Pendant que les Harper préparaient le petit déjeuner, je retournai prendre mon sac, laissant mon enregistreur sur le sol de la cuisine. J'étais en haut quand il y eut un bruit épouvantable dans la cuisine ; l'assiette de céréales de Janet avait été lancée à travers la pièce et son contenu s'était écrasé au sol. c Tu as vu ça ? demanda sa mère. Ouais, > répondit Janet. < Elle a sauté. J'empoignai mon sac et me précipitai dans la cuisine.Tout le monde parlait en même temps. Soudain, elle a été lancée et... J'étais là, et... Elle s'est écrasée sur la porte et sur le sol... Janet se lamentait : Mes céréales préférées ! Si tu en veux encore un peu, dis-je, je m'assieds près de toi et je tiens ton assiette, je reviens tout de suite. Je me rendis au lavabo et presque aussitôt, j'entendis Rose pousser un cri perçant. Je retournai dans la cuisine aussi vite que le permettaient les circonstances. Comme Rose le dit, on aurait pu croire que quelqu'un avait été malade. La même chose se reproduisit encore. Je vous avais dit d'attendre , dis-je si vous n'avez pas cru bon de le faire... Cette fois, il y eut plus de dégâts qu'auparavant. L'assiette avait dû traverser la pièce à une vitesse terrible.Je ramassai les morceaux de porcelaine et les mis dans un sac en plastique pour les ajouter à ma collection de souvenirs. Nous devons sortir Janet de la maison, dis-je, et elle m'accompagna jusqu'à la gare, où j'attrapai le 9 h 10 pour Liverpool Street. Il était bondé, plein de banlieusards propres et bien rasés. Le seul qui n'était pas rasé ,
qui avait les yeux battus par le manque de sommeil, qui s'agrippait à un sac de porcelaine cassée et lisait pardessus leurs épaules leur Financial Times : c'était moi.
Pourtant, comme eux, j'allais travailler. J'avais devant moi une journée chargée au cours de laquelle je devais retranscrire des bandes, rédiger des notes. Ensuite, je téléphonai
à Grosse pour le tenir au courant de la situation et discuter avec lui de ce qu'il fallait faire. Il respirait encore si mal au téléphone que je lui dis : c Restez à la maison et occupez-vous de votre coup de froid. Ils partent tous pour Clacton demain. Dieu merci,nous pouvons souffler une semaine. Mais, j'y retourne ce soir pour parler avec cette damnée Chose. Si je ne le fais pas, " elle " commencera à démolir la maison pierre
après pierre. A ce moment je pensais que c'était dans l'ordre des probabilités.
Ce soir-là, j'arrivai plus tard que d'habitude après une longue et fatiguante journée passée à retranscrire les bandes magnétiques, ce qui est un travail tout aussi pénible que nécessaire. J'expliquai à Mme Harper pourquoi je pensais qu'il était essentiel d'essayer de dialoguer avec la Chose en dépit de ce que les Shaw nous avaient dit.
Nous n'avions plus le temps de trouver un autre médium. Nous devions agir maintenant. Elle écouta mes arguments attentivement, comme toujours, et accepta ma proposition.
" Bon ", dis-je; quand il furent tous couchés. cc Je ne reviendrai pas avant 20 mn. Si vous avez vraiment besoin de moi, ne frappez pas. Mieux, ouvrez la porte et appelez. Je laissai mon enregistreur sur le sol de la chambre et descendis. Comme je n'avais qu'un enregistreur à cette époque, ce qui suit provient en partie de mes notes.
Mais, l'activité du premier étage est décrite d'après l'enregistrement. Avec John Burcombe comme témoin, j'étais debout sur une chaise afin de pouvoir frapper le plafond du living. "Maintenant, qui que vous soyez, écoutez " dis-je "je veux vous parler. Un coup pour oui et deux coups pour non. Vous comprenez." En guise de "Bonjour ", j'avais prévu de frapper 3 fois le plafond, mais avant que je ne le fasse il y eut un seul coup au-dessus de ma tête. cc C'est parti >>, dit Mme Harper, cc c'était une pantoufle! (Ni elle, ni moi ne pouvions entendre la voix de l'autre), c Cache ta tête, Jimmy. Oh, mon Dieu ! > (Un autre objet avait été lancé). cc M. Playfair est en train de frapper.
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Ecoutons s'il répond , dit Janet comme je commençais à taper en dessous. Immédiatement, il y eut deux volées de trois coups d'un son différent des miens. Sur la cassette, ils paraissaient très près de l'enregistreur. cc Oh, il répond Mam ! dit Rose. cc Il est ici ! cc Bon, > dis-je. cc Arrêtez de lancer des objets et bavardons un peu. Je veux savoir qui vous êtes, pourquoi vous êtes ici et ce que vous voulez. Vous êtes en perdition et vous avez besoin d'aide. Le savez-vous ? Vous ne devriez pas être là.
Quatre coups aigus suivirent, puis une volée de sept ,puis un silence, et à nouveau quatre coups. cc Non. Attendez un instant dis-je. cc Ecoutez, un pour oui et deux pour non. "Compris ? " Puis il y eut une volée de coups colériques. Plus tard, j'en comptai trente sur la cassette. Ils s'évanouissaient et revenaient, un peu à la manière d'une émission radio longue distance. Je m'impatientai. cc Savez-vous que vous êtes mort ? dis-je sévèrement. Je n'obtins pas de réponse à ce moment, il y eut un véritable pandémonium en haut. cc Il est contrarié maintenant voyez-vous, dit Mme Harper, un coussin traversa la pièce. cc Ce pourrait être pire dit Rose.. cc Aïe ! s'exclama t-elle. cc Ça m'a frappé à la tête . Je leur avais demandé de
décrire s'ils le pouvaient ce qui arrivait au bénéfice de mon enregistrement.
cc Ça va, Jim ? > interrogea Mme Harper. Jimmy semblait s'être endormi, la tête enveloppée comme toujours dans sa robe de chambre (comme pendant une tempête de neige c'est ainsi que Janet l'avait décrit une fois), oublieux du combat aérien qui faisait rage au-dessus de lui. cc Mam, ça va bien ? interrogea Rose. cc Oui, je vais bien, >> répondit-elle. Simultanément, il y eut un bruissement, un son mat et Rose poussa un grand cri. Mme Harper éclata de rire. cc Ne ris pas ! cria Rose. cc Oh, juste dans mon oeil !
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Une pantoufle ou un coussin - mais personne ne savait dire d'où cela venait - marqua un coup direct. Oh, gémit-elle à nouveau. Alors, il y eut une volée de coups tout près de mon enregistreur. Nom d'une pipe, sapristi ! s'exclama Mme Harper. Oh, en plein dans mon ceil ! Pour la troisième fois Rose venait d'être heurtée par un objet volant. On suppose à tort que les poltergeists ne frappent pas les gens,
directement, avec les choses qu'ils lancent. C'est une position théorique. En fait, ils le peuvent quand ils le veulent. De mon côté, j'avais renoncé à tout espoir de communication intelligente. Mam ! s'écria Janet pendant que je me précipitais en haut. Regarde comme, le lit est secoué ! Regarde-le ! J'ouvris la porte. Bon. Tout va bien, dis-je. c Ce n'est que moi. Zut alors ! Les Harper ressemblaient à des gens qui venaient de réchapper d'un cyclone. < Après que vous ayez commencé à frapper, " il " a commencé à tout faire voler, dit Mme Harper calmement. Je constatai le résultat et vis ce qu'elle voulait dire. La chambre était en désordre avec des chaussons, des ours en peluche, des poupées, des coussins et des oreillers partout. Même, quelques couvertures gisaient sur le sol.
J'essayai d'éclaircir ce qui avait été jeté ou non, mais j'y renonçai. Dès que les coups avaient cessé, il s'était produit au moins douze incidents différents. Les chercheurs sont en principe tenus d'établir des relevés, accompagnant leurs rapports, montrant les distances, les trajectoires, la température de l'air et Dieu sait quoi encore. La SPR recommande même aux enquêteurs de cas spontanés de déposer les planchers à chaque fois que possible. Nous ne sommes jamais allés jusque-là à Enfield et je ne sais pas ce que nous aurions été susceptibles de trouver si nous l'avions fait, à part de la poussière. John Burcombe passa la tête dans l'embrasure de la porte.
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cc Vous venez de descendre ? me demanda-t-il. Je répondis par la négative.
cc Voyons , poursuivit-il. cc Quelqu'un vient juste de descendre l'escalier.
cc Oh, répliquai-je, cc très bien, demandez-lui de revenir. Je veux lui parler. John le fit mais il n'y eut aucune réponse à mon cc bonjour frappé sur le sol et ainsi se termina ma première tentative de communication. Je décidai que s'il devait y avoir un contact, il vaudrait mieux que je laisse Grosse l'établir.Enfin, le 29 octobre 1977, la famille Harper au grand complet se prépara à partir en vacances au bord de la mer ; Pete les rejoignant directement de sa pension. Alors que le train franchissait le pont au-dessus de la rivière Léa près des Marches de Walthamshaw, il s'arrêta en hoquetant, comme si quelqu'un avait tiré le signal d'alarme. c Oh non, pensa Mme Harper. cc Ça ne va pas nous gâcher nos vacances ? Mais, il n'y eut pas de suite, et la famille passa une semaine sans ennui et jouit d'un temps automnal. Ils m'envoyèrent une carte postale disant que tout allait bien. Pendant qu'ils étaient là-bas, je passai une nuit,
seul dans leur maison. Tout allait bien ici aussi.Plusieurs semaines plus tard, nous apprîmes qu'il y avait juste eu un petit incident pendant ces vacances. Les enfants étaient couchés dans des lits de camps tous dans la petite chambre, et, une nuit, ils entendirent un bruit marrant comme si quelqu'un imitait un chien aboyant. Janet pensa que c'était Pete, et lui pensa que c'était elle. Leur mère entra et leur dit de se tenir tranquilles, mais nul n'accorda beaucoup d'attention à cet épisode jusqu'à ce qu'à la lumière des développements ultérieurs, ils acquièrent une signification considérable. Je rentrai chez moi après avoir joui d'une bonne nuit de sommeil. C'était la première depuis le début du cas. Je me demandais si 1'affaire était terminée. Je le souhaitais ardemment.
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7 - UN COUP NON, DEUX COUPS OUI
Lorsque le train qui ramenait les Harper chez eux entra en gare, Mme Harper fondit en larmes, ce qui, chez elle, était chose exceptionnelle. Les vacances étaient finies et elle retournait vers un environnement qu'elle ne pouvait qu'associer à la peur et à la tension. Ils ne rentrèrent pas directement chez eux, mais passèrent l'après-midi du 5 novembre 1977 chez les Burcombe où Grosse et moi les rejoignîmes en début de
soirée. Nous voulions tous deux constater l'effet de ces vacances, sur eux bien sûr, mais aussi sur le poltergeist. Au moins, leur séjour avait été bénéfique. Ils avaient
tous passé un agréable moment et en particulier Janet, qui nous offrit à chacune un caillou de sa collection. Elle nous raconta leur joie d'avoir pris des photos sur la plage
d'avoir mangé du poisson et des frites et de s'être baladée en respirant l'air marin à pleins poumons. C'est à cette occasion que je fis la connaissance de Pete Harper. Je
m'interrogeai pour savoir pourquoi on l'avait envoyé dans un établissement spécial. Pour autant que je puisse en juger, il était parfaitement normal. Je trouvais en lui un
jeune compagnon amical et tonique, qui s'entendait bien avec tout un chacun. C'était le soir de Guy Fawkes, une tradition anglaise à l'occasion de laquelle on fête avec des feux d'artifices l'homme qui essaya, un jour, de faire sauter les maisons du Parlement. Mais les enfants n'en parlèrent pas. Il n'y avait d'ailleurs guère de réjouissances dans les alentours immédiats, mis à part le feu d'artifice habituel, un peu plus loin.
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Dès que les Harper rentrèrent et furent couchés (sauf Pete qui ètait resté chez les Burcombe), un feu d'artifice d'une espèce différente explosa. Le poltergeist reprit ses
activités là où il les avait interrompues huit jours plus tôt. Les coups recommencèrent avant même que tout le monde soit couché. Grosse expliqua alors à Mme Harper qu'il envisageait d'établir un contact avec la Chose. Elle ne formula aucune objection.
Je veux simplement savoir ce qu'Il veut, dit-elle d'un ton las. C'est tout. Vous pouvez poursuivre et faire ce que vous avez à faire. A l'inverse de moi, Grosse ne semblait pas avoir une action d'inhibition sur le frappeur invisible, et il s'assura très vite qu'aucun des enfants ne le mystifiait. Les coups provenaient de différents endroits du plancher et même des murs. De plus, il pouvait voir les mains des enfants. Je laissai Grosse dans la chambre et m'étendis de tout mon long sur le palier, une oreille plaquée au sol pour entendre plus clairement les coups. J'avais laissé la porte de la chambre entrouverte.Grosse commença son interrogation. "Pouvez-vous me dire combien font cinq plus cinq ?" demanda-t-il. Immédiatement, nous entendîmes tous, dix coups frappés. Donc, la chose pouvait faire une addition et était, en conséquence, dotée d'intelligence. Je commençai à m'interroger sérieusement. En guise de préliminaires à des questions plus importantes, Grosse lui demanda de faire un autre calcul simple. Mais, cette fois; pour toute réponse, il ne reçut qu'un signal dépourvu de sens rat tat a tat tat...tat . Je me levai et entrai dans la chambre ; il répéta sa question plusieurs fois. Il n'obtint pas de réponse. < Ce n'est pas bon, Maurice, > dis-je. << Il ne m'aime pas. Je vais vous laisser. Je retournai sur le palier, laissant Grosse à nouveau seul avec les Harper. John Burcombe et Peggy Nottingham étaient aussi présents. Ils étaient venus dire bonsoir.
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Après quelques questions restées sans réponse, Grosse dit qu'il pensait que John et Peggy feraient bien de le laisser seul. Ils se dirigeaient vers la porte quand une pantoufle décolla du sol et vola vers Rose. Au même moment, nous entendîmes un sifflement que nous supposâmes être celui d'un feu d'artifice lointain." Il a seulement jeté un chausson pendant que nous étions tous dans la pièce," dit Grosse. Il n'était pas à la portée des enfants, il se trouvait par terre au pied du lit. " Ensuite, il y eut deux coups très nets sur le sol. Grosse répéta ses instructions, un coup pour non et deux coups pour oui. (Mon code était en sens inverse mais le poltergeist n'y attacha pas d'importance.) Il consentit à fournir quelques réponses ; c Etes-vous mort dans cette maison ? coup-coup - Oui. c Allez- vous partir maintenant ? Un coup s2c - Non. c Il y a combien d'années que vous viviez ici - dix ? Non.cc Plus de dix ? - Oui. Plus de vingt ? Oui. cc Plus de trente ? >> Oui.
cc Pouvez-vous me dire depuis combien d'années vous êtes parti ?
interrogea-t-il. Alors, suivit vraiment la plus longue série de coups jamais enregistrée. Avec mes oreilles d'une part et le micro de mon enregistreur posé sur le sol du palier comme témoin, d'autre part, j'entendis une solide volée de coups très légers et toujours ce curieux effet de fading. J'en comptais au moins cinquante.<c Ça fait 53 ? demanda Grosse. Coup-coup. Oui,c'était ça ! cc Et vous êtes mort cette année-là ? Deux coups répondirent aussitôt. c Si vous l'êtes ; au moins allons-nous quelque part, pensai-je. " Maintenant, pourquoi êtes-vous dans cette maison" vous n'êtes pas vraiment ici.Vous me comprenez, n'est-ce pas ?" Deux coups suivirent, mais avant que Grosse n'ait le temps de poser sa question suivante, le frappeur se remit à battre le signal dépourvu de sens cc Rat tat-ta... tat tat. Grosse s'impatientait.
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Maintenant, dit-il fermement, << je vais vous poser une question. Est-ce que vous vous moquez de moi ? La réponse ne tarda pas. Deux secondes plus tard, il y eut un sifflement, un cliquetis puis un grand choc sur la porte derrière moi. La boîte dans laquelle les Harper gardaient des coussins se trouvait par terre près de la cheminée. Elle décolla, vola au-dessus du lit, se déplaçant de plus d'un mètre cinquante et frappa Grosse en plein front ; après quoi, elle rebondit sur la porte près
de lui et s'écrasa au sol Oh la vache ! Oh Seigneur ! dirent Grosse et Mme Harper simultanément. J'étais dans la chambre avant même que le coffret n'atterrisse. Comme je lui demandais - est-ce que vous vous moquez de moi ? il m'a lancé le coffret et l'oreiller en pleine figure. < Bon dit Maurice énervé. Merci beaucoup. C'était une très bonne réponse ! - L'avez-vous vraiment vu ? demandai-je. Vu ? Mais sans blague, il m'a frappé au visage ! dit Grosse en riant. C'était en guise de bonjour, remarquai-je. Et bien, bonjour ! c'était une très belle démonstration de ce que vous savez faire, et avec toute la bonne volonté du monde je n'aurais pas fait mieux ! t vrai. D'un certain point de vue, c'était un incident parfait. La boîte était hors de portée de la personne la plus proche, Janet. Pour la lancer elle-même, elle aurait dû se lever, ce qu'elle n'avait pas fait. De plus, quand plus tard, nous essayâmes de répéter l'incident- c'était notre habitude - nous nous aperçûmes très vite que nous n'y parviendrions tout simplement pas. Nous ne pouvions pas lancer la boîte assez vite pour produire cet étrange sifflement. Nous ne fûmes pas les seuls, il en alla de même pour l'équipe de la BBC Nationwide qui, plus tard, filma une reconstitution de cet épisode. Même après neuf ou dix essais, ils ne parvinrent pas à faire voler la boîte de la façon dont Grosse l'avait vue faire à l'époque. Nous reconnûmes tous qu'il s'agissait là d'une manifestation paranormale authentique.
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Les choses s'étaient calmées, les Harper retournèrent se coucher. Grosse resta dans la chambre alors que je descendis.Maurice garda le silence un bon moment. Le dos tourné à la fenêtre, il faisait face aux deux fillettes et à leur mère dans le grand lit ainsi qu'à Jimmy sur le lit de camp. Il observa la pièce et constata qu'il n'y avait aucun objet oublié susceptible d'être lancé, puisque nous les avions tous relégués dans la pièce voisine après l'épisode de la boîte. Il se demanda ce que le poltergeist pourrait bien lancer à présent. Au moment précis où cette pensée se présenta à son esprit, il y eut un énorme fracas derrière lui. Je l'entendis d'en bas et fonçai à l'étage pour découvrir qu'un cadre qui accueillait un des diplômes sportifs de Janet était tombé du mur auquel il était accroché par un crochet cc x et venait d'atterrir près de mon enregistreur qu'il avait dû heurter dans sa chute. Je pensai qu'il aurait très bien pu tomber en temps normal ; mais, quand je le ramassai, je m'étonnai de constater que le léger parchemin et son fin cadre de plastique ne pesaient pas
plus lourd qu'une feuille de journal. Je le relâchai d'où il était tombé (le crochet était intact) et le son qu'il produisit ne ressemblait en rien à celui que nous venions d'entendre. Je fis revenir ma cassette en arrière pour comparer et découvrir que les piles que j'avais achetées le matin même et en principe prévues pour au moins deux heures d'enregistrement avaient choisi ce moment pour rendre l'âme. J'étais déjà habitué à ce genre de coïncidence. Ni Maurice, ni moi, ne comprenions comme le diplôme avait pu sauter et faire un tel bruit en frappant le sol. cc Satané bougre ! dis-je, cc qu'allons-nous faire à son sujet ? Je l'ignore, > répondit Maurice. cc Il me mystifie vraiment. La façon qu'il a eue de se manifester dès qu'ils furent au lit... cc Oui, v dis-je, cc mais au moins nous avons trouvé une chose qu'il ne peut pas faire. Il ne peut arracher cette cheminée du mur. En fait, la cheminée s'était avancée de cinq centimètres environ du côté opposé au tuyau d'alimentation.
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cc I1 ne doit opérer que dans un certain rayon et ne prendre que les objets qui ne lui opposent pas trop de résistance. Il jette la première chose à sa portée. cc Encore quelques jours, et il passera à la cheminée, >>dit Grosse, pessimiste. cc Il peut faire n'importe quoi. J'en suis tout à fait convaincu. Bien qu'en désaccord sur ce point de détail, nous nous accordions à reconnaître qu'il était dorénavant évident que notre semaine de vacances n'avait rien changé à son activité. Nous devions faire appel à d'autres enquêteurs. A ce stade, nous n'avions qu'un désir, voir cette affaire classée ; la simple pensée de devoir vivre encore deux mois dans la même ambiance nous était insupportable Je proposai les noms de quelques membres de la SPR habitant hors de la ville que je pensai pouvoir être intéressés.
cc Appelez qui vous voulez, dit Grosse. cc Ce n'est pas mon affaire. Mais je ne veux personne, ici, qui ne soit absolument normal. Nous allons avoir assez de problèmes comme ça sans que des gens nous tournent autour et disent : " Ah ! ils ont fait appel à ce dingue ! " cc Je me préoccupe d'abord de la famille, continua-t-il. cc J'en ai vu assez maintenant pour écrire une centaine de foutus bouquins. Peu m'importe qu'on me croie ou non. Je sais ce que j'ai vu . Moi aussi, je savais ce que j'avais vu, bien qu'à cette époque, je n'avais pas encore l'idée d'écrire un livre sur le sujet. Nous étions tenus d'envoyer un rapport à la SPR.
J'espérais que le cas prendrait fin rapidement et que je pourrais retourner à ma vie tranquille de rat de bibliothèque, intéressé par les taches solaires. Le dénouement s'étant cc quelque peu fait attendre, vous comprendrez - du moins je l'espère - que j'aie changé mon fusil d'épaule. Cependant, puisque le cas allait bon train, je voulais que plusieurs témoins extérieurs aient, autant que possible, une chance de le voir. Je n'ignorais pas qu'ultérieurement il était très possible que certains individus
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nous accusent d'avoir monté cette affaire de toutes pièces. Je savais également qu'il se pouvait qu'un jour, rious ayons nous-mêmes des difficultés à croire ce que nous avions vu. Je me rappelai comment Everard Feilding, un des meilleurs enquêteurs des tout débuts de la SPR, avait décrit ses sentiments et ceux de ses collègues rencontrés au petit déjeuner après une soirée avec Husapia Palladino; en 1908, qui avait été riche de phénomènes physiques. < Les incidents semblaient sortir tout droit de notre esprit, écrivit-il alors qu'il disposait d'un sténographe prenant des notes sur le vif. Heureusement, nous avions les enregistreurs ; car sans leur évidence, je suis convaincu que certains incidents à Enfield nous auraient paru sortir; tout droit de notre imagination. Il semble en effet, que nous ayons tous un instinct pour rejeter les expériences que nous . ne pouvons expliquer. Le matin gui suivit l'épisode du lancer de la boîte, j'écoutai la cassette chez moi pour m'assurer que nous n'avions pas rêvé. Le soir-même, j'étais témoin d'un incident presque semblable un des oreillers de Janet décolla en sifflant au-dessus de son lit et ce, alors que j'étais encore dans la chambre brillamment éclairée. Je suivis le mouvement du coin de l'oeil et j'étais certain que la fillette ne l'avait pas lancé. Mme Harper avait à nouveau mentionné ce soir l'étrange migraine qu'elle ressentait presque toujours avant que quelque chose de ce genre n'arrivât. Ça dépend, me dit-elle. Si la " chose " est dans l'air, mon coeur se met à battre et si " elle " va être méchante, j'ai la tête prise dans un étau. Et puis, cela passe.
Je demandai à Janet si elle ressentait la même chose. Sa réponse fut des plus confuses. Oui et non. Je peux le sentir quand il est là. Pensez-vous que je sois un médium ?"
Nous sommes tous médiums répondis-je. < Nous avons tous reçu des cerveaux. C'est tout ce que ça signifie. > Je n'en pensais pas moins que Mme Harper était vraiment médium, dans le sens populaire du terme.
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C'est-à-dire qu'elle ressentait souvent des choses que les autres ne percevaient pas, et prétendait même qu'elle les voyait. A ce moment, tous les membres de la famille y compris Jimmy - répétaient qu'ils avaient vu des visions ou des apparitions de visages aux fenêtres, des ombres humaines sur les marches de l'escalier, quelque chose bouger juste à la périphérie de leur champ de vision, et qu'ils entendaient toutes sortes de bruits inexplicables ,des pas, des coups sourds, des gémissements, des grognements, des murmures et même des paroles. Ces dires étaient très intrigants bien sûr mais ils ne constituaient pas des preuves matérielles solides. Vous ne pouvez jamais établir avec certitude ce que quelqu'un pense avoir vu ,même si vous lui vouez une confiance totale ; de plus, il est facile de mettre ses déclarations sur le compte d'une hallucination mais ceci revient à expliquer un mystère par un autre. Néanmoins, certains de leurs récits étaient très convaincants. Le petit Jimmy, par exemple, qui ne remarquait jamais grand chose de l'agitation, cria et hurla un jour, pendant une bonne demi-heure, après avoir raconté à sa mère qu'il avait vu un visage sur le mur qui l'observait. Il était effrayé au plus haut point., Il a vu le vieil homme, celui que j ai déjà vu avec des grandes dents blanches , me dit Mme Harper. Je n'avais jamais vu d'apparitions moi-même et, à ce stade, alors que j'avais vu assez d'activité physique pourme convaincre que c'était franchement inexplicable, je concentrai mes efforts pour obtenir, un semblant de vérité scientifique acceptable. L'étudiant du professeur Hasted n'était pas encore libre pour se joindre à nous. En attendant, j invitai Eduardo Balanovski un jeune physicien argentin travaillant a Londres, a venir voir ce qu'il pouvait faire. I1 vint le jour du douzième anniversaire de
Janet, le 10 novembre 1977. Je suis certain que c'est un anniversaire qu'elle n'oubliera jamais. Grosse arriva avant nous. Il découvrit que presque tousles meubles du living avaient été renversés. Un cendrier avait décollé du bras d'un fauteuil et frappé le plafond, deux couteaux avaient fendu l'air de la cuisine jusqu' au
living.
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Un peu plus tôt, il y avait eu un incident à côté quand une petite bouteille de Guinness avait sauté d'une étagère vers le centre de la pièce sous les yeux de Peggy Nottingham, de Maurice Grosse, de la directrice de la chaîne de télévision BBC, Sally Doganis, qui était en train de rassembler des éléments pour le court métrage qu'elle préparait. Il était environ 21 heures, ce soir-là quand quelqu'un frappa à la porte d'entrée. Eduardo et moi étions attendus mais, lorsque Rose alla ouvrir la porte, elle ne trouva personne. Grosse monta à l'étage, en redescendant il entendit lui aussi qu'on frappait à la porte. De nouveau il n'y avait personne et si un des enfants lui avait fait cette farce, il l'aurait vu ou vue. A ce moment, en fait, je descendais la rue pour prendre un verre . au pub avec Eduardo, qui avait apporté un
magnétomètre. C est un instrument grand, lourd et très couteux destiné à mesurer les petites variations dans les champs magnétiques (nous avons eu quelques difficultés à persuader le tenancier qu'il ne s'agissait pas d'une bombe !). Avec cet engin, nous espérions enregistrer les variations anormales autour des enfants. Pendant que Grosse était en haut un des gros fauteuils bascula en arrière et dès qu'il pénétra dans le living, le plus spectaculaire incident à ce jour se déroula sous ses
yeux. Le lourd canapé vert s'éleva d'environ un mètre au-dessus du niveau du sol, vola et se renversa vers l'arrière, puis s'écrasa au sol et se redressa. A ce moment, l'enregistreur de Grosse fonctionnait. Lorsque des choses comme celle-ci arrivaient, nous avions l'habitude de les décrire à voix haute, mais Grosse avait été si surpris qu'il resta sans voix. On peut effectivement se demander ce que les gens trouvent à dire quand des choses pareilles arrivent dans leur living. Voici exactement ce qui a été dit à cette occasion au 84 Wood Lane :cc Regardez, ne bougez pas, calmez-vous, dit Grosse. << Ne vous agitez pas, ajouta John Burcombe. Il est 20 h 55, précisa Janet. Elle était bien dressée à noter l'heure des incidents.
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a Bon, "dit Burcombe. " Maintenant, qui va mettre la bouilloire à chauffer ?
Mais, pour une fois, la tradition anglaise si bien enracinée de faire du thé dans les moments difficiles ne les aida nullement. Un moment après, Grosse s'exclamait dans son enregistreur : cc Il vient de propulser Janet hors de sa chaise sous mes yeux. J'ai vu Janet voler. Non seulement elle, mais aussi le coussin sur lequel elle était assise: Elle s'était élevée à une hauteur que j'estimerais à un mètre quatre-vingts. > Presque toujours, en de telles occasions, elle en sortait indemne. c Où vas-tu ? s'exclama John Burcombe. Mme Harper, elle, venait de tituber et était tombée sur lui alors qu'il était tranquillement assis sur une chaise.J'ai franchement senti qu'on me poussait, "dit-elle." Excuse-moi John, j'ai dû perdre l'équilibre. Je n'ai jamais connu cette sensation... c Je vais vous lire une histoire au sujet de Jésus, dit Janet, à qui un voisin avait offert une histoire de la
Bible. Personne ne prêta attention à elle. cc Venez, Monsieur Playfair, vous allez manquer tout le spectacle ! dit Mme Harper. Je lui avais souvent fait remarquer que ces manifestations paraissaient toujours se produire juste avant que je n'arrive ou juste après que je sois parti. a La " chose " sait qu'ils arrivent, dit Grosse, alors elle se paye du bon temps avant. Ainsi, elle ne fera rien quand ils seront ici, je ne... Il fut interrompu par un fracas assourdissant venant de la cuisine, où Mme Harper venait de se rendre pour préparer le thé. C'était l'égouttoir à vaisselle plein de
couverts, mais heureusement pas de plats, qui volait à travers la pièce. Lorsqu'il atterrit, il y eut un autre coup frappé à la porté d'entrée ; mais cette fois, c'était vraiment Eduardo et moi. Janet jeta un oeil en soulevant Ie rideau. c Ils arrivent, dit-elle, cc oh, mon Dieu > Avant qu'elle n'atteigne la porte, il y eut de nouveau un bruit terrible dans la cuisine, suivi presque tout de suite par un autre juste quand Eduardo et moi franchissions la porte.
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Les deux tables de la cuisine s'étaient mises à voler alors que nous arrivions. Le timing du poltergeist était étrangement précis. A nouveau, comme je pouvais m'y attendre, tout fut calme dès que nous pénétrâmes dans le living. Eduardo garda tout son calme et ne dit rien. Il répondit seulement aux politesses lorsque je le présentai puis nous transportâmes le magnétomètre au premier étage. Là, il passa vingt minutes à le vérifier pour être sûr de son fonctionnement. Quand tout le monde fut couché, nous branchâmes nos deux enregistreurs, celui d'Eduardo était connecté au magnétomètre, et nous quittâmes la pièce; puisque je lui avais dit que rien n'arriverait si nous y demeurions. Du palier, nous pouvions garder un oeil sur le cadran de la machine et, dans les quarante minutes qui suivirent, l'oreiller de Janet fut projeté deux fois à travers la pièce, exactement comme la veille au soir en ma présence. Cette fois, bien sûr, je ne pouvais pas voir Janet ; cependant Mme Harper m'assura, sur-le-champ, qu'elle n'avait rien lancé. Et, à chaque fois, l'aiguille du magnétomètre défléchit vraiment ; Eduardo pensait que ceci pouvait être dû au grincement des ressorts du lit. J'étais un peu ennuyé à l'idée qu'il se pourrait qu'il doive retourner à l'université et expliquer que cet engin très coûteux, qu'il avait emprunté sans autorisation, avait été endommagé. Pour cette raison, nous arrêtâmes l'expérience dès que nous eûmes la certitude de l'existence d'un lien entre l'activité du poltergeist et les anomalies du champ magnétique environnant. Après que nous soyons sortis, le poltergeist introduisit un nouveau tour, extrait de son répertoire en apparence illimité. Rose descendait pour aller aux toilettes, quand soudain, elle se mit à crier :
Je ne peux plus bouger ! Quelque chose me tient ! Grosse et Peggy Nottingham allèrent voir ce qui se passait et ils la trouvèrent debout dans l'escalier piquée sur une jambe, l'autre tendue derrière elle. Elle ne tenait pas la rampe.
Il tient ma jambe ! > répéta-t-elle. Grosse la prit par la main et tira mais elle restait clouée sur place.
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Puis, Peggy lui prit l'autre main et tira très fort, ils s'attendaient plus ou moins à ce que Rose leur tombât dessus, mais elle resta aussi immobile qu'une statue toujours en équilibre sur une jambe. En fin de compte, Grosse s'arrangea pour Ia faire pivoter sur elle- même, sur quoi elle retrouva son état normal et descendit l'escalier sans autre problème. Son attitude défiait les lois de la gravité, me dit Grosse le lendemain: C'était exactement comme si quelqu'un lui tenait la jambe ! "Ça ne peut plus durer ! " dis-je. Il en alla pourtant tout autrement. La violence des jours suivants fut aussi intense que le jour de l'anniversaire de Janet. Le l I novembre, les meubles commencèrent à se retourner à la minute où elle rentrait de l'école, le divan se renversa deux fois, dont une alors qu'elle y était assise. Or, pour retourner ce divan en temps normal, il fallait deux personnes et bon nombre d'efforts. Même la lourde table de la salle à manger en chêne massif sauta en l'air, comme si elle essayait de décoller. Elle était bien trop lourde pour qu'une personne seule lui fasse quitter le sol. A l'aube du 12 novembre, le lit de Janet chavira avec le matelas ; cet ensemble atterrit sur le sol et l'ensevelit. Ceci se passait vers 5 heures du matin. Environ deux heures plus tard, Mme Harper décida de voir si elle pouvait établir un contact avec le spectre, comme nous lui avions demandé de le faire par le truchement de l'écriture. J'avais pensé lui apprendre la technique de l'écriture automatique. Pour ce faire, il faut utiliser un crayon effleurant à peine une feuille de papier et le laisser écrire sans le diriger. Mais, j'y avais renoncé parce que je connaissais les résultats néfastes qui pouvaient en résulter.Ils peuvent être très désagréables et je mets en garde les lecteurs de ne pas tenter une telle expérience, sauf s'ils savent ce qu'ils font. Aussi, je lui demandai de disposer, çà et là, un crayon
et un bloc de papier et de voir si elle obtenait des messages directs. Donnez-moi un message , dit-elle à haute voix dans la cuisine apparemment vide, je peux peut-être vous aider sans frapper .
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Cinq minutes plus tard, elle trouva un petit morceau de papier sur le réfrigérateur sur lequel il était griffonné : cc Je resterai dans cette maison. Ne lisez pas ceci à quelqu'un d'autre ou je passerai aux représailles. Le papier ne provenait pas du bloc que je lui avais donné. Plus tard, nous découvrîmes qu'il avait été arraché d'un des cahiers d'exercices de Janet ; celle-ci nia ardemment l'avoir écrit elle-même et Mme Harper ne voyait pas comment elle ou Rose aurait pu le · déposer sur le réfrigérateur sans se faire pincer. Puis, presqu'au même instant, un autre message cc arriva sur la table de la salle à manger cette fois : cc Puis-je avoir un sachet de thé ? cc J'ignore pourquoi vous voulez un sachet de thé dit Mme Harper calmement, cc mais, si ça vous fait plaisir, j en mets un sur la table de la salle à manger .Elle le fit, et quelques secondes plus tard, alors qu'aucun des enfants n'était à proximité, elle fut abasourdie en voyant un autre sachet près de celui qu'elle venait de déposer ; le second était froissé et déchiré. Plus tard, alors que j'aidais Janet à poser sur le mur de la chambre du fond quelques vieux posters et des pages en couleurs de magazines, je tombai sur une publicité qui montrait un animal à l'allure étrange avec de grandes cornes buvant une tasse de thé et réclamant des cc SACHETS DE THE ! ... > Nous étions samedi. C'était le jour où M. Harper venait apporter l'argent de la pension alimentaire, et comme d'habitude, il trouva que le travail du poltergeist était une vaste blague. cc Il est encore là celui-la ? demanda-t-il. cc Oui répondit Mme Harper. Elle ne lui parlait jamais plus qu'il ne fallait. cc Ben voyons ! dit-il sur un ton méprisant. cc Bon , dit son ex-femme ennuyée. cc Je te montre ça et je ne t'en dis pas plus. Elle lui montra le premier des messages, oubliant que son auteur le lui avait expressément interdit.
cc Oh ! je suis désolée >, dit-elle à voix haute. cc Je ne me rappelais plus la seconde partie de votre message.
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Je vous présente mes excuses. Ne l'interprétez pas mal. Comme M. Harper s'en allait, un autre morceau de papier apparut sur la table. < Un malentendu soit. Ne recommencez pas. Je sais qui c'était. > Ils étaient tous ensemble quand ce message fut trouvé et Mme Harper était sûre que Janet n'avait pas eu le temps de l'écrire elle-même. Mais, c'était encore , une feuille provenant de son cahier et l'écriture paraissait plus louche, rappelant celle de la fillette. Le poltergeist essayait-il de la faire incriminer par hasard ? Ou Janet avait-elle entrepris de nous jouer des tours récemment ? Nous ne savions que penser. Tout ce que nous savions avec certitude était qu'un grand nombre d'incidents étaient arrivés dont elle ne pouvait, en aucune façon, être directement responsable.Puis, nous connûmes une semaine d'intense agitation.La nuit du samedi 12 novembre fut un véritable tohu-
bohu, mais avec une différence notoire : ce n'était pas tant à cause du poltergeist que des enquêteurs. Ma première tentative d'aller quérir une aide extérieure venant de membres amis de la SPR, se solda par un retour de flamme frisant la catastrophe. J'avais invité un psychologue, que j'appellerai Dr Knott *, d'une université provinciale à venir en apportant tous les instruments dont il pourrait avoir besoin et de réunir auparavant toutes les données pour conforter notre point de vue. Le Dr
Knott avait déjà enquêté sur plusieurs cas et était considéré par certains membres de la SPR comme un expert en la matière. Je lui avais expressément recommandé de .venir seul alors que Grosse et moi serions là ; de toute façon, il n'y avait pas de place pour quelqu'un d'autre. Toujours était-il qu'au grand étonnement de chacun ,il n'y eut pas moins de six membres de la SPR qui débarquèrent en même temps chez Mme Harper. En plus de Grosse, de moi-même, et de Knott, notre collègue Lawrence Berger arriva, le samedi étant le seul jour où il disposait de temps libre, suivi par deux visiteurs.
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inattendus que le docteur Knott et moi-même supposions l'un l'autre avoir invités. En moins de temps qu'il n'en faut pour Ie dire, la maison fut métamorphosée en une gare à l'heure de pointe et j'étais consterné de voir qu'au moins un de nos nouveaux visiteurs n'avait même pas eu la politesse de se présenter à Mme Harper qui était, sans conteste, embarrassée puisqu'elle pensait qu'il était un de nos invités.
Le Dr Knott vida son sac et couvrit la table. Familiale de gadgets de toute sorte. Grosse me prit à part. cc Pourquoi tout ce fatras ? demanda-t-il. c C'est à moi que vous le demandez. C'est vous le scientifique ! répondis-je. cc Vous croyez qu'il est réellement sérieux ? pour-suivit-il. Je le supposais, sinon je ne l'aurais pas invité. Pourtant, sous peu, j'allais commencer à me poser des questions. Le Dr Knott monta tout son fourbi dans la chambre et demanda aux fillettes de l'accompagner. Il avait plusieurs petites boussoles, un électroscope doré à l'or fin et un détecteur de radiations infra-rouges rudimentaire dont l'aiguille devint folle dès que Janet et Rose s'approchèrent de lui. Grosse demanda à Janet d'essayer de la faire osciller encore ; elle y parvint plusieurs fois. De toute façon, le Dr Knott écrivit plus tard dans son rapport que ces cc écarts > étaient dus à une cc instabilité >> non spécifiée de son engin qu'il m'avoua n'avoir construit que la semaine précédente. De ce fait, il n'avait pas eu le loisir de le tester.
Puis, un des visiteurs essaya quelques recherches absolument pas orthodoxes de son propre cru. Quand les fillettes se plaignirent que le grand lit dans lequel elles
étaient toutes deux était secoué, il sauta promptement les y rejoindre, causant ainsi une excitation encore plus grande. Plus tard, le même cc chercheur > plaça des ballons remplis d'eau sous le lit comme cc appât pour le poltergeist. Finalement, ils furent jetés dans toutes les diréctions par des gens - à moins que ce ne soit par des poltergeist inconnus - faisant force dégâts alors que l'eau s'écoulait à travers le plancher dans Ie iiving, douchant ainsi l'infortunée perruche.
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Inutile de préciser que je n'ai jamais compris ce que cette expérience était sensée prouver. Je partis tôt ce soir-là ; après coup, j'apprit que lorsque Knott et les autres eurent enfin débarrassé le plancher, les fillettes se précipitèrent chez c Peggy-d'à-
côté , en larmes, comme elles le faisaient toujours quand elles étaient bouleversées. c Ils ont dit que tout était de notre faute , dit Rose. Ils ont dit qu'ils pouvaient l'arrêter maintenant si nous le voulions. Ils pensent que nous jouons des tours. Le soir suivant, Mme Harper fut on ne peut plus claire avec Grosse et moi, nous signifiant que Berger et nous serions toujours les bienvenus mais qu'il était hors de question que les autres remettent un jour les pieds chez elle. Plus tard, j'apprit qu'elle avait été sur le point de nous mettre tous à la porte. Si ce qui se passait dans sa maison était de la recherche scientifique , elle ne voulait ni y participer, ni intervenir si ce n'est pour empêcher qu'on accuse ses enfants de tricherie. Ce qui me dépasse , dit Grosse, c'est l'obsession qu'ont ces gens de ce qu'ils appellent la fraude. Ils n'ont que cette idée en tête. Quelque chose arrive et ils supposent immédiatement qu'il se pourrait que les enfants s'amusent à leurs dépens. Vous rappelez-vous hier soir quand la table de la cuisine s'est renversée alors qu'un de ces " messieurs " était assis dans le living ? << Non, c'était sans doute après mon départ >, répondis-je. Eh bien, il ne s'est même pas donné la peine de décoller son derrière de sa chaise. Il a simplement jeté un coup d'oeil, a vu que les fillettes étaient là et en a déduit qu'elles étaient responsables. S'il s'était donné la peine de soulever cette table, comme nous l'avons fait, il se serait aperçu qu'elles ne pouvaient le faire. Mais, le croiriez-vous, il ne s'est même pas dérangé pour aller voir. > < C'est étonnant, n'est-ce pas , observai-je avec ironie. c Les enfants à travers le monde jouent toujours et sans cesse aux mêmes jeux... < je suis un inventeur, Guy, comme vous le savez , poursuivit Maurice, et je dois considérer ce que je fais comme un tout.
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C'est également le regard que je jette sur ce cas - je considère que tout ce qui se passe fait partie du même événement complexe. C'est la seule façon que nous ayons de comprendre jamais ces choses, il est inutile de se couper les cheveux en quatre. Et même si la nuit passée, les filles nous ont joué des tours, ceci n'affecte en rien l'authenticité du cas . J'étais d'accord. Je savais que n'importe quel psychologue (sauf Knott semblait-il) réalisait que les. gens, et en particulier les enfants, tendent toujours à faire ce qu'on attend qu'ils fassent. Nous décidâmes d'être circonspects à l'avenir lorsque nous inviterions d'autres chercheurs à Enfield. Tricherie, si tricherie il y avait, de la part des enfants, nous étions assez grands pour nous en accommoder. Mais les charlatans, nous n'en avions que faire !.
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8 - QUELQUES SITUATIONS HYSTERIQUES
Quinze jours à peine après son retour de vacances Mme Harper était de nouveau épuisée. Sa santé n'était déjà pas brillante quand tout allait bien or, pour le moment, tout allait mal... Le simple fait d'aller se coucher prenait des allures d'épreuve nocturne avec toujours sans cesse la même banalité déconcertante et les mêmes incidents. On aurait dit qu'Il essayait de rendre tout le monde fou en menant une guerre d'usure. L'ennemi invisible jetait toujours des objets - billes ou chaussons- dans tous les sens mais sa munitions favorite avait changé ; il s'était pris de passion pour Janet. Chaque nuit, sans faute, à peine était-elle couchée qu'elle volait hors de son lit, parfois suivie de Rose. Mme Harper nous raconta une fois que Janet avait été projetée à travers la pièce, terminant son vol au sommet de la vieille radio placée sur la commode. Cette aventure me parut difficile à croire en effet, la radio ne mesurait que 45 cm X 30 cm il était donc à peine possible de s'y agenouiller. Le 14 novembre 1977, j'encourageai Janet pour qu'elle consente à réintégrer sa propre chambre ; je désirais savoir si cela calmerait les choses. Au début, il sembla que j'avais raison et, pour une fois, elle s'endormit sans être tirée hors du lit sept ou huit fois. Mais bientôt, elle commença à se comporter de façon étrange. Elle pleurait et gémissait dans son sommeil. Quand j'allais prévenir sa mère dans l'autre chambre, je constatai que Rose était dans le même état.
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C'était comme si les fillettes partageaient le même cauchemar. Mais cette situation ne s'éternisa pas et je n'y pensai pas plus sur le moment.Le matin suivant, Mme Harper était totalement effondrée et le conseil de famille s'arrangea pour que les enfants aillent en pension pour quelques jours pendant qu'elle prendrait un repos total chez les Burcombe. Je lui rendis visite en fin d'après-midi et la trouvai confortablement installée dans leur chambre, visiblement vidée mais se réjouissant d'avoir une conversation tranquille. Nous parlâmes de Janet. "Les choses arrivent également quand Rose est là " me dit Mme Harper. On dirait qu'il utilise toute notre énergie. D'abord, les filles et puis moi. Il passe de l'une à l'autre. Puis spontanément, elle amena la question qui la tracassait - elle voulait savoir pourquoi tout ceci leur arrivait à eux. A cette occasion, je constatai avec intérêt 'que ses vues étaient en accord avec celles des défenseurs de la théorie psychologique sur les poltergeists bien que je sois tout à fait certain qu'elle n'avait jamais rien lu sur le sujet. Avant qu'elle ne soit divorcée, me dit-elle, son ex-mari avait souvent amené à la maison la femme qu'il épousa plus tard et elle était convaincue que cette conduite avait eu une influence négative sur les enfants. Je pense que Janet a " emmagasiné " beaucoup de choses dans son esprit, elle a une fâcheuse tendance à tout intérioriser ainsi que sa soeur - et ceci n'est peut-être pas étranger à ce que nous vivons >>, remarqua-t-elle. C'était exactement ce qu'avait avancé les très rares psychologues qui avaient étudié le syndrome du poltergeist à savoir que les effets physiques, la valse du mobilier, etc. étaient des extériorisations d'un subconscient refoulé et frustré, voire de l'inconscient. Ces manifestations engendraient une c< seconde personnalité > qui se conduisait en fait, comme une entité individuelle. II n'est donc pas étonnant que les gens assimilent souvent cette c seconde personnalité à un esprit , ou au
fantôme d'une personne décédée. Invariablement, parler de spectres conforte les gens soit
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dans leurs certitudes fanatiques soit dans leur scepticisme total ; en conséquence il est préférable d'adopter le point de vue du philosophe américain C.J. Ducasse et d'avancer simplement que nos esprits survivent à la mort physique. Je considérai cette opinion comme une hypothèse de travail plausible, bien que ni moi, ni personne, ne sache avec certitude ce qu'est la véritable nature de l'âme et ce qu'il en advient finalement. La seule chose que nous puissions faire est d'étudier les faits de cas comme celui des Harper et d'en tirer nos propres conclusions. Je dis à Mme Harper qu'elle ne devait pas s'inquiéter. Il n'y avait rien de réellement dérangeant chez Janet ou chez elle. c< C'est peut-être un simple accident, vous savez. Si vous vous faites renverser par une voiture en traversant Wood Lane, ce n'est pas parce que le chauffeur vous en voulait, c'est simplement parce que vous vous trouviez sur son passage. Je pense que les poltergeists flottent autour de nous et s'attachent à la première personne leur convenant qu'ils rencontrent. Ce sont des formes de vie inférieures ; ils vont à la dérive et sont attirés par un gentil petit paquet d'énergie tel que Janet, alors ils l'utilisent pour jouer leurs sales jeux. Ils ne veulent aucun mal mais ils ne réalisent pas la portée de leurs actes. C'était le plus vulgaire mensonge que j'aie jamais raconté de ma vie, mais je l'ai dit avec les meilleures intentions du monde. Imaginez comment Mme Harper aurait pris ceci par exemple : c Les poltergeists sont de méchants esprits à la solde du démon. Ils sont en train de ruiner votre existence, à petit feu, parce que, dans une vie précédente, vous leur avez nuis. Janet est possédée, j'en ai peur, et à moins de la faire exorciser rapidement, vous êtes tous perdus ? De toute manière, je n'étais pas sûr que cette façon d'envisager les choses soit tout à fait juste, bien que j'aie connu au moins un cas - que j'ai décrit entièrement
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dans un autre ouvrage ', qui s'était soldé par le suicide d'une fillette sensiblement du même âge que Janet. En ce qui concerne la possession - nous possédons des récits
détaillés qui remontent à plusieurs siècles - nous en avions déjà eu des indications claires lors de la brève transe de Janet, qui, je l'espérais, ne se reproduirait pas.
Même dans ces circonstances, j'étais très réticent à l'idée d'un exorcisme. Notre cas se poursuivait ; des échos nous parvinrent alors d'Allemagne où deux exorcistes appartenant à l'Eglise Catholique Romaine furent considérés comme responsables de la mort par négligence d'Anneliese Michel, une jeune étudiante âgée de 23 ans à Klingenberg, près de Francfort. La victime de ce cas épouvantable était décédée le le juillet 1976 à l'issue de soixante-sept séances d'exorcisme pratiquées par les prêtres qui l'avaient littéralement laissée mourir de faim. (Ils furent condamnés à six mois de prison avec sursis.) Lesdits exorcistes prétendaient avoir dressé une liste
impressionnante d'esprits possesseurs allant de Lucifer à Adolf Hitler en passant par Caïn, Néron et Judas. Ils proféraient des obscénités crues aux prêtres avec une voix masculine et gutturale sortant de la bouche d'Anneliese. Cela peut évoquer un film d'horreur, pourtant plusieurs cas ont été enregistrés de jeunes filles parlant avec une voix de vieil homme en colère. En raison des événements ultérieurs qui se déroulèrent à Enfield, il est utile de préciser que ni Grosse, ni moi-même n'avons jamais dit quoi que ce soit à Mme Harper à propos du cas Michel, ni d'aucun autre tout aussi macabre. Toujours est-il que je me sentis obligé de demander à Mme Harper si elle désirait avoir la visite d'un exorciste ; je lui expliquai aussi objectivement que je le pouvais qui étaient les exorcistes et ce qu'ils étaient sensés faire. << Je ne pense pas que ce soit une solution. Vraimentpas , répondit-elle, lentement et délibérément. Je ne crois pas que je serais capable de dormir, même
1. Voir The IndejInite Boundary, chapitro 12, The Pai UnderworTd.
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si tout cela s'arrêtait, sans craindre qu'il ne revienne : Non. Je veux aller moi-même au fond du problème. J'admirai, sa détermination à résoudre elle-même ses problèmes personnels sans attendre que quelqu'un d'autre le fasse à sa place. Quand je voulus Iui changer les idées en discutant politique (des élections générales étaient prévues à cette' époque), je fus intéressé d'apprendre qu'elle était (comme nioi) libérale. Elle ne douta jamais que son poltergeist était une entité réelle et individuelle, et bien que moi non plus d'ailleurs, j'étais convaincu que la science, comme les médiums spiritualistes, pourraient nous fournir les moyens de résoudre le problème. Si les poltergeists ne sont rien de plus que des c< personnalités secondaires > un psychiatre aurait du être capable de nous aider. Après tout, son travail consiste à guérir des esprits malades. Quelques jours plus tard, une Catholique Romaine, membre de la SPR, une femme intelligente et très agréable, me proposa de demander à un de mes amis jésuites de se rendre à Enfield. Je refusai son offre mais lui demandai si, par hasard, elle ne connaissait pas un psychiatre sympathique. A mon grand bonheur, elle en connaissait un et, me communiqua tout de suite son numéro de téléphone. Joindre Ie Docteur Peter IIenwick, me demanda environ cinq jours, c'était un homme très occupé. A chacun des appels téléphoniques, on me faisait la même réponse : il venait tout juste de partir. C'était sans conteste un homme très demandé. En fin de compte, je réussis à l'accrocher en Irlande du Nord, où il était en voyage professionnel et m'arrangeai pour lui donner un rapide aperçu du cas. II paraissait intéressé et posséder un esprit ouvert : J'aimerais avoir l'enfant dans mon service au Maudsley H, me dit-il d'emblée. Mais j'aurais besoin d'une lettre de son médecin traitant me l'adressant. Je le remerciai chaleureusement et promis de le recontacter dès que j'aurais régler cette formalité. D'après ce que je pouvais en savoir, j'étais sûr de ne pas rencontrer de difficultés puisque le médecin de Janet n'était pas intéressé par son cas et, qui plus est, n'avait aucune idée de ce qu'il fallait faire.
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Le projet de voir Janet hospitalisée au Maudsley au Sud de Londres - un des meilleurs hopitaux psychiatriques du monde - était trop beau pour être vrai et pour la première fois, je pensai que nous nous dirigions vers quelque chose. Mais, pour le moment, nous ne pouvions rien faire puisque nous étions incapables de visiter l'établissement où se trouvait Janet. D'ailleurs, il était préférable de la laisser avoir un dépaysement bénéfique pendant que sa mère se reposait. Il serait toujours temps de demander une lettre de recommandation à son médecin traitant.
Mme Harper partageait cet avis. J'avais pourtant eu quelques difficultés à la persuader du fait que tous les psychiatres n'étaient pas comme celui qu'elle connaissait - celui qui avait envoyé Pete en pension et refusait à présent de s'occuper de Janet. Elle accepta aussi que je lui amène un autre médium. Ce fut Elisabeth Fuller, l'épouse de l'auteur américain John G. Fuller, que j'avais rencontré à Rio, alors qu'il faisait des recherches pour son ouvrage sur le guérisseur Arigo. John se trouvait en Grande-Bretagne pour travailler à un nouveau livre. Elisabeth et lui acceptèrent avec enthousiasme de m'accompagner à Enfield. Je les rencontrai à leur hôtel et commençai par leur donner un résumé de la situation, sans faire mention des noms excepté Enfield. Pour autant que j'aie pu le vérifier; le nom et l'adresse réelle des Harper n'avaient jamais été publiés nulle part à cette époque. John m'interrompit. "Mieux vaut ne rien lui dire du tout. Elle travaille mieux de cette façon. Avez-vous un objet sur vous qui ait séjourné dans la maison ?" Je tendis à Elisabeth mon carnet de notes qu'elle prit sans l'ouvrir. Ce qu'elle dit alors me fit sursauter. " Wood Lane. Et qui est Rose ? " puis après un silence,
elle poursuivit : " Je vois une maison, c'est une construction de briques rouges, coquette avec une porte verte. " C'était une description correcte de la maison des Harper telle qu'elle était à cette époque. Puis, elle s'égara; comme le font souvent les médiums et mentionna des noms et des objets que je ne parvenais pas à identifier.
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John nota toutes ses déclarations ; pour ma part, je ne dis absolument rien jusqu'à ce que nous ayons franchi le panneau, près de la maison des Harper ,qui indiquait Wood Lane. La joie d'Elisabeth fut spontanée et j'espérais beaucoup des révélations ultérieures qu'elle pourrait faire quand nous serions dans la maison. Cependant, une fois qu'elle fut entrée... le vide.... II n y a absolument rien ici, , affirma-t-elle, rien du tout. Nous descendîmes la rue et eûmes une conversation agréable avec Mme Harper qui se reposait encore chez les Burcombe ; mais Elisabeth maintint qu'elle ne percevait aucune entité ici ou là. Il se pouvait qu'il y ait rien eu ce jour-là ; le 23 novembre 1977, en effet, les enfants étaient encore éloignés de plusieurs kilomètres. Pour moi, cela ne fait aucun doute, trois jours plus tard, il y eut quelque chose. (A ce moment, malheureusement, les Fuller avaient quitté Londres.) A deux heures du matin, le 26 novembre 1977, douze heures avant que les enfants et leur mère ne réinvestissent leur demeure, Vic et Peggy Nottingham furent éveillés par une violente éruption de coups venant du mur mitoyen - séparant leur maison de celle des Harper - alors que dans cette dernière, il ne devait pas y avoir âme qui vive. Plus tard dans la matinée, un voisin des Burcombe arrivant sur son lieu de travail fut accueilli par << Alors ! Comment va ton fantôme ? , un de ses collègues ayant vu à la télévision le film présenté par la BBC Nationlvide avait reconnu la maison. Le voisin des Burcombe fut sidéré car il n'avait pas vu le film et n'était, de plus, pas au courant de l'existence du poltergeist. Cependant, il dit qu'une nuit sa fille s'était plainte que quelqu'un frappait contre le mur de sa chambre ! Les enfants arrivèrent de la maison d'accueil dans l'après-midi du samedi 26 novembre ; ils se rendirent directement chez les Burcombe. A peine avaient-ils retrouvé leur mère que l'agitation reprit, exactement comme trois semaines plus tôt à leur retour de vacances. On entendit des coups venant de la cuisine et Brenda Burcombe entrant dans la salle de bains découvrit que toutes
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les brosses à dents de la famille étaient enduites de pâte dentifrice. A cet incident, en succéda un autre, décrit plus tard par John Burcombe en ces termes : Janet, assise par terre, mangeait une part de gâteau.Elle déposa l'assiette sur la desserte pour ramasser quelque chose et vlan ! L'assiette tomba. Tout de suite après, Burcombe lui-même fut flanqué hors de sa chaise et se retrouva sur le tapis. Grosse, qui arrivait à ce moment, assista à cet incident. J'ai été tiré plutôt que poussé, dit Burcombe. << On pourrait dire " aspiré ", si vous voyez ce que je veux dire. J'ai été projeté en avant, tourné dans le sens inverse des aiguilles d'une montre puis violemment culbuté au sol, faisant ainsi face à la chaise sur laquelle j'étais insallé. Son fils, Paul, ayant en main à ce moment un des appareils de Graham Morris, prit sur-le-champ un cliché de son père ébaubi ; quand j'arrivai, la discussion allait bon train pour savoir qui dormirait où cette nuit. Je pressai Mme Harper de séparer les fillettes puisqu'il était clair que la Chose rôdait encore. Elle accepta, très réticente et rentra chez elle avec Janet alors que Rose et Jimmy restaient chez les Burcombe. Grosse et moi nous séparâmes, chacun avec un magnétophone. Nous étions soucieux de voir si séparer les fillettes ferait une différence ou non. Il y en eut une mais pas exactement dans le sens où je l'espérais. Je restai avec Rose et Jimmy qui étaient installés pour la nuit dans la chambre donnant sur la rue, au premier étage. Jimmy s'endormit rapidement et je bavardai un peu avec Rose. Elle me dit qu'ils avaient été bien dans la maison qui était dirigée par
des sœurs et qu'une ou deux choses étaient arrivées là-bas. La garde-robe a bougé et l'armoire s'est renversée, dit-elle. Janet et moi avons aussi trouvé nos couvertures tirées. > Quelques jours avant Grosse avait téléphoné à la maison et demandé si les enfants allaient bien ; on lui avait répondu fermement : < Bien sûr. Pourquoi n'iraient-ils pas bien ? Je descendis un moment et dès que je fus hors de la
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pièce, la poupée de chiffon de Rose traversa la chambre.cc Elle a sauté en l'air et elle est partie >, dit-elle. Je la retrouvai et la posai sur son lit, puis je descendis à nouveau. Lorsque je remontai, elle était à l'autre bout de la chambre ; Rose ne dit rien à ce sujet, moi non plus. Elle ne paraissait pas s'être aperçue de sa disparition.
Ensuite, alors que j'étais debout devant son lit me demandant si elle était endormie, il y eut un son bizarre provenant de la commode près de moi. cc Oh , dit Rose en ouvrant les yeux cc C'est ce que nous avons entendu à la pension ! > Elle n'y avait pas touché, j'en étais certain. cc Oh, ce sont des meubles un peu branlants dis-je.
cc Regarde, il bouge quand je frappe du pied. Je frappai du pied mais il ne bougea ni ne vacilla. En revanche, quelques minutes plus tard, le même bruit étrange se reproduisit. Je n'eus pas le temps de m'y appesantir, puisque Mme Harper apparut soudain sur le seuil de la porte. Elle paraissait désespérée. cc Janet a une autre de ces choses... dit-elle calmement.cc J'avais le pressentiment que cela arriverait. Je me suis dis qu'il fallait que je vous le dise. Nous entendions les cris de Janet six maisons plus loin ; pourtant ,toutes les fenêtres étaient fermées. Elle avait probablement réveillé la rue entière. Je me précipitai au no 84 avec Mme Harper ; j'y trouvai Janet ,Maurice Grosse et, Graham Morris dans un tel état, qu'on aurait pu penser qu'ils venaient de disputer un combat de lutte libre. Ils s'étaient bel et bien battus ; Janet avait administré à Maurice de tels coups bas qu'elle aurait été disqualifiée dans n'importe quelle rencontre. Maurice lui tenait les bras, Graham, lui, essayait de maintenir ses jambes. Graham était venu avec une voiture chargée de matériel pour essayer de photographier Janet en lévitation et il
tombait au milieu d'une scène aussi violente que la manifestation politique extrémiste qu'il avait couverte pour le Dailv irror quelques jours auparavant. Janet hurlait cornme je n'ai jamais entendu queIqu'un hurler, pas même dans un film d'horreur.
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Elle se contorsionnait sur le lit, le visage tordu par un rictus d'une laideur diabolique ; entre deux hurlements et une tentative pour mordre les bras de Maurice, elle pleurnichait comme une petite fille de six ans. c Maman, Maman,Maman ! gémissait-elle sans cesse, bien que sa mère affolée se trouvât à son chevet. Je n'avais jamais vu Mme Harper aussi bouleversée. Elle relevait à peine d'une dépression nerveuse et je dois avouer que j'étais beaucoup plus inquiet pour elle que pour Janet. C'est déchirant pour une mère de voir ça , dit-elle à voix basse. Nous décidâmes d'appeler un médecin et Peggy Nottingham alla téléphoner au service des urgences. Le docteur arriva une demi-heure plus tard, mais nous étions déjà tous épuisés. Précédemment, j'avais eu l'occasion d'aider à maintenir un homme qui avait eu une crise d'épilepsie durant vingt-cinq minutes ; je puis assurer que tenir Janet était tout aussi éprouvant. Le médecin examina Janet sans manifester d'intérêt particulier ; il lui fit une injection de 10 mlg de Valium. Nous l'avons tous vu faire. Après quoi, il rédigea un rapport faisant état de ses conclusions,
que voici :
- Plaintes et histérique : agressive, aucun signe de communication:
- Signes cliniques présentés : tendances à la violence.
- Diagnostic : schizophrénie.
Ceci fait, il partit vers 23 h 10 sans faire plus de suggestions. Nous supposions tous qu'une dose de Valium administrée à une enfant de douze ans la ferait dormir ;nous ne pensions pas en descendant que l'effet serait de si courte durée. A 23 h 55, il y eut, à l'étage, un bruit fracassant désormais très familier, à la stupéfaction de tout un chacun, nous découvrîmes Janet - dans la position exacte que Mme Harper m'avait décrite précédemment - c'est-à-dire, agenouillée sur la radio, la tête
penchée en avant. Elle ressemblait à un petit lapin. Graham Morris prit une photographie d'elle dans cette posture, juste avant que Grosse et Burcombe ne la descende avec quelques difficultés pour la recoucher.
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Elle geignait faiblement mais paraissait profondément endormie. La nuit suivante, la même chose se reproduisit, avec quelques variantes néanmoins puisque son malaise ne dura que deux heures et quarante minutes ; elle était moins agressive et plus facile à maîtriser. Elle hurlait moins mais en revanche pleurait plus, appelant sans cesse sa Maman . Mme Harper m'assurait pourtant que Janet l'avait toujours appelée < Mam >> et jamais Maman . Puis elle sortit à nouveau de son lit et commença à divaguer, les bras étendus et les yeux clos. J'obligeai un de ses yeux à rester ouvert et braquai le faisceau d'une lampe électrique sur lui, mais elle n'eut aucune réaction. (Je n'eus pas la possibilité de la retenir suffisamment longtemps pour voir si la pupille était rétractée.) Où est Gober ? dit-elle soudain. Il vous tuera. < Oh mon dieu ! dit Mme Harper: N'est-ce pas le nom mentionné par les médiums ? Nous pensions à ce moment qu'elle avait dit GOZER , le nom qu'Annie Shaw nous avait, en effet, donné ; mais plus tard, en étudiant la cassette, nous supposâmes que le nom qu'elle avait prononcé était < Gober , inspiré par une émission télévisée enfantine, intitulée Gober, le fantôme . < Non dis-je il ne tuera personne. Il ne m'intéresse
pas. Je m'intéresse à vous et à Janet et je veux savoir qui vous êtes, ce que vous faites dans le corps de Janet et ce que vous voulez. Nous vous aiderons, nous avons
des amis qui trouveront votre " Maman " pour vous... Une fois Janet recouchée, je poursuivis mes interrogations pendant une bonne heure sans jamais obtenir de réponse hormis d'interminables sanglots et le leitmotiv plaintif réclamant Maman, Maman... Tout de suite après, Rose se plaignit que quelqu'un la piquait avec des épingles. Ces dires m'alarmèrent car je me remémorai le cas brésilien mentionné plus tôt dans ce chapitre, à l'issue duquel une pauvre fillette s'était donné la mort ; mais, elle, il était courant de la retrouver avec de véritables épingles sous la plante des pieds.
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En dépit de mes assurances, je n'étais pas tout à faitcertain de ce que Gozer ou Gober, qui que ce soit, était capable de faire: Janet se calma une fois ou deux suffisamment longtemps pour que l'on suppose qu'elle était réellement endormie ; mais à chaque fois que Graham Morris et moi quittions la pièce, il y avait un coup sourd sur le plancher avant que nous ne soyons en bas et nous retrouvions Janet vautrée par terre. Elle a du être tirée ,hors de son lit, une cinquantaine de fois au moins pendant le cas, souvent accompagnée par Rose. Et pourtant, ni l'une ni' l'autre n'ont jamais été blessées: Graham avait un Nikon motorisé et un flash électronique qui lui permettaient de prendre des séquences de photos. A cette époque, il réaisa des douzaines de films et parmi les résultats qu'il obtint d'aucuns étaient franchement inexplicables. Une série. de photos séquentielles, prises à des intervalles réguliers au dixième de seconde montraient deux oreillers se déplaçant à travers la chambre dans des directions différentes. Pendant ce temps, les filles avaient les mains sous les couvertures, seule émergeait une main de Rose pointant dans notre direction. La seconde série montrait les couvertures de Janet s'éloignant dû lit loin d'elle alors qu'elle restait sans mouvement. Quant à la troisième série, à première vue elle paraissait parfaitement normale jusqu'à ce que l'on remarque que Janet tombait du lit de Rose et vice versa, comme si les deux fillettes avaient été prises dans un tourbillon d'air. Les photographies prises par Graham ne prouvaient rien du tout ; on pouvait toujours les accuser d'être truquées mais nous savions, bien sûr, qu'elles ne l'étaientpas: (Un jour je proposai de jeter les oreillers nous-mêmes devant l'objectif, juste pour voir quelle serait sa réaction mais il maintint qu'il voulait la réalité et rien d'autre).Je crois qu'il fut le premier à enregistrer sur un film un poltergeist en action. L'agitation ne semblait pas vouloir se calmer, aussi vers minuit; Mme Harper demanda-t-elle à John Burcombe d'appeler un médecin. Lorsqu'il arriva nous remarquamés qu'il était encore plus taciturne que son confrère la nuit précédente.
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Néanmoins il examina Janet plus consciencieusement, trouvant sa température, sa pression artérielle et son pouls normaux. Cependant, elle était désorientée dans le temps et dans l'espace ; d'après ses constatations, il conclut dans son rapport écrit au diagnostic suivant : < Hystérie >. En partant, il laissa quelque pilules d'Activan < à prendre si besoin était .Le lendemain matin, dès son réveil, Janet entra dans une transe très violente. Mme Harper se précipita à côté et Peggy Nottingham appela immédiatement une ambulance puis téléphona à Grosse pour le prévenir. Janet fut conduite à l'hôpital le plus proche et examinée par un jeune psychiatre qui refusa d'autoriser Maurice à la voir.
< Je suggère qu'autant que possible vous évitiez qu'elle soit mêlée à des situations hystériques de quelque nature qu'elles soient. dit-il elle est parfaitement normale.Elle peut rentrer chez elle. Merci beaucoup > dit Grosse, qui ne voyait aucun moyen de pousser la discussion plus avant. John Burcombe était, quant à lui, extrêmement contrarié par ce qu'il considérait comme une remarque stupide de la part du psychiatre : < Ecoutez mon vieux dit-il en
colère < ma nièce est peut-être normale mais ce qu'elle vit depuis quelque temps n'a rien de normal. Le jeune psychiatre paraissait embarrassé au plus haut
point. II en vint à dire à Burcombe qu'il pensait que Janet devrait être admise à l'hôpital, et ce, une minute après avoir décrété qu'elle pouvait rentrer chez elle. Burcombe comme Grosse eurent l'impression qu'il n'avait aucune idée de ce qui arrivait à Janet et qu'en plus, son intérêt n'était pas éveillé. Burcombe pensa qu'il valait mieux ramener la petite fille à la maison et essayer de la faire admettre à l'hôpital où il travaillait. Au moins, là, il pourrait garder un oeil sur elle. Ainsi, après avoir reçu trois diagnostics différents en trois jours, Janet revint à la maison, et dès qu'elle eut franchi la porte, elle entra à nouveau en transe. Une forte
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dose d'Activan la calma et jusqu'à ce que Grosse arrivât ce soir-là, elle sommeilla sur le canapé. Il la porta dans son lit, à l'étage ; aussitôt elle recommença à geindre et à appeler c Maman, Maman. > Elle prononçait le mot d'une façon bizarre, accentuant la seconde syllabe. Mme Harper répéta que Janet ne s'était jamais adressée à elle de cette manière, même plus jeune. Janet se calma vers 23 heures, aussi Grosse redescendit-il. Un quart d'heure plus tard, il entendit le désormais traditionnel coup sourd sur le sol. Il remonta au premier voir une fois de plus ce qui se passait.
Rose et Jimmy paraissaient profondément endormis ;Mme Harper était encore au rez-de-chaussée. Mais, Janet s'était volatilisée. Grosse se demanda s'il était victime d'hallucinations où s'il n'y voyait plus rien. Puis, l'idée qu'elle s'était peut-être dématérialisée lui vint à l'esprit. A ce moment, il perçut un faible son qui s'échappait de
sous le grand lit. Il se baissa pour regarder, et alluma sa lampe de poche...
Janet était là. Elle était coincée entre le sommier métallique et le sol, face contre terre. Grosse ne s'amusa pas pour la tirer de là, puisqu'elle était totalement inerte comme inconsciente. Quand il parvint enfin à la recoucher, il souleva une de ses paupières et braqua sa lampe sur elle. Dans le cas d'une personne consciente. la pupille se rétracte pour fuir une source lumineuse trop intense, mais avec Janet il n'enregistra pas la moindre réaction. Il n'avait pas descendu la moitié de l'escalier, qu'elle était à nouveau sortie de son lit et la même chose se reproduisit cinq minutes plus tard. Passé minuit, alors que Grosse pensait en avoir fini avec le poltergeist pour la soirée, Janet et son matelas furent jetés à terre ; vingt minutes après, on la retrouva dans le coin près de la porte, selon les apparences, elle avait été projetée sur une distance de quatre mètres. J'étais sérieusement inquiet. Nous avions essayé les médiums, nous avions appelé les médecins, nous avions conduit Janet à l'hôpital, pourtant le mal persistait et la situation se dégradait. Janet manquait souvent la classe et Mme Harper aurait bientôt épuisé ses réserves et ses facultés d'endurance. C'est à
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ce moment crucial qu'une aide nous cc tomba du ciel . Le lendemain matin, je rencontrai un couple de vieux amis brésiliens, qui séjournaient quelques jours à Londres
avant de se rendre en Allemagne. Luiz Gasparetto avait été convié à montrer son habileté remarquable à exécuter des dessins et des peintures dans un état de transe hypnotique. Elsie Dubugras, membre du service de soins du Sao Paulo State Spirit Federation, l'accompagnait en tant qu'interprète et assistante. Au Brésil, je n'aurais jamais fait appel à eux, pour un cas de poltergeist, parce que ce n'était pas leur spécialité. Dès que je les rencontrai, j'abordai pourtant sans détour le sujet qui me tenait à coeur, leur donnant un compte rendu détaillé du cas et insistant sur le fait que nous
étions totalement incapables de contrôler la situation. cc Eh bien , dit Luiz, cc où est le problème ? Tout ce que vous avez à faire est de la conduire au centre Spirite le plus proche et de les laisser s'en occuper. c Le problème , répondis-je c est que nous sommes à Londres et non pas à Sao Paulo. Nous n'avons pas de centre comme celui que votre famille dirige. A la place, nous avons le National Health Service, lequel ne veut rien savoir du tout des poltergeists >. c C'est vrai , dit Elsie, cc nous ferions mieux d'y aller et de voir ce que nous pouvons faire. Ainsi, le jour de leur arrivée, les deux Brésiliens se rendirent à Enfield alors que je savais pertinemment qu'ils avaient prévus de faire bien d'autres choses à Londres. Nous arrivâmes à 16 h 55, le 29 novembre 1977. Je n'avais pas pris le temps de contacter Mme Harper et de m'assurer - comme je le faisais toujours - qu'elle ne prendrait pas ombrage à ce que je vienne avec de nouveaux visiteurs. Je fis les présentations hâtives et l'invitai à laisser mes amis faire ce qu'ils pensaient nécessaire. Elle accepta. Elle paraissait plus proche que jamais de l'épuisement nerveux.Janet était étendue sur le canapé étreignant un des
coussins oranges. Fortement droguée, elle entrait et sortait de transe et son sommeil était agité depuis qu'elle était revenue de l'hôpital la veille, avec un diagnostic de
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parfaitement normale >. Elle ne montra à mon égard aucun signe de reconnaissance. Luiz et Elsie se mirent au travail sans prendre la peine d'enlever leurs manteaux. Luiz fit des passes magnétiques autour du corps de la fillette alors qu'elle était étendue sur le canapé. Pendant ce temps, Elsie fit asseoir Mme Harper sur une chaise et lui fit subir le même traitement. Janet eut une faible velléité pour battre Luiz, mais elle était exténuée, sans force ; il lui saisit la main et s'assit près d'elle, sans prononcer un seul mot pendant environ un quart d'heure.Pour la première fois, depuis plusieurs jours, Janet avait l'air calme. Les deux Brésiliens dirent alors qu'ils aimeraient monter à l'étage pour avoir une séance privée avec leurs guides spirituels. Je les suivis et les observai. Luiz inspira profondément l'air à plusieurs reprises, s'éclaircit la gorge et entra en transe comme je l'avais vu faire maintes fois avant ses séances de peinture. Juste après nous entendîmes un choc au rez-de-chaussée je descendis à toute allure et trouvai Janet à terre, elle avait une crise et se tordait frappant tout ce qui se trouvait à sa portée. Elle s'était faufilée sous l'énorme table de chêne du living et tentait de la renverser ; lorsque je plongeai sur la table m'y étendant de tout mon long, elle s'arrangea pour l'écarter du mur. Ensuite elle rampa à travers la pièce et frappa l'une des portes du meuble placé sous la TV (la télévision était peut-être le seul objet
de la maison, qui n'ait jamais été perturbé, d'aucune façon, pendant la durée du cas). Luiz descendit et commença à parler avec Janet en portugais, parsemant sa
conversation de quelques mots d'anglais de-ci de-là. Il s'assit sur le sol et l'y tînt fermement. Você quer sua mae ? Como ela se chama ? (vous voulez votre mère ? quel est son nom ?), interrogea-t-il plusieurs fois. Janet continuait à geindre Maman, Maman . Toujours l'étrange intonation de la nuit précédente. Elsie entra. << Elle parle portugais , dit-elle Ecoutez comme elle dit " mamaé ", à la façon d'un enfant brésilien ! . Le son était, en effet, très voisin de la forme
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diminutive que les Brésiliens utilisent pour < maé (mère) en accentuant la seconde syllabe. Mais Luiz n'obtenait apparemment pas de contact en portugais aussi pousuivit-il en anglais. "Tiens bon ! " ordonna-t-il. "Tiens bon ! tiens bon !
tiens ferme ! " Il expliqua plus tard qu'il essayait de persuader Janet d'être forte et de contraindre l'entité qui l'envahissait à s'en aller. Une plainte sortit de la bouche de Janet. Alors, Luiz lui intima fermement : Ça va, ça suffit ! Vous m'avez parfaitement compris. Je vous ordonne de vous EN ALLER. Partez et laissez-la MAINTENANT ! Quelques minutes plus tard, Janet redevint soudain elle-même. Elle ouvrit les yeux, me
regarda et m'adressa un faible petit sourire de reconnaissance ; elle paraissait incapable de parler. Je pensai que je n'avais jamais rien vu de plus proche du miracle. Luiz et Elsie étaient débarqués inopinément après quatre jours de chaos constant ils n'avaient presque rien dit et Janet soudain retrouvait son état normal. On peut éviemment parler de manière légère des mystères de la guérison spirituelle mais quand vous voyez de vos propres yeux que cela marche - ... et qui plus est, mon enregistreur me confirmait ce qui venait de se passer - l'avis est différent... Pendant ce temps, Elsie m'avait demandé mon carnet de notes. Elle y écrivit en anglais ce qui suit : je vois cette enfant, Janet, au Moyen Age - c est une femme cruelle et licencieuse qui fit du tort à des familles de propriétaires terriens - certains d'entre eux paraissent être revenus maintenant pour se venger d elle et de sa famille.
Etait-ce vrai ? Comme pourrais-je le dire? Je peux tout au plus être certain de deux choses. D'abord, Elsie n'aurait pas inventé ça pour me faire plaisir. Ensuite,ces deux Spirites brésiliens avaient fait en quelques minutes ce que personne d'autre n'avait réussi à faire en plusieurs jours puisqu'au moment où ils partirent, Janet dormait, en paix, pour la première fois cette semaine. Elle s'éveilla le lendemain matin après exactement treize heures d'un sommeil paisible et ininterrompu. Je rac compagnai Luiz et Elsie à la gare
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et les remerciai chaleureusement pour ce qu'ils avaient fait - quoique cela puisse être.
"Ne nous remerciez pas, Guy ", dit Elsie, c'est notre rôle .
c C'est un cas difficile , ajouta Luiz. Il faudra des mois pour réussir à l'arrêter. Janet est un médium qui s'ignore et il faudrait l'instruire. Les médiums comme elle sont très rares. > Après la visite de mes amis brésiliens, elle n'eut plus qu'une seule transe violente mais celle-ci ne dura que quelques minutes. Je passai la nuit chez les Harper et nous ne fûmes pas dérangés. Janet était encore fatiguée le lendemain matin et n'était pas en forme pour aller à l'école. Je la descendis et elle se laissa aller sur le canapé où elle s'assoupit à nouveau. Mais, après mon départ, vers 9 heures, elle fit quelque chose d'extraordinaire, quand on sait que la spécialité du médium qui lui avait rendu visite. La veille au soir était de faire des tableaux dans le style de grands maîtres tels que Renoir, Manet et Lautrec et qu'il les signait de leurs noms. (Je n'avais rien dit à ce propos aux Harper). Ce matin-là, Janet commença à dessiner alors qu'elle n'était pas tout à fait présente, d'après sa mère. Elle était
très calme, me dit Mme Harper, mais pas calme c avec nous . Elle prit simplement un bloc de papier et quelques crayons feutres puis fit neuf dessins à une vitesse spectaculaire, donnant l'impression qu'elle n'était pas consciente de ce qu'elle faisait. On ne peut pas dire que les dessins étaient beaux. Le premier représentait une femme dont le sang s'écoulait de la gorge et le nom de Watson était écrit en grandes lettres en bas de la page. Le sang était représenté par des taches d'encre rouge qui maculaient
la feuille. Les autres dessins reprenaient le même thème du sang, des couteaux et de la mort. L'un reprenait simplement le mot < sang écrit plusieurs fois sur la page. Les dessins n'avaient rien de commun avec ceux de Luiz Gasparetto - (un film de lui à l'oeuvre avait été réalisé par Bridget Winter et passa deux fois sur la chaîne BBC Nationwide en 1978) -
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excepté qu'ils avaient été produits au cours d'une transe et ce, très rapidement. De plus, Janet comme Luiz, n conservait aucun souvenir de ce qu'elle avait dessiné Mme Harper avec sa présence d'esprit habituelle avait pris tous les dessins de Janet et les avaient donnés à Grosse dès le lendemain. Janet ne les vit jamais et ne sut rien à leur propos. Je demandai à Mme Harper , elle connaissait quelqu'un du nom de Watson.
Bien sûr , dit-elle. C'était le couple qui vivait dans cette maison avant que nous n'emménagions. C'était il y a douze ans, juste avant la naissance de Janet . << Seraient-ils morts dans cette maison, par hasard ? demandai-je.
Lui, oui. Je ne sais pas de quoi, mais il est mort dans la maison. Mme Watson, elle, est morte dans un appartement en haut de la rue, juste après que nous soyons arrivés ici. >> Je demandai à Mme Harper si elle connaissait les causes du décès de Mme Watson. cc Oui >, répondit-elle. Elle avait une tumeur à gorge. >
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9 - DIX VILAINES CHOSES
C'est en décembre 1977 que le cas de Enfield atteignit son apogée. En faisant un retour en arrière, les trois premiers mois peuvent être considérés comme la période
la plus chaude mais ce n'est qu'à la mi-décembre que le poltergeist nous montra ce qu'il était réellement capable de faire. Ce faisant il nous prouva qu'une au moins de nos théories était exacte ; à savoir, qu'il y avait un lien entre le phénomène physique - les envols de billes des chaussons et les chaises et les tables renversées - et l'état physique de Janet (l'épicentre), alors qu'elle devenait mature.
Comme pour compenser le retour de Janet à un état relativement normal après ses crises d'hystérie, de schizophrénie ou de possession. Certains incidents devinrent
encore plus violents. Un jour, le lourd réfrigérateur décolla du mur en titubant, sa porte s'ouvrit brusquement et s'écrasa sur la cuisinière à gaz si brutalement que la porte fut dégondée et enfoncée. A une autre occasion, l'imposant double lit se retourna, armature et literie comprises. En même temps, l'activité sensiblement moins violente mais tout aussi stupéfiante se poursuivait, avec quelques variantes. Le réservoir d'eau des toilettes se vidait tout seul,
des pièces de monnaie tombaient du plafond comme si elles se matérialisaient au milieu des airs (l'une d'entre elles le fit en présence de Grosse) et en fin de compte, sans doute pour montrer qu'il connais sait127
les tendances actuellement en vogue dans le domaine paranormal, le poltergeist commença à tordre les cuillères. Les fillettes continuèrent à être lancées hors de leurs
lits - dix fois certaines nuits - à se plaindre que leurs lits étaient secoués, que les draps et les couvertures étaient arrachés et que leurs oreillers ne tenaient pas en place, Elles se plaignaient aussi d'être pincées, tapées et piquées avec des aiguilles. A présent que nous avions les photographies de Graham Morris comme preuves patentes, nous étions plus disposés à croire de tels récits. Une fois, alors que j'étais dans la chambre essayant de persuader Rose de résister à la Chose qui la tirait hors
du lit dès que je sortais de la pièce, elle hurla et dit qu'elle avait été frappée très fort sur l'oeil. Elle semblait vraiment avoir mal et était en pleurs. Mme Harper me fit une description animée de ce qu'elle-même avait senti qu'on lui faisait alors que j'étais debout juste en face d'elle. c On dirait qu'une main énorme fait ça , elle déplaçait
sa main le long de sa jambe sur la couverture, vous touchez l'endroit, et il n'y a rien disait-elle, quand soudain, elle grimaça de douleur. Vous me pincez ! Vous
osez me pincer ! Vous savez, vous dépassez les bornes, Maintenant, fichez le camp ! Il s'est entiché de mon chemisier expliqua-t-elle. (A cette époque, elle dormait tout
habillée). Il ne me blesse pas vraiment, poursuivit-elle, il essaie de me tourmenter, de me faire sortir du lit. En d'autres termes, il essaie de m'effrayer mais il n'y parviendra plus. Pendant qu'elle me faisait cette description, j'étais debout au pied du grand lit, juste sous le plafonnier, qui à présent, restait allumé toute la nuit. J'avais posé mon carnet de notes sur le lit, assez loin des pieds de mon hôtesse et à un bon mètre de ceux de Rose, qui occupait l'autre moitié du lit. J'allais me pencher en avant pour voir si je ne sentais aucun mouvement quand mon carnet sauta de l'endroit où je l'avais soigneusement placé, siffla dans les airs et atterrit sur le sol, environ un mètre plus loin. Il s'était déplacé vers la tête du lit.
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Ceci se passa carrément sous mon nez, en pleine lumière, et si j'avais encore eu des doutes au sujet de l'authenticité de tels incidents
, ils étaient finalement dissipés. En supposant que Mme Harper, pour une raison invraisemblable, ait placé son pied sous mon carnet de notes et l'ait fait sauter, il n'était pas possible qu'il soit allé vers elle. Il ne pouvait pas non plus avoir fendu l'air aussi rapidement qu'il l'avait fait. Heureusement, mon enregistreur était juste à côté et avait parfaitement capté le sifflement. A une autre occasion, nous étions tous dans la cuisine quand une pile entière de linge quitta la table et atterrit un mètre cinquante plus loin, sans dommage pour le repassage. Ainsi, j'avais deux méfaits > de plus dont I authenticité était évidente à ajouter au palmarès déjà long de notre visiteur. Un matin, le poltergeist - ou au moins l'un d'entre eux - prouva qu'il pouvait, quand il le voulait, se montrer serviable. Mme Harper voulait se débarrasser de la grande table de chêne, bien trop envahissante pour le living. Elle se demandait comment elle allait s'y prendre pour la reléguer au fond du jardin. Au moment où cette pensée lui traversait l'esprit, la table - qui devait bien peser près de cinquante kilos - traversa la pièce, s'inclina de côté et s'immobilisa dans une position permettant à Mme Harper de remarquer qu'elle pouvait être démontée très facilement. On dirait qu'il m'a entendu et dit : Bon, on va s'en occuper me dit-elle vraiment amusée. Même après tout ce qu'elle avait vécu, cette femme dynamique voyait encore le bon côté des choses. Mais tous les incidents étaient loin d'être aussi amusants. Le 2 décembre, Grosse arriva à 20 h 30, puis se rendit chez les Burcombe, laissant son enregistreur en marche dans le living des Harper. Ceci lui permit d'enregistrer un épisode complexe qui effraya Janet plus qu'aucun autre à ce jour. Voici exactement ce qui se passa : Rose et Janet décidèrent subitement d'aller chez Peggy-d'à côté. << Vous n'allez pas me laisser seule maintenant , dit Mme Harper.129
Elle détestait rester seule chez elle, et passait souvent des journées entières avec les Burcombe quand les enfants étaient à l'école. Oh, vas-y >, dit Rose à Janet. < Demande lui si elle n'a rien entendu. Janet quitta la maison. Trente secondes après, il y eut un cri perçant et un bruit épouvantable dans la cage d'escalier. << Qu'est-ce qui se passe ? interrogea Mme Harper. < C'est vous Peggy ? Mam ! Mam ! hurlait Janet. Elle était absolument terrifiée, et hors d'haleine comme si elle avait piqué un cent mètres . <c Que se passe-t-il ? répéta Mme Harper, d'assez
mauvaise humeur. Janet fondit en larmes, ce qui ne lui ressemblait pas du tout. (Ni Grosse, ni moi ne l'avons jamais vu pleurer hormis pendant les transes). < Je ne peux pas te dire, sanglota-t-elle. Que s'est-il passé ? insista Rose. << La porte de Peggy dit Janet entre deux sanglots et un hoquet, elle s'est ouverte, toute seule et... oh ! Elle ne parvint plus à se contrôler. << Laquelle, celle-ci ? demanda Mme Harper. < Non ! > cria Janet. Celle de Peggy ! J'ai regardé.
Derrière... et il n'y avait personne, et puis elle s'est fermée ! Va chercher M. Grosse , dit sa mère. Je n'irai pas seule, >> répondit Rose. Jimmy va avec elle. Rose s'en fut, accompagnée de son petit frère. Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie, > se lamenta Janet qui se calmait déjà. Peggy était-elle chez elle ? demanda Mme Harper II n'y a personne. J'ai regardé partout dans la pièce
de devant et il n'y avait personne ! C'est pour ça que tu as crié ? << Oui ! quand je suis entrée, quelqu'un m'a porté en haut puis j'ai déboulé les escaliers. J'ai bien cru que j'allais mourir quand c'est arrivé. > Elle recommença à pleurer, mais Grosse arriva et elle fut capable de lui donner un récit plus cohérent de son aventure.
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"J'ai frappé à la porte, très fort, " lui dit-elle, cc et la porte s'est ouverte, j'ai regardé et j'ai dit cc Y a-t-il quelqu'un ? , ensuite, j'ai regardé derrière la porte et elle s'est refermée sur moi. Alors j'ai voulu revenir ici, mais quand je suis entrée, on m'a portée jusqu'à la moitié des escaliers que j'ai dégringolés. Ce n'était pas le seul incident qui s'était produit près de la porte d'entrée. Quatre jours avant, Brenda Burcombe frappa à la porte des Harper vers 21 h 30. Flle n'obtint pas de réponse mais sachant que son père était là, elle insista. Les rideaux du living étaient fermés mais elle vit le visage de Grosse la regarder. Puis, à travers la vitre de la porte, elle vit nettement Grosse se diriger vers l'escalier, tourner jeter un cou d oeil vers la porte, tourner a nouveau et gravir les marches. Elle ne comprenait absolument pas pourquoi il avait refusé de lui ouvrir.Pour la troisième fois, elle frappa sans ménager ses forces. Mme Harper descendit de la chambre et la fit entrer. cc Qu'est-ce qui lui prend ? demanda aussitôt Brenda. cc A qui ? >> cc A M. Grosse. Pourquoi ne m'a-t-il pas ouvert la porte ? > C'était au tour de Mme Harper de ne pas comprendre. cc M. Grosse ? Il est dans la chambre avec nous ! Brenda paraissait sur le point de défaillir. C'était une fille qui pourtant se maîtrisait parfaitement et qui avait vu un certain nombre de choses depuis le début du cas, mais cet épisode particulier l'avait réellement choquée. cc Bon, on dirait que j'ai un double, dit Grosse quand elle lui répéta son histoire. II rit, cassant ainsi la tension, et Brenda se ressaisit très vite bien qu'elle demeurât persuadée qu'elle n'avait pas seulement vu un fantôme mais bien plus, le fantôme d'une personne vivante. Le troisième épisode important de cette première semaine de décembre était de loin l'un des plus complexes à ce jour et ne fut pas seulement enregistré dans son entier et décrit en détail par Mme Harper comme il arrivait, mais se reproduisit immédiatement. Il était 1 h 20 du matin, le 3 décembre. Grosse se trouvait dans' le living, espérant pouvoir
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partir bientôt après un début de nuit très agité, quand il entendit une forte secousse en haut. Janet ! s'exclama Mme Harper (l'enregistreur de Grosse fonctionnait encore dans la chambre). Où est-elle ? On ne trouvait plus Janet. Grosse et John Burcombe la trouvèrent étendue, tête la première en haut de l'escalier, le descendant lentement en glissant, apparemment à moitié endormie. Nom d'une pipe, comment est-ce possible ? > demanda Grosse. D'abord, Mme Harper fut incapable d'articuler. La porte s'est ouverte dit-elle à Grosse et à Bucombe qui entraient, portant Janet. Comme elle était là, elle s'est ouverte. La porte s'est ouverte pour la laisser sortir ? Grosse ne pouvait y croire. Oui, insista Mme Harper. Grosse câlina gentiment Janet pendant qu'elle lui donnait sa propre version des faits - Elle était effrayée et personne ne pouvait le nier. J'étais couchée, endormie, elle était haletante. Tout à coup, je sentis qu'on me tirait par le bras - hors du lit - et je trébuchai - et je vins - Ià - et puis on m'a porté et la porte s'est ouverte et je me mis à descendre en volant. J'ai vu la porte ouverte insista une fois encore Mme Harper. C'est incroyable ! s'exclama Grosse. Ainsi elle a contourné les deux lits, franchi la porte et tourné deux coins... Tu te sens bien, Janet ? J'ai mal à l'estomac, dit Janet. Grosse rit. Ça ne m'étonne pas ! Que va-t-il arriver maintenant ? demanda Mme Harper. Elle n'eut pas à patienter tellement pour l'apprendre. Trois minutes plus tard, la même chose - ou presque - se reproduisit et cette fois, elle était tout à fait éveillée et assista à tout l'épisode. J'ai vu la porte s'ouvrir, dit-elle à Grosse après coup.
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<< Mais Jairet était sur ses pieds cette fois, et c'était comme si on la tirait. C'était exactement ce qu'on entendait sur la cassette. Peu de temps après la brève et dernière transe de Janet qui suivit la visite des Brésiliens, elle et Rose partagèrent une série de rêves. Apparemment endormies, elles s'appelaient l'une l'autre. Durant un de ces épisodes, Rose s'agita beaucoup, se contorsionnant violemment dans son lit. < Fichez le camp, vous les Dix Vilaines Choses ! > dit-elle. Arrêtez de détruire le bien des gens... Je l'éveillai avec quelques difficultés. < Ça va ? v lui demandai-je. Ouais, fit-elle agacée. Pourquoi m'avez-vous réveillée ?
c Excuse-moi dis-je. Mais tu faisais un cauchemar, non ? Oui me dit-elle. Cette table et ces chaises étaient déchaînées, elles essayaient de se mettre en pièces... Je ne le remarquai pas sur le moment, mais alors que je réveillai Rose, Janet appela : Rose, où es-tu ? où es-tu partie ? En une autre occasion, Rose se dressa dans son lit et demanda de l'eau, de l'eau ! Quand Grosse lui apporta
un verre d'eau, elle le prit, but un peu mais elle semblait toujours endormie.
Nous utilisâmes tous les tests auxquels nous pensâmes pour voir si les fillettes étaient endormies, oui ou non. Nous promenâmes une lampe électrique devant leurs yeux, les chatouillâmes sous les bras et sous la plante des pieds et nous ·soulevâmes même leurs paupières pour examiner leurs pupilles. Puis Grosse eut une idée. Quand Rose se dressa à nouveau dans son lit, il lui mit un crayon dans la main et le tint au-dessus d'une feuille de papier. Avec promptitude, elle dessina les chiffres de 1 à 10, qui semblaient
liés à leur fixation sur les fameuses Dix Vilaines Choses . John Burcombe demanda qui étaient les dix , et Rose, apparemment endormie,
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débita d'un trait la description suivante : Le numéro un est un bébé, le numéro deux est une petite fille, le trois est une grande fille, le quatre est une jeune fille d'environ quinze ans, le cinq est une très vieille femme, le six est un jeune garçon, le sept va sur ses dix-huit ans, le huit est un vieil homme. Elle s'arrêta. Le numéro neuf, je ne sais pas ce que c'est, il n'a pas de visage, et le numéro dix est parti. Tout à coup, elle s'exclama : Frank Watson ! > Nous ne lui avions rien dit au sujet du dessin de Janet sur lequel figurait le nom de Watson. Qui est-ce ? demanda Burcombe. L'homme qui est mort dans la chaise en bas , répondit Rose sans hésiter. Nous savions déjà que M. Watson était mort dans la maison mais nous ne savions alors ni où, ni de quoi. C'était quelques mois avant que Mme Harper n'apprenne par un voisin, qu'en fait, M. Watson était bien mort là où Rose l'avait dit, dans sa chaise dans le living. Durant un des rêves partagés des fillettes, Rose necessait de répéter Je veux parler à Peggy-d'à côté. >Pris d'un mouvement d'humeur, je descendis dans la cuisine, où Mme Harper mettait de l'ordre et lui demandai d'essayer l'écriture automatique. Je lui montrai comment faire. Les tout premiers mots qu'elle écrivit dans ce type d'écriture si particulier qu'on ne pouvait le contrefaire, furent : < Je veux parler à Peggy d'à-côté. C'était une coïncidence remarquable ! Elle n'avait pas pu entendre Rose de la cuisine ; j'étais tenté de poursuivre l'expérience. Mais j'y renonçai pour deux raisons ; d'abord, je craignais qu'elle ne soit bouleversée, ensuite,j'avais eu une meilleure idée. J'allais faire hypnotiser Janet. Puisqu'elle devenait si bavarde dans son sommeil ,raisonnai-je, il était possible pour nous de contrôler les égarements de son esprit et ainsi d'apprendre des choses utiles. Mais Grosse n'était pas chaud. C'est très dangereux, spécialement avec un enfant, me prévint-il. Supposez que vous réveilliez un fantôme ou une personnalité
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secondaire et qu'ensuite vous ne puissiez plus vous en débarrasser ? Je sais, > répondis-je. << Mais c'est un cas dangereux. Nous l'avons vu. Ce n'est peut-être pas superflu. Nous devons faire quelque chose. Nous sommes les experts, vous vous en souvenez ? Au début, Janet était terrifiée à la pensée de l' c hypnotisation - comme elle disait - mais après que je lui eus expliqué ainsi qu'à sa mère ce que je voulais obtenir, elles acceptèrent et Grosse fut rassuré par le fait que l'hypnose que j'avais pratiquée le 8 décembre avait eu des répercussions favorables sur notre travail. Le Dr Ian Fletcher n'était pas seulement un membre important de la SPR, un médecin et un chirurgien expérimenté, un hypnotiseur reconnu mais il était également un membre du Magic Circle et un observateur très sagace du comportement humain. Il montrait également une grande ouverture d'esprit à propos de cas tels que celui-ci. Le Dr Fletcher mit quarante-cinq minutes pour amener Janet à un état de relaxation convenable. Quoiqu'elle fût encore tout à fait consciente, il commença à la questionner. Aussitôt, une modification remarquable se produisit chez la fillette, qui normalement parlait si rapidement qu'il était souvent difficile de la comprendre. Mais à présent, elle répondait aux questions du Dr Fletcher intelligiblement. Maintenant > commença-t-il, c qu'est-ce qui se passe ici ? On me sort de mon lit, répondit-elle. Cela s'était produit peu avant l'arrivée du Dr Fletcher ,et c'était le dernier incident en date. Que ressens-tu à ces moments-là ? Des mains froides autour de mon estomac, de mes bras et de mes jambes - plusieurs fois. Comment te lève-t-on ? Sur le dos. La voix tranquille du Dr Fletcher était monotone. Il
veillait à ne jamais poser de questions trop suggestives puisqu'il savait que les sujets hypnotisés avaient tendance à fournir la réponse qu'ils devinaient qu'on attendait d'eux.
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Par ecemple, si le Dr Fletcher avait demandé à Janet si elle était possédée par l'esprit d'Adolf Hitler elle aurait très bien pu lui répondre oui. Mais bien sûr, il ne posait pas de telles questions. En revanche, il interrogea Janet pour savoir si elle avait une idée de l'identité du fauteur de troubles.. < Oui, répondit-elle aussitôt.Je ne perdais pas un mot de ce qu'elle disait très calmement. <<Qui? c Moi et ma soeur . La réponse de Janet me fit sursauter. Oh mon Dieu, pensai-je, la confession va commencer. Mais Janet ne confessa rien, et très vite l'évidence qu'elle n'avait rien à confesser s'imposa à nous.Cependant, elle paraissait comprendre, d'une façon ou d'une autre, que l'état d'esprit de la famille était en partie responsable de cette activité, le dialogue suivant l'indiqua : (le Dr Fletcher lui demanda ce qui lui faisait dire que sa soeur et elle étaient à blâmer). Je ne sais pas dit Janet. Qui a commencé ? demanda l'hypnotiseur. Aucune de nous. D'abord, tout a commencé dans ma chambre quand Pete était là . Elle poursuivit en donnant une description précise des premiers événements, n'ajoutant rien de plus à ce que nous savions déjà. J'étais convaincu qu'elle disait la vérité. Le Dr Fletcher orienta ses questions avec tact vers les
causes de tous les troubles. La certitude d'être malheureuse, fut son étonnante
réponse. Elle expliqua qu'elle et sa soeur Rose étaient très effrayées par leur père et que l'activité était toujours plus intense après ses visites hebdomadaires du samedi. Les
deux filles faisaient d'ailleurs de leur mieux pour être hors de la maison quand il venait apporter l'argent de la pension alimentaire. J'avais promis au Dr Fletcher de ne pas interrompre sa séance et au préalable, je lui avais remis une liste de questions écrites, afin d'apprendre plusieurs choses que je voulais particulièrement savoir. Je découvris, par exemple, que Janet ne nous prêtait guère d'attention à moi ou à Grosse.
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C'était bon à savoir parce que nous avions entendu dire (par personne interposée) que le psychiatre local considérait que le trouble s'arrêterait si nous nous en allions et il prétendait que notre seule présence encourageait le phénomène. Je suspectais cet homme, qui avait en réalité été membre de la SPR à une certaine époque, de très bien savoir que les cas de poltergeists prennent fin au bout d'un mois ou deux et que s'il ne faisait rien, celui-ci s'en irait de lui-même. Comme le cas s'éternisait et qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il convenait de faire, il pensa qu'il était prudent d'éliminer quiconque paraissait faire son travail. Quand Grosse lui téléphona, environ un an plus tard, pour lui demander s'il n'avait aucun commentaire à faire pour le rapport, l'homme dont le travail lui conférait la responsabilité de la santé mentale des enfants de Enfield répondit qu'il n'avait absolument rien à dire à ce propos. Je suis sûr qu'il disait la vérité. De toute manière, il n'avait jamais rien dit. J'étais heureux d'apprendre que Janet nous considérait comme des meubles ou encore comme des substituts de père, et l'on peut dire qu'elle ne se servit jamais de l'activité du poltergeist pour se faire valoir. Très souvent, nous avons même eu des difficultés à en parler avec elle. Elle cessa d'ailleurs d'accorder attention à cette affaire bien avant sa mère ou sa soeur. Je fus aussi intéressé d'apprendre, grâce à la courtoisie du Dr Fletcher et à son questionnaire pertinent, que bien qu'elle ait dit qu'elle croyait aux fantômes, elle ne s'en souciait guère. Une de ses camarades d'école lui avait parlé de drôles de choses qui s'étaient produites chez elle, qui me parurent à moi être un cas très bénin de poltergeist mais Janet ne savait vraiment pas grand-chose. Oui, elle avait entendu parler de Matthew Manning. Il est passé à la télé. Je voulais particulièrement savoir ça parce qu'au cours d'une de nos recherches dans la maison, j'avais découvert un article arraché à un vieux numéro d'un magazine féminin. Il était écrit par la mère de la victime d'un poltergeist bien connu qui était l'auteur d'un livre fascinant, The Link ` sur ses propres expériences.
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Mme Manning mentionnait que l'une des premières choses qui arriva dans leur cas, était la disparition d'une théière. Comme c'était aussi l'un des tout premiers incidents à Enfield, je me demandais si Janet avait lu cet article et si elle ne tentait pas d'imiter délibérément ou non ce qu'elle avait appris. Mais, Janet n'était pas très passionnée par Matthew, qui pour elle n'était qu'un visage à la télé - elle l'avait vu récemment dans l'émission de Russel Harty, mais elle n'avait fait aucun commentaire à ce propos .par la suite. (En revanche, Mme Harper, elle, avait été captivée par l'émission et m'avait dit qu'elle aimerait beaucoup rencontrer Matthew, un jour). C'était la première fois que Janet était hypnotisée aussi le Dr Fletcher prit soin de ne lui poser aucune question qui aurait pu la bouleverser. Je voulais en savoir trop en particulier au sujet de ses violentes transes. Je pensais que si nous parvenions à la faire régresser jusqu'à un de ses états de possession, nous apprendrions ce qui l'avait provoqué que ce soit une personnalité secondaire ou une entité envahissante et que nous trouverions ce dont il s'agissait, en fait. Mais pour ça, iI fallait attendre. Le Dr Fletcher termina la séance en lui suggérant qu'elle aurait une bonne nuit de sommeil et qu'elle essayerait de résister au poltergeist. Ne voulait-elle pas que tout cela s'arrête ? Janet répéta ce qu'elle m'avait souvent dit. Je veux que ça s'arrête à Noël. Je veux avoir un beau Noël .
Peu de temps après la visite du Dr Fletcher, Mme Harper se rendit chez son médecin traitant pour lui demander de recommander Janet à l'hôpital Maudsley où l Dr Fenwick m'avait dit qu'il y aurait un lit pour elle Malheureusement, Mme Harper se trompa et au lieu de donner le nom du Dr Fenwick, elle lui demanda d'appeler le Dr Fletcher au Maudsley où, bien sur, on ne le connaissait pas.
1. Corgi Books, Londres 1975.
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Et, quand elle alla chercher la lettre, elle s'aperçut avec consternation que son médecin avait tout bonnement adressé Janet au psychiatre local ! C'était l'homme qui avait envoyé Pete loin de la maison et elle ne voulait pas entendre parler de lui. Nous essayâmes d'arranger les choses, mais son médecin traitant refusa de se montrer coopératif. Ce fut une déconvenue de taille ! J'avais espéré qu'il serait possible de poursuivre l'hypnose au Maudsley mais il semblait que notre première tentative de faire bénéficier Janet d'un traitement spécialisé par un psychiatre sympathique ait échouée.
Nous dîmes à Mme Harper que le psychiatre local nous avait demandé de nous retirer du cas et il fut clair que si nous l'abandonnions, . elle redoutait de s'écrouler derechef. Les Nottingham et les Burcombe étaient du même avis. .Aussi nous restâmes. Et au début décembre, David Robertson, l'étudiant en physique que le professeur Hasted nous avait délégué, nous rejoignit comme convenu. Il fut le bienvenu dans notre équipe, et s'adapta rapidement aux Harper, restant chez eux une semaine entière, jour et nuit. Sa patience fut bientôt récompensée puis-qu'il assista sans doute au plus grand nombre d'événements étonnants jamais vus par un scientifique. Il semblait que le poltergeist était au courant du travail de David avec le Professeur Hasted dans le domaine paranormal et controversé de la torsion du métal, puisque presque aussitôt qu'il fut arrivé, tous les objets métalliques commencèrent à se tordre dans la maison.
J'avais demandé aux enfants d'essayer de tordre des cuillères, comme ils avaient vu Uri Geller le faire à la télévision. C'était en partie pour les amuser avec un nouveau jeu, et en partie, une tentative sérieuse pour détourner l'énergie du poltergeist de phénomènes plus destructifs. Là encore, ce fut un échec total. Le matin du 7 décembre, cependant, après le petit déjeuner, je pris une petite cuillère, la déposai au milieu de la table et demandai à Janet de la tordre sans la toucher. Janet qui était assise juste à côté de moi, mit une main devant ses yeux.
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Sur ce, Mme Harper qui était près de la cuisinière, me demanda si je désirais encore un peu de café. Non merci, je ne pense pas, répondis-je, détournant
la tête une seconde. Quand je me retournai, la cuillère faisait le gros do; comme un chat effrayé. Janet n'y avait pas touché., Avez-vous assisté à ça ? demandai-je à Mme Harper qui nous faisait face. Je l'ai vue, oui, > dit-elle. Et j ai senti mon mal de tête arriver au moment où elle s'est tordue. Je tendis à Janet la cuillère et lui demandai de Ia redresser. Elle alla dans le living et s'assit dans un fauteuil près de son électrophone, tournant le dos au porte revues métallique. Je ne la quittai pas des yeux. Rien n'arriva à la cuillère qu'elle tint tout le temps dans une main, mais je remarquai que l'une des branches du porte-revues était presque couchée sur la tablette
D'où je me trouvais, je ne le voyais pas entièrement pourtant je savais que Janet n'avait pas pu y toucher. cependant il était tordu. J'avais la certitude, que ce n'était pas par elle puisqu'elle ne s'était pas retourné II fallut deux mains et pas mal d'efforts pour le redresser. C'était très impressionnant sur le moment, bien si on aurait pu dire qu'il avait été tordu avant le déjeuner aussi ne le considérai-je pas comme un témoignage congru de l'activité et me contentai-je de recenser l'épisode de la cuillère.
Plus tard, Mme Harper trouva dans un tiroir une autre cuillère tordue et me dit qu'elle en avait vu une troisième se tordre d'elle-même. Je remarquai que les trois cuillères étaient tordues exactement de la même façon, ainsi elles s'emboîtaient parfaitement les unes dans les autres. Il y a plusieurs façons de tordre les cuillères et clés par prestidigitation, et quand je vis le magicien James Randi le faire à la télévision, je n'eus aucune difficulté à découvrir son truc. Si Janet a utilisé la prestidigitation ce matin-là, je dirais simplement qu'elle a devant elle, une grande carrière sur la scène. Je pourrais
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dire la même chose d'une jeune Anglaise que j'ai connue pendant dix ans qui tordit une infinité d'objets métalliques sous mes yeux dans ma cuisine, puis cassa net une cuillère en deux comme elle la tenait entre le pouce et l'index d'une seule main. (Malheureusement, elle fut totalement bouleversée par le phénomène et refusa toujours de recommencer). Nous fûmes autorisés à supposer que la torsion du métal à Enfield était un phénomène authentique lorsqu'un autre objet qui n'aurait pu être défôrmé par une force physique normale fut lui aussi altéré. Il était 10 h 15, le 6 décembre 1977, Janet était appuyée sur le plan de travail de la cuisine et sa mère était assise. Aucune d'elles ne pouvait atteindre la gazinière. Soudain, elles entendirent un bruit venant de la théière - celle en métal que Grosse avait vue danser sous son nez. Mme Harper saisit le pot et constata que le couvercle s'était arqué exactement comme les cuillères, tellement plié qu'il était dorénavant impossible de l'ajuster au pot. Je pris le couvercle à deux mains, et même en y mettant toute ma force, je fus incapable de le redresser. Je dis à David Robertson que nous devions essayer d'obtenir des preuves de l'existence d'une force par le biais d'instruments. Il apporta un appareil qui, cette fois, avait été sérieusement testé. C'était un compteur de pulsations connecté à une aiguille oscillante sur un ruban de métal, installé de telle façon que toute force non identifiée agissant sur ledit métal serait enregistrée par le compteur.David déposa l'appareil sur la table de la cuisine et demanda à Janet d'essayer de plier le ruban métallique sans y toucher. Elle essaya pendant près de cinq minutes puis s'en désintéressa et renonça. A ce moment, une petite boîte de conserve posée sur le réfrigérateur fit un saut d'environ cinq centimètres. Grosse en fut témoin et nota que Janet n'était pas à proximité du réfrigérateur David, lui, qui ne quittait pas des yeux son compteur de pulsations, le vit enregistrer une étroite variation croissante quand la boîte de conserve sauta. De deux choses l'une, ou le ruban de métal avait commencé à osciller de son propre chef ou l'appareil avait été influencé directement.
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Ensuite, David demanda aux fillettes de monter à l'étage ; comme elles gravissaient l'escalier, l'oscillation faiblit, puis s'amplifia alors qu'elles passaient juste au-dessus de nous. David ne parvint pas à trouver une seule explication normale pour cet effet. Encouragé par ses observations, il organisa une séance de torsion du métal sous contrôle d'instruments, utilisant un enregistreur graphique à trois canaux, connecté à deux aiguilles fixées à une plaque de métal réalisée dans un alliage eutectique. Celui-ci est connu pour se casser net, s'il est tordu manuellement. Après avoir fait fonctionner la machine pendant près de vingt minutes pour s'assurer que tout était en ordre et qu'aucune interférence électromagnétique ne risquait d'apparaître sur le troisième canal de l'enregistreur, il demanda à Janet de plier le métal sans y toucher. Pendant environ deux heures, durant lesquelles la main de Janet ne s'approcha jamais à plus de quinze centimètres du métal, deux canaux montraient presque des déflexions continues alors que le troisième courait en une ligne droite parfaite. En fin de compte, David vit le métal se plier d'environ 15o et se casser en deux. Il était entièrement satisfait il nous assura qu'il avait obtenu des preuves sérieuses avec des appareils bien testés, de la présence d'une force totalement inconnue.
Nous avons prouvé qu'il y a réellement quelque chose ici , dis-je à Grosse.
Peut-être , répondit-il en riant, mais nous le savions déjà, n'est-ce pas ? C'était vrai. Grosse désire répéter lui-même l'expérience de David en utilisant le mêmes instruments. Il le fit et d'abord il sembla qu'il ne se passait rien. Mais pendant que Janet essayait d'influencer la structure moléculaire du ruban métallique, comme elle l'avait apparemment fait pour David, Rose se rendit au toilettes. Lorsqu'elle tira la châsse d'eau, Grosse vit le graphique enregistrer une déflexion indéniable, et quand Jimmy à son tour se rendit aux toilettes quelques minute plus tard, la même chose se reproduisit. Ainsi, bien que
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Grosse échouât à répéter l'expérience de David, il fut capable d'apporter des preuves convaincantes que des forces non identifiées étaient à l'oeuvre sur le ruban métallique.
Encouragés par ces expériences, nous décidâmes de poursuivre en essayant d'établir un contact avec la Chose d'une façon plus satisfaisante qu'en frappant, et nous demandâmes au Professeur Hasted s'il avait des suggestions à nous faire. < Il n'y a pas de raison pour que vous ne parveniez pas à établir un contact direct, dit-il avec
son calme habituel. Provoquez-le directement et voyez si vous obtenez une réponse. Je ne pouvais m'empêcher de me demander s'il était sérieux ; je n'eu pas à attendre longtemps pour découvrir qu'il l'était certainement, car le 10 décembre 1977, c'est ce que nous fîmes.
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10 -- JE NE PEUX PAS FAIRE CE BRUIT
Mme Harper rentra un jour de faire ses courses et trouva une voiture garée devant chez elle ; une femme au volant observait la maison. Elle s'approcha du véhicule et sourit poliment à la dame. Est-ce la maison du poltergeist ? demanda la femme curieuse. Oui. C'est juste , répondit Mme Harper. Vous voulez entrer ?
La femme écarquilla les yeux et démarra à toute allure sans un mot pour le plus grand amusement de Mme Harper. Une autre fois, un homme tourna autour de la maison et lui offrit cinq livres sterling pour passer la nuit à l'intérieur. Mme Harper aurait certainement su comment employer cet argent, néanmoins elle l'éconduisit sur-le-champ.
A une exception près - lorsque Peggy Nottingham téléphona au Daily Mirror pour demander de l'aide personne à Enfield, y compris Grosse et moi, ne contacta les médias et ce, à aucun moment. Mme Harper nous avait fait comprendre qu'elle n'avait pas l'intention d'exploiter cette histoire pour en tirer publicité ou argent.. En décembre 1977, le poltergeist de Enfield était sur le chemin de la célébrité. II avait déjà reçu pas mal de visites, du Daily Mirror, de l'Observer, de la BBC radio et télévision et de l'hebdomadaire américain le National Enquirer,
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et nous jugions que la publicité était suffisante. Nous ne voulions pas transformer la maison en une attraction touristique. Nous insistions toujours pour que le nom et l'adresse réels des Harper ne soient pas divulgués et puisqu'ils n'avaient pas le téléphone, ils étaient à l'abri des appels téléphoniques anonymes qui souvent, par le passé, submergèrent les victimes de poltergeists. Malgré toutes ces précautions, des messages étranges réussissaient à nous parvenir. La police transmit à Mme Harper une lettre qui lui était adressée par un groupe de Témoins de Jéhovah californiens qu'elle me montra en me disant qu'elle n'y comprenait goutte. Elle avait plusieurs pages et du début à la fin ne parlait que de diables et de démons. Bien sûr, Mme Harper n'y répondit jamais. Une femme du sud de l'Angleterre qui avait trouvé, on ne sait comment, les coordonnées exactes de Mme Harper lui adressa deux télégrammes très bizarres ; l'un d'entre eux la priait de téléphoner d'urgence à un certain numéro. Je proposai de le faire pour elle et parlai à un homme très aimable qui me raconta que sa femme - c'était elle qui avait envoyé les télégrammes - venait d'être internée dans un hôpital psychiatrique, sérieusement malade. Plus tard, Grosse apprit qu'une Londonienne avait dû être internée dans une institution psychiatrique après qu'un poltergeist ait commencé à se manifester chez elle et si Maurice n'avait pas pris les choses en main, il est possible qu'il en soit allé ainsi des Harper en particulier du fait que Pete avait été envoyé dans une institution spéciale pour des raisons que nous n'avons jamais établies ni même devinées.
Au début du cas, on m'avait proposé d'écrire un article pour un nouveau magazine. J'avais accepté après avoir appris que la parution n'interviendrait pas avant 1978,au mieux. A cette époque, j'étais convaincu que le cas serait terminé. Les honoraires couvrirent environ la moitié de mes frais de transport. Nous décidâmes qu'à présent le cas avait reçu assez de publicité comme ça et que nous ferions de notre mieux pour garder nos distances
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avec la presse britannique. Mais, nous encouragions toujours d'autres chercheurs à venir se rendre compte de la situation ar eux-mêmes. Le 10 décembre 1977, Grosse et moi fûmes rejoints par deux psychologues membres de la SPR. Il s'agissait du Dr John Beloff, directeur du département de psychologie de l'Université d'Edimbourg et d'Anita Gregory du North London Polytechnic, qui elle, nous avait déjà rendu une brève visite. Cette nuit-là s'avéra épouvantable ; elle marqua le début d'une semaine au cours de laquelle, les phénomènes sidérants se succédèrent si rapidement les uns les autre que même avec l'aide quasi constante de David Robertson nous fûmes incapables d'en tenir le compte. David faisait du bon travail en étudiant le côté physique du cas et nous espérions que nos collègues pourraient nous aider sur le plan psychologique puisque les cas de poltergeist n'offrent que très rarement l'opportunité d'étudier les interactions de l'esprit et de la matière .Le Dr Beloff est un scientifique sensible et intelligent qui a beaucoup écrit sur les aspects de la recherche psychique et mené un certain nombre d'expériences dans son propre laboratoire dans le domaine de la parapsychologie. Invariablement ses découvertes ont, toujours, été négatives, pour des raisons que nul ne comprend. L'influence de la personnalité du chercheur n'est peut-être pas à exclure et cela ne s'applique pas uniquement aux parapsychologues. Les physicien Wolfang Pauli, par exemple, n'avait qu'à entrer dans un laboratoire, dit-il
pour que l'un ou l'autre des appareils tombe en panne mystérieusement. (D'un autre côté, des scientifiques comme le Professeur Hasted paraissaient, eux, encourager les résultats positifs.) Au début, il sembla que la chance du Dr Belofl ait tourné puisque dès que les filles furent couchées, elles furent apparemment tirées hors leur lit mais ceci ne se produisit jamais lorsque l'un d'entre nous était dans la pièce. Ce qui, bien évidemment rendait nos visiteurs suspicieux. Tout au long de la rée, nous entendîmes le curieux sifflement et les aboiements venant de la direction de Janet ; nous les entendions depuis plusieurs jours déjà. Les sifflements étaient forts et stridents
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et semblaient imiter la façon dont Vic Nottingham saluait toujours sa femme quand il rentrait de son travail. Janet nia avec véhémence en être l'auteur et sa mère nous assura qu'elle ne l'avait jamais entendue siffler. De plus, elle avait les dents écartées et portait habituellement un appareil, si bien qu'il lui était presque impossible de le faire. Les aboiements étaient, eux, encore plus mystérieux. < Ecoutez , me dit Janet la
première fois que je les entendis, je ne suis pas en train de le faire. Je ne peux pas faire ce bruit . Puis elle ajouta à ma grand surprise : << C'est ce que nous avons
entendu quand nous étions en vacances. Je vérifiai cela plus tard avec Pete lors de l'une de ses visites dominicales. Oui, nous avons entendu ces bruits , confirma-t-il, c'était pire, bien pire, à tel point que Mam pensa que c'était nous qui les faisions, mais ce n'était pas le cas . Janet avait mentionné les bruits durant sa séance d'hypnose et il était tout à fait clair qu'elle pensait que c'était Pete puisque ce n'était pas elle. Et comme Pete était loin de la maison la plupart du temps, ce ne pouvait pas être
lui, maintenant. Pourtant, les aboiements et les sifflements paraissaient factices et je comprenais que le Dr Beloff et Mme Gregory ne soient pas très impressionnés ni par les bruits, ni par les chutes répétées en bas des lits. Peu après minuit, Grosse pensa qu'il était temps de mettre en application le conseil du professeur Hasted et d'amener le poltergeist à parler. Charlie , commença-t-il. (Nous avions décidé que le poltergeist devait avoir un nom.) Crois-tu que tu pourrais faire les mêmes bruits dans la chambre de derrière ? Le Dr Beloff et Mme Gregory y discutaient du cas Charlie ne pouvait pas ou ne voulait pas, mais lorsque Grosse quitta la chambre, il y eut deux aboiements puissants ; Rose prétendait qu'ils semblaient venir de sous le lit de Janet. Je ne crois pas que l'on puisse s'attendre à ce qu'une fillette de douze ans émette de tels sons. Grosse essaya encore.
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" Allez, Charlie, vous pouvez siffler et aboyer, " vous pouvez parler. Je veux que vous disiez mon nom en entier - Maurice Grosse. Il ressorti de la chambre puisque jusqu'à présent, il n'y avait jamais eu aucun aboiement ou sifflement tant qu'il était près de Janet. Dès qu'il fut sorti, Charlie aboya : 0... MAURICE... 0... Grosse ne l'entendit pas sur le moment, il discutait avec nous dans la chambre de derrière. Mais, c'était très audible sur la bande ,comme la voix normale de Janet disant :" On doit dire Maurice Grosse . Alors, son lit commença à craquer très fort et elle se plaignit qu'il secoué dans tous les sens ; pendant ce temps, Rose dit que quelque chose essayait de lui prendre son oreiller. Grosse entra et sortit de la pièce plusieurs fois, répétant sa demande pour un nom prononcé d'une façon claire mais il n'obtint qu'un ensemble de sifflements, d'aboiements et de sons O . Ecoutez , dit Grosse, je vais vous donner un nom facile à prononcer. Dites Docteur Beloff. Allez-y, montrez-moi que vous pouvez le dire . Docteur , dit la voix grincheuse dès que Grossse eut fermé la porte derrière lui. GROSSEGROSSE . Charlie avait commis une erreur. C'était un bruit extraordinaire que j'entendis clairement à travers la porte fermée mon oreille collée dessus. C'était fort et rude ; incontestablement on songeait à la voix d'un vieil homme. Je pensait à ce moment à Anneliese Michel, mourant de faim pendant ses séances d'exorcisme en Allemagne et voix mâles et rudes s'échappant de sa bouche. Je pensai également à la masse de rapports que j'avais lus à propos de phénomènes vocaux semblables. Bon, c'était
fait. Nous l'avions et nous l'avions parce que nous l'avions voulu.Après d'infinies palabres, Grosse persuada Charlie de dire les noms du Docteur Beloff et d'Anita Gregory > . Maintenant , poursuivit-il, pouvez-vous me dire votre nom ? JOE , répondit-il sans hésiter. Et prié de donner son nom de famille, Il ajouta WATSON.
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C'était vraiment très bon dit Grosse en revenant dans la chambre. Je sais ce que vous allez dire. C'était une voix d'homme, n'est-ce pas ? Oui, ce n'était pas nous dirent les filles. Et, vous viviez dans cette maison ? OUI .
Il y a combien de temps que vous viviez dans cette maison ? Il n'y eut pas de réponse. Grosse réitéra sa question mais n'obtint qu'un fort grognement et quatre coups. Mince, il est maboul ! s'exclama Janet. Grosse continua à le questionner patiemment, mais il ne recevait toujours que des grognements étouffés et des grondements. Puis, il laissa Mme Harper essayer mais elle n'eut aucune réponse du tout. Alors, je murmurai quelques mots à Grosse. Savez-vous que vous êtes mort ? v interrogea-t-il à ma demande. Cette fois, la réponse ne tarda pas. FERMEZ-LA ! Charlie ou Joe comme nous l'appelions maintenant, semblait très en colère. Je poursuivis l'interrogatoire à la place de Grosse. Ecoutez mon vieux , dis-je. Il est grand temps que vous réalisiez que vous n'êtes pas vivant. Vous êtes désincarné. Vous êtes mort. Vous êtes un fantôme. Vous êtes un esprit. Vous faites perdre du temps à des tas de gens et vous perdez le vôtre. Pourquoi n'allez-vous pas vers la lumière, vous y trouveriez des gens pour vous aider et vous donner ce que vous recherchez ? Quittez ce plan - maintenant ! . Je sortis, laissant la porte ouverte. Il y eut un silence sinistre. Grosse observait la porte. Allez-vous partir à présent, Joe ? demanda-t-il. NON. Ecoutez Joe , poursuivis-je. Nous aimerions vous aider. Mais vous devez nous dire ce que vous voulez. Nous ne sommes pas fâchés contre vous. Je suis désolé pour vous parce que vous vous faites du tort et plus
tard, vous aurez à en répondre. Vous devrez souf£rir ce que vous avez fait souffrir à ces gens innocents.
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Plus vite vous réaliserez cela, mieux ce sera - pour vous Compris ? Tout ce que nous voulons savoir c'est ce que vous voulez. Et nous vous le donnerons, si nous l'avons Mais, si nous ne l'avons pas, nous ne pourrons pas vous le donner n'est-ce pas? OK? Est-ce que vous me suivez? ALLEZ-VOUS FAIRE FOUTRE ! grogna Joe dès que j'eus tourné les talons. Je décidai d'essayer encore. Peu m'importe que vous me croyiez ou non >>, dis-je <c Pensez-y quand même. Bonne nuit. Dormez bien. > MERDE. > dit Joe quand j'eus quitté la pièce. Puis Janet parla d'une voix normale pour la première foi depuis l'arrivée de " JOE ". c Vous avez entendu ce qu'il a dit ? Il a dit merde Sa réticence à prononcer le mot était évidente. Et elle le redit. Grosse invita alors nos visiteurs à essayer .Le Dr Beloff alla dans la chambre. Amenez-vous mon vieux >, dit-il familièrement. Je viens de loin, Dites-moi quelque chose. Dites-moi ce qui ne va ' pas Dites-moi ce qui se passe. Vous pouvez parler. Voyons cque vous avez à dire ? Selon les apparences, Joe n'avait rien à dire. Anita Gregory eut plus de chance, mais son innocente question : Comment allez-vous ? fut accueillie par un retentissant TIREZ-VOUS ! . Nullement découragée Mme Gregory s'entêta mais, pour toute réponse, elle ne reçut que des injures. Puis, John Burcombe essaya à son tour, demandant à Joe (selon ma suggestion), s'il désirai prendre un verre ou autre chose. Mais tout ce que Joe semblait vouloir était un peu de musique. Il était près
d'une heure du matin aussi nous lui demandâmes de bien vouloir patienter jusqu'au lendemain. Nous avions certainement établi un contact, mais avec qui ou avec quoi ? C'était toute la question. J'espérai que nos psychologues - nous en avions déjà
eu quatre à Enfield - feraient des suggestions utile; à l'inverse de leurs prédécesseurs qui n'avaient pas ouvert la bouché. Mais ils étaient aussi fatigués que nous l'étions; après une rude journée. < Bien sûr , dit Beloff alors que nous regagnions
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Londres, la possibilité de ventriloquie devrait être envisagée . Elle le sera , promis-je. Je rentrai chez moi à 3 heures du matin, ouvris une bouteille de bière et écoutai toutes les cassettes enregistrées au cours de la soirée. Sur l'enregistrement, la voix caverneuse paraissait encore plus mystérieuse qu'elle ne l'était sur le moment. Elle était puissante et gutturale, rien à voir avec la voix habituelle de Janet - qui, je l'avais remarqué, était restée normale même après le long interrogatoire. Si elle l'avait fait délibérément, il est certain que ses cordes vocales en auraient pris un fameux coup. De plus, elle n'avait pas toussé une seule fois et ne s'était même pas éclairci la gorge. Ecoutais-je vraiment la voix d'un homme mort ? Janet était-elle un brillant ventriloque ainsi qu'une illusionniste de talent ? Je ne le pensais pas. Mais, en revanche, je savais que le cas avait pris un tour intéressant. Nous avions demandé une voix et nous l'avions eue séance tenante. Le lendemain, je téléphonai au Dr Fletcher pour le mettre au courant de la situation. Connaissant son expérience dans le domaine de la magie, je lui demandai s'il pensait que Janet ait pu utiliser la ventriloquie. Je ne peux rien dire sans l'avoir entendu moi-même, bien sûr répondit-il. Mais rappelez-vous que le mot ventriloquie est une impropriété. Ce n'est pas parler du ventre, comme le mot le suggère. C'est une indication erronée - le ventriloque fait bouger les lèvres de sa poupée mais pas les siennes c'est pourquoi vous pensez que le son vient de la poupée, mais bien sûr ce n'est pas vrai. II vient de la gorge de l'homme. Voyons répondis-je. < Je pense que c'est un bruit étonnant pour une fillette de douze ans. Et, en fait, Rose a dit, à un moment, qu'elle pensait qu'il venait aussi bien
de sous le lit que de Janet. J'aurais pensé qu'une fillette essayant d'imiter un
fantôme aurait émis une sorte de murmure théâtral dit le Dr Fletcher. Il me rappela qu'il existait des précédents aussi me rendis-je à la bibliothèque de la SPR
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pour consulter l'énorme ouvrage de T.K. Esterreich Possession, Demoniacal and Other. Je trouvai immédiatement ce que je cherchais. Au moment où l'expression du visage se modifie, une voix plus ou moins altérée sort de la bouche de la personne en crise... La tessiture de la voix est déplacé ainsi une femme aura brusquement une voix de basse Esterreich mentionnait plusieurs exemples de transformation vocale qui, en leur temps, avaient fait l'objet de témoignages. Justinus Kerner, un médecin allemand du xIX siècle, décrivait comment une fillette de onze ans commença soudain à parler avec une voix basse profonde >. Le psychologue français et pionnier, Pierre Janet, rapporta qu'une femme possédée parlait par moments avec une voix de femme et à d'autres, avec une voix d'homme. Un écrivain nommé Eschenbach mentionna qu'une supposée possédée parla aujourd'hui d'une voix qui ressemblait plus que jamais à celle d'un homme >>. Mais le meilleur de tous était un autre cas décrit par Kerner : Soudainement, la petite fille fut lancée convulsivemement dans son lit tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Ceci durait depuis plus de sept semaines ; après quoi, une voix masculine tout à fait vulgaire parla diaboliquement en empruntant la bouche de cet en fant de huit ans... Souvent elle essayait de battre son père, sa mère et les observateurs avec un rictus diabolique ou encore, elle les insultait ce qui n'était pas non plus en accord avec son caractère. Kerner aurait très bien pu écrire ces quelques ligne à propos de Janet, en 1977, aussi bien que le chercheur qui décrivit un dialogue entre une fillette de douze ans et le prêtre qui essayait de l'exorciser :
Le prêtre = Puisque vous savez tant de choses, savez-vous aussi comment prier ?
La fillette = Je vous tordrai le cou.
Puis en 1889, il y eut le cas de Dinah, âgée de onze an qui était la fille adoptive de George Dagg : Une voix bourrue et profonde, comme celle d'un vieil homme, apparemment à un mètre vingt ou un mètre cinquante de lui,
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répondait du tac au tac dans un langage qu'il est difficile de rapporter ici. Les sifflements stridents que nous avions entendus à Enfield avaient aussi été rapportés, dans un cas décrit par un pasteur calviniste, remontant à 1612 concernant le diable de Mascon qui possédait le corps d'une jeune servante : En notre présence à tous... il commença à siffler trois ou quatre fois avec une tonalité perçante et très haute et parla d'une voix articulée et intelligible bien que quelque peu éraillée. Deux siècles plus tard, le phénomène était toujours d'actualité. La famille impliquée dans le cas connu dans les annales sous le nom de Bell Witch essaya de faire parler la sorcière par la bouche de leur fille âgée d'une dizaine d'années : En fait, elle commença à siffler plutôt que parler...et, de cette façon, elle progressa jusqu'à ce que le son sifflant se change en un murmure hésitant, puis elle émit des mots indistincts. Cependant, la voix gagnait en puissance graduellement... Le langage était entendu dans des pièces éclairées, dans l'obscurité et en fin de compte, à toute heure du jour. Je feuilletai l'introduction de l'ouvrage de Esterreich qui donnait un intéressant aperçu de la vie de l'auteur, un universitaire respectable qui avait été réduit au silence par les Nazis. Il était évident qu'il avait fait des études minutieuses sur le sujet et l'auteur de l'introduction concluait que les phénomènes qu'il décrivait attendaient encore une explication. Il serait très aisé pour moi et acceptable pour d'autres de dire que tous ces gens étaient des dupes, des tricheurs, des dérangés et des psychopathes et de suggérer que ces éléments constituent une explication. En fait l'auteur s'avéra être notre collègue
Mme Gregory qui utilisait son nom de jeune fille, Anita Kohsen.Le lendemain, je reçus une note d'Anita Gregory et John Beloff, accompagnant le rapport qu'ils avaient rédigé conjointement, le matin suivant leur visite à Enfield.
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Selon eux, me disaient-ils, les fillettes s'amusaient à nos dépens. Maurice Grosse et moi, qui savions qu'elles ne nous jouaient pas de tours, du moins pas tout le temps, remontâmes au feu le 12 décembre. Il y avait un certain nombre de choses que nous voulions apprendre à propos de Voix. Dès que tout le monde fut couché, une pièce d'un de penny descendit du plafond et heurta le sol très près mon enregistreur. Grosse était dans la pièce à ce moment et m'assura que personne ici présent ne l'avait jetée. Puis le lit de Rose fut secoué dans tous les sens alors que selon les apparences, elle dormait. Elle ne dit rien nous non plus. Au début de la seconde séance avecVoix, Grosse n'obtint rien d'autre que des silences, grognements étouffés et des grossièretés. Il ne paraissait pas particulièrement malveillant. Il ne cessait de répéter à Grosse de la fermer comme s'il ne savait pas dire autre chose. La seule fois que la Voix parut vraiment en colère fut lorsque la porte était restée ouverte : Il refusait de parler à moins qu'elle ne soit fermée ce qui, bien entendu, rendait toute conversation laborieuse et aussi faisait échouer nos tentatives pour observer les lèvres de Janet pendant que le son était produit. Cependant Grosse s'entêta et il eut raison car avant longtemps reçut de longues phrases en réponse à ses questions rabâchées. La Voix de cette nuit - qui avait exactement le même timbre que celle de < Joe , prétendit se nommer Bill, et avoir vécu dans la maison - ou mieux, qu'il y vivait encore. II avait soixante ans et un chien répondait au nom de GOBER LE FANTOME.
Pouvez-vous me dire pourquoi vous secouez toujours le lit de Janet ? demanda Grosse. JE DORMAIS LA. Alors pourquoi ne cessez-vous pas de le secouer POUR QUE JANET EN SORTE. C'était certainement ce qu'il essayait de faire et il y réussissait très souvent puisque Janet finissait par se retrouver sur le plancher encore et toujours, parfois suivie de Rose. Mme Harper nous raconta que les lits étaient constamment perturbés même pendant la journée,
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que les enfants soient là ou pas. Une fois, elle avait vraiment vu les couvertures ramenées comme si Bill ou Joe était endormi là. Elle avait fréquemment vu les lits, faits du matin même, en désordre comme si quelqu'un d'invisible y était encore étendu. Nous avions tous le sentiment très fort que nous partagions la maison avec quelqu'un d'autre. La façon de secouer le lit devint si violente que je pensai qu'il allait s'écrouler - il le fera d'ailleurs plus tard. Les Nottingham pouvaient l'entendre de chez eux. La seule manière de l'arrêter fut de s'asseoir dessus et d'y maintenir Janet. La Voix ne voulait jamais parler pendant que l'un d'entre nous était près d'elle, mais à la seconde même où nous sortions, Il commençait. Ceci, bien entendu, prête à suspicion mais Janet nia inlassablement faire de telles choses à dessein. Je ne peux pas faire ce bruit ! répétait-elle, et je la croyais. Je pouvais l'imiter parfaitement mais quelques secondes auraient suffi pour mettre ma gorge dans un état épouvantable. Comment une gamine de douze ans aurait-elle tenu le coup pendant une heure ? Nous essayâmes de résoudre la question en déterminant si Janet et la Voix pouvaient parler simultanément et puisque Bill prétendait aimer la musique, nous décidâmes de chanter, et l'invitâmes à se joindre à nous. Quelle est votre chanson favorite ? demanda Grosse. < SCARLET FEVER , répondit-il alors sans hésiter et nous partîmes tous d'un grand éclat de rire. Même les poltergeists peuvent parfois être drôles et nous saisissions toutes les occasions de détendre l'atmosphère. J'invitai Grosse à me rejoindre dans la chambre du fond pour une rapide conversation. Faites-les chanter , dis-je et j'écouterai d'ici avec mes écouteurs. Mon micro est sous le grand lit .Grosse retourna auprès des filles et commença à chanter avec elles Daisy, Daisy . II demanda à Bill de se joindre à eux et promit de détourner la tête puisque Bill était timide et qu'il ne voulait pas être vu . Cet arrangement parut le satisfaire et ce qui en résulta est certainement le chant le plus étrange jamais enregistré. Car Bill
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y participa vraiment, grommelant au loin avec sa puissante voix de basse. A un moment, nous pensâmes que nous avions enregistré Janet, Rose et Bill en même temps mais en écoutant la cassette, nous remarquâmes qu'à chaque fois que Bill chantait, on n'entendait pas la voix de Janet.
Le changement de voix était si rapide qu'aucun doute n'était possible : à un moment, Bill se mit à rire d'un rire caverneux qui, soudain se confondit avec celui enfantin de Janet. C'était comme s'ils étaient en train de rire en canon. Je me demandai si un ventriloque pouvait faire cela. Puis, nous demandâmes à Janet d'interrompre Bill chaque fois qu'il parlerait, elle promit d'essayer. Lors qu'elle le faisait, Bill s'arrêtait. Il était évident qu'il y avait connexion entre les deux voix. c Bill , dit Grosse, quand nous vous avons parlé samedi soir, vous avez dit que votre nom était JOE Y avait-il quelqu'un ici, samedi ; qui s'appelait Joe ? c< OUI >>, fit Bill d'une voix éraillée. Vraiment. Alors vous êtes deux ? NON - DIX. Cette réponse engendra une réaction de surprise immédiate chez les fillettes, et je sursautai à tel point que me écouteurs faillirent choir. Nous ne leur avions absolument rien dit à propos de leurs rêves partagés et de leur récits concernant les Dix Vilaines Choses dont elle n'avaient jamais parlé éveillées. Maintenant, elles savaient A nouveau, j'eus un rapide entretien avec Grosse. Il accepta ma suggestion et je pénétrai dans la chambre << Demandez-lui tout ce que vous voulez savoir , dis-je aux fillettes. Parlez lui naturellement, comme vous le faites avec moi. Allez-y ; n'arrêtez pas. Nous vous laissons seules pendant cinq minutes. Je retournai en vitesse dans l'autre pièce, replaçai mes écouteurs et écoutai le bavardage de Rose et de Janet avec leur invisible compagnon de jeux bien au-delà de cinq minutes allouées. Que font tous ces hommes ? demanda Janet d'une voix normale. La réponse, un grognement profond désormais familier, ne tarda pas.
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cc LANCER DES MEUBLES cc Où dorment-ils ? c FERMEZCETTEFOUTUEPORTE ! On aurait dit un seul mot. Bill était vraiment obsédé par la porte. Ouverte, elle laissait pénétrer l'air vicié et les microbes expliqua-t-il. cc Pourquoi êtes-vous si grossier ? demanda Rose. cc TA GUEULE TOI , répondit Bill pas méchamment. cc Oh ! >> s'offusqua Rose. Janet intervint - cc Pourquoi, pourquoi - hum - vous amusez-vous de nous ? demanda-t-elle. c J'AIME VOUS CONTRARIER. c Vous avez bien dix chiens ? cc NON. SOIXANTE-HUIT. cc Enfer et damnation ! s'exclama Janet. <c Soixante-huit chiens ! > Son étonnement sonnait juste. Existait-ilune actrice, me demandai-je, qui pourrait dans un dialogue avec elle-même modifier instantanément sa voix naturelle en une autre si extraordinaire ? Rose demanda ensuite à Bill s'il avait eu l'intention de tourmenter cc Peggy-d'à côté cc OUI. J'AI FAIT TOMBER UNE BOUTEILLE DE SON ETAGERE , répondit-il tout de suite. Rose ne l'avait pas entendu correctement, il répéta : cc J'AI PRIS UNE BOUTEILLE DE SON ETAGERE ET JE L'AI LANCEE SUR LE MUR ! I1 parlait plus lentement. Il s'était effectivement passé quelque chose comme ça en présence de Grosse et de Sally Doganis de la BBC. Je ne me souvenais pas que nous ayons parlé de cet incident aux enfants, peut-être que Peggy Nottingham l'avait fait. cc D'où venez-vous tous ? demanda alors Rose.cc D'où quoi ? , reprit Janet, de sa voix habituelle.I1 sembla un court instant qu'elle se soit trompée de voix pour répondre, mais peut-être voulait-elle simplement entendre la question de Rose correctement. cc Vous et vos amis, d'où venez-vous ? répéta Rose. cc LE CIMETIERE. Pas d'erreur possible sur la voix cette fois.
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< Le cimetière ! ooh ! Rose sembla très agitée. Puis Janet demanda : " Les chiens viennent d'où ? " DE L'ESPRIT SAINT fut la réponse inattendue. Janet ne fit aucun commentaire. cc Depuis quand êtes-vous dans la maison ? >> poursuivit-elle. DEPUIS LE TRENTE ET UN AOUT. JE SUIS VENU VOUS TOURMENTER. Pour quelle raison êtes-vous venu nous tourmenter ?
Y en a-t-il une ? <c JE VEUX ECOUTER DU JAZZ. FAITES M'EN ENTENDRE, MAINTENANT. L'habitude qu'avait Bill de changer de conversation brutalement dès qu'un dialogue paraissait établi était très frustrante. 'avais remarqué qu'il partageait ce tic avec Janet. Puis une séquence. dépourvue de sens suivit au cours
de laquelle Bill dit entre autres choses qu'il allait manger tous les chocolats de Noël.
Pourquoi avez-vous choisi cette maison ? interrompit Rose. PARCE QUE J'AI VECU ICI. Janet rit. Puis posa la question que je lui avait soufflée. < Vous êtes mort, vous ne le savez pas ? OUI. JE ME SUIS ECHAPPE DU CIMETIERE. Vous vous êtes sauvé du cimetière ? , les deux fillettes rirent nerveusement. c OUI. CELUI DE DURANT'S PARK. C'était le nom d'un cimetière de Enfield. Je pénétrai dans la chambre pour donner quelques indications supplémentaires à Janet. Elle me raconta que quelques mois avant que les troubles commencent, elle était allée se promener à Durant's Park avec Pete et qu'ils s'étaient battus avec des enfants plus âgés. Je lui dit de ne pas se laisser impressionner, mais plutôt de demander à Bill pourquoi il restait là. Demande lui pourquoi il ne se rend pas au royaume des morts , dis-je en quittant la pièce. Rose répéta aussitôt ma question.
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JE NE CROIS PAS A ÇA , fut la réponse, avec une nouvelle tonalité de voix. I1 paraissait presque triste. Pourquoi ? Qu'est-ce que ça fait d'être là-haut ? demanda Rose. JE NE SUIS PAS UN ANGE. A nouveau, Bill paraissait désenchanté. Il semblait avoir perdu son agressivité habituelle. << Vous n'êtes pas un ange ? qu'est-ce... Mais la Voix interrompit Rose. Suivit alors le moment le plus remarquable et le plus spectaculaire de notre conversation avec lui. Il commença à parler par saccades, comme s'il devait faire des efforts, prononçant une ou deux syllabes à la fois. MON - NOM - EST - BILL - HOBBS ' ET - JE - VIENS - DE - DURANT'S - PARK - ET - J'AI - SOIXANTE - DOUZE - ANS - ET - JE - SUIS - VENU - ICI - POUR - VOIR - MA - FAMILLE - MAIS - ILS - NE - SONT - PLUS - ICI - MAINTENANT. J'avais la très nette impression que la voix était celle d'un esprit perdu et errant à la recherche de son ancien entourage. Mais une fois encore, alors que je pensais que nous allions quelque part, le charme fut rompu. Bill ne voulut pas écouter la question suivante de Rose et l'interrompit par un terrible : ÇA VA PETITE SORCIERE. FERME-LA. TE VEUX DU TAZZ. MAINTENANT VAS-Y ET METS M'EN, SINON JE ME FACHE. C'était de nouveau la vieille voix ; on aurait dit qu'il y avait deux personnes qui se disputaient le même téléphone, s'arrachant le cornet des mains l'une l'autre. Rose poursuivit avec une admirable détermination et
posa à ma demande une autre question : Que ressent-on quand on est mort ? <c JE NE SUIS PAS MORT, dit Bill en colère. Puis, nous fûmes gratifiés d'un mélange d'injures et de phrases débridées à propos du jazz et bien que nous ayons déposé sotis le lit l'enregistreur de Rose, nous ne réussîmes plus à tirer quoi que ce soit de Bill. A une heure du matin, Rose décida qu'elle en avait assez.
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Je vais dormir maintenant dit-elle, puis ajouta de mauvaise humeur Fiche le camp, sale bougre ! D'ACCORD, J'Y VAIS , fut la surprenante réponse docile qu'il fit. Mais à nouveau, il faillit à sa parole et resta encore une heure à nous tenir des propos dépourvus de sens. Finalement, nous fûmes contraints d'installer Janet dans la chambre du fond et de rester près d'elle jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Durant cette conversation de trois heures, Bill s'était apparemment occupé de nos enregistreurs. Heureusement; nous en avions utilisé trois cette nuit, et nous étions arrangés pour enregistrer toute la séance, mais de justesse. En effet, plusieurs de mes cassettes firent l'objet d'accidents inexplicables, par exemple, l'une d'entre elles n'avait rien enregistré à moins que l'enregistrement n'ait été effacé
C'était difficile à expliquer car tout fonctionnait bien, que ce soit la cassette ou l'enregistreur. Pour finir, nous découvrîmes que l'appareil de Grosse avait été arrêté en plein milieu d'un de ses enregistrements. Nous commencions à avoir l'habitude de ces sortes de choses et dès ce moment, nous vérifiâmes notre équipement à chaque fois, utilisant deux enregistreurs aussi souvent que possible. Nous réécoutâmes la séance le lendemain après que j'eus retranscrit et reconstruit l'intégralité de ce dialogue. Amenez-moi une gamine capable d'imiter cette voix
pendant trois heures dit Grosse et je vous donne cinq cents livres sterling . Je demandai, bien évidemment, à la fille d'un ami, âgée de onze ans, si elle pouvait imiter un fantôme pour moi. Elle émit d'abord quelques gémissements puis parla en murmurant faiblement. Non , dis-je, comme ça , et je fis de mon mieux pour imiter Bill. Elle essaya, mais immédiatement, elle porta ses mains
à sa gorge. Ouah ! s'exclama-t-elle ça fait mal . Je compris que je n'étais pas prêt d'avoir l'argent promis par Grosse. N'en déplaise à nos amis psychologues,(
Mme Gregory ) Janet ne nous menait pas en bateau.160
11 - A TRAVERS LE MUR
Chaque matin, depuis trois mois au petit déjeuner,Richard Grosse écoutait le récit au coup par coup des événements de Enfield que lui faisait son père. Il affichait le plus grand scepticisme. Richard venait d'obtenir son diplôme d'avoué et avait commencé à travailler dans une charge londonienne à West End. Il partageait l'ouverture d'esprit de son père quant à l'approche des phénomènes paranormaux mais n'avait jamais eu la moindre expérience dans ce domaine avant la mort de sa soeur et les coïncidences qui suivirent (cf. chap. II). A l'époque, ces événements l'avaient profondément marqué mais il restait très détaché vis-à-vis de ce qui se passait à Enfield. J'irai quand le fantôme pourra me parler , avait-il dit plusieurs semaines avant l'arrivée de la Voix ; aussi Maurice le prit-il au mot et s'arrangea-t-il pour qu'il visite la maison le 13 décembre 1977. C'était sûrement la première fois qu'un poltergeist était soumis à un examen de passage sous la houlette d'un homme de loi. Richard fut tout de suite surpris par l'atmosphère chaleureuse et amicale qui régnait chez les Harper. Comme beaucoup d'autres visiteurs, il n'imaginait pas que des phénomènes paranormaux se déroulent en un tel lieu, rendu encore plus accueillant grâce aux décorations de Noël, auxquelles les Harper avaient pris grand soin cette année. Les gens s'attendent souvent à ce que des manifestations
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psychiques aient pour cadre, comme au cinéma, un décorde vents hurlants, de volets battants et de chouettes hululant en fond sonore... Si j'en crois mon expérience, un poltergeist s'installe dans les endroits les plus communs sans aucun effet cinématographique. Richard parla beaucoup avec chacun des Harper, ainsi qu'avec John et Brenda Burcombe ; il ne tarda pas à être convaincu qu'ils feraient une impression favorable sur un jury ; toutefois, il émit une restriction à propos de Janet. Elle était d'humeur maussade ce soir, il ne faisait aucun doute que ce fût à cause de ce jeune homme si bien qui était venu la voir. Lorsque Richard entendit pour la première fois les aboiements, il pensa qu'elle en était l'auteur. Il décida qu'il devait la tenir à l'oeil sérieusement. La Voix s'éleva dès que les fillettes furent couchées mais elle refusa de parler à Richard tant qu'il ne serait pas sorti de la pièce et que la porte ne serait pas fermée. Il trouva cela sujet à caution mais puisque la Voix n'attachait pas d'importance à parler directement à John et Brenda il commença ses interrogations par personne interposée. Il leur communiquait ses questions hors de la pièce ; eux, les répétaient ensuite. Au début, il n'obtint rien. La Voix prétendait être Bill sautait du coq à l'âne, et utilisait un vocabulaire des plus grossiers. Mais Richard n'allait nulle part, et après environ une heure, il demanda à Brenda d'interroger la Voix à propos de quelque chose que Janet ne pouvait pas savoir. Brenda et son père se concertèrent pour trouver une bonne question, ensuite John Burcombe retourna dans la chambre et dit : < Qu'avez-vous fait des trente pence de Brenda ? Brenda avait perdu de la menue monnaie dans la maison quelque temps auparavant, et personne n'avait été capable de retrouver cet argent. Bill répondit sur-le-champ : C'EST CACHE SOUS LA RADIO EN BAS. > Richard descendit regarder à l'endroit indiqué et trouva trois pièces de dix pence. Cela le rendit songeur. De deux choses l'une ou l'incident était authentique, ou Janet et
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Brenda s'étaient entendues avant. Cela paraissait improbable car Brenda n'avait jamais parlé de cet argent jusqu'à ce que Richard lui demande expressément une question surprise. Et si un des enfants Harper avait trouvé ou pris cet argent, il l'aurait certainement dépensé et non caché, dans un endroit où Mme Harper était susceptible de le trouver en faisant le ménage. Avec une infinie patience, Richard persuada la voix de lui parler pendant qu'il était dans la pièce, debout dans le coin près de la porte fermée. Que s'est-il passé quand vous êtes mort ? demanda-t-il. JE SUIS DEVENU AVEUGLE ET J'AI EU UNE HEMORRAGIE, JE ME SUIS ENDORMI ET JE SUIS MORT SUR LA CHAISE DANS LE COIN EN BAS, répondit Bill lentement et plein de tristesse. Richard aurait voulu plus de détails mais une fois encore la Voix changea de sujet de conversation et commença à nous gratifier de propos insensés. K VOUS ETES RABBIN ET JUIF, dit-il abruptement. Richard reconnut qu'il était juif mais démentit être rabbin. <c Pourquoi vous font-ils peur ? interrogea-t-il. ILS PASSENT LEUR TEMPS A PRIER se plaignit Bill. Cette attitude envers la religion était étrange car Janet était très intéressée par le sujet et étudiait à l'école les différentes religions du monde. Toutes les fois qu'il était question de Dieu, de religion ou de prières, la Voix
réagissait violemment et devenait grossière ou, comme lors de ma brève expérience, refusait carrément de communiquer. Richard remarqua un autre détail curieux. A plusieurs reprises, il essaya de tourner la tête pour observer le visage de Janet pendant que la Voix parlait, à chaque fois, celle-ci s'arrêtait. Puis il remarqua que même quand il pensait se retourner, la Voix s'arrêtait également. C'était systématique et Richard fut contraint de reconnaître qu'I1 lisait dans ses pensées. De plus, il s'aperçut, comme son père et moi l'avions déjà remarqué, qu'à la fin de sa
conversation avec la Voix, celle de Janet était parfaitement normale. En une seule visite à Enfield. Richard
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fut très impressionné ; à partir de ce moment, son attitude vis-à·vis du cas de Enfield devint beaucoup plus compatissante. Au cours de cette méme semaine, la femme de Maurice, Betty et leur fille, Marilyn Crant - une chimiste diplômée qui travaillait pour le service édition d'un magazine scientifique bien connu -- se rendirent elles aussi à Enfield pôur voir ce qui avait pris tellement de temps à Maurice ces trois derniers mois. Tout comme Richard, elles n'avaient eu aucune expérience psychique avant la mort de Janet, et comme lui, elles revinrent de Enfield très impressionnées, et surtout, inquiètes pour le bien-être de la famille. Ce sentiment était partagé par Anita Gregory qui, en dépit de ses sentiments initiaux vis-à-vis des enfants, était extrêmement gentille avec eux, Leur rendant visite fréquemment et apportant des cadeaux pour Noël. Puis, vint le grand jour - le jeudi 15 décembre 1977.Les événements de ce jour et du lendemain furent si chaotiques que j'éprouvai quelques difficultés à démêler ce qui était arrivé exactement et quand. Néanmoins, une chose est sûre : nous établîmes sans contestation possible là réalité de deux des plus chauds phénomènes psychiques débattus par tous, nommés lévitation d'êtres humains et
passage de matière solide à travers la matière solide -Nous confirmâmes aussi la théorie selon laquelle l'activité dès poltergeists se manifeste volontiers autour des filles à l'âge de Ia puberté, puisque ce n'était pas seulement l'âge de Janet mais, le jour de ses premières régles. Nous n'en avions pas connaissance à ce moment ,mais nous aurions peut-être pu le deviner quand, le soir du I4 décembre; la Voix soudain voulut savoir : POURQUOI LES FILLES SONT-ELLES REGLEES ? Nous avions été rejoints ce soir-là par David Robertson ét par un autre collègue de la SPR, son secrétaire honoraire Hugh Pincott, un des dirigeants d'une grande compagnie pétrolière. II était licencié en sciences et manifestait un vif intérêt pour les phénomènes psychiques. Très vite, il devint clair que la Voix ne voulait pas parler d'autre chose que des menstruations des filles,l64
Pincott se rendit dans la chambre et fit une description de ce processus physiologique très claire et pleine de tact. Bien des choses étaient nouvelles pour moi et certainement aussi pour Janet puisqu'elle écouta sans interrompre Pincott, ce qui chez elle était une chose peu fréquente.L'idée qu'un vieil homme mort pouvait être obsédé par les détails d'un cycle menstruel était trop forte pour moi aussi pris-je le taureau par les cornes et m'adressai-je moi-même à la Voix, qui ce soir, prétendait s'appeler Joe. Voici ce que je dis : cc Joe, vous savez qu'il y a des gens qui pensent que vous n'existez pas du tout, que vous êtes simplement le produit des extériorisations du sub conscient de Janet. Que pensez-vous de ça ? > Me soumettant aux règles du jeu, je me tournai vers le mur et attendis la réponse de Joe. cc QUE VOULEZ-VOUS DIRE ? grommela-t-il: cc Rien de plus que ce que je viens de dire répondis-je brutalement. cc Je pense que vous me suivez. Comme vous le savez, les individus ont une conscience et certains pensent que les gens comme vous sont en fait des fragments de conscience, en l'occurrence, de Janet. En d'autres termes, vous êtes Janet. Etes-vous Janet ? La réponse de Joe fut typiquement embrouillée :" L'AMIE DE JANET. " cc Je commence à me demander si vous existez vraiment, poursuivis-je. c En réalité, êtes-vous simplement Janet et rien d'autre ? cc FERMEZ-LA, répliqua Joe en colère. cc BIEN SUR QUE NON ! Ceci paraissait suffisamment clair et, ayant marqué un point, je passai la main à David Robertson, suggérant qu'il saisisse l'occasion de provoquer la Voix en lui donnant quelque chose de difficile à faire comme l'avait suggéré le Professeur Hasted. En temps voulu, David se mit au travail demandant à Joe de faire passer un objet solide à travers la matière solide et de prouver ainsi qu'il n'était pas vraiment Janet, mais quelqu'un d'autre doué de pouvoirs paranormaux. I1 tendit à Janet une paire de pantoufles et
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une petite poupée, demandant à Joe de faire quelque chose d'habile avec ces objets.Rien n'arriva pendant qu'il était dans la pièce, aussi sortit-il ; à ce moment, il fut rappelé par Janet qui lui dit que les chaussons avaient disparu. Ils s'étaient vraiment volatilisés et nous fouillâmes la pièce y compris le lit, sans parvenir à les trouver. Pour une raison quelconque, nous oubliâmes de regarder sous son matelas, et c'est là que finalement ils se trouvaient ; il n'était pas exclu qu'elle les ait mis là elle-même.Puis, David demanda à Joe de lancer un oreiller dans une autre pièce et Joe manqua à cette obligation bien que plus tard, quand Grosse et moi partîmes nous trouvâmes l'oreiller dans le jardin juste au-dessous de la fenêtre de Janet. Cette fenêtre, nous le savions, était très dure et impossible à ouvrir sans attirer l'attention des personnes présentes dans la pièce ; de plus nous étions certains que Mme Harper n'aurait pas couvert un mensonge si flagrant.Pour compliquer les choses encore un peu plus, Hugh Pincott fit remarquer à un moment qu'il pensait que quelque chose avait frappé le rideau de l'extérieur ; en fouillant la pièce pour trouver les pantoufles, nous décourîmes une petite bouteille de Liquide Magique que Janet nous dit avoir perdue depuis plusieurs jours. Dans
l'ensemble, la soirée fut frustrante. Pincott, on peut le comprendre, était quelque peu sceptique au sujet de l'affaire entière, cependant il était clair pour lui que la vie chez les Harper n'était pas absolument normale, mai;d'un autre côté, il n'y eut pas un seul incident au cour de sa première visite qui aurait pu être qualifié de façon irréfutable de paranormal. De plus, la conduite de Janet était équivoque puisqu'elle paraissait s'amuser constamment de tout. Hugh Pincott ne remit pas en question ses première; impressions ; cependant, avec Marie-Rose Barrington John Stiles et Peter Hallson de la SPR, il entreprit, plus tard, une vaste enquête sur le cas qui, je l'espère, sera publiée un jour. Ce fut une toute autre histoire après le 15 décembre ;
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ce jour-là fut celui où le poltergeist s'exhiba en public en plein jour. Et, comme je l'ai déjà dit, ce fut un jour de chaos ; Grosse et moi n'avions jamais été aussi bousculés depuis le début du cas ; nous avons dû interviewer chaque témoin impliqué, plusieurs fois, au cours des mois qui suivirent. En conséquence, nous réussîmes à nous faire une idée précise des principaux événements de ce jour. Nous avions quitté la maison le soir du 14 décembre ; David Robertson avait passé la nuit sur place. Le lendemain matin, les fillettes n'étaient pas en forme pour aller à l'école ; il décida de rester et de mettre à profit cette journée pour essayer de faire quelques expériences.Quand Janet eut terminé son petit déjeuner, il monta avec elle dans la chambre et lui expliqua ce qu'il avait en tête. David Robertson est un homme qui exerce une influence positive sur les expériences. Dès qu'il sollicitait la Voix,il était salué par un aimable : BONJOUR MON CHERI. < Auriez-vous encore quelques tours à nous montrer ? questionna David. c SORTEZ DE CETTE PIECE, ordonna la Voix qui prétendait être Bill. David remarqua qu'à l'intérieur, il
n'y avait aucun objet susceptible d'être lancé hormis quelques pantoufles, quelques coussins ou quelques livres. Et, bien sûr, Janet. Commence simplement par sauter sur le lit lui dit-il. Il lui avait déjà expliqué ce que < lévitation voulait dire et Janet lui avait assuré qu'elle l'avait déjà fait plusieurs fois auparavant. Mais David espérait voir ça de ses propres yeux. Dès qu'il fut sorti de la pièce, il entendit un violent craquement produit par le lit de Janet comme si elle faisait du trampoline. Je suis en lévitation, cria-t-elle. Puis, il y eut un grand bruit et quand David essaya d'ouvrir la porte il constata qu'elle ne bougeait pas. Le petit lit avait été poussé contre elle. < Ça va, Janet ? demanda-t-il. c Veux-tu que je vienne ? Il n'y eut pas de réponse hormis de faibles hoquets et des petits sanglots. David essaya de faire jouer
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la porte avec son épaule mais elle résistait comme un mur de briques. Rose, qui assistait à la scène, s'affola et courut chez Peggy Nottingham, qui avait déjà fait les lits en haut et était dans sa cuisine. Pensez-vous que vous pourriez entrer ? demanda Rose. Il se passe beaucoup de choses. Rose et Peggy retournèrent au no 84, où David s'était débrouillé pour ouvrir la porte de la chambre. Janet était étendue sur le lit, l'air abasourdi. I1 devait être entre dix et onze heures. J'ai flotté dans les airs, dit Janet calmement, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. FERMEZ-LA, VOUS ! fit la Voix en grognant. Cela ne ressemblait pas à Janet qui aimait beaucoup Peggy · Tu es sûre que ça va ? demanda David avec appréhension.c Ouais, bien sûr, j'ai juste flotté, répondit Janet. Puisque l'expérience semblait ne lui avoir causé aucun dommage, David lui demanda d'essayer à nouveau. Peggy Nottingham lui tendit un feutre rouge.c Vois si tu peux dessiner une ligne autour du lustre sur le plafond , dit-elle. Le lustre était entre les deux lits et on ne pouvait l'atteindre sans déplacer l'un d'eux pour y grimper.c D'accord , fit Janet serviable. David et Peggy sortirent de la pièce pendant que Janet commençait à sauter sur le lit, selon les instructions de David. C'était un lit solide, avec de petits ressorts très raides, mais Janet faisait de son mieux. Elle aimait David et prenait soin de lui plaire.Deux maisons plus bas dans Wood Lane, au no 88 Mme Barton remarqua que sa chienne se conduisait d'étrange façon. Bess, une vieille chienne cocker spaniel très douce n'aboyait pour ainsi dire jamais. Mais, maintenant, elle était très agitée et haletante. Mme Barton ne voyait aucune raison à ce comportement. Elle lâchachienne dans le jardin et Bess se précipita sur la clôture,regarda vers la maison des Harper et commença à aboyer
furieusement alors qu'il n'y avait personne en vue.
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Dans la même rue, Mme Hazel Short, l'agent chargée de surveiller la sortie de l'école, mit son uniforme et sortit de chez elle ; elle remonta vers le no 84. Ce n'était pas encore l'heure de la sortie des enfants mais Mme Short aimait être en avance.
Plusieurs autres personnes remontaient aussi la rue se dirigeant vers les boutiques ou vers la gare ; parmi elles,un commerçant local marchait sur le trottoir appelant ses
clients habituels. Ça aurait pu être n'importe quel matin dans n'importe quelle banlieue anglaise. David et cc Peggy-d'à côté , debout sur le palier, entendaient Janet sauter de plus en plus fort. Comme avant, il y eut quelques sanglots et quelques pleurs et puis elle arrêta de sauter, le lit arrêta de craquer et un silence total s'installa. cc Janet, ça va ? Que fais-tu ? appela David. Il lui avait demandé dans la mesure du possible de décrire tout ce gui arrivait à voix haute pour qu'il puisse l'entendre à travers la porte fermée. Pas de réponse.David tendit l'oreille mais on n'entendait rien, hormis les voitures et les bus qui circulaient à l'extérieur. C étaitsi inattendu que David s'inquiéta et essaya d'ouvrir la porte, mais il s'aperçut que comme tout à l'heure, elle ne cédait pas d'un pouce. II regarda Peggy, et elle aussi était sûre qu'il était arrivé quelque chose à Janet.Enfin, après ce mystérieux silence, ils entendirent un choc et une exclamation venant de Janet. Au même moment, la porte décida de leur permettre de l'ouvrir (nous ne comprîmes jamais comment le lit nous empêchait d'entrer à un moment et pas à l'autre) et ils se précipitèrent à l'intérieur. Peggy remarqua tout de suite qu'il y avait au plafond une fine ligne autour du lustre. Janet était étendue sur le lit apparemment épuisée ce qui était inhabituel pour elle, en particulier si tôt dans la journée. (Il était à présent 11 h 30). Elle cherchait à reprendre son souffle et semblait quelque peu effrayée. cc Oh ! Mince ! J'ai traversé le mur... Peggy l'observait complètement ahurie.
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cc Je suis allée dans votre chambre , dit Janet sans se démonter
. cc C'était tout blanc . La chambre de Peggy n'était pas peinte en blanc, les murs étaient tapissés de papier brillant ; tout son inté rieur était toujours sans tache et en bon ordre. cc Ça va répliqua Peggy sur le même ton calme,cc si tu penses que tu as été dans ma chambre, tu recommences. En principe, Peggy croyait ce que racontait Janet ; elle était sûre que la fillette lui disait la vérité mais ceci était un peu fort. Ils quittèrent la chambre. Peggy rentra immédiatement chez elle et monta jusqu'à sa chambre. Elle savait que Janet n'y était jamais allée auparavant. Elle ouvrit la porte s'attendant à moitié à être accueillie par Janet. Depuis le 31 août, elle avait été témoin de tant de choses extraordinaires qu'elle n'aurait pas été tellement surprise que cela arrive. Mais sa chambre était vide. Du moins, n'y avait-il personne là. Elle était sur le point de retourner à côté et de dire à Janet ce qu'elle pensait de ce genre de plaisanterie quand quelque chose attira son regard. Là, sur le plancher près du lit, il y avait un livre. Il n'appartenait pas à Peggy et en le ramassant, elle le reconnut sur le champ. C'était le livre Fun and Games for Children qu'elle et David avaient vu quelques minutes plus tôt sur le manteau de la cheminée dans la chambre de Janet. Il avait traversé le mur. Pendant que Peggy retournait au no 84, essayant de comprendre, Janet était cc repartie . David était résolu à obtenir des preuves du passage à travers la matière solide, les expériences de la nuit précédente n'ayant pas donné de résultats probants. En fait, les chaussons et l'oreiller avaient disparu mais les uns avaient été retrouvés sous le matelas et l'autre juste sous la fenêtre dans le jardin. Dans ce but, il s'empara d'un énorme coussin rouge d'un des fauteuils du living et le tendit à Janet. cc Vas-y lui dit-il cc voyons de quoi tu es capable. 170
Important!
couleursvoixenexterieur comme chez JCP ?
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Il tourna les talons et quitta la pièce. Elle ne pouvait pas cacher ça sous son matelas.
D'ACCORD, PETIT DAVID, JE LE FERAI DISPARAITRE, dit la Voix familière comme il sortait de la pièce. Il avait à peine franchi le seuil que Janet l'appela toute excitée. Il se retourna et constata qu'un des rideaux avait disparu bien que la fenêtre fût tout à fait fermée et le coussin n'était visible nulle part. Et ce n'était pas tout... Dehors, le commerçant déjà cité remontait Wood Lane ; il se trouvait à environ cent mètres de chez les Harper. Les Harper n'étaient pas ses clients mais il les connaissait de vue et sa belle-mère qui habitait au no 92 lui avait déjà dit qu'il se passait des choses bizarres au 84 . Il n'avait accordé aucun crédit à ses racontars. Il n'avait jamais parlé aux Harper et n'était jamais entré chez eux. Soudain, il s'immobilisa et observa ; là sur l'arête du toit du 84 , juste dans son champ de vision, il y avait un gros objet rouge. Une minute avant il n'y était pas à présent il y était. Et personne n'avait ouvert la fenêtre. Hazel Short marchait aussi vers le no 84 pour ramasser son bâton qu'elle laissait toujours dans la haie des Harper. Elle aussi vit le coussin sur le toit et se demanda ce qu'il y faisait. Mais elle avait à coeur de bien faire son travail aussi ramassa-t-elle ledit bâton et se postat-elle de l'autre côté de la rue, juste en face de la fenêtre de la chambre de Janet.Voici comment Mme Short décrivit plus tard ce qu'elle avait vu : Je me tenais là et je regardais la maison ; soudain, quelques livres traversèrent en volant et frappèrent la fenêtre. C'était si brutal. ... J'entendis le bruit parce que tout était très calme, il n'y avait pas de circulation et il m'a fait sursauter. Quand je levai les yeux, un oreiller rayé brun frappa la fenêtre. Ceci se passa après les livres et j'étais - je ne saurai dire si j'étais effrayée ou pas, juste fascinée. La fenêtre était toujours fermée. Un instant plus tard,je vis Janet. Je ne sais pas s'il y a un lit au-dessous de la fenêtre,
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elle sautait comme si quelqu'un la soulevait en la maintenant dans une position horizontale, lui tenant les jambes et le dos et la lançant de bas en haut. cc Je l'ai vraiment vue monter à la hauteur de la fenêtre , mais je pensais qu'elle sautait, qu'elle sautait sur ses pieds ; elle n'aurait pas été capable, en sautant sur le dos, d'atteindre cette hauteur. Mon amie l'a vue aussi, nous l'avons vue toutes les deux. Plus tard, Grosse et moi allâmes voir cette amie qui vivait au coin de la rue. En premier lieu, elle nia avoir été présente et quand nous eûmes dit que Mme Short nous avait donné son adresse, elle devint extrêmement nerveuse et refusa de dire quoi que ce soit, excepté c< J'ai peur. Je ne peux vraiment pas parler de ça. Nous eûmes l'impression que même plusieurs semaines après l'événement elle était encore vraiment secouée et effrayée de ce qu'elle avait vu. cc C'était comme si ses bras et ses jambes partaient dans tous les sens poursuivit Mme Short. Je veux dire que si vous faisiez ça vous-même, vous garderiez vos bras et vos jambes près de votre corps, si vous voyez ce que je veux dire. Mais elle, elle était vraiment dans une position horizontale, montant puis redescendant. Quand nous eûmes recueilli sa déposition, Grosse et moi testâmes le lit de Janet pour voir comment il rebondissait. Je trouvai qu'aussi dur soit-il, je rebondissais dessus mais je ne pouvais pas cc décoller ; nous établîmes avec soin que si Janet avait été dans la position dans laquelle Mme Short disait l'avoir vue, elle aurait dû être à soixante dix centimètres au-dessus du lit. Autrement, elle n'aurait pas été visible de l'extérieur. Voici comment le
commerçant décrivit les événements auxquels il avait assisté ; ce que nous en rapportons est extrait des déclarations que nous obtînmes de lui en diverses occasions : J'ai vu cette enfant, je sais depuis qu'elle s'appelle Janet, à l'intérieur de la pièce ; au début, j'ai vu sa tête apparaître à la fenêtre, exactement comme si elle rebondissait sur son lit. Puis des objets traversèrent rapidement la pièce. Ils n'étaient absolument pas lancés vers la fenêtre, ils se déplaçaient en décrivant des cercles;
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frappaient la vitre et rebondissaient pour continuer à la même hauteur, dans le sens des aiguilles d'une montre. Si les objets avaient été lancés, ils auraient simplement frappé le carreau et seraient tombés. Les objets paraissaient être des livres, des poupées et du linge. Ils étaient cinq ou six et leur mouvement suggérait qu'ils étaient attachés les uns aux autres par un élastique. Ils paraissaient se déplacer mus par une force considérable et tous tournoyaient en même temps. Puis, l'enfant apparut en deux occasions, flottant horizontalement à travers la pièce, et deux fois, ses bras cognèrent avec force contre la vitre. A ce moment, j'ai craint qu'elle ne passe par la fenêtre. Alors que les objets tournoyaient dans la pièce, les rideaux avaient été soulevés vers l'intérieur. Tout l'épisode était très violent et j'étais bouleversé et perturbé par ce que je venais de voir. Tout de suite après, j'étais dehors, près de la maison, parlant à quelqu'un de ces événements étranges, quand Janet sortit. Elle semblait très calme et n'avait pas l'air d'une enfant qui vient de s'amuser. Le commerçant nous parut à tous deux être un témoin honnête. Il était encore très secoué quand Grosse retourna le voir, en avril 1978, pour prendre une seconde déclaration, et nous supplia de ne pas révéler son nom et de ne lui envoyer aucun journaliste. (Nous le rencontrâmes à nouveau en 1979. Il nous dit qu'il maintenait toutes ces déclarations mais qu'il ne voulait pas en parler à qui que ce soit d'autre. Il ne fait aucun doute que cette expérience eut sur lui un effet profond et durable). Grosse interrogea Mme Nottingham très sérieusement sur ce qu'elle savait des événements du matin et elle l'assura qu'elle jurerait sous serment que :
- Sa chambre était propre et rangée quand elle en était sortie.
- Personne n'avait pu y pénétrer après qu'elle ait fait le ménage.
- Elle était retournée dans sa chambre immédiatement après que Janet lui eut dit qu'elle était passée à travers le mur et qu'elle-même lui eut demandé de recommencer.
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Qu'elle avait trouvé le livre par terre près de la porte, très loin de la fenêtre ou de la cheminée.< Soyons sensés à ce propos, > dis-je à Grosse. << Si nous avions voulu déposer ce livre dans la chambre " d'à côté ", comment nous y serions-nous pris ? Par la fenêtre ? Par la cheminée ? ou peut-être caché dans la poche du jean de Peggy ou quoi d'autre ? La fenêtre, nous étions d'accord, était hors de question. On ne pouvait l'atteindre et de toute manière il s'agissait d'une fenêtre à jalousie qui ne' s'ouvrait que de quelques centimètres en haut. Il en allait de même de la cheminée puisque chez les Nottingham elle était obstruée.Il était insensé de prétendre que Janet, David, Peggy, Mme Short et le commerçant nous avaient monté un tel bateau en particulier parce que certains d'entre eux ne se connaissaient pas à l'époque. Peggy ne connaissait même pas le nom du commerçant. Et, de toute façon, il ne faisait aucun doute que le coussin était bien sur le toit. Nous essayâmes de reproduire cela. J'eus quelques difficultés à le passer par la fenêtre. D'abord, la fenêtre était difficile à ouvrir, ensuite j'eus à tourner le coussin vers le haut et à me pencher dangereusement très loin pour atteindre la gouttière et y placer aussi loin que possible le coussin. J'y parvins de justesse mais tombai presque par la fenêtre en le faisant ; de plus, ceci me prit pas mal de temps. Mes bras étaient considérablement plus longs que ceux de Janet. Suggérer qu'elle avait fait ce que je venais de faire sans être vue de la rue était tout simplement déraisonnable. Janet elle-même s'avéra être le meilleur témoin de cet épisode. Nous la questionnâmes en long et en large tous deux à plusieurs reprises. Apparemment, elle disait la vérité ; ces dires furent d'ailleurs confortés par ceux du commerçant qu'elle n'avait jamais rencontré. Ses réponses à mes questions étaient très directes
comme d'habitude, et souvent très amusantes. (Durant le cas, nous devons reconnaître que Janet ne tenta jamais d'embrouiller les faits. Elle ne disait que ce qu'elle avait vu et s'en tenait là).
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cc Ce livre, comment est-il arrivé là ? lui demandai-je. cc Parce que je l'ai déposé là. Comment voulez-vous qu'il y soit allé tout seul ? répliqua-t-elle. Bien sûr, elle était passée à travers le mur avec lui. cc Comment se sent-on en passant à travers un mur ? >,demandai-j e. cc Peu d'entre nous ont fait ça. cc Je ne sais pas dit-elle cc juste comme si je passais à travers, comme à travers les airs. Vous passez simplement à travers. Vous ne ressentez absolument rien. Rosalind Morris se joignit à l'interrogatoire et demanda à Janet de reprendre depuis le début. cc J'étais assise sur le lit dit Janet. cc David Robertson m'avait dit : " rebondis progressivement, " donc je l'ai fait et je me suis élevée dans les airs et j'ai commencé à tournoyer à toute vitesse autour de la pièce et puis je suis passée à travers le mur. >' Lors du, long interrogatoire, Janet ne put se rappeler vraiment être passée à travers le mur. Tout ce dont elle était sûre était qu'elle avait quitté sa chambre et était passée dans une autre qu'elle assurait pouvoir être celle de Peggy de l'autre côté du mur. C'est alors qu'elle répéta son commentaire spontané à propos de l'apparence de la pièce : cc C'était tout blanc, et il n'y avait ni porte, ni fenêtre. Elle trouvait que c'était l'aspect le plus sidérant de toute l'expérience et n'arrivait pas à comprendre ce qui était arrivé aux couleurs. Au moment où cette cc aventure survint, j'étais justement en train de lire un livre dans lequel l'auteur, un américain artiste et médium, Ingo Swann, décrivait une expérience hors du corps et quand il vint à Londres en 1978, je lui demandai s'il avait remarqué, lui aussi, le changement des couleurs durant de telles expériences. cc Oh, oui, me dit-il, il ne l avait pas seulement remarqué mais de plus, il pouvait fournir une explication plausible. Petit enfant, Ingo Swann avait été opéré des amygdales.Durant l'opération il avait cc flotté > hors de son enveloppe corporelle et observé la scène entière. Il avait remarqué
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des a arcs-en-ciel sur le carrelage et il avait noté aussi que le vert foncé des murs devenait plus clair. C'est, dit-il, .à la façon dont les deux parties du cerveau reçoivent
et captent l'information. Notre hémisphère gauche détient le côté logique de la perception alors que le droit s'occupe plus des formes et des impressions générales ou des cc instincts. > Il semblait que seul l'hémisphère droit de Janet ait fonctionné pendant l'expérience. Ce qui expliquerait son incapacité à enregistrer les couleurs. Décrire une couleur par rapport à une autre dans l'étroite bande du large spectre électromagnétique que nous appelons cc lumière visible demande que des informations très précises soient transmises à nos cerveaux. Voici comment Janet raconta l'épisode du coussin sur le toit : cc David m'a donné un coussin et m'a dit " fais quelque chose avec ", je l'ai posé sur le lit et il a dit " vas-y, fais quelque chose; " alors je l'ai lancé et il est sorti par la fenêtre et est allé sur le toit. a Mais tu ne peux pas lancer des choses par les fenêtres quand elles sont fermées ! dis-je. K Je sais H, répondit Janet. cc Je pensai que je devais le faire pour voir ce qui se passerait. >> Rosalind Morris demanda si le coussin avait vraiment disparu ou s'il était passé à travers la fenêtre fermée. cc Je l'ai vu, dit Janet. c Je l'ai poussé à travers. c Je tournais à toute vitesse et il est sorti et est allé sur le toit. " Elle insistait sur le fait que la fenêtre était fermée. a Je sais que c'est un fait. " Ainsi, en une seule journée, Janet avait lévité, elle avait connu une projection hors de son corps physique, elle avait déposé un livre d'une pièce dans une autre et fait voyager un lourd coussin d'une pièce close sur le toit. Tout cela paraissait invraisemblable ! Pourtant cinq personnes étaient certaines que c'était réellement arrivé Y avait-il encore autre chose que notre poltergeist pouvait faire, nous interrogions-nous ? II semblait déjà déterminé à devenir le poltergeist le plus versatile, le plus actif et le plus exhibitionniste,
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en ce sens qu'il fit l'objet du plus grand nombre de témoignages jamais enregistrés. Mais comme nous n'allions pas tarder à l'apprendre, même après les époustouflants événements du 15 décembre, il avait encore bien d'autres tours dans son sac.
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12 - LES PARLEURS IMPARFAITS
En arrivant à pied de la gare, je vis Matthew Manning garer sa voiture de sport, une Jensen-Healey à côté de la modeste camionnette de Vic Nottingham. Il m'avait promis de venir voir les Harper et nous étions convenus du 17 décembre 1977 à 17 heures. Il était ponctuel. Je lui avais demandé de venir pour deux raisons : je pensais
qu'il serait intéressant pour lui d'échanger des idées à propos du poltergeist de quelqu'un d'autre et je voulais que Mme Harper se rende compte que les victimes de
poltergeists - dont Matthew était le plus célèbre en Grande-Bretagne grâce à ses livres et à ses apparitions à la TV - pouvaient leur survivre, grandir en parfaite santé et devenir des gens normaux. De plus, qu'ils pouvaient vraiment tirer partie de l'expérience en manifestant un intérêt sérieux pour le domaine psychique, comme Matthew le faisait. Maurice Grosse avait déjà passé l'après-midi avec les Harper et la Voix qui ronchonnait maintenant à tout propos, apparemment sans plus se soucier que les portes soient ouvertes ou fermées. Il avait d'ailleurs commencé à se manifester en dehors de la maison, alors que Janet achetait des légumes à l'épicerie située un peu plus haut dans la rue. L'épicière m'a regardée et m'a dit : << Mais qu'est-ce que c'est que ce boucan ? Oh rien, lui ai-je répondu,
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ce n'est que mon fantôme. Je l'ai emmené en balade, j'ai cru qu'elle allait devenir folle. Et, lorsque Mme Harper emmena Janet et Jimmy chez le médecin, on put entendre des sons étranges. C'est Jimmy qui fait ses bruits de train, > expliqua Mme Harper. On avait aussi entendu la Voix dans le bus, lorsqu'un représentant de commerce de Enfield s'était entendu dire : TA GUEULE, VIEUX BOUC. La situation devenait quelque peu embarrassante.
Lorsqu'elle apprit que Matthew venait prendre le thé à Wood Lane, la Voix promit : JE VAIS ORGANISER UN SHOW POUR LUI. Et pour une fois, il tint parole. Pourtant à notre arrivée, il demeura silencieux. Je fis les présentations et éprouvai un certain soulagement à constater que les filles paraissaient au mieux de leur forme. Le calme de Matthew et son abord amical mirent tout le monde à l'aise bientôt lui et Mme Harper comparèrent leurs expériences comme des Vétérans de la guerre. ( Avez-vous connu ceci ? Oui, et cela vous est-il déjà arrivé... ) Je demandai à Matthew s'il avait jamais éprouvé des maux de tête comme ceux que Mme Harper ressentait lorsque quelque chose était sur le point de se produire. J'avais comme des picotements dans le bas de la nuque, répondit-il. c C'était... cc Excusez-moi ! l'interrompit Grosse tout excité< Janet a dit cela à peine une demi-heure avant votre arrivée. Il rembobina une bande enregistrée et nous entendîmes la voix de Janet : J'ai toujours mal dans le bas de la nuque. Elle avait indiqué l'endroit précis où Matthew avait ressenti cette étrange sensation. Ce sont comme des échos. Elle avait communiqué cette information de façon toute spontanée. Je fis remarquer alors que, si tous les cas de poltergeist devaient être mis sur le compte de farces enfantines, les gamins du monde entier manquaient singulièrement d'imagination.Matthew avait des idées précises sur les gens qui
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l'accusèrent de tricher, comme par exemple le magicien américain James Randi. " Il prétendit que tout ce que j'avais fait, depuis le début, n'était qu'une énorme supercherie destinée à me moquer des gens. Les chances pour qu'un enfant de onze ans tourne en dérision tous ces adultes étaient parfaitement nulles. " Son cas avait connu son paroxysme alors qu'il était au pensionnat et le directeur ainsi que d'autres témoins dignes de foi avaient publiquement témoigné de l'authenticité du phénomène. Autre chose dis-je. < Si vous voulez imiter quelque chose, encore faut-il en avoir connaissance. Et, je ne pense pas que Janet et Rose aient jamais étudié l'histoire de la recherche psychique ! " Rose acquiesça." On se serait déjà fait prendre depuis le temps. Matthew nous donna plus de détails quant à ses propres expériences, ainsi qu'il le fit dans son ouvrage The Link. J'en avais apporté un exemplaire pour Mme Harper mais en le relisant dans le train, je remarquai qu'il y avait quelques dessins macabres de défunts. Ils me rappelèrent ceux que Janet avait réalisés au lendemain de la visite de Luiz Gasparetto, aussi décidai-je de ne pas les montrer aux Harper. I1 y a six ans dit Matthew < la situation était de loin plus dramatique. Les gens ignoraient alors ce qu'était un poltergeist. Les seules personnes averties étaient membres de la SPR mais elles étaient totalement incompétentes. K Son père >, disait-il, <c avait écrit à l'un d'entre eux, tenu pour une sommité en la matière et n'avait jamais obtenu la moindre réponse. D'autres étaient venus le voir, l'un lui avait donné une bouteille de lait et un oeuf à la coque, lui demandant si le poltergeist réussirait à faire pénétrer l'oeuf dans la bouteille ; un autre, ancien président de la société, reconnut n'avoir aucune expérience en matière de << situations parapsychologiques " Ce n'est que le jour où la police mit les Manning en contact avec le Dr George Owen, qui exerçait alors au Trinity College, à Cambridge, qu'ils reçurent, enfin, une aide extérieure.
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< Aujourd'hui, tout le monde prend le train en marche , observa Matthew, citant les noms de certains savants qui avaient étudié ses étranges pouvoirs dans leurs laboratoires. Il en était arrivé à la même conclusion que nous, à Enfield, à savoir que les scientifiques paraissaient répugner à publier des résultats positifs par peur du ridicule et n'avoir qu'une obsession : prouver que les phénomènes n'étaient que des tours . Ceci nous amena à parler de la croyance en une vie future.
<< Vous ne croyez guère en la théorie spirite, je suppose , dis-je. Eh bien , précisa Matthew, < oui et non. Je crois seulement qu'il est trop facile de tout mettre sur le compte d'esprits. Je crois que beaucoup de choses peuvent être expliquées autrement. N Ça ne me paraissait pas être les propos d'un jeune homme décidé à se gausser du monde. Mon sentiment personnel , poursuivit-il, < est que ce que j'ai vécu - le poltergeist - a été produit par ma propre énergie. Cela n'avait rien à voir avec les esprits. Mais, je crois que cette énergie fut utilisée par la suite, si vous voulez, par des esprits, dans des buts divers. Mais je ne suis même pas convaincu que mes dessins et mes écrits soient nécessairement le produit d'esprits . Cette approche prosaïque du sujet eut un effet calmant sur les Harper et la Voix elle-même demeura silencieuse en dehors d'un seul sifflement perçant que David Robertson décrivit comme << émanant directement de mon oreille >>. Mon enregistreur était dans la cuisine depuis deux heures, n'enregistrant rien de plus surprenant que Mme Harper préparant le thé. Evidemment la Voix n'allait pas organiser son show. Puis, une des tables de la cuisine se renversa Mon enregistreur était sur le sol de la salle à manger, relié au moyen d'un long câble à un micro séparé, placé sur une étagère de la cuisine. Rose et Janet étaient allées à la cuisine et Rose s'était mise à chanter, adossée à la table. J'entrai et lui demandai de ne pas faire trop de bruit, je venais à peine de me détourner et de passer à nouveau dans la salle à manger que j'entendis le même
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glissement puis le même son mat, comme la dernière fois que la table s'était renversée en ma présence. Matthew et David Robertson entrevirent, tous deux, la table alors qu'elle bougeait et ils étaient certains que Janet n'y avait pas touché. Je remarquai que le mouvement de la table avait été accompagné par un mouvement semblable d'une chaise qui, elle, s'était éloignée en sens inverse. Matthew nous dit que son père, un architecte, avait fait des plans de leur maison et y avait indiqué tous les endroits où se produisaient des incidents. Je fis remarquer : Il nous faudrait une équipe d'architectes à temps plein ici. Nous avons cessé de recenser les incidents après avoir enregistré le quatre centième. Cette affirmation n'était en rien exagérée. Je parlai de l'une des caractéristiques les plus évidentes dans les cas de poltergeist : le timing extrêmement précis des événements. Cette table s'était renversée à la seconde même où j'avais tourné le dos. Matthew avait fait la même constatation c'est amusant , ajouta-t-il, avant-hier, j'ai téléphoné à Uri Geller à New York. Il y avait une lampe sur la table près du téléphone et au moment précis où je mis le doigt sur le cadran, l'ampoule s'est brisée. Une simple coïncidence . << Oui , dis-je. < Nous connaissons ça aussi. >> Nous étions, de plus, sur le point d'en avoir quelques échantillons. J'allai jusqu'au pub chercher quelques morceaux de tartes et des bouteilles de bière, après avoir changé la bande de l'enregistreur, l'avoir vérifié et branché. A mon retour, je constatai qu'il avait dû fonctionner à une vitesse réduite de moitié, les Voix enregistrées faisant songer à celle de Donald Duck. Puis après 20 minutes, ce qui devait correspondre au moment de mon retour, il n'enregistra plus. le moindre son, bien que la touche d'enregistrement fût toujours enclenchée et que la bande continuât à défiler. Une simple coïncidence. Après avoir réexaminé le micro, je revins vers la salle à manger. Matthew Manning était assis en face de la porte de la cuisine et au moment où je la franchis, je marchai
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sur le fin câble qui reliait le micro à l'enregistreur. A cet instant précis, derrière moi, le micro tomba de l'étagère. Personne n'était à proximité. Je l'ai vu , intervint Matthew, et je ne pense pas que votre pied ait accroché le câble . Je partageais son avis. J'étais toujours près prudent dans cette maison surtout avec mon matériel d'enregistrement. Les raccords des câbles avaient été soudés au micro et fermement maintenus par une pince à ressort fixée d'une part au câble et de l'autre à la base du micro. Je constatai que la pince avait été nettement pliée en son milieu, comme si le câble avait été violemment tiré de l'autre côté.La force avait dû être considérable, car le rôle de cette pince était justement d'empêcher que le câble soit accidentellement tordu. Lorsque je la montrai à un technicien du magasin d'équipement hi-fi de mon quartier, il me demanda comment diable je m'y étais pris pour parvenir à la tordre ainsi. Je lui avouai que je n'en savais rien. Peu de temps avant de mettre les enfants au lit, Mme Harper se rendit dans la cuisine et appela : Salut,Charlie, tu es toujours là ? Un instant plus tard, nous entendîmes le désormais familier : SALUT venant de la direction de Janet, et lorsque les filles montèrent l'escalier, il sembla que la Voix venait de se réveiller. ME VOICI ! , grogna--t-il menaçant. Matthew n'eut aucune difficulté à lier conversation avec
la Voix, qu'il interrogea fermement pendant vingt minutes sans rien obtenir de cohérent. Celle-ci prétendait maintenant être le père décédé de M. Nottingham et répondait souvent aux questions par un grognement inarticulé ou un faible SAIS PAS... Je sais que ce n'est pas votre vrai nom , dit Matthew. Vous êtes tous la même personne Fred, Charlie et Bill. Vous n'êtes qu'un grand escroc ! La réponse fut inattendue : NOUS AVONS TOUS DES TITRES DIFFERENTS, VOUS SAVEZ. Et alors, , insista Matthew. Qu'essayez-vous de prouver ? SAIS PAS. Et cela continua ainsi. Si seulement, nous savions. J'avais l'impression d'être à la place de
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Macbeth essayant de comprendre le message des sorcières : Restez, parleurs imparfaits, dites-m'en plus... Dites d'où vous tenez cet étrange savoir... Mais, nous n'en apprîmes pas plus. A qui appartenait c cet étrange savoir ? Le qualifier de personnalité secondaire, ou d'esprit, revenait à remplacer un mystère par
un autre. Le contre-interrogatoire de Matthew paraissait, au moins, avoir séduit la voix qui ne faisait plus montre de son agressivité et de sa vulgarité habituelles ; je me
disais que nous nous préparions à une nuit calme, aussi sommes-nous tous descendus manger nos morceaux de tarte. Je remontai après un moment afin de voir s'il n'était pas nécessaire de retourner la bande et découvris qu'elle était arrêtée, la prise de l'enregistreur ayant été arrachée. Je le rebranchai et redescendis. Les enfants paraissaient presque endormis, mais je leur promis que Matthew viendrait leur souhaiter une bonne nuit avant de partir. Un instant plus tard, il y eut un craquement assourdissant venant de l'étage. Il s'avéra que le lit de Rose faisant un bond de près d'un mètre, était allé heurter la porte, avec la fillette couchée. Je me dis qu'elle pouvait très bien avoir tenu à c jouer le jeu pour Matthew, aussi lui conseillai-je de ne pas monter avant que l'agitation ne soit retombée. David Robertson se rendit à l'étage afin de voir si le poltergeist était disposé à répéter un incident de la veille. I1 avait demandé à la Voix de démontrer son habilité à la dématérialisation. Sur quoi, une brosse à récurer en plastique qui était habituellement rangée dans la salle de bain au rez-de-chaussée avait fendu les airs,
passant juste au-dessus de sa tête, à cet instant tout le monde avait pu voir David. Mais, ce soir, il n'eut pas de succès, finalement il renonça et nous rejoignit. Plus tard, lorsque j'estimai que la bande devait être arrivée en bout de course, nous entendîmes une série de coups et de craquements venant de l'étage, et nous nous
précipitâmes tous pour trouver la chambre jonchée de pantoufles, de coussins et de livres. Fidèle à mon habitude,
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j'allai vérifier si mon enregistreur tournait toujours.Il avait tout simplement disparu. Les fillettes niaient y avoir touché ; elles ne l'avaient d'ailleurs jamais fait. (Elles semblaient respecter tous les objets de valeur.) Mme Harper m'assura que si ellesy avaient touché, elle n'aurait pas manqué de s'en apercevoir et me l'aurait aussitôt dit. Je l'avais déposé sous le double lit qu'elle n'avait pas quitté depuis. La chambre avait maintenant été réaménagée de sorte que Mme Harper et Jimmy partageaient le double lit, tandis que Janet et Rose reposaient chacune dans un lit simple. Tous avaient insisté pour dormir dans la même pièce, et laisser une lampe allumée en permanence ; il en serait ainsi longtemps encore. Matthew s'allongea par terre et regarda sous le lit de Janet. Le voici ! , dit-il. Mais il n'y était pas. Janet se leva et nous aida à écarter son lit du mur. I1 n'y avait rien là. Je défis aussitôt son lit, séparant les draps et les couvertures, j'avais remarqué qu'elle portait un pyjama bleu fin, qui ne lui aurait pas permis de dissimuler l'appareil. Par acquit de conscience, nous fouillâmes l'étage dans les moindres recoins que je connaissais désormais très bien. Depuis septembre, Grosse et moi devions les avoir inspectés une douzaine de fois, au moins. Si l'un des enfants l'avait caché, il devait être dans la chambre et pourtant nous n'en trouvâmes pas la moindre trace. S'il avait été dans l'un des deux autres lits nous n'aurions pu manquer de le remarquer. < Bah, il reviendra bien , dis-je. Ils reviennent toujours. Ce n'était pas sûr, Matthew m'avait affirmé que certains des objets subtilisés par son fantôme n'étaient jamais réapparus, même après plusieurs années.
Je me demandai si Thomas Penn, l'une des entités qui s'exprimait, souvent au moyen de l'écriture automatique pour Matthew pourrait nous aider. Penn était supposait-on, un médecin du xIxe siècle ; il écrivait souvent des diagnostics médicaux en utilisant la main de Matthew.
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J'ai bien peur qu'il ne sache même pas ce qu'est un enregistreur , dit Matthew, à ma déception, bien qu'il paraissait plus concerné que moi par cette histoire d'enregistreur ; il nous avait considérablement aidé dans nos recherches. Nous décidâmes d'isoler Janet dans la pièce du fond pour voir si les choses se calmeraient. Je l'aidai à faire l'autre lit, la bordai et lui souhaitai une bonne nuit. Un quart d'heure plus tard, toute la maison fut agitée par une énorme secousse. Cette fois, je m'attendais à ce que le toit nous tombe sur la tête. Nous nous précipitâmes ,
une fois de plus, à l'étage pour constater que la lourde coiffeuse dans la chambre de Janet avait basculé vers l'avant, le miroir s'étant écroulé juste sur son lit. Pendant un moment, je pensai avec angoisse que Janet avait été écrasée en dessous, mais déjà, elle essayait de se dégager. Elle paraissait encore toute endormie et je ne voyais pas comment elle aurait pu renverser elle-même la coiffeuse, avant de s'installer en dessous et ce, en l'espace de quelques secondes. David, Matthew et moi redressâmes le lourd meuble et le repoussâmes à sa place contre le mur. Quelque chose sùr le sol, était dans le chemin. Je me baissai m'attendant à trouver une chaussure ou une pantoufle. Rien de tel ! Par contre, soigneusement déposé dos au mur, je retrouvai mon enregistreur. I1 devait avoir été sous la coiffeuse et je doutai que Janet, qui n'était pas pour autant une mauviette, ait pu la soulever pour y déposer l'appareil, sans faire de bruit. Bien qu'il ne se produisit aucun autre événement cette nuit, et que Matthew Manning nous quitta finalement vers une heure du matin, après avoir passé huit heures dans la maison, sa visite devait avoir deux conséquences intéressantes. En début de soirée, Janet lui avait demandé s'il savait tordre les cuillères. Non , répondit aussitôt Matthew. Tiens, j'aurais cru.
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cc Je ne sais plus le faire. cc Tant mieux , intervins-je, sachant que Matthew ne tenait à poursuivre cette discussion. cc Nous en avons eu assez ici.
Ni Janet ni moi ne revînmes sur le sujet. Le lendemain cependant, Maurice Grosse apporta deux pièces de métal et demanda à Janet si elle pouvait les plier. L'une était
scellée dans un tube en plastique, alors que l'autre qui était un tuyau d'acier de 15 centimètres, n'aurait pu être tordu que par quelqu'un possédant une force exception-
nelle. Dans le courant de la journée, Janet rendit le tuyau à Grosse. cc Il est plié , dit-elle d'un ton détaché. C'était exact, il formait maintenant un angle de 45o et la courbe ressemblait étrangement à celle que j'avais observée sur les morceaux de métal tordus à Paris par Jean-Pierre Girard, l'Uri Geller français. Le tube scellé dans le plastique était, lui aussi, légèrement plié, mais le plastique avait été brisé ; nous supposâmes, en conséquence, qu'il pouvait avoir été retiré et plié délibérément.
Janet ne parla plus jamais des tubes, nous non plus, car nous avions surtout à coeur de l'amener à réaliser quelque chose que David Robertson pourrait enregistrer au moyen de ses instruments. Grosse et lui étaient, tous deux, convaincus de l'authenticité des phénomènes réalisés par Janet et Rose. La seconde cc coïncidence se produisant au lendemain de la visite de Matthew fut l'apparition sur le mur de la cuisine de plusieurs graffitis. I1 nous avait parlé des inscriptions qui étaient apparues dans sa propre maison, il s'agissait de centaines de signatures d'anciens habitants du quartier ; il vérifia la conformité de nombreuses d'entre elles, ainsi qu'il le décrivit dans son livre The Stranger (1). Les deux fillettes nièrent énergiquement être les auteurs des gribouillis et nous n'y accordâmes que peu d'attention puisque notre politique était de ne pas nous montrer très
1. W. H. Allen, Londres, 1978.
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s'il avait souvent d6masqué des fraudes, il n'avait jamais assisté à aucun phénomène psychique véritable. Je lui assurai que je serais ravi qu'il débusque tout tricheur éventuel à Enfield et j'acceptai de ne pas le présenter comme un magicien. Je ne voulais pas que les fillettes sachent â qui elles avaient à faire, au cas o1 elles auraient décidé de nous jouer des tours. Aussi, je présentai Christopher comme Eric White >, mon ami américain, et sa politesse ainsi que son intérêt manifeste pour le cas produisirent une très bonne impression sur les Harper. A mon grand étonnement, Christopher était à peine dans la maison depuis un quart d'heure qu'il se mit à faire des tours de prestidigitation pour les enfants qui, assis par terre, l'observaient, les yeux agrandis par l'admiration. <c Oui, M. White est un très bon magicien amateur , m'empressai-je de dire, me demandant ce qu'il pouvait bien avoir en tête. Evidemment, il n'avait rien d'un amateur, mais plutôt d'un professionnel très talentueux ; il n'utilisait aucun accessoire à l'exception de quelques morceaux de papier. Il réalisa rapidement quelques tours de passe-passe, qui laissèrent les Harper pantois. c Ah, refaites cela ! > s'exclama Janet au moment où un bout de papier s'évanouit dans les airs avant de réapparaître à côté d'elle. Par la suite, je lui demandai pourquoi il avait donné cette brillante représentation après avoir demandé à conserver l'anonymat. "Je voulais observer leurs réactions ", expliqua-t-il. J'ignore ce qu'il put en conclure, si ce n'est, peut-être, que ces enfants étaient semblables à tous les autres. A l'heure du coucher, il y eut beaucoup d'agitation dans la salle de bains. Janet prétendit d'abord qu'elle ne réussissait pas à ouvrir la porte, puis, que quelque chose l'avait poussée dans la baignoire. Christopher fit judicieusement remarquer qu'il lui était impossible de garantir la qualité paranormale d'incidents qu'il ne pouvait voir ; mais je me dis que si Janet avait vraiment décidé de jouer des tours, elle aurait trouvé mieux à faire. Il semblait que le poltergeist eût décidé de la faire accuser de fraude
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en réalisant des phénomènes de troisième ordre en présence d'un observateur de premier ordre. Dès que les deux fillettes furent couchées, la Voix se mit à proférer des sons inarticulés. Immédiatement, Grosse posa un grand morceau de sparadrap sur la bouche de Janet, mais la Voix continuait de plus belle. Bien qu'étouffée, elle était cependant capable de proférer des mots articulés, y compris un NON retentissant. Puis, la série de phénomènes désormais traditionnels commença, les filles furent flanquées hors de leur lit au moment précis où nous sortions de la chambre - ce petit jeu avait fini par me lasser - et, finalement, le lit de Janet fut renversé. Nous décidâmes - < pour changer > - d'installer Janet dans la pièce du fond, toujours avec le fol espoir que les choses se calmeraient. Lorsqu'elle fut recouchée, je la quittai laissant la porte ouverte et renouvelai mon vieux truc consistant à descendre bruyamment les marches, puis à les remonter à pas de loup en posant les pieds sur l'extérieur des marches afin qu'elles ne grincent pas. Lorsque j'arrivai au tournant de l'escalier, toujours hors de vue de Janet, une Voix étonnamment forte et rauque aboya : SORTEZ ! Jamais Il n'avait crié si fort et II paraissait véritablement furieux. Je redescendis silencieusement et invitai Christopher à monter à son tour, ainsi que je l'avais fait. Quelque chose allait se passer et je voulais qu'il le vit lui-même, qu'il y ait fraude ou non. Il y eut trois versions différentes de ce qui suit. Tout d'abord, celle de Christopher Milbourne que j'enregistrai dans la voiture qui nous ramenait à son hôtel. Lorsque vous êtes redescendu et que j'ai pris votre place dans l'escalier, je suis resté jusqu'à ce qu'elle vienne doucement sans le moindre bruit, regarder dans l'escalier , commença-t-il.
< Voilà qui est intéressant , dis-je. Avait-elle l'air de mijoter quelque chose ? Oui, mais je vais vous confier un petit secret. A ce moment, j'ai produit un éclair de lumière dans l'air. << Vraiment >, dis-je, supposant qu'il voulait toujours observer leurs réactions .
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Oui - c'est un truc de magicien. - Et aussitôt elle battit en retraite et regagna la chambre de devant. C'est pourquoi j'étais certain qu'il ne se passerait désormais plus rien. Christopher croyait que Janet était venue voir si la voie était libre. c Je crois qu'elle voulait s'assurer qu'il n'y avait personne dans l'escalier. Si tel avait été le cas ,il se serait passé quelque chose. K C'est amusant, v dis-je. Cela ne collait pas. Connaissant Janet, je me serais plutôt attendu à ce qu'elle descende les escaliers en dévalant et nous dise qu'elle voulait se rendre aux toilettes. << Oui, > dit mystérieusement Christopher, < mais pas cette fois. La lumière l'a arrêtée . Cela me paraissait curieux et j'en parlai à Grosse dès le lendemain, il avait été présent toute la soirée. Maurice sourit et me demanda : Saviez-vous que pendant tout ce temps, il y avait un enregistreur dans la chambre de Janet ? Je me souvins que Grosse n'était pas un amateur, lui non plus, en matière de magie. Il
me montra l'appareil et voici la version enregistrée : Après que j'ai eu quitté Janet, la Voix s'était mise à gronder comme un loup-garou dément. On pouvait aussi entendre quelques sifflements perçants, les plus forts que nous ayons jamais enregistrés. Puis
< SORTEZ ! Ce devait être au moment où je remontai les escaliers. OU JE ... VOUS BRISE LES REINS...ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE ... Cette dernière phrase était répétée plusieurs fois, avec une fureur croissante. Puis la Voix appela mon nom entre des grognements et des plaintes. Elle paraissait décidée à me réduire en bouillie. Puis, brusquement, nous entendîmes la voix normale de Janet. << M. Grosse ? >> Elle semblait émerger à peine du sommeil. Ensuite, il y eut un silence de vingt-deux secondes à l'issue duquel nous eûmes droit à ce dialogue : Christopher : Salut, que faites-vous ? Comment allez-vous ?
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Janet : Je viens de me lever. Christopher : Vous venez de vous lever ? Janet : Je n'aime pas rester seule ici. Cristopher : Mm ? Janet : Je n'aime pas rester seule ici.
Christopher : Que s'est-il passé ? Janet : Je n'aime pas rester seule ici. Pourquoi dois-je rester seule ? Janet parlait très vite, avec son accent habituel et on pouvait pardonner Christopher de ne pas 1'avoir bien comprise. Puis suivirent trois étranges bruits, vraisemblablement produits par Christopher lorsqu'il fit sonpetit tour de magie. (L'éclair de lumière est généralement produit en frottant une poudre spéciale entre les doigts.) cc Oh, mon Dieu, dit immêdiatement Janet. Christopher ne dit rien. On pouvait entendre Janet ouvrir la porte de la grande chambre et dire en entrant : cc II est devenu fou ! >> Après avoir écouté la bande, nous demandâmes à Janet de nous raconter sa version des faits. Elle ne fit aucune allusion à la Voix, mais rapporta sa conversation avec Christopher, presque mot pour mot, fidèle à son habitude de s'en tenir aux faits sans chercher à les enjoliver. Il n'y avait qu'une anomalie entre sa version et celle enregistrée sur la bande, et elle était très curieuse.
Janet nous dit que juste avant d'apercevoir Christopher elle m'avait appelé, alors que sur la bande on l'entend distinctement appeler Grosse avec sa voix normale, juste
après avoir hurlé mon nom avec l'intonation précise de la Voix. Tout cet épisode semblait avoir été conçu dans le but de nous embrouiller. " Le lien entre Janet et la Voix est sans conteste très étroit " dis-je à Maurice. En plusieurs occasions, elle
a prononcé ce que visiblement, la Voix aurait dû dire et vice versa. Passerait-elle ainsi de 1'une à l'autre si elle nous mystifiait ? cc Elle ne nous mystifie pas le moins du monde, répliqua Grosse.
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<c Je vis avec cette famille depuis près de trois mois et demi ; au jour le jour. Je sais quand Janet nous joue des tours et quand elle ne le fait pas. Moi aussi, j'ai eu deux filles ne l'oubliez pas. c Toujours le même problème, enchaînai-je. Nous savons que ce cas est authentique. Il suffit de penser à tout ce que nous avons vu de nos propres yeux. Mais lorsque vous déclarez avoir enregistré des éléments positifs, on vous reproche d'être trop crédule, ou incompétent. Si nous avions percé le mystère de ce cas, dès le début, nous serions des héros. Cette histoire avec Christopher illustre à merveille la manière dont les gens trouvent ce qu'ils cherchent. Il venait chercher des trucs, c'est du moins ce que je lui avais demandé de faire et il en a trouvé un. Je suis
convaincu qu'il est sincère lorsqu'il affirme que Janet aurait précipité quelque chose dans les escaliers si elle ne l'avait pas aperçu. Mais, pour ma part, je ne crois pas à cette version. Je pense qu'elle avait peur toute seule et qu'elle voulait aller dormir avec les autres. Mais il est certain que ni elle ni moi ne pourrons jamais le prouver. Ce cas devient de plus en plus complexe, au fur et à mesure qu'il avance ! Nous convînmes que dorénavant nous n'inviterions plus que des chercheurs disposés à mener une étude détaillée du cas, et à établir un programme de recherches spécifiques s'étalant sur plusieurs séances ; ainsi que David Robertson l'avait fait. (La seule personne qui accepta nos conditions fut le psychologue de Cambridge Carl Sargent, qui soumit les enfants à plusieurs tests, enregistrant apparemment quelques résultats positifs. Les conclusions n'ayant pas encore été publiées, au moment où ce livre fut mis sous presse, je me conformerai à la règle de la déontologie et je ne les commenterai pas ici.) Résoudre le mystère du syndrome du poltergeist demanderait de faire appel à une équipe travaillant à temps plein et composée de physiciens, de psychologues et de psychiatres ainsi que tout un camion d'équipements, beaucoup de temps et d'argent. Nous n'avions pas tout
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cela mais au moins, nous progressions sur le plan physique grâce au Professeur Hasted et à David Robertson ;nous n'avions donc d'autre solution que de poursuivre
avec le matériel de bord. C'était ou cela, ou abandonner. Et, à la fin de 1977, il n'était pas question d'abandonner pour nous. Nous voulions aller au bout des choses.
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I3 - LE RITUEL NOCTURNE
Noël 1977 approchait et nous étions tous impatients de voir quel effet il aurait sur la famille Harper et son étrange affliction. Ils avaient décoré leur living avec grand soin ; des guirlandes et des petites lanternes couvraient presque tout, des murs au plafond. Le grand sapin était chargé de cadeaux, y compris une boîte de chocolats dont l'étiquette disait A Bill, Joe et les autres. Dans l'espoir de votre départ. J'avais acheté cette boîte après que la Voix eût menacé de manger tous les chocolats ; au dos du paquet, j'avais collé une seconde étiquette qui portait la mention < aidez les infirmes sur laquelle j'avais rajouté < et les Esprits... Je dis aux enfants qu'ils mangeraient les chocolats après Noël s'ils n'avaient pas disparu avant et puisque le poltergeist laissa passer la date, les enfants les eurent. L'ambiance lumineuse du living paraissait avoir un effet sur l'activité au rez-de-chaussée, le < rituel nocturne , comme Mme Harper disait, se poursuivait, lui, dans la chambre, nuit après nuit, heure après heure.Après sa réserve initiale, la Voix parut ne plus faire
d'objection à ce que nous restions dans la pièce quand .Il parlait et, de ce fait, nous eûmes plus de facilité à surveiller les expressions du visage de Janet. Nous vîmes yite que sa bouche semblait bouger, alors que ses lèvres ne dessinaient pas les formes généralement associées aux mots.
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La Voix était terriblement ennuyeuse la plupart du temps, mais nous étions résolus à trouver comment elle était produite et tout aussi déterminés à en obtenir des informations utiles. C'était une tâche très frustrante, puisque quatre-vingt dix pour cent de ce qu'elle prononçait n'étaient qu'insanités.Pourtant, de temps à autre, ce qu'I1 nous disait nous donnait matière à réflexion. Au cours d'un interrogatoire qui avait duré plus de trois heures, Grosse se demandait si cela valait la peine de poursuivre quand une remarque spontanée de la Voix le laissa pantois : JE VOUS ENTENDS ECOUTER VOS CASSETTES QUAND VOUS ARRETEZ LA RADIO AU PETIT DEJEUNER, dit-il. Vraiment ? répliqua Grosse. C'EST VRAI. HIER MATIN. BEAUCOUP DE MATINS. C'était vrai. De plus, Grosse n'avait jamais mentionné cette habitude quotidienne devant quiconque. On pouvait penser à un coup de chance, puisque le petit déjeuner était à peu près le seul moment que Grosse avait pour écouter ses enregistrements. Mais, en une autre occasion, une remarque fortuite parut aller au-delà de la chance ou de la simple déduction. Grosse Était dans le living après être arrivé plus tard qu'il ne l'avait promis. c Désolé d'être en retard. J'ai eu des ennuis avec ma voiture, > dit-il à Mme Harper. TOURNAIT TROP VITE, commenta la Voix immédiatement. Cette fois, il y avait peu de chances pour qu'il s'agisse d'une déduction logique. Si la voiture avait roulé trop vite, pourquoi aurait-il été en retard ? Voici exactement ce qui était arrivé : Il faisait très froid ce jour-là, Grosse mit le moteur en marche et le fit chauffer en le laissant tourner au ralenti pendant quelques instants. Soudain, le moteur s'emballa comme si quelqu'un avait enfoncé l'accélérateur. Il rugissait comme s'il attendait le signal du départ d'un Grand Prix automobile. Grosse pouvait ne pas comprendre les poltergeists, mais il connaissait les moteurs.
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Immédiatement, il souleva le capot pour regarder le carburateur après s'être assuré
que le starter était bien coupé. Aucune partie mécanique n'était défectueuse. Intrigué par ce comportement fantaisiste, il passa un moment à examiner le moteur et c'est ce qui l'avait mis en retard. Plusieurs semaines plus tard, un incident semblable se reproduisit alors qu'entre-temps, il avait fait poser un nouveau carburateur. Son garagiste lui ayant dit que le premier incident pouvait seulement être expliqué par un
pointeau usé, pourtant, cela se reproduisit même avec un nouveau carburateur. La pensée que Grosse pouvait avoir été cc envahi par le poltergeist me traversa l'esprit. J'avais eu connaissance de cas au cours desquels des choses étranges étaient arrivées aux enquêteurs loin du lieu de l'activité. Mais la Voix refusa de fournir de plus amples informations que ce soit à propos des habitudes routinières de Grosse au petit déjeuner ou de sa voiture. cc Typique, commentai-je. cc Ces choses en font juste assez pour vous intriguer et puis, elles se défilent. C'est comme si tout ce qu'elles entreprennent ne servait qu'à semer encore un peu plus le doute dans nos esprits. Vous savez, parfois, je crois qu'elles nous mettent à l'épreuve.
Ceci pouvait être vrai, comme les événements ultérieurs le suggéreront de façon encore plus évidente, néanmoins, nous poursuivîmes notre travail sans en tenir compte. Plusieurs fois, nous avons mis du sparadrap sur les lèvres de Janet, nous lui avons rempli la bouche d'eau et nous avons même serré son écharpe autour de sa tête alors qu'elle portait son appareil dentaire. Rien, absolument rien, n'arrêta la Voix, une chose est certaine cependant, nous lui avons compliqué la tâche. Grosse s'arrangea pour lui faire répéter les mots cc bouteilles de bière , sachant que c'était une sérieuse difficulté pour les ventriloques puisque nul ne peut prononcer le son cc b sans fermer les lèvres. La Voix se débrouilla pour le faire, on ne sait comment, sans que l'on remarque un mouvement sur les lèvres de Janet. Pendant que nous essayions d'étudier la Voix, nous
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eumes droit à toutes sortes de distractions, y compris un certain nombre d'innovations à ajouter à notre collection déjà riche. Un soir, Grosse se tenait dans la chambre où tous les Harper étaient couchés quand soudain, il y eut un bruissement puis un coup sourd qui semblait provenir d'en dessous du grand lit. En s'agenouillant, il découvrit que le tapis avait été dérangé. Or, ceci aurait été très délicat à faire par quiconque avec des moyens normaux même s'il avait rampé sous le lit. Grosse prit son appareil et photographia le tapis. Il était debout entre les deux lits, suffisamment éloigné des Harper. John Burcombe, résolu à confondre n'importe
quel enfant jouant des tours - si toutefois tours il y avait - se tenait près de la porte d'où il pouvait voir toutes les personnes présentes dans la chambre. Au moment où Grosse prenait sa photo, il sentit quelque chose lui chatouiller le crâne et comme il levait une main pour sentir ce que c'était, les filles commencèrent à rire. Un mouchoir en papier était, selon les apparences, descendu du plafond en flottant pour se poser sur sa tête. K Oh ! c'était un tour habile ! s'exclama-t-il. Il ne voyait pas comment quelqu'un de présent (ou plus exactement de visible) l'aurait fait, puisque le papier était trop léger pour être lancé, et il était arrivé directement au-dessus de sa tête. Mme Harper et John Burcombe avaient tous deux été témoins de cette scène. Je l'ai vu ; il descendait tout doucement, droit vers votre tête, comme une araignée le long de son fil , dit John Burcombe. Plus tard dans la soirée (23 décembre 1977), Grosse fut témoin d'un tour encore plus subtil. Il était debout entre les deux lits, les mains des fillettes hors de vue,quand il vit un anneau de lumière se refléter au plafond. Il réalisa immédiatement qu'il s'agissait d'une ombre portée. Celle de la lampe de chevet posée au sol derrière lui, dont l'abat-jour s'était soudain incliné de son propre chef d'environ quarante-cinq degrés. Et personne n'était à proximité.
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I1 se retourna pour regarder la lampe. L'abat-jour étant rigide il n'aurait pas dû s'incliner ainsi. I1 retourna à nouveau la tête et au même moment, l'anneau de lumière réapparut comme précédemment. L'abat-jour avait repris sa position normale. Bonté divine ! Quelle adresse ! s'exclama Grosse admiratif. Et, plus tard, le même soir, bissant son numéro le poltergeist renversa toute la lampe alors que Maurice se trouvait de nouveau dans la pièce avec Burcombe. Une fois de plus, personne n'était à proximité. Nombreux parmi nos collègues de la SPR furent ceux qui nous demandèrent pourquoi rien de tel n'arrivait jamais quand ils étaient à Enfield. La réponse est très simple. Ils n'allaient pas là-bas assez souvent, ne restaient pas assez longtemps quand ils venaient et ne gardaient pas leurs yeux ouverts. Dans certains cas, quand des choses arrivèrent vraiment, ils concluèrent immédiatement que les enfants faisaient des farces, souvent sans prendre la peine de vérifier si cela était possible ou non. Une fois; un chercheur était assis dans le living avec moi quand la table de la cuisine s'était renversée, ce que je savais être très difficile à faire normalement. Mon collègue ne prit pas en compte cet incident. Nul doute qu'il pensait qu'une enfant étant dans la cuisine, elle devait avoir retourné la table délibérément. J'ai souvent constaté que les réactions des gens face à de tels événements sont aussi intéressantes que les événements par eux-mêmes La période de Noël fut marquée par quelques méfaits encore plus alarmants. Pour la première fois, nous eûmes une preuve évidente de l'agressivité du poltergeist. Le 23 décembre au matin, les deux petits poissons rouges furent découverts morts dans leur aquarium. Ils avaient toujours été bien traités, bien nourris et Janet était particulièrement attachée à eux. La Voix prétendit être responsable de leur mort. C'EST MOI QUI L'AI FAIT. Grosse lui demanda comment et pourquoi. J'AI ELECTROCUTE LES POISSONS PAR ACCIDENT, répondit-il.
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Grosse lui demanda quelle sorte d'énergie il avait employée. L'ENERGIE SPIRITUELLE. > Est-ce électrique ? interrogea Grosse. NON. PUISSANTE. Cela, nous le savions déjà, mais il était clair que la Voix ne nous donnerait pas - Il n'en était probablement pas capable - une conférence sur la physique interdimensionnelle. Le matin de Noël, le troisième animal de compagnie des Harper, Whitey la perruche, fut trouvée froide et sans réaction dans sa cage. Elle était déjà indisposée depuis quelque temps mais il n'en était pas moins étrange que les trois petits animaux des Harper soient morts, l'oiseau, deux jours après les poissons. Cette fois, la Voix ne fit aucun commentaire. Puis, survint le plus sinistre incident en date.Le poltergeist s'en prit à Janet. Elle était assise près de la fenêtre du living quand brusquement, elle porta ses mains à sa gorge et poussa
un cri. Un des rideaux s'était enroulé autour de son cou de lui-même, et semblait vouloir l'étrangler. Elle était terrifiée. Mme Harper aussi. Je lui répétai que les poltergeists ne tuaient pas les gens ; qu'ils se contentaient en général de gâcher leur temps. Je ne lui dis rien des rares cas dans lesquels des décès inexplicables s'étaient produits parce que je ne voulais pas lui donner une raison supplémentaire de s'inquiéter. Peu après Noël, la même chose arriva encore. Cette fois, il y eut deux témoins et l'enregistreur de Grosse avait capté le bruissement furtif du rideau. Selon Rose et Peggy Nottingham, le rideau s'était échappé de l'embrasse et enroulé autour du cou de Janet comme un lasso. Cet incident se répéta huit fois. Puis, ce fut au tour de la robe de chambre... Ça s'est passé sous mon nez , rapporta Mme Harper. Elle venait juste de se coucher, elle fut retournée et la robe de chambre s'enroula autour de son corps comme une ficelle.
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Une minute plus tard, le même incident arriva à nouveau mais cette fois avec le drap de Janet. Le drap du dessus parut se séparer des couvertures et s'enroula autour d'elle, nous raconta sa mère encore sous le coup de l'émotion. Puis, ce fut la couverture, puis à nouveau le drap. En fin de compte, Mme Harper perdit son sangfroid. Oh ! salaud, espèce de salaud, s'exclama-t-elle.Puis, elle ajouta immédiatement : Oh, mon langage. Désolée que vous ayez enregistré cela. Mais j'ai une excuse cette nuit. >> c C'est la première fois que je t'entends injurier quel-
qu'un, dit Rose. Même lorsque Janet fut endormie, le même scénario se reproduisit au moins trois fois. Cette répétition incessante des incidents nous épuisait tous, seule Mme Harper demeurait vaillante. < Je serai debout demain matin à six heures même si je dois veiller toute la nuit, maugréa t-elle. Nous tirâmes parti de quelques moments de répit à la fin du mois de décembre 1977 pour essayer d'étudier la Voix de plus près - Grosse relia la base du cou de Janet à un micro de contact pour voir si les vibrations qu'elle prétendait ressentir lorsque la Voix parlait pouvaient être enregistrées. Le microphone placé, il s'arrangea pour enregistrer un
bref <c HELLO, M. GROSSE après bien des questions demeurées sans réponse ; dans la foulée, il demanda à Janet de répéter la même phrase de sa voix habituelle,
ce qu'elle fit. La différence sur la cassette était étonnante. La Voix était beaucoup plus forte que celle de Janet, et quand Il parlait, il y avait de fortes vibrations qui couvraient presque les mots eux-mêmes. Nous décidâmes de recommencer cette expérience avec un meilleur équipement et finalement nous le fîmes, avec les résultats que je rapporterai plus tard. Nous apprîmes cependant une chose, à savoir que Janet avait bien dit la vérité concernant ses vibrations et puisqu'elle avait mentionné cela très spontanément,
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nous étions enclins à croire les autres choses qu'elle nous avait dites. Encouragé par ce succès, je décidai de ne plus accorder d'attention à la Voix, puisque manifestement elle n'avait rien à me dire et de laisser Grosse se charger des < interrogatoires. Après tout, c'était sa Voix - il l'avait voulue et il l'avait eue. Une nuit où Grosse était absent, l'idée me prit d'éprouver la théorie soutenue par un de nos collègues de la SPR selon laquelle échanger des propos avec la Voix ne fait que l'encourager à développer son activité. Je demandai à la famille Harper d'essayer de l'ignorer également ; quand tout le monde fut couché, je quittai la pièce en laissant volontairement la porte grande ouverte. < FERMEZ LA PORTE, hurla aussitôt la Voix. c Fermez-la vous-même, criai-je en descendant l'escalier. Immédiatement, un des rideaux fut arraché et le curieux arrangement du tapis sous le lit fut répété. Pourquoi ne vous tenez-vous pas tranquille pour une
fois ? demanda Rose. Vous avez causé assez de panique et de destruction ! Alors, la Voix ordonna à Rose de se lever et d'aller fermer la porte. Quand elle refusa, on entendit un bruit épouvantable. C'était la pile de livres que j'avais placée sous le lit de Janet - pour consolider les pieds cassés - qui s'était déplacée, permettant ainsi au lit de s'écrouler. C'est à ce moment là, semble-t-il que mon magnétophone cessa d'enregistrer alors qu'il se trouvait à l'autre bout de la pièce. Je restai en bas à bavarder avec John Burcombe et notre visiteuse Anita Gregory. Elle monta dire bonsoir puis s'en alla. Janet qui observait la rue à travcrs les rideaux près de son lit la vit démarrer. Aussitôt, la Voix se manifesta. MAINTENANT, JE VAIS VOUS JOUER DES TOURS, > annonça-t-I1. Personne n'y prêta attention et Janet enchaîna : Aimes-tu Max Bygraves, Mam ? Oui, j'aime bien Max, > répondit sa mère. J'ai toujours
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été étonné de la faculté de la famille Harper à entamer une discussion au beau milieu d'un bombardement de pantoufles ou d'oreillers. Puis, on entendit un coup sourd juste avant que le réveil, au pied du grand lit, ne traversât la chambre pour s'écraser près de mon enregistreur. Espèce de cochon, vous détruisez vraiment tout ! > s'indigna Rose. Pourquoi n'allez-vous pas dormir, maintenant ? >
demanda Mme Harper d'une voix lasse. COIFFEUSE, répondit la Voix. Il avait, lui aussi, l'habitude déconcertante de sauter du coq à l'âne. Vous étiez avec nous chez la coiffeuse ? demanda Mme Harper. Elles y étaient allées ce jour-là. OUAIS - JE L'AI EMBRASSEE, répondit la Voix avec une intonation lubrique. Cela ne ressemblait pas à Jânet dont l'esprit était déjà très fixé sur les garçons. Quelques minutes plus tard, la Voix rugit férocement : SORTEZ, M. PLAYFAIR, JE VOUS VOIS DANS LA PORTE. Ce n'était pas vrai. Tout au moins pas cette fois. Néanmoins, j'avais souvent observé Janet par l'entrebâillement de la porte. Mais pour le moment, j'étais en bas dans le living. NOUS SAVONS QUE VOUS ETES LA, poursuivit-il. Immédiatement, John Burcombe et moi entendîmes une série de coups venant de tous les endroits du plafond à la fois, ensuite on frappa deux fois à la porte d'entrée. Pensant que Mme Grégory revenait peut-être chercher quelque chose qu'elle aurait oublié, j'allais ouvrir. Il n'y avait personne. (Ceci arriva plusieurs fois. Un jour que j'arrivai et frappai trois coups, la porte y fit écho. Pourtant, à ce moment, Mme Harper était seule dans la maison et elle m'assura qu'elle se trouvait dans la cuisine quand elle m'avait entendu). Je remontai à l'étage. Les Nottingham recevaient des amis et l'on entendait de la pop musique venant de chez eux. Ils s'amusent à côté, dit Rose Nous nous amusons aussi avec le Rituel Nocturne ,
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répondit Mme Harper. cc Quelquefois, je souhaiterais que nous nous mettions au lit comme tout le monde pour dormir. cc Racontez-nous une histoire sur les chiens ou sur autre chose ? me demanda Janet qui m'avait dit qu'aujourd'hui, dans la rue, elle avait vu un grand Danois. Assurément, elle avait envie d'avoir un chien. J'avais envisagé de lui en offrir un pour Noël mais Grosse, un fervent défenseur de la protection animale, insista pour que j'attende que cette histoire soit terminée. Je choisis de conter aux fillettes l'histoire du petit poisson rouge qui vivait dans le lac privé d'un homme immensément riche et qui s'échappa un jour en se faufilant à travers les grilles de l'écluse. I1 descendit le fleuve jusqu'à la mer. Ensuite, il remonta le courant pour dire aux autres poissons ce qu'il avait vu, mais ils ne crurent pas ce qu'il leur racontait au sujet des palais de coraux de ladite " mer ". Aussi s'échappa-t-il à nouveau et ne revint-il plus jamais. Plus tard, il y eut une vague de chaleur, le lac fut asséché et tous les poissons furent tués. I1 existe de nombreux parallèles entre les aventures du petit poisson et celles des êtres humains qui perçoivent des éléments de réalités différentes mais qui découvrent que nul n'accorde foi à leurs paroles. Je promis à Janet que sa vie serait beaucoup plus intéressante une fois que toute cette agitation serait terminée que Maurice, comme moi, serions toujours présents, que nous ne pourrions jamais les oublier. Je lui demandai si elle me croyait. cc Ouais, répondit-elle. c Maintenant, ça devient rasoir. J'imaginais mal quelqu'un d'autre qualifiant ces événements d'ennuyeux mais je comprenais très bien ce qu'elle voulait dire. J'expliquai qui étaient les médiums . Des gens qui voyaient et sentaient certaines choses que les autres ne percevaient pas
1 Cette légende trouve ses origines dans le mythe de l' Egypte ancienne., Joan Grant la cite dans son ouvrage Winged Pharoah ainsi que l'auteur et médium brésilien Francisco Candido Xavier dans Lipertacao.
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et lui dis qu'elle appartenait sans doute à cette catégorie privilégiée.c Mais, > dis-je, < si tu peux attirer toutes ces ordures, en le voulant vraiment, tu peux aussi attirer quelque chose de mieux. Le fait est que tout ce qui arrive actuellement a un rapport quelconque avec toi. Et Rose, s'indigna Janet. << Oui. Mais je pense que c'est surtout toi. Disons vous deux. Je ne le fais pas exprès, dit Janet. << Je le sais bien. Sinon je ne serais pas là, non ? K Janet , dit sa mère, c tu dois abandonner l'idée que les gens pensent que tu le fais exprès. Ils ne 1e pensent pas. < Voyons, dis-je, tu dois bien admettre que parfoisles apparences jouent contre toi. Certaines personnes t'ont vue sauter sur ton lit et pendue aux rideaux. Selon toi, qu'en déduisent-elles logiquement ? Ouais, d'accord. Mais je ne peux pas parler avec une telle voix, répliquat-elle. << Encore faudrait-il que tu puisses le prouver, > lui rappelai-je. c Ça fait partie du jeu. Ils s'amusent à nous confondre. Ils n'ont pas donné leur vrais noms, n'est-ce pas ? > interrogea Mme Harper. < Il est probable qu'ils ne les connaissent même pas, répondis-je. (Une fois, la Voix avait réellement dit JE NE SAIS PAS QUI JE SUIS, et ensuite < JE NE SAIS PAS CE QUE JE DIS ). << Certaines personnes sont si ignorantes que lorsqu'elles meurent leur esprit les porte comme dans un rêve, continuai-je. Elles ne savent plus qui elles sont. Elles ne peuvent qu'errer bêtement mais elles n'y parviennent que si elles trouvent une source d'énergie. c Ouais. Comme nous ! dit Rose. << En fait, vous êtes les plus près du cimetière, dis-je. Je voulais convaincre les Harper que leurs troubles étaient d'origine accidentelle plutôt que dus à une hypothétique faute de leur part. En d'autres termes, dit Mme Harper pensive, cette famille les attire en tant que source d'énergie ?
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cc Ouais, et tu sais pourquoi ? parce qu'il y a beaucoup d'enfants, dit Janet. L'idée que tout ceci était accidentel parut rassurer Mme Harper. Je ne voyais aucune raison de suggérer que Janet était possédée par des démons. Elle était à l'âge où ces choses arrivent et elle en sortirait comme Matthew en était sorti. Puis, Janet changea une fois de plus de sujet de conversation. cc D'après vous, la fin du monde est pour quand ? me demanda-t-elle. cc Ne te fais pas de souci pour ça. Je pense que ce sera dans quarante billions d'années, quand le soleil s'éteindra.
cc Si je meurs, dit Janet, cc je crois que j'aimerais bien qu'on me cloue sur la croix. Je me demandai ce que nos amis psychologues auraient vu dans cette remarque que. Je songeai à nouveau à l'antinomie entre l'intérêt manifeste de Janet pour la religion et la franche hostilité de la Voix à cet égard. La première réaction de Janet lors de la venue de Matthew avait été : cc Zut, il ressemble à Dieu ! n A cette époque, avec ses longs cheveux et sa barbe, Matthew paraissait être la copie conforme du portrait traditionnel de Jésus-Christ. Une fois, quand je lui demandai quelle était la matière qu'elle préférait à l'école, elle répondit cc E.R. ce qui, je l'appris plus tard, signifiait cc Etude des Religions . De plus, les religieuses catholiques romaines qui s'étaient occupées d'elle en novembre pendant que Mme Harper se reposait, lui avaient fait une très bonne impression. Alors, comment devions-nous interpréter les remarques étranges de la Voix à ce propos ? - par exemple,cette réponse qu'Il fit à Grosse à propos des soixante-huit chiens qui étaient supposés l'accompagner. " POUR ME PROTEGER DES PRIERES, " fut la raison invoquée. Ceci se passait au début de nos échanges avec la Voix, et plus tard, il faisait souvent montre du plus grand mépris à l'égard des gens qui constamment cc le mitraillaient avec leurs satanées prières. cc Bon , dis-je après notre longue conversation au sujet des petits poissons
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et de la vie après la mort, durant laquelle la Voix avait observé un silence total, < voyons si nous allons avoir une bonne nuit de sommeil, pour changer. > Lorsque je quittai la pièce, il y eut les quelques ronchonnements familiers que j'ignorai. Je descendis dans le living faire quelques prières à ma façon. J'avais apporté un livre contenant un chapitre sur < Poliergeists, Hauntings and Possessions 1 , dans lequel le chanoine J.D. Pearce-Higgins avait inclus une séquence de prières qu'il recommandait pour calmer les poltergeists. Je lus à voix haute, la porte close de sorte qu'on ne pouvait pas m'entendre à l'étage, terminant par cette prière : O, toi esprit troublé, qui lors de l'abandon de ton être de chair choisit de demeurer attaché à la terre et de hanter ce lieu, poursuis ton chemin dans la joie car les prières de celui qui croit t'accompagneront et tu connaîtras le repos éternel et tu découvriras le lieu juste où siège le Trône de la Grâce.... Ceci fait, et tout étant parfaitement calme à l'étage ,je m'installai pour relire l'admirable et sensible essai du chanoine. Tout ce qu'il disait était basé sur sa vaste expérience personnelle et à la lumière des récents événements intervenus dans la maison où je me trouvais ces écrits prenaient leur sens profond. Il connaissait parfaitement le sujet ; il n'avait pas seulement reçu une formation classique à Cambridge mais il avait également occupé un poste important à la Souihwark Cathedral de plus, il avait été un membre actif de la SPR qui, en son temps, avait fait du bon travail, en collaboration avec les médiums, sur des cas de maisons hantées et de poltergeists. Il faisait une distinction très nette entre les cas dans lesquels les esprits de défunts paraissaient être impliqués et ceux dans lesquels ils ne l'étaient pas. I1 insistait pour que tous les cas soient passés au peigne fin pour séparer les éléments psychiques authentiques de ceux à caractères psychotiques.
l. ,Lije, Death and Psychicat Resaarch, I.ondres, Ridcr et Co, 1973.
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A propos de l'exorcisme, sa position était très tranchée ; selon lui, et d'après son expérience, le clergé avait fait plus de tort que de bien ; il se montrait très violent à l'égard des méthodes crues des prétendus exorcismes de démons encore en usage dans certaines églises. > J'avais raison de croire que je savais de quoi il parlait puisqu'après avoir échoué dans mes efforts pour trouver un médium Spirite capable de résoudre le cas que j'ai mentionné au chapitre IV, ou même préparé à essayer, j'avais adressé la fillette impliquée au chanoine Pearce Higgings, pour une seule séance avec lui (à laquelle je n'assistai pas). Après cette entrevue, la fillette ne connut plus aucun des troubles si sévères qui l'avaient tourmentée pendant trois mois, au grand étonnement du psychiatre de l'hôpital local.J'allai remercier le chanoine d'avoir réussi là où la psychiatrie et le Spiritisme avaient échoué ; à cette occasion, j'eus avec lui une conversation qui me mit la joie au coeur à propos de l'univers Spirite au Brésil, d'où je venais tout juste de rentrer. Bien, il me semble que nous parlons le même langage, me dit-il, et je me demandai pourquoi il subsistait un fossé entre l'Eglise Anglicane et le mouvement Spirite fondé par Allan Kardec. Lequel, soit dit en passant, est toujours florissant au Brésil. Dans quatre-vingt-dix pour cent des cas de poltergeists, me dit-il, les manifestations sont totalement inoffensives. Personne n'est blessé. Ce qui me paraît bien plus important à ce propos est la peur qui envenime la situation. Dans l'immense majorité des cas, vous avez tout simplement face à vous un être humain en détresse. > Je lui demandai pourquoi cette idée n'était généralement pas acceptée, sachant très bien que son point de vue était assez éloigné de celui adopté par l'église à laquelle il appartenait. Fort bien répondit-il si vous acceptez ceci, vous avalez la théorie Spirite dans son entier et vous la cautionnez en admettant que nous survivons à la mort physique en tant qu'individus. De nos jours, il y a quelque chose qui cloche dans le Christianisme - la personnalité l'effraie.
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Le clergé subit un tel lavage de cerveau et une telle influence au séminaire ! A titre d'exemple de < dépersonnalisation , il cita le langage que le clergé est supposé
utiliser quand il s'adresse aux esprits tourmentés. << Pour qu'un démon comprenne ce qu'on lui raconte au cours d'un exorcisme, il devrait être docteur en théologie, se lamenta-t-il. Je conseille donc qu'on s'adresse à eux dans un anglais courant. Je me demandais si le cas de Enfield était un authentique exemple de possession ? Comment pouvais-je en être sûr ? Et si nous étions vraiment en contact avec un esprit de l'au-delà, qui était-il sur la terre ? Dans ces moments de doute, je préférais toujours me rappeler ce que nous savions de notre cas plutôt que ce que nous en ignorions. Avec le temps, les mystères s'élucident parfois d'eux-mêmes
Je n'étais certain que d'une chose : depuis près de quatre mois, la famille Harper avait supporté une série d'expériences totalement inexplicables au stade actuel des connaissances scientifiques. Des choses incroyables étaient arrivées ; Maurice Grosse et moi savions qu'elles appartenaient à la réalité, puisque nous les avions vues se produire sous nos yeux. Mais qu'est-ce que tout cela signifiait ? Il est regrettable que si peu de personnes se soient attachées à découvrir une solution pour cette affaire ; par contre, il est heureux que Grosse s'y soit intéressé avec un tel enthousiasme et qu'il ait surmonté tous les obstacles. S'il ne l'avait pas fait, je n'ose imaginer dans quel état seraient les Harper à l'heure actuelle. En revanche il ne fait aucun doute que si nous avions découvert une nouvelle espèce de cafards en soulevant les lattes du plancher, le monde scientifique aurait déroulé son tapis rouge jusqu'à notre porte pour nous remettre des chèques substantiels destinés à couvrir nos frais de recherches .Mais quand nous acquîmes la certitude de l'existence d'un autre monde, inaccessible aux cinq sens connus, qu'arriva-t-il ?
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A quelques exceptions près, les gens rirent ou tournèrent les talons. Je reposai mon livre et bâillai. Il était minuit passé et soudain, je réalisai qu'il n'y avait pas eu le moindre bruit à l'étage, depuis au moins une demi-heure. Selon les critères en vigueur à Enfield, c'était de très bon augure. Cela avait-il quelque rapport avec les prières que j'avais lues ? Ou n'est-ce rien de plus qu'une nouvelle coïncidence ?
Je déballai mes sandwichs, débouchai une bouteille de bière et m'absorbai dans la lecture du Dayly Mirror des Harper, me demandant pourguoi au 18 siècle, mes compatriotes ne s'intéressaient qu'aux salaires, aux grèves, au football et au sexe.
Puis, je me brossai les dents et montai au premier à pas de loup pour observer un moment une famille comme les autres dormant profondément dans une charmante maison de banlieue. Enfin, j'allai dans la chambre de derrière pour profiter à mon tour d'une nuit de sommeil des plus calmes.
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14 - UN TRISTE NOUVEL AN
L'année semblait vouloir se terminer dans un calme relatif, mais il en alla tout autrement quand vint la veille du Nouvel An. Voici comment Mme Harper me décrivit
cette soirée, le lendemain : < Nous étions ici, les enfants dansaient et s'amusaient
entre eux, mais je n'arrivais pas à me sentir bien. J'étais très fatiguée et très tendue. Tout sembla calme jusqu'à 23 h 20. Je dis à Rose que je me sentais nerveuse et queje pensais que nous allions avoir un peu d'agitation. Puis, nous entendîmes quelques coups violents qui paraissaient venir du mur de la pièce de devant. Après un silenced'environ dix minutes, cela recommença... Ce placard dans le coin commença à sauter d'avant en arrière, comme si quelqu'un le secouait en le cognant contre le mur. Cela se poursuivit pendant une bonne dizaine de minutes. Puis, je dis à Rose " Va chez Peggy d'à côté et dis-lui de ne pas s'inquiéter. Ce n'est qu'un placard qui saute et nous ne parvenons pas à l'arrêter. " Les Nottingham fêtaient le Nouvel An gaiement en compagnie de quelques amis et parents. c Bon, poursuivit Mme Harper, quelques minutes plus tard, Vic vint jeter un coup d'oeil accompagné d'un autre homme. Pendant qu'il était en haut, son copain était resté dans le living ; la grande commode près du mur se renversa. Qui était dans la pièce ? demandai-je.
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cc Les enfants étaient à l'autre bout, et nous bavardions tous avec son copain. Je suis allée jusqu'à la commode et un des tableaux suspendus au mur tomba et me frappa à la tête. Puis, une coupe de fruits s'écrasa sur le plancher, je servis de cible à quelques oranges et quelques pommes mais je finis par quitter ce coin parce que ce maudit placard n'arrêtait pas de sauter. La commode dont elle parlait mesurait bien deux mètres de long. cc Cela ne lui suffisait pas, continua-t-elle. cc Le canapé et deux fauteuils furent renversés à leur tour. Puis il s'en prit aux rideaux tirant le cordon jusqu'à ce que, en fin de compte, ils se détachent à une extrémité. Il allait être minuit et Mme Harper persuada Vic de rejoindre ses amis chez lui pour fêter la nouvelle année avec eux. cc Puis, je demandai qui faisait ça. Quelque chose - une personne que nous appelons Fred - il dit que ce n'était pas lui. C'était Tommy. Tommy était supposé être un petit garçon de cinq ans. cc Je dis : voudriez-vous dire à Tommy d'arrêter ? > et il répondit cc J'essaierai mais je ne peux pas le maîtriser. cc Quelques minutes passèrent. Nous étions assis, attendant le prochain mouvement, alors l'arbre de Noël se souleva et traversa la pièce. > cc Vous l'avez vraiment vu faire ? demandai-je. cc Je l'ai vu, répondit Mme Harper. cc Il a sauté en bas de la table, puis traversé la moitié de la pièce. Il n'était toujours pas satisfait et entreprit de lancer les livres en toutes directions. Il fit tant et si bien qu'à la fin le living ressemblait à un champ de bataille. Cette cc représentation dura jusqu'à près d'une heure du matin. Les décorations de Noël furent également arrachées durant le raid du poltergeist pour célébrer l'année nouvelle. Mme Harper et les deux fillettes me dirent qu'elles avaient été frappées plusieurs fois et vraiment portées et lancées. Mme Harper me décrivit cela comme elle m'aurait décrit un pique-nique à la campagne. Je me demandai si quelque chose pourrait la surprendre un jour. Une fois dans la chambre, Mme Harper demanda à la Voix pour quelle raison Il (ou Ils) avait semé une telle panique cette nuit plus que toute autre.
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CE N'ETAIT PAS MOI. C'EST TOMMY QUI L'A FAIT, > grommela lentement la Voix venant en direction de Janet bien que, comme toujours, les lèvres de la petite fille ne bougeaient qu'à peine et qu'elle ne montra que peu d'intérêt pour ce que disait la Voix. IL N'AIME PAS LES ENGINS DANS LA CHAMBRE. Il s'agis sait de l'équipement vidéo que David Robertson avait installé dans l'espoir de filmer quelque action sur le vif. Janet avait déjà passé trois nuits avec la caméra Pye dans la chambre sans qu'il en résulte aucun problème et je me demandai pourquoi la Voix s'y opposait avec une telle détermination à présent. Je me demandai également pourquoi la Voix prétendait être deux personnes différentes ; de plus, je trouvai bizarre que depuis le début, nos supposées entités avaient toujours été des hommes, des garçons mais jamais des femmes. Comment cela pouvait-il s'intégrer dans le cadre de la théorie de la c personnalité secondaire, défendue par les psychologues ? De toute façon, il était clair que la Voix - qui qu'elle fut ou quoi qu'elle fut - n'aimait pas le matériel vidéo. FOUTEZ-MOI CE BORDEL EN L'AIR rugit-Il en colère. II était curieux qu'il n'ait jamais fait allusion à nos magnétophones. Peut-être, pensai-je, les poltergeists ne sont-ils pas autorisés à fournir des preuves convaincantes. Une cassette vidéo aurait eu la force d'une évidence ils préféraient entretenir le doute et la controverse parmi les chercheurs à propos de leur existence et de leur conduite.
Quand la Voix prétendait être Fred, Il semblait désireux d'essayer d'aider Mme Harper. Juste avant qu'elle ne trouve le sommeil aux premières heures du Jour de l'An c< Fred >> lui dit soudain, sans raison apparente, de sortir le sac de plastique contenant les couteaux qu'elle n'utilisait qu'aux grandes occasions et que, juste avant Noël elle avait rangé dans le tiroir de la cuisine. Les couteaux comme les meubles dont elle s'était dessaisie en septembre l977 provenaient de la maison où la petite fille avait été étranglée.
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FAITES-LES DISPARAITRE AVANT QUE TOMMY NE S'EN EMPARE. IL PEUT ETRE DANGEREUX AVEC UN COUTEAU , dit Fred. Mais sur le moment, Mme Harper négligea cet avertissement. Les événements de la journée lui avaient suffi. Le lendemain, comme on pouvait s'y attendre, les enfants dormirent tard. Mais leur mère, comme d'habitude, se leva tôt. Elle repassait dans la cuisine, quand vers 8 h 30 mm, elle entendit du bruit en haut. Elle pensa que les enfants devaient encore être endormis puisqu'ils avaient été tenus éveillés jusqu'à près de trois heures du matin. On aurait dit que quelque chose de métallique avait été lancé à travers la chambre. Puis, elle entendit des pas et un son familier. Pourtant personne ne bougea avant dix heures, heure à laquelle Janet descendit l'air très effrayé.
Il y a un couteau qui me suis annonça-t-elle
. Mme Harper ne fit ni une ni deux et monta rapidement à l'étage pour chercher le fameux couteau. Elle ne pensaitpas que Janet se payait sa tête : celle-ci avait l'air réellement paniqué. Elle alla dans toutes les chambres mais ne trouva rien. Puis, alors qu'elle redescendait bredouille, son regard se porta sur un couteau au pied de l'escalier. Le manche était en bois et la lame dentelée, il faisait partie de ceux qu'elle avait rangés dans le tiroir de la cuisine. L'histoire du couteau n'était pas une farce , me dit Mme Harper. < Parce que quand Janet est descendue l'expression d'horreur qu'elle avait sur le visage n'était pas feinte. Voici la version des faits que Janet donna : Je me suis réveillée vers 9 h 45 et j'ai attendu jusqu'à 10 heures, alors je suis descendue à pas de loup. Tout à coup, j'étais à la moitié de l'escalier, un couteau se dressa devant moi. C'était comme s'il dansait tout seul. J'ai aussitôt fait demi-tour et il m'a suivi. C'est-à-dire qu'il m'a suivie pendant que je remontais. Puis, je me suis précipitée en bas pour tout raconter à Mam. Janet n'avait pas l'habitude de monter en épingle ce qu'elle avait vécu ; je ne voyais pas pourquoi elle aurait menti.
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Mon attitude fut confortée quand j'entendis la suite de cet épisode, qui intervint au cours du dîner,le soir même : < Je pensais , dit Rose, qu'il était ridicule de dire qu'on avait vu un couteau flotter dans les airs, commeça . Puis, elle avait sursauté. << Qu'est-ce qui t'arrive ? > lui demanda sa mère. Mon couteau est parti ! s'exclama-t-elle. Elle était là, tenant une fourchette dans une main et rien dans l'autre. Son couteau s'était volatilisé dès qu'elle avait commencé à parler de l'incident précédent. Un moment avant, il était dans sa main droite et à présent, il n'y était plus. Ils cherchèrent dans toute la cuisine, en vain ; Rose dut prendre un autre couteau dans Ie tiroir pour terminer son repas. (Précisons que le couteau ne fut jamais retrouvé.) La valse des couteaux, tout comme les draps et les rideaux s'enroulant autour du cou de Janet, me paraissaient être des incidents plus pernicieux que menaçants. Une fois encore, j'assurai Mme Harper que si la Chose avait voulu tuer quelqu'un, elle l'aurait fait depuis longtemps. J'essayai de paraître convaincu mais je n'étais pas tellement sûr d'avoir raison. Puis, une nouvelle complication se manifesta : la Voix commença à s'exprimer tant par l'intermédiaire de Rose que de Janet, produisant un son identique bien que la Voix de Rose soit plus compréhensible et plus communicative. Grosse lui demanda ce qu'elle ressentait quand Il allait parler. Juste des vibrations dans la nuque, comme s'Il était juste derrière moi , dit-elle. Ça peut paraître idiot mais c'est l'impression que j'ai. La Voix de Rose prétendait également être à la fois Fred et Tommy. Les choses étaient des plus confuses. Je demandai aux fillettes d'essayer de résister à la Voix et de l'arrêter, refusant de lùi parler moi-même et dissuadant les enfants de le faire. Ceci ne fit pas la moindre différence.
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On n'enregistra pas non plus une réduction de l'activité physique. En fait, elle augmentait tant en intensité qu'en fréquence. Un jour, il n'y eut pas moins de dix ampoules électriques qui s'éteignirent, la plupart d'entre elles étaient neuves et les filaments intacts. Un grand morceau du papier peint fut arraché du mur. Janet se plaignit que le crochet qu'elle tenait en main ne cessait de se tordre et qu'elle ne parvenait pas à travailler. Et tout le rituel habituel se poursuivait nuit après nuit. Les couvertures étaient arrachées, les fillettes étaient flanquées hors de leur lit encore et toujours (sans jamais être blessées), les coups et les bruits devenaient si courants qu'ils passaient presqu' inaperçus. Tout ceci se déroulait sur un fond sonore de borborytgmes à deux Voix. Habituellement, la plupart de cette activité se manifestait dès que Grosse ou moi quittions la chambre ou la maison, mais de temps à autres, nous nous arrangions pour assister à quelque activité. Une fois, Grosse observa, fasciné, l'oreiller de Janet qui commençait à se déplacer latéralement sur le matelas, alors que les mains de l'enfant étaient sous les draps. L'oreiller était raide comme si une main invisible le tirait.Puis, le 15 janvier 1978 (le jour de l'anniversaire de Mme Harper) les événements prirent une tournure des plus désagréables. A 18 h 30, Rose se rendit aux toilettes puis en sortit en hurlant, sans même avoir pris le temps de se rhabiller. < Bon sang que se passe-t-il encore ? demanda Mme Harper. Sur le mur des toilettes, quelqu'un ou quelque chose
avait tracé les lettres M.E.R.D.E. Et, sans conteste, le mot avait été écrit avec la matière qu'il désignait. On m'a tapé sur l'épaule , dit Rose, et quand je
me suis retournée, j'ai vu ça, sur le mur. Ça m'a foutu la trouille ! Aucun d'entre nous ne pouvait imaginer Rose commettant une telle action. C'était une fille propre et soigneuse. Le lendemain, Rose repassait la housse d'un coussin.
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Lorsqu'elle déposa le fer à repasser et s'éloigna de la planche, sa mère vit l'appareil s'envoler dans les airs puis s'écraser au sol, cassant sa poignée en plastique. cc I1 m'a échappé des mains bien des fois me dit- elle. cc Mais il n'a jamais fait ça. Il a dû être projeté avec une force terrible. v Ce même jour, alors que Grosse se trouvait dans la maison, Rose se rendit à la salle de bains et trouva sur la porte l'inscription cc JE SUIS FRED. Celle-ci avait été faite à l'aide du chatterton rouge de David Robertson. I1 avait sans doute fallu un certain temps pour réaliser cette cc prouesse > puisque le chatterton était résistant, trop pour être déchiré à la main, or près de vingt bandelettes avaient été utilisées.Le poltergeist, ou tout au moins l'un d'entre eux, semblait posséder le sens de l'humour. Un soir, les Harper observèrent fascinés, la représentation donnée par un chausson à la tête du lit de Janet ; il dansait, plié comme une marionnette à gaine. En une autre occasion, un poster était tombé au sol pour réapparaître à la tête du même lit. Un autre soir, j'étais assis par terre en train de manger un sandwich aussi calmement que possible, quand soudain, une des Voix annonça qu'elle voulait un biscuit. Mme Harper regarda Janet, qui était bien blottie sous les couvertures, et à son grand amusement, un biscuit venu de nulle part, se planta dans sa bouche. Un peu plus tôt dans la soirée, juste après que je sois arrivé, Rose était allée dans la cuisine me préparer une tasse de thé. c Ce n'est pas possible , s'écria-t-elle aussitôt, cc il y a du pain et du fromage sur le grill ! Derechef, venant de la direction de Janet, nous entendîmes : cc C'EST MOI QUI AI FAIT ÇA. cc Oui, alors pourquoi ne le mangez-vous pas ? > dis-je cc Vous n'avez pas faim ? > Quelqu'un avait étalé grossièrement du beurre et du fromage sur une tranche de pain et placé le tout sur le
grill, mais il faut préciser que ce dernier n'était pas allumé. Je le fis.
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cc LAISSEZ ÇA TRANQUILLE , rugit la Voix. Je m'exécutai néanmoins pour voir si le toast allait disparaître, mais il n'en fut rien. De tels incidents étaient très amusants mais on ne peut pas dire la même chose à propos de ce qui s'était passé juste avant mon arrivée. cc Rose était aux toilettes , me dit Mme Harper, <c j'étais debout mais je pris une chaise pour m'asseoir. La porte des toilettes était fermée et, tout à coup, quelque chose me frappa là >. Elle indiquait la chute des reins. cc Je le ramassai. C'était enroulé et enroulé dans du papier wc. Je pense qu'il est inutile de vous dire de quoi il s'agissait. > Mme Harper qui se trouvait dans la cuisine au moment où cela se produisit, regarda les mains de Rose quand elle sortit des toilettes et constata qu'elles étaient propres. cc Croyez-moi, je ne vois pas comment elle aurait pu faire ça sans se salir , me dit Mme Harper, répétant que la porte des toilettes était fermée à ce moment. Mme Harper ne pouvait s'empêcher de ressentir la présence d'un être invisible dans la maison, cette impression se renforça.
Elle emmenait l'aspirateur à l'étage pour faire les chambres. c A la moitié de l'escalier je vis - une espèce d'apparition de la partie inférieure d'un pantalon d'homme. Au moment où je levai les yeux, j'aperçus furtivement quelque chose qui s'évanouit aussitôt. Le pantalon étant du genre de ceux que portait mon père vers les
années l945, vous savez ces pantalons à revers. c De quelle couleur était-il ? demandai-je. cc Il était foncé, peut-être bleu marine. Je n'ai pas vu de chaussures. Puis elle ajouta : cc Est-il possible de voir des apparitions partielles ? > C'était une question intéressante. Mme Harper ignorait que de telles apparitions étaient, en fait, aussi courantes - si ce n'est plus - que les apparitions totales. Et elle avait la certitude d'en avoir vu une. Elle souffrait toujours de ses étranges et soudains maux de tête et elle avait remarqué qu'ils étaient de deux types. L'un était cc une pression frontale et habituellement signifiait que quelque chose allait arriver, et l'autre
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se manifestait quelquefois quand Rose et Janet étaient près d'elle. < C'est une sensation lancinante , me dit-elle, qui n'a rien à voir avec les maux de tête habituels et qui arrive brutalement comme une rage de dents . Elle sentait également toujours de fréquents courants d'air froids dans la maison. Les enfants aussi en avaient spontanément parlé. Cela n'a rien de surprenant, c'est le phénomène qu'on rencontre le plus couramment dans les cas de poltergeists ou de revenants. Lors d'une de ses visites dominicales, Pete nous raconta que quelque chose l'avait frappé dans le bas du dos alors qu'il occupait la salle de bains. Puis, il avait ajouté de lui-même : "C'était comme une brusque rafale de vent froid. Quelque chose qui tourbillonne autour de vous" . Deux témoins extérieurs rapportèrent des expériences semblables. Un agent de la compagnie d'assurances avait ressenti la même chose à la porte d'entrée et en avait été perturbé. D'autre part une amie des Burcombe avait, quant à elle, ressenti un courant d'air glacial la frôler pendant qu'elle était avec les Harper. Au début du cas, Maurice Grosse avait éprouvé, lui aussi, cette sensation. Quant à moi, je n'ai jamais rien ressenti de tel. Nous disposions à présent d'une telle somme de preuves indiquant qu'il s'agissait bien d'un phénomène authentique --- y compris
les témoignages de personnes étrangères à l'affaire - que nous ne fûmes pas trop inquiets lorsque nous surprîmes Janet nous montant un bateau. Un matin de janvier 1978, j'avais laissé mon enregistreur à l'étage pendant que nous étions assis dans la cuisine. Janet et Jimmy montèrent pour une raison ou pour une autre, et redescendirent aussitôt. Quand je montai chercher mon enregistreur je ne le trouvai pas là où je l'avais laissé. Trente secondes plus tard, je le découvris dans le placard le plus proche. J'écoutai la bande et remarquai des bruits indiquant clairement que Janet avait pris l'enregistreur et l'avait caché. Puis, je redescendis avec mon enregisteur sous le bras. L'expression de la fillette la trahit aussitôt bien que je n'avais encore rien dit de l'incident.219
Plus tard, le même jour, Grosse la sermonna ; après quoi, elle s'enferma plus d'une heure dans la salle de bain pour bouder. Nous n'en avons jamais plus reparlé et je ne pense pas qu'elle nous ait joué d'autres tours. Le fait que j'avais découvert le pot aux roses rapidement m'encourageait même à penser que s'il y avait eu d'autres supercheries auparavant, nous les aurions déjouées tout aussi facilement. De plus, le fait que Janet ait avoué sans trop se faire prier nous permettait de supposer qu'il n'était pas dans ses habitudes de mentir. Quelques jours plus tard, je surpris Rose se comportant de façon quelque peu suspecte. Je me tenais dans l'encadrement de la porte de la grande chambre, lorsque je vis sa main passer près de la tête de lit, saisir la porte et la pousser violemment. Immédiatement, j'interposai mon pied pour empêcher la porte de se fermer. Puis, je la repoussai. Aha, pen-
sai-je, tel est pris qui croyait prendre ! Rose n'eut pas la moindre réaction. Elle paraissait endormie. Si elle avait agi à dessein, il me semblait qu'elle aurait eu une réaction de surprise en constatant que la porte s'ouvrait au lieu de se fermer. Quand je lui demandai plus tard pourquoi elle avait voulu claquer la porte, elle nia l'avoir fait.
C'était un peu difficile à avaler sur le moment, mais quelques jours après, elle fit quelque chose d'encore plus étrange. Nous étions tous deux debout dans le living, quand soudain Rose me jeta un coussin à la tête. Lorsque je lui demandai ce qu'elle pensait de ce qu'elle venait de faire, elle me regarda pétrifiée et secoua la tête éperdue. Grosse et moi avions souvent discuté des motivations paranormales par lesquelles, pensions-nous, les fillettes pouvaient être amenées à commettre des actes qu'en temps normal elles n'auraient jamais faits. Je venais d'en avoir une bonne illustration.
En dépit de tels incidents, nous nous arrangeâmes pour essayer d'éclaircir la confusion plutôt que de continuer à en rajouter. A la fin de janvier 1978, après bien des difficultés, John Burcombe réussit à convaincre une phoniatre
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de venir à la maison écouter les Voix. Ce fut une de nos meilleures nuits de recherches. Les Voix n'élevèrent aucune objection à se manifester en présence d'une professionnelle et la phoniatre, une charmante jeune femme fut visiblement impressionnée par ce qu'elle entendit. David Robertson installa son équipement vidéo et nous laissâmes les fillettes dans la chambre de derrière, bavarder avec la thérapeute. Rosalind Morris était également présente. Pendant une demi-heure, nous eûmes les deux Voix, parlant très fort, enregistrées sur cassette vidéo, pendant
qu'elles étaient étudiées par une professionnelle des troubles du langage. Quand la séance fut terminée, nous lui demandâmes tout de suite ses impressions. Fondamentalement , dit-elle, je puis seulement dire que je ne sais pas d'où vient le son ni comment il est produit >. Elle souligna que les voix habituelles de Janet et de Rose correspondaient à leurs âges, qu'elles ne présentaient pas de signe de dégradations, comme on aurait pu s'y attendre, si elles avaient été les auteurs des sons gutturaux. Elle demanda à chacune des filles de tousser, ce qu'elles firent. c Lorsque vous toussez , expliqua-t-elle, vous frappez vos cordes vocales toutes à la fois ; ceci renseigne sur ce qu'est la tonalité de la voix d'un individu. Ce
n'était pas un son rauque, c'était un timbre tout à fait normal pour des fillettes de cet âge . c Donc, pour vous, cette voix demeure un mystère ? interrogea Grosse. < Oui, absolument , répondit la jeune femme forte de six années d'expérience. Pour moi, c'est un son. Je n'appellerai même pas ça une voix parce que pour qu'il y ait voix, il faut qu'il y ait phonation, créée par les cordes vocales ; or, ce n'est pas le cas. Toutefois, elle précisa que ledit son présentait une certaine ressemblance avec ce qu'elle appelait le son discordant d'une fausse corde vocale >. Sur le moment nous oubliâmes de lui demander ce qu'elle entendait par Ià,
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bien qu'à la lumière de nos découvertes ultérieures, il sembla qu'elle eût eu raison.
Les impressions du phoniatre, recueillies immédiatement après qu'elle eut écouté les Voix pendant une demi-heure, étaient intéressantes comparées à celles de nos amis psychologues qui avaient décidé que les gamines se jouaient de nous. Il est heureux que nous ayons enregistré ses impressions sur le vif, car le lendemain, cette jeune femme me téléphona pour me dire qu'elle était désolée mais qu'elle ne pouvait rien faire de plus pour nous. Elle ajouta que cela risquerait de compromettre sa carrière et me supplia de ne pas révéler son identité.
f N'est-ce pas merveilleux ? > dis-je à Maurice Grosse.<c De nos jours, vous pouvez vous endormir sur votre lieu de travail ou même jeter une brique à la tête de
votre patron. Vous recevrez votre préavis mais on vous réintégrera très vite dans vos fonctions pour " renvoi injustifié " en vous octroyant de plus, une confortable indemnité. Mais, si vous êtes un scientifique et que vous découvrez quelque chose de nouveau et d'intéressant, vous perdrez votre boulot en passant pour un dingue. a Peu importe >, répondit-il, qu'elle le veuille ou non,elle nous a dit ce que nous voulions savoir . Il m'annonça également que David Robertson s'était débrouillé pour obtenir un instrument appelé laryngoscope avec lequel il devrait être possible de découvrir exactement comment la Voix, objet de controverse, était produite. Peu après le départ du phoniatre, on frappa à la porte d'entrée. Janet regarda à travers les rideaux et laissa échapper un petit cri de joie ; c'était son flirt préféré , Graham Morris du Daily Mirror. Je me suis dit que j'allais faire un saut jusqu'ici , annonça Graham. Je quitte à l'instant un autre poltergeist, à deux pas d'ici. Un autre ! > dis-je. C'est exactement ce qu'il nous faut. Comment était-ce ? K Un peu comme ici, seulement en plus calme >, répliqua-t-il. C'est un couple d'une trentaine d'années habitant un appartement H.L.M. à Holloway
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Il n'y a pas d'enf ant. Pas d'enfant ? Et que se passe-t-il chez eux ? Oh des coups, des meubles qui bougent et une chose que vous n'avez pas eue ici, des débuts d'incendie. Je maudis Graham pour avoir dit cela. Il ne pouvait savoir que j'évitais soigneusement toute allusion à ce qui pourrait se passer dans un cas typique de poltergeist, afin de ne pas fournir à Mme Harper de plus amples raisons de s'inquiéter. Mais, je savais pertinemment que les débuts d'incendie étaient courants. Au Brésil, j'avais moi-même enquêté sur les deux cas dans lesquels vêtements et literie s'étaient enflammés sans raison apparente, et ce, en présence du chef de la police locale. (Dans un autre cas, le sac d'une de mes collègues avait pris feu de l'intérieur alors qu'elle rentrait chez elle, loin du lieu de l'activité.) J'espérai que le poltergeist n'était pas à l'écoute car Gosse et moi avions déjà remarqué qu'il suffisait de parler de quelque chose dans cette maison pour que cela se produise immanquablement. Grosse demanda à Graham l'adresse de ce nouveau cas et fut surpris d'apprendre que ce n'était qu'à quelques minutes de marche de son bureau. Il prit ses dispositions pour s'y rendre dès le lendemain. c C'est chouette d'avoir un cas à deux pas de chez soi , ironisai-je. Et ainsi au beau milieu du cas de Enfield, Grosse décida d'en prendre en charge un nouveau. Je me chargeai de Enfield, lui d'Holloway. II s'avéra très vite que les deux cas présentaient plus de points communs que nous ne l'avions imaginé.
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15 - UN BROUILLARD A COUPER AU COUTEAU
Robert et Marilyn Winter * vivaient dans un appartement H.L.M., construit en 1974 à Holloway, au nord de Londres. Robert était boulanger, spécialisé dans la confection des gâteaux et des pâtisseries ; Marilyn s'occupait de son intérieur durant la journée avec pour toute compagnie un chien et un chat puisque le couple, à l'inverse de la plupart des victimes de poltergeists, n'avait pas d'enfant. Durant les trois derniers mois de 1977, un certain nombre de choses bizarres étaient arrivées chez eux. Des lampes s'allumaient et s'éteignaient, des coussins et des oreillers c naviguaient dans la chambre, des fruits sautaient hors de leur coupe, le robinet de la baignoire coulait tout seul, la porte du réfrigérateur s'ouvrait et se fermait de son propre chef, une flaque d'eau était apparue sur le sol des toilettes. Plusieurs de ces incidents étaient la copie conforme de ceux d'Enfield. Le plus inhabituel d'entre eux était arrivé plusieurs fois. Un livre - Modern Cake Decorating d'Audrey Ellis - s'envolait de l'étagère pour atterrir sur le sol, toujours ouvert à la même page. Maurice Grosse examina le livre. Il remarqua qu'il n'avait pas tendance à s'ouvrir à une page particulière quand on le prenait comme le font certains ouvrages. Vous souvenez-vous du numéro de la page ? demanda-t-il.
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c Oui H, dit Robert. i Page 1'77, â chaque fois. ss Grosse ouvrit le livre à la page 177, une des dernières pages du bouquin. Sur cette page et celle qui lui faisait
face, il y avait quelques recettes de pâtisseries fort appétissantes. L'une d'entre elles s'intitulait : c Le Gâteau Ainéricain du Diablè. > Robert précisa qu'il n'avait jamais
réalisé cette recette particulière. Une fois, pas moins de seize livres furent retrouvés au sol, visiblement ordonnés autour du pouf alors que les Winter étaient sortis ensemble de l'appartement. Mme Winter, comme Mme Harper, avait également vu quelque chose. Dans son cas, c'était l'apparition très nette d un jeune homme en uniforme. Son père qu'elle n avait jamais connu, avait été tué pendant Ia Seconde
Guerre Mondiale, et l'apparition lui fit songer à lui. Mais le pire, c'étaient les débuts d'incendies. , La brigade des sapeurs pompiers avait déjà été appelée plusieurs fois et l'officier responsable de la prévention avait manifesté un intérêt particulier pour le cas lequel, il l'avait déjà admis quand Grosse l'avait questionné, le faisait sécher. Des choses brûlaient, y compris un des chandails de Robert, un torchon, quelques papiers dans une boîte, et le couvre-lit lequel avait été méchamment roussi sans que les draps et les couvertures n'en souffrent. Grosse examina aussi une grande marque brune sur le mur de la salle de bains où la chaleur avait dû être intense puisque un gobelet en plastique sur une étagère voisine était à moitié fondu. Il n'y a aucune explication affirma l'officier responsable de la prévention. << On ignore comment ils se déclarent. > Le verdict officiel qu'il rendit après sept visites fut Pas de cause apparente. Ce qui stupéfiait les pompiers n'était pas que les incendies se déclaraient sans raison apparente mais bien plus, qu'ils s'éteignaient d'eux-mêmes après n'avoir fait que peu de dégâts. En six années d'expérience, je n'ai jamais rien vu de tel ,dit Tony Baker, un pompier local, à Grosse. Maurice prit un certain nombre de photographies en couleurs des objets brûlés dans l'appartement des Winter. Dès qu'il me les montra, je me rappelai avoir déjà vu la même chose, au moins une fois.
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Un couvre-lit avait brûlé dans un des cas sur lesquels j'avais aidé à enquêter au Brésil. Celui-là aussi avait brûlé sans endommager la literie au-dessous. Je me souviens aussi qu'une de mes petites amies avait fait tomber une cigarette sur mon
lit durant une << party >> du temps où j'étais à l'université le feu prit et détruisit tout avant que nous ne puissions l'éteindre. Ça ressemble plus à des radiations , commenta Grosse. C'est comme si une source de chaleur puissante était passée tout près puis s'en était allée. Bien , dis-je, au moins, c'est un phénomène que personne ne pourra nier. Pas plus que les experts l'expliquer. C'est bien mieux qu'un rapport anecdotique sur quelque chose que vous n'avez pas vu . Nous ne dîmes rien aux Harper à propos du cas des Winter, bien qu'ils aient déjà entendu Graham Morris dire qu'il y avait des débuts d'incendie là-bas. Mais, il
n'avait rien dit quant à leur nature. Une semaine plus tard, le feu se déclara à Enfield. Non seulement ça, mais les Harper avaient aussi eu, à peu de chose près, la réplique exacte de l'incident d'Holloway, au cours duquel les livres avaient été ordonnés autour du pouf. Nous n'avions certainement pas mentionné ceci devant eux. Grosse était dans la maison au moment précis où cela arriva : < je sentais quelque chose brûler depuis environ dix minutes , me dit-il, mais je pensais que ce devait être à l'extérieur, sans doute un des voisins qui avait allumé un feu de joie. Puis, Rose alla dans la cuisine mettre la bouilloire à chauffer et hurla, aussitôt, qu'il y avait le feu. John Burcombe et moi nous précipitâmes dans la cuisine pour voir qu'une épaisse fumée s'échappait d'un des meubles. Nous découvrîmes le foyer, c'était à l'intérieur d'un des tiroirs fermés. Il y avait une grosse boîte d'allumettes dans ce tiroir qui ne s'étaient pas enflammées. Pourtant, l'extérieur de la boîte était carbonisé. Maintenant qu'en pensez-vous ? K On se croirait chez nos amis à Holloway ! dis-je.
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"Oh, j'allais oublier de vous dire. Les Winter ont eu exactement la même chose ; une boîte d'allumettes, dans un tiroir, roussit sans que les allumettes, elles-mêmes, ne prennent feu. " c Les deux cas ont quelque chose d'autre en comme, "remarquai-je. Ah oui ? H c Vous ! Grosse rit. Voulez-vous dire que les poltergeists sont contagieux, comme les maladies ? > < Ce n'est pas à exclure, non ? Cela paraissait possible. Les pompiers d'Holloway avaient totalement écarté la possibilité d'incendies criminels. K Votre pyromane, r dirent-ils s'en tire généralement bien. Dès qu'il allume ses feux, ils s'éteignent, et ce, en sept occasions différentes. > Les cas de Enfield et d'Holloway avaient encore un autre point commun ; tous deux avaient été portés à notre connaissance par le Daily Mirror, qui avait découvert le dernier dans un journal local. (Dont le photographe s'aperçut qu'aucune des photographies qu'il avait prises dans l'appartement ne parut). Est-ce que, par hasard, Graham Morris était le trait d'union ? Il était venu directement d'Holloway à Enfield. Les poltergeists étaient-ils contagieux, oui ou non ?
A la suite d'une série d'incidents qui se déroulèrent chez lui ou près de chez lui, Maurice Grosse commença à se poser des questions. D'abord, il y avait eu l'épisode
de l'emballement du moteur de sa voiture auquel la Voix avait fait référence spontanément. Un jour, il avait clairement entendu des pas à l'étage alors qu'il attendait que sa femme s'apprête pour sortir avec lui. Pourtant quand il lui dit de se dépêcher, elle apparut aussitôt au rez-de-chaussée, sur le seuil de la porte de la cuisine. Une autre fois, il avait entendu un <c bang alors qu'il se trouvait dans son jardin. Cela paraissait très proche et ressemblait étrangement au son qu'il avait entendu quelque temps auparavant dans la cuisine des Harper. Sur le moment, les pas et le < bang > ne l'avaient pas tellement inquiété alors qu'il avait été extrêmement préoccupé
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par le comportement de sa voiture. Mais comme pour les événements qui précédèrent et suivirent la mort de sa fille Janet, ceci paraissait être bien plus que de simples incidents. Puis, survint un quatrième épisode bien plus complexe,
qui le fit vraiment réfléchir.Un soir, il décida de recenser les bijoux de son épouse dans le but d'actualiser sa police d'assurances. II regarda les bijoux un à un et était sûr que toutes ses valeurs se trouvaient bien là où elles auraient dû être, dans le tiroir de la coiffeuse. I1 mentionna particulièrement le bijou qu'elle chérissait le plus, une bague enrichie de trois diamants. Ce n'était pas tant sa valeur intrinsèque qui importait mais le fait qu'elle avait été léguée à Betty par sa mère et aurait dû revenir à Janet. Le lendemain de ce recensement des bijoux de Betty, la bague sertie de diamants disparut. Betty Grosse était une femme de tête, ayant de nombreuses activités sociales, qui ne partageait pas l'intérêt de son mari pour les questions paranormales. De plus, c'était une femme d'ordre et en ce qui concerne ses bagues, elle en faisait grand cas. Lorsqu'elle rentrait, elle les enlevait toujours toutes et les déposait dans un cendrier. Elle ne les portait jamais quand elle cuisinait ou lavait et à l'heure du coucher, elle les montait pour les ranger systématiquement et au même endroit. La perte de cette bague fut un rude coup pour elle. Tous deux fouillèrent la maison de fond en comble, passant au peigne fin chaque centimètre carré de la chambre, plusieurs fois de suite. Betty vida même la poubelle, examinant son contenu détritus après détritus. Pas de bague. Elle avait disparu. Betty était formelle, elle l'avait rangée dans son tiroir et elle était tout aussi formelle en affirmant qu'à présent, elle ne s'y trouvait plus. Maurice me fit part de cet incident quelques jours plus tard ; à ce moment, il était convaincu que la bague s'était réellement volatilisée. Je le mis sur le grill pou un interrogatoire très intense, puisque cette pratique entrait dans nos habitudes à partir du moment où l'un seulement d'en tre
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nous avait été témoin de quelque chose mais tous mes efforts en tant qu'avocat du diable furent vains. La bague de Betty avait bel et bien disparu. Très exactement , six semaines plus tard, Grosse sur montant sa réticence, décida d'écrire à la compagnie d'assurances et de demander compensation pour- la perte du bijou ; celle-ci n'était assurée que pour le quart de sa valeur réelle. Il posta la lettre au dernier courrier, le vendredi soir. Le lendemain matin, alors que Maurice était à la salle de bains, Betty Grosse s'assit devant sa coiffeuse pour mettre ses boucles d'oreilles. Elle en saisit une qui lui échappa des mains et tomba dans un des tiroirs ouvert de quelques centimètres. Elle y plongea la main et en retira la boucle, ouvrant ainsi le tiroir un peu plus qu'il ne l'était. Puis, elle regarda dans le tiroir complètement
ébahie. La fameuse bague s'y trouvait. Virtuellement, on pouvait dire qu'elle était réapparue sous ses yeux. Elle n'était pas cachée par les écrins à bijoux mais placée à plat au fond du tiroir, loin de tout autre objet. Sur-le-champ, elle se précipita à la salle de bains pour le dire à Maurice, qui m'annonça la bonne nouvelle, le lendemain. J'essayai de trouver une explication normale. Ne pouvait-elle pas être dissimulée quelque part ? Guy, pour chercher cette bague, nous avons passé la maison au crible. Le tiroir est le premier endroit où nous avons regardé et nous l'avons fouillé plusieurs fois. Nous savions que la bague n'avait pas été perdue hors de la maison et nous savions qu'elle n'était pas dans la maison.
"Des voleurs... " Dans notre chambre, sans nous réveiller ? Sans rien prendre d'autre ? Croyez-moi, je vous en prie ! Maurice était profondément troublé par cet épisode. Il y avait trop de coïncidences. Betty avait perdu le bijou auquel elle tenait le plus et il était réapparu exactement là où il aurait normalement dû se trouver,
six semaines plus tard, au moment précis où la lettre de Maurice devait être arrivée sur le bureau de la compagnie d'assurances.-229
De plus, cette bague était associée à Janet Grosse. Un jour ou deux plus tard, nous revenions de Enfield, Grosse commença à parler de sa fille ; K ma Janet disait-il, pour éviter la confusion avec Janet Harper. < Pensez-vous qu'elle pourrait être mêlée à tout ça ? me demanda-t-il. Sur le moment, je pensai que la supposition de Maurice était un peu tirée par les cheveux et je me demandai si la tension des mois passés ne commençait pas à fausser son jugement. "Bien" commençai-je avec précaution, soucieux de ne pas heurter ses sentiments, < d'après ce que vous m'avez dit, votre Janet n'avait rien en commun avec Janet Harper hormis le prénom. Elle ne paraissait pas être, non plus, le genre de fille à se fourrer dans un tel guêpier. <c Je ne sais pas, répliqua Maurice. << Depuis le début du cas, il y a eu trop de coïncidences, et des coïncidences particulièrement significatives. Regardez, le cas de Enfield s'est présenté juste après que j'ai été pour la première fois à la SRP leur remettre mes notes sur la mort de Janet et toutes les choses bizarres qui l'avaient précédée ou suivie. Le Daily Mirror envoya George Fallows, sans doute le seul homme de Fleet Street susceptible de penser à appeler la SPR. Je me trouvais être le seul membre disponible qui vivait non loin de Enfield et j'avais justement demandé à Eleanor O'Keeffe de me confier un cas sur lequel enquêter. Et puis, cette bague - juste un peu trop. << Il y a toujours des coïncidences répondis-je mais nous sommes plus enclins à les remarquer ces temps-ci. Pourtant, je dois bien admettre que j'en ai remarqué moi-même. La première fois que j'entendis parler du cas c'était â cette conférence - sur les poltergeists - à laquelle j'étais assis à côté de vous alors que je ne vous connaissais
que de vue. La veille seulement, j'avais remis le manuscrit de mon livre. Si la conférence avait eu lieu un jour plus tôt, je n'y serais pas allé. Et une semaine plus tard j'aurais été en vacances. Puis, je vous ai entendu à la radio le dimanche par le plus grand des hasards.
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Vous ne le savez pas mais je n'écoute pas toujours ce programme. Nous traversions une des ces soudaines nappes de brouillard à couper au couteau qui, quelquefois, descendent sur le périphérique nord, réduisant la visibilité à zéro. Maurice ralentit et alluma les puissants phares antibrouillard de sa Jaguar. <c Je sais que ça paraît fou, dit-il, mais pensez-vous que ma Janet pourrait être celle qui attira notre attention sur Enfield ? Si elle utilisait le phénomène comme moyen de communication ? Après tout, nous n'avons aucune idée de la façon dont cela fonctionne et n'oubliez pas au'elle était journaliste et très consciencieuse de plus. Elle avait pas mal voyagé et couvert plusieurs reportages sur l'environnement, la pollution et la protection de l'enfance. Elle avait à coeur d'aller au fond des choses. Le brouillard nous enveloppait. C'était comme si nous roulions dans une autre dimension. "Quelle meilleure façon, " poursuivit Maurice de me prouver l'existence de tous ces phénomènes à propos desquels j'avais tant lu que de me persuader d'aller voir un cas fantastique comme celui-là ? Le brouillard semblait symboliser notre soudain plongeon dans le monde étrange du cas de Enfield. Je restai pensif et silencieux quelques instants. Se pourrait-il que Maurice ait raison ? A présent, je le connaissais assez pour savoir qu'il n'avait pas l'habitude de fantasmer en dépit de son esprit très ouvert d'inventeur. Ainsi qu'il me l'avait souvent dit, il avait dû faire des choses plus compliquées que ce travail pour gagner sa vie et, selon les apparences, il y était très bien parvenu. Il avait pris en main le cas de Enfield d'une manière très pragmatique et au cours de nos nombreuses discussions à ce propos, il avait adopté une approche logique et rationnelle. S'il pensait que sa Janet avait survécu à la mort physique et qu'elle se trouvait impliquée d'une quelconque façon dans notre cas, il devait avoir de bonnes raisons. J'essayai de me mettre moi-même dans la < peau > de Janet Grosse.
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Elle avait essayé d'établir un contact juste après sa mort et réussit à conduire son père à Enfield. Quant à moi - elle était journaliste et je l'étais également, du moins l'avais-je été. Peut-être désirait-elle que quelqu'un écrive un bouquin sur le sujet ? (A ce stade, je n'avais pas l'idée d'écrire un livre sur le cas. T'avais simplement prévu de rédiger un rapport ponctuel pour le journal de la SPR comme nous y étions tenu et pour lequel nous ne recevions aucun paiement). Quelle autre alternative avais-je pour expliquer l'extraordinaire dévouement que Maurice avait manifesté dès
sa première visite à Enfield ? Bien sûr, il avait pris cette affaire en main, mû par de sérieuses raisons personnelles, mais sa démarche était plus profonde et plus compliquée qu'un simple et pur intérêt académique pour les questions paranormales.
Je fis quelques commentaires gentils et non compromettants, puis le brouillard se dissipa aussi soudainement qu'il s'était installé. Le moteur rugit lorsque Maurice changea rapidement de vitesse et moi je changeai de sujet. Les choses sont allées trop loin à présent, dis-je. D'une façon ou d'une autre nous devons les arrêter. Peut-être devrions-nous nous éloigner un peu ? Nous l'avons déjà fait; répliqua-t-il, quand j'étais cloué au lit avec la grippe. Cela n'a pas fait la moindre différence. Ils continuèrent à me téléphoner au milieu de la nuit, complètement perdus parce qu'ils n'ont personne d'autre vers qui se tourner: Que dois-je leur répondre ? Désolé, mais je ne peux pas venir, parce que si je le fais je risque d'encourager le phénomène ? < C'est à peu près ce que voulaient nous faire croire nos amis psychologues, dis-je. " Oh, ça va ! " s'exclama Grosse d'un ton méprisant. Je n'ai que faire de l'avis des psychologues. Ils peuvent me dire ce qu'ils veulent de leurs problèmes et de leurs torts mais ils ne nous ont rien dit à propos du cas, n'est-ce pas ? Et nous en avons eu combien ? Quatre. J'aimerais essayer avec un autre médium, dis-je.
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" Nous en avons aussi eu quatre - les Shaw et mes amis Brésiliens. " Aucune objection, " répondit-il, " mais que savent-ils vraiment ? Ils nous ont tous donné des versions différentes. "Je sais, mais ils ont apporté quelque apaisement, non ?"
Nous nous accordâmes pour que je contacte un homme dont le nom m'avait été donné par Maurice Barbanelldu Psychie News et par Tony Ortzen, un des journalistes de cette même équipe Nous arrivâmes à la station de métro de Bounds Green juste à temps pour que j'attrape le dernier train pourle centre de Londres. Il était presque vide jusqu'à ce qu'il atteigne Piccadilly Circus. Là, il fut envahi par des amateurs de théâtre excités, agitant leur programme et parlant avec animation du spectacle qu'ils venaient tout juste de voir. D'une certaine manière je les enviai bien que moi aussi, je sois sur le chemin du retour d'un spectacle auquel j'assistais deux ou trois fois par semaine depuis bientôt six mois. c Spectacle , est le mot qui convient, puisqu'il était clair que le poltergeist, qui qu'il fût ou quoi qu'il fût, avait besoirn . d'une audience et je devais admettre qu'il possédait un sens de l'organisation et un contrôle de son public qui auraient fait pâlir de jalousie plus d'un acteur professionnel Et cependant, je pensai en écoutant ces voix joyeuses autour de moi qu'une fois le rideau tombé sur Enfield - si jamais il tombait - j'aurais beaucoup plus de choses auxquelles penser que si j'avais passé une soirée au théâtre. Gerry Sherrick, le médium qui m'avait été recommandé, s'avéra être un personnage. C'était un extraverti exubérant qui possédait une approche des phénomènes psychiques voisine du non-sens. Après avoir passé cinq minutes dans son appartement chaud et confortable de Walthamstow, je me sentis à l'aise avec lui.
Non seulement il appartenait à cette race de médiums qui refusent tout paiement pour leurs services mais il était également chauffeur de taxi et poète amateur.
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Lorsque je fis sa connaissance, il réalisait pour la télévision, un film illustrant les poèmes qu'il avait consacrés à la ville de Londres. Je ne lui avais pratiquement rien dit à propos du cas Enfield quand il entra directement dans le vif du sujet. << Laissez-moi vous expliquer comment je travaille, dit-il. < J'invite mon guide spirituel à me montrer ce qui se passe dans la maison. Ensuite, sous son contrôle, j'entre en transe et je lui permets de me présenter le fauteur de troubles afin que nous puissions parler avec lui et essayer de l'aider. Voyez-vous, nous devons leur lancer une bouée de sauvetage. J'étais heureux de constater qu'il souhaitait aider le poltergeist plutôt que de l'enfoncer dans les ténèbres extérieures. Deux autres choses encore, poursuivit-il. Vous devriez leur dire que je ne me rendrai chez eux qu'une seule fois. Si la famille pensait que j'étais indispensable jour et nuit, je n'aurais plus jamais la paix. D'autre part, je n'accepte absolument rien pour mon travail, pas même une barre de chocolat. Nous devons donner gracieusement ce qui nous a été donné. Nous nous rendîmes à Enfield avec le fils de Gerry et un de ses collègues qui travaillaient régulièrement avec lui, et avant que nous ne soyons arrivés, Gerry me dit : << Vous savez, il y a plus d'une entité impliquée. C'est une situation très sérieuse. En ce moment, je suis en contact avec une femme à l'esprit dérangé. Vous vous souvenez du film Jane Eyre, quand M. Rochester garde sa femme enfermée ? Une situation pénible. Quand nous arrivâmes, j'eus à peine le temps de faire les présentations que Gerry entama une conférence sur les travaux du monde spirite, les médiums et la réincarnation à laquelle il croyait fermement. Mme Harper écouta attentivement et les deux fillettes firent bonne figure. Même le petit Jimmy qui avait un accès de mauvaise humeur lorsque nous arrivâmes, se calma, s'assit et garda le silence tout le temps que Gerry passa dans la maison.
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cc Il y a bien des vies, vous étiez ensemble, dit Gerry aux Harper. cc Vous, les filles, étiez soeurs et votre mère était une dame de la ville qui vous avertit de ne pas vous mêler de sorcellerie comme vous en aviez l'habitude. Maintenant, elle a été autorisée à revivre dans votre famille en tant que stabilisateur pour vous garder ensemble. Vous êtes décédées, vous avez dormi et quand vous êtes nées pour la seconde fois, la personnalité dominante a pris le dessus... Il regarda Janet. <c Vous savez, poursuivit-il cc certaines personnes naissent avec la faculté de voir et d'entendre des choses que les autres ne voient ni n'entendent. On les appelle médiums. J'en suis un et vous aussi. Et vous êtes capable d'attirer toutes ces choses pénibles, vous les conduisez ici, subconsciemment. Les choses ne viennent pas de
vous, vous les guidez. >> cc Qu'est-ce que j'avais dit ? intervint Mme Harper.
En fait, elle était arrivée à la même conclusion par elle-même quelque temps auparavant sans aucune suggestion de ma part. Gerry expliqua qu'on pouvait comparer les fillettes à un poste-radio ayant un tuner défectueux. cc Au lieu de capter l'émission que vous désirez écouter, vous captez tous les programmes à la fois. cc Quoi qu'il arrive dans cette maison, c'est de votre propre faute, poursuivit-il avec détermination mais pas méchamment, cc parce que vous ne pouvez pas contrôler le don que vous avez reçu. A présent, si vous le contrôlez vous deviendrez de bons médiums, vous aiderez les gens et les guérirez. J'étais content de l'entendre affirmer avec autorité ce que les Shaw et moi-même leur avions déjà dit. Gerry fit une grimace dégoûtée. cc Alors que je vous parle, expliqua-t-il c j'ai l'impression d'une horrible vieille femme. Elle relève sa jupe... Quelqu'un écrit sur le mur, parle grossièrement et fait des choses horribles... C'était tout à fait juste. J'assurai Mme Harper que je n'avais donné aucun détail à Gerry à propos des incidents. En retour, elle assura Gerry qu'elle savait très bien ce
qu'il voulait dire.
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Cette femme, poursuivait-il; avait vécu près de Spitalfields market. Y avait-il jamais eu dans la maison des odeurs désagréables, comme celles de légumes pourris ? Oh, oui, dit Mme Harper. Je savais qu'elle gardait sa cuisine propre et bien rangée Puis, Gerry annonça qu'il allait entrer en transe, pour laisser son guide spirituel White Cloucf l'investir et leur parler. C'est un Indien, expliqua-t-ïl. Ils ne ressemblent pas à ceux que vous avez vu à la télévision, vous savez. Les Indiens vivent très prés de la nature et comprennent le monde spirite. lls ne ressemblent pas à certaines personnes, en particulier les alcooliques et les dégénérés, qui ne réalisent pas qu'ils sont morts et sont tronpeffrayés pour accepter la vie après la mort. Gerry resta assis un moment, respirant profondément.Puis, un rugissement sortit de sa bouche qui nous fit tous sursauter. White Cloud avait pris la situation en main. c D'fFU VOUS BENISSE MES AMIS ! > La voix était trés différente de celle de Gerrv, un peu haut Perchée.C'était un ruGissement qui aurait empli le Roval Albert Hall et semblait venir du fin fond de sa poitrine. Je fus intrigué en remarquant qu'il parle d'abord par rafales hésitantes. exactement comme la Voix de Janet l'avait fait durant une des toutes premières séances. White Cloud annonca qu'il était venu pour aider, mais qu'en premier lieu, il fallait nous faire entendre la Voix
de la femme responsable de tous les troubles. Il v eut un silence, puis nous entendîmes la Voix très claire d'une vieille femme : c Je viens ici quand je veux... Je ne suis pas morte et Je ne m'en irai pas... Elle paraissait vraiment très méchante. Ensuite, White Cloud fit venir un Gallois, M. Daiaui était portier, chargé de tenir les mauvais esprits loin de la maison. Les fillettes devraient lui demander aide à chaque fois qu'elles en auraient besoin. M. Dai fit un bref discours, terminant avec une phrase qui paraissait être du Gallois, une langue que Gerry m'assura plus tard ignorer totalement. Dans tout ça, il y avait un côté mise en scène indéniable ; il aurait été facile à un scep tique de prétendre que Gerry tenait tous les rôles.
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Pour ma part, je considérai cette hypothèse improbable. Pourquoi aurait-il consacré son dimanche après-midi à jouer des tours au bénéfice d'une famille qu'il n'avait jamais rrencontrée et qu'il ne rencontrerait sans doute plus jamais ? Il n'avait nul besoin de me montrer ses talents pas plus qu'il n'avait besoin de publicité puisqù'il était en bons termes avec l'équipe du Psychic News. De plus il n'avait même pas accepté que nous lui remboursions son essence. En fin de compte, s'il jouait la comédie aussi magistralement, il aurait été acteur et non chauffeur de taxi. Dès qu'il fut sorti de sa brève transe, Gerry communiqua une série de noms. < J'entends les noms Lil et Tessie, dit-il. C'étaient les noms de proches voisins des Harper. Et quelqu'un qui vous appelle Madge dit-il à Mme Harper. C'est intéressant, répliqua-t-elle. < On avait l'habitude de m'appeler Madge quand je travaillais à l'hôpital. Cela fait vingt ans. Je n'ai jamais su pourquoi, ce n'était pas mon nom. > c Et il y a quelqu'un qui s'appelle Dolly, poursuivit Gerry. < et connaissez=vous quelqu'un qui buvait beaucoup ? c Oh oui répondit-elle avec émotion. Elle avait travaillé avec une fille qui s'appelait Dolly et à cette époque, elle sortait avec un homme qui buvait beaucoup ; elle pensait qu'il était mort maintenant. Et il y a Alfred et Alice... < Alfred était le nom de mon père et sa mère s'appelait Alice, > dit Mrne Harper. Gerry venait de marquer sept points, ce qui pour moi indiquait quelque chose de plus qu'une déduction logique. Mme Harper était vraiment impressionnée. Je savais qu'elle avait une intuition puissante au sujet des gens dès qu'elle les rencontrait et je n'étais pas sans ignorer
qu'elle ne supportait pas les illuminés. Maintenant que j'ai eu cette conversation avec vous les choses sont beaucoup plus claires,
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dit-elle avec une sincérité évidente. Elle parla à Gerry d'un ou deux incidents récents ; il confia qu'après la mort d'un ami intime, il avait connu les dérangements d'un poltergeist, cependant que lui-même et son fils avaient vu des apparitions aussi vraies que nature. << M. Dai sait comment mettre un terme à tout cela, expliqua-t-il ajoutant : Il ne tient qu'à vous d'arrêter toutes ces choses. N En fin de compte, il fit à chacun des Harper quelques passes magnétiques, posant ses mains sur leur tête et le long de leur colonne vertébrale en leur demandant s'ils éprouvaient une sensation de chaleur. Ils affirmèrent tous la ressentir. Personnellement, j'avais déjà expérimenté la même chose durant un traitement avec le cercle de guérison dirigé par le Major Bruce Macmanaway en Ecosse. Dans mon cas, la puissante sensation de chaleur avait été très impressionnante parce qu'inattendue. Personne ne m'avait dit qu'elle se produirait ; je l'avais simplement sentie. Après la visite de Gerry Sherrick, les Harper se réjouirent d'une période de paix presque totale. Pour la troisième fois, des médiums avaient eu une influence tout aussi incompréhensible que favorable sur les événements dans la maison. Mais une fois encore, cela ne dura pas bien que Grosse et moi utilisâmes tous les pouvoirs de persuasion que nous pûmes rassembler pour suggérer que les troubles
étaient terminés. Rose semblait bien s'en tirer, faisant souvent appel à M. Dai. En revanche, Janet ne semblait pas avoir retenu grand chose de ce que Gerry avait dit. Après quelques semaines d'un calme relatif, toujours selon les critères de Enfield, les troubles recommencèrent. Le rideau n'était pas encore prêt de tomber à Enfield.
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16 - << OU EST LE SAVOIR ?
Je vais être honnête avec vous, me dit un jour
Mme Harper, je ne pense pas que tout cela cessera.
Ça continuera de plus belle jusqu'à ce qu'un jour nous
soyons obligés de séparer les enfants. C'est mon opinion.
J'étais convaincu qu'elle avait toujours été sincère avec
moi, et alarmé par ce nouveau sentiment de résignation ,
qu'elle partageait avec Maurice Grosse.
I1 ne s'arrêtera qu'à son heure , dit-il. <c Nous avons
tout essayé : les médiums, les psychologues, les assis-
tantes sociales, les médecins, les prières... Enfin c'est
vous qui avez appelé ça ainsi. >
Il était juste que nous nous étions arrangés pour arrê-
ter les troubles à plusieurs reprises, mais toujours tem-
porairement : quand ils étaient partis en vacances, quand
les enfants avaient été placés en pension, après chaque
visite des médiums. Mais l'agitation avait toujours recom-
mencé soit immédiatement comme lors de leur retour de
vacances, ou progressivement, comme après la visite de
Gerry.
C'était pire qu'avart avec des meubles qui se renver-
saient, de petits objets qui volaient partout, et le chaos
habituel dans la chambre avec des coups, des bruits sourds
et les non-sens obscènes des Voix.
Le pire de tout, c'était les apparitions soudaines d'ex-
créments qui devenaient de plus en plus fréquentes. Un
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jour, Mme Harper entra dans la salle de bains pour aider Jimmy à prendre son bain. cc C'était comme si quelqu'un en avait barbouillé partout. Il y en avait derrière les robinets, sur le mur et même dans la baignoire, raconta-t-elle dégoûtée. cc Jim-
my n'aurait jamais osé faire une chose pareille. Mais quelqu'un le faisait. Puis, il y eu les flaques sur le sol, en particulier dans la cuisine et les toilettes. Un jour, trouvant l'odeur nauséabonde, John Burcombe s'arrangea pour recueillir un peu de liquide dans une bouteille et persuada un de ses collègues de l'hôpital de l'analyser. cc Est-ce que vous yous . payez ma tête ? lui dit son collègue plus tard. cc C'est de la pisse de chat ! On entendait à présent les deux Voix à tout moment du jour ou de la nuit. Elles ne paraissaient plus faire attention à ce que la porte soit fermée ou non, ou au fait que nous observions les visages des fillettes alors qu'ils parlaient. Nous nous arrangeâmes pour obtenir de bons enregistrements de La Voix de Janet et celle de Rose en utilisant différents micros de contact ; un jour, alors qu'il écoutait ses bandes, Grosse pensa qu'il y avait une troisième Voix.Il se demanda si ce n'était pas un exemple de ce qu'on appelait une voix Raudive, d'après le nom d'un Letton qui avait apparemment enregistré sur bandes magnétiques, des milliers de voix de pers9nnes supposées mortes. De telles affirmations avaient été faites auparavant et séparément par Friedrich Jürgenson en Suède et Raymond Bayless en Californie. En janvier 1978, en compagnie d'un chercheur américain de passage, Charles A. Moses, Grosse décida de faire un c< test Raudive. C'est très facile. Tout ce que vous avez à faire est de laisser un enregistreur dans une pièce vide et d'employer toutes les formules rituelles que vous jugez appropriées telles que de demander aux entités désincarnées si elles aimeraient dire quelques mots ; ensuite, il suffit de rembobiner la cassette et d'écouter ce qui a été enregistré. Les résultats soulèvent polémique bien sûr ; personnellement, j'avais toujours été quelque peu sceptique depuis
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que j'avais découvert qu'un do xlas enregistreurs captait une station de radio locale à chaque fois que je rembobinais la cassette. De tels effets de propagation des
ondes électromagnétiques sont très courants ; certaines personnes entendent des bribes d'émissions radio s'échapper de leur cuisinière, de leur machine à laver et d'autres, paraît-il, de leurs propres oreilles. Néanmoins, Grosse comme moi avions enregistré des bruits très étranges à Enfield et ce séparément. Lui et Moses identifièrent clairement le mot boom sur leur cassette témoin, et quand, plus tard, Grosse essaya un test dans sa cuisine vide voici ce qui se passa Il mit l'engin sur la table et dit à voix haute : Si il y a une entité présente, voulez-vous avoir l'amabilité de communiquer en parlant directement dans le micro ? Quelques secondes après, la réponse vint dans un murmure très audible. Non. > Je décidai de refaire l'expérience tant que le fer était chaud. Je montai mon enregistreur dans la chambre de derrière, le mis en marche, fermai la porte et redescendis Je demeurai dans la cuisine avec les Harper tout au long des vingt minutes de la période test, conversant avec Mme Harper. Les enfants, eux, bavardaient de leur côté, mais je n'entendis aucune Voix venant d'eux. Sur la cassette, cependant, j'avais enregistré une phrase presqu 'inaudible, une des phrases favorites de la Voix :
< ME VOICI ! I1 y avait également un faible c HELLO . Ces propos étaient considérablement plus forts que le son étouffé des Voix montant à travers le
plancher. Je ne pouvais pas être certain d'avoir enregistré des Voix de personnes décédées mais c'était certainement un son des plus inhabituels, compte tenu des circonstances. Tous deux, nous enregistrâmes plusieurs autres sons non-identifiables à maintes reprises, assortis de murmures, de grognements et de mots à demi formés, et aussi les intrigants cliquetis et les sifflements que nous entendions presque à chaque fois qu'un objet traversait les airs.
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En dépit de plusieurs tentatives, nous ne parvînmes jamais à répéter ces sons en etant les choses nous-mêmes. Un jour, Grosse remarqua un curieux détail pendant
que la Voix de Janet grognait en fond et que je n'y prenais guère d'intérêt. Son menton était relevé et son cou très droit. Essayez d'imiter ce bruit avec votre cou comme ça , me dit-il. Je le fis mais n'obtins rien d'approchant. Quand nous imitâmes la Voix, nous nous aperçûmes que nos mentons automatiquement descendaient et que nos cous se contractaient. De plus, en quelques secondes, nous attrapâmes mal à la gorge. Et dire que les deux gamines tenaient le coup pendant des heures en personnifiant la voix d'un vieillard. En fin de compte, nous pûmes réaliser quelques tests au moyen du laryngoscope que le Professeur Hasted avait emprunté à son inventeur, le Professeur A.J. Fourcin du University College de Londres. C'est un instrument avec lequel on étudie l'activité du larynx qui est à la base de la phonation en enregistrant sur un graphique la fréquence des vibrations transmises à travers la gorge. Nous espérions ainsi, au moins apprendre comment la Voix était produite. Le Professeur Hasted nous promit que l'analyse serait prête pour une conférence devant se tenir en mars à Cambridge et à laquelle nous étions invités pour un symposium sur le cas de Enfield. En attendant, nous ne pouvions rien faire de plus avec nos Voix, sauf souhaiter qu'elles se lassent et s'en aillent,
ce qu'elles ne firent pas, bien entendu.. George Fallows, du Daily Mirror, avait rendu visite aux Harper à Noël et leur avait apporté quelques présents. Il voulait savoir comment ils allaient. Il avait été surpris en découvrant comment le cas avait évolué et
décida que le sujet devrait faire l'objet d'un autre reportage. En conséquence, le rédacteur Bryan Rimmer fut désigné pour couvrir l'affaire. Rimmer fit un travail très complet. Il vint à la maison plusieurs fois,
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interviewa longuement chaque personne impliquée et prit d'abondantes notes. Grosse et moi discutâmes avec lui pendant plusieurs heures, partant du principe que puisque, de toute façon, il écrirait son article, nous ferions tout aussi bien de nous montrer coopératifs, en particulier puisque nous devions notre cas au Mirror
Il m'invita à déjeuner dans un endroit très fermé de Fleet Street et écouta tout ce que j'avais à lui raconter. Je retournai avec lui dans son bureau et passai quelquesheures à rédiger un rapport des événements que j'avais vus moi-même. Dans les couloirs, nous avions rencontré un homme bien baraqué, qui ressemblait à un joueur de rugby. Rimmer me le présenta comme étant Noël Bentley, l'assistant particulier du directeur. Bentley me jeta un regard goguenard mais ne dit rien à propos de Enfield. Quelques jours plus tard, je retrouvai Grosse dans son bureau pour une de nos rencontres régulières au cours desquelles nous faisions le point. Dès mon arrivée, je m'aperçus que quelque chose le préoccupait. Bryan Rimmer vient juste de m'appeler >, dit-il < il prétend que Rose lui aurait dit, la veille au soir, qu'elle et Janet avaient simulé les Voix depuis le début pour alimenter le cas. Qu'en pensez-vous ? Avant que j'aie eu le temps de faire quelque chose, le téléphone sonna. C'était à nouveau Rimmer qui voulait connaître ma réaction à c la confession . << Si c'est une confession réelle, eh bien, je suis content que vous l'ayez obtenue , lui dis-je. Ce qui m'intéresse c'est la vérité, et si cela est vrai, alors c'est un élément utile. Heureux que vous l'ayez obtenue avant nous, mais cependant... Vous a-t-elle expliqué de quelle façon
elle produisait la Voix ? << Oui, bien sûr , répliqua Rimmer. Avec son diaphragme. Ceci me parut étrange. J'étais certain que Rose n'avait aucune idée de ce qu'était un diaphragme. Rimmer me dit alors qu'il s'était rendu à Enfield avec un célèbre ventriloque appelé Ray Alan et le mystérieux Bentley
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. Ray Alan avait apparemment résolu le mystère des Voix avant même d'arriver à Enfield, et la théorie du diaphragme, semblait-il, était plus son idée que celle de Rose. Mais elle l'avait acceptée. cc Il y a une lutte à couteaux tirés au Mirror à propos de cette histoire , me dit Rimmer. cc trn soupçon de fraude et c'est foutu. Ayant travaillé moi-même pour des journaux, je me faisais une idée assez précise de ce qui s'était probablement passé. Certains administrateurs sont soit particulièrement favorables envers le domaine paranormal soit, au contraire, franchement hostiles. Je devinai qu'il devait y avoir un conflit d'idées et de personnes au Mirror et que, jusqu'à présent aucune des parties n'avait réussi à imposer son point de vue. Rimmer était pris entre deux feux. cc Qui vous a donne l'idée d'emmener Ray Alan ? demandai-je. cc C'est une idée de ClifJord Davis. cc Qui est-ce ? Un de nos critiques TV. C'est sussi un magicien. Quelque chose sonnait faux. Que venaient faire là dedans, ce magicien et ce critique TV ? Dès que j'eus terminé ma conversation avec Rimmer, Grosse décida de filer à Enfield pour en savoir plus. Là, il trouva la famille Harper dans le plus grand désarroi et Peggy Nottingham dans une colère blanche. Leur version de la soirée précédente était bien plus détaillée que celle de Rimmer. Ils avaient tous eu une journée chargée. Une équipe de télévision, celle de la Scottish BBC, avait filmé toute la iournée dans la maison. Grosse et moi avions participé à ce tournage, et avions été filmés discutant avec la Voix de Janet, qui était en grande forme ; les ecossais dirigés par le producteur David Martin, avaient été agréables et attentionnés. malgré tout, ce fut un travail fatiguant. Grosse et moi étions partis vers 19 heures. A ce moment, Grosse brancha son magnétophone et demanda à Mme Harper ce qui s'était passé ensuite, : cc Il était peut-être 20 heures >, dit-elle. cc On frappa à la porte. Mon frère John alla ouvrir et ils entrèrent
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tous comme un seuI homme. Je n'attendais personne. Je n'avais même pas été prévenue. Ils étaient cinq : Bryan Rimmer, Graham Morris, Ray Alan, Clifford Davis et
M. Bentley. cc Je restais plantée là H, continua Mme Harper, et dis : cc Je crois que vous venez du Mirror. C'est à peine s'ils me regardèrent. Les cinq hommes, selon ses dires, bavardaient entre eux n'ayant apparemment pas de temps à consacrer aux politesses préliminaires. Ensuite, Alan Ray se rendit à la cuisine où Rose finissait de dîner. Grosse lui demanda sa version à propos de ce que Iui avait dit Alan Ray. cc II disait - je ne sais pas ce qu'il disait >, commença Rose. Puis elle fondit en larmes. Même vingt-quatre heures après l'événement, elle en était encore tout à fait bouleversée. <c il a simplement dit des choses auxquelles je n'ai rien compris , poursuivit-elle tout en reniflant. cc Tous ces mots stupides - je rêvais éveillée, je pensais seulement à ce que j'avais besoin pour l'école demain ;
je secouais la tête comme ça mais je ne l'écoutais pas du tout. J'avais souvent remarqué que Rose faisait ça. Elle avait une façon de donner l'impression qu'elle
comprenait ce que vous étiez en train de lui dire alors <qu'en fait, il n'en était rien. cc Il prétend , dit Maurice que tu lui as dit que tu simulais les Voix avec Janet . cc Non, je n'ai jamais dit ça ! s'indigna Rose. cc Même si je secouais la tête parce que je n'écoutais pas un mot de ce qu'iI racontait. Je pensais - Oh, et puis merde... Grosse s'arma de patience pour obtenir d'elle des détails à propos de ce qu'Alan avait vraiment dit. cc Une chose que j'ai comprise , dit Rose. Il a dit :
n C'est comme le père Noël sur son traîneau qui traverse le ciel. Ce n'est pas vrai, mais c'est exactement ce que vous faites toutes les deux pour faire croire aux gens des histoires. > <c Qu'entendait-il par là ? demanda Grosse. cc Je n'en sais rien >, répondit Rose. il était clair pour Grosse que Rose n'avait pas l'intention de confesser quoi que ce soit à qui que ce soit. Alors, il se tourna vers Janet.
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Je n'ai rien dit s'indigna Janet avec sa fougue habituelle. c Ils ne m'ont même rien demandé et de toute façon, je n'ai pas simulé la Voix. >> Peggy Nottingham raconta ensuite à Grosse que Janet et Rose étaient venues la voir pendant que les hommes du Mirror étaient encore dans la maison. Elles se précipitèrent ici, pleurant toutes les larmes de leurs corps H dit-elle. c Il les a énervées parce qu'il s'est conduit comme une brute. Ils les a assaillies de questions et ne leur a pas laissé une chance de s'expliquer. Elle ne parlait pas de Ray Alan, expliqua-t-elle mais de M. Bentley, qui ensuite était venu la voir lui-même, apportant quelques-unes des toutes premières photos de Graham Morris, y compris la série montrant le vol des oreillers. Il m'a dit poursuivit Peggy, je vous laisse ces photos pour que vous essayiez de prouver que l'un d'entre eux a jeté les oreillers . Peggy se souvint de quelques autres propos qu'elle avait échangés avec M. Bentley. Mais je ne peux pas les reproduire ici, tels qu'elle me les a racontés en raison de leur caractère diffamatoire pour lui. Elle fit clairement comprendre à Grosse qu'elle était franchement dégoûtée par ce qu'elle considérait être une tentative de pression sur elle, afin qu'elle trahisse ses voisins. Elle dit aussi qu'elle avait fait remarquer à M. Bentley que sur la première photo, deux oreillers volaient alors que les mains des deux fillettes étaient sous les draps. Le lendemain, je me rendis au bureau de Grosse pour écouter les interviews de tous ces témoignages. Toute cette histoire l'avait presque autant secoué que nos amis de Enfield, je le trouvais dans une humeur noire que je ne lui connaissais pas. Quand j'eus fini d'écouter le témoignage de Peggy Nottingham je décrochai le téléphone pour appeler Bryan Rimmer et lui dire ma façon de penser. Je ne pouvais croire que Rimmer soit responsable de cette péripétie. Il avait toujours été très poli et très courtois avec les Harper, et son enquête avait été conduite avec autant de sérieux que d'objectivité.
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Après lui avoir dit ce que je pensais des événements de la veille, je l'assurai que j'étais toujours très intéressé par la vérité et je pensais qu'il l'était aussi. C'est pourquoi je lui dis qu'une façon de l'obtenir avec succès, résidait dans l'hypnose.
J'avais été très impressionné lors de la seule séance du Dr Fletcher avec Janet, que j'ai décrite au chapitre 9. J'avais réellement pensé qu'enfin nous allions quelque
part et que si nous avions pu poursuivre les séances,qui sait ce qui en aurait émergé ? Mais je connaissais suffisamment bien l'hypnose pour connaître les dangers inhérents à une mauvaise utilisation. Aussi insistai-je pour qu'aucune autre procédure hypnotique ne soit entreprise par quelqu'un d'autre que le Dr Fletcher. Rimmer saisit la balle au bond et offrit immédiatement de prendre toutes les dispositions nécessaires si je parvenais à convaincre d'une part le Dr Fletcher de faire son travail et, d'autre part, Janet de se laisser hypnotiser à nouveau. Je savais que ce ne serait pas facile mais qui ne risque rien n'a rien. Cependant, une fois encore, nous jouâmes de malchance : le Dr Fletcher était sur le point de partir en voyage professionnel et n'avait absolument pas une minute de libre. Rimmer s'arrangea pour avoir une conversation avec lui avant son départ et dans l'article mentionné dans le prochain chapitre, il le cita << avec les preuves en ma possession, je ne puis croire que ce cas soit frauduleux . Ainsi, une fois encore, Grosse et moi étions engagés dans une voie sans issue. Nous ne trouvions pas la bonne personne au bon moment. Un problème qui nous poursuivrait tout au long du cas. A ce stade, Maurice Grosse prit deux semaines de vacances bien méritées. Pour ma part, je restai délibérément éloigné de Enfield pour voir quel serait l'effet de
notre absence. Selon les apparences, il n'y en eut pas. Le lendemain du départ de Maurice, des coups furent frappés un peu partout, deux chaises se renversèrent, une plante sauta du rebord de la fenêtre de la cuisine
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dans l'évier, les coussins du canapé glissèrent au bord et se dressèrent, une boîte de rnouchoirs en papier se déplaça toute seule et pour finir une flaque de liquide et deux tas de matières fécales furent découverts sur le sol. Une pile de cubes de glace apparut par terre, dans la cuisine, alors qu'il n'en manquait pas dans le réfrigérateur. La Voix de Janet annonça qu'ils provenaient d'à côté, alors que rien ne manquait non plus, dans celui de Peggy. Et un jour, une construction bien plus élaborée apparut sur la table de la cuisine. C'était un empilement complexe de deux tasses, un verre, un sucrier, une théière, un beurrier, un torchon et une serpillière, le tout jouissant d'un équilibre parfait. La Voix annonça fiévreusement C'EST MOI QTI AI FAIT ÇA , mais ne donna pas de plus amples informations. Je ne me rendis qu'une seule fois à Enfield alors que Grosse était absent. J'étais accompagné par le Dr Fletcher qui venait de rentrer de voyage. J'avais décidé d'aller de l'avant en prenant sur moi-même d'organiser une séance hypnotique sans prévenir le Mirror. Malheureusement, Janet n'était pas d'humeur à coopérer et refusa fermement d'être à nouveau hypnotisée bien que le Dr Fletcher se soit arrangé pour avoir une longue conversation avec elle. Juste après, pendant que nous étions tous dans le living, je passai dans la cuisine qui était sur mon chemin pour aller aux toilettes et découvrit qu'un pot de fleurs qui se trouvait normalement sur le rebord de la fenêtre avait sauté dans l'évier --- j'ai déjà rapporté cet incident -- et le robinet avait été ouvert au-dessus
de lui. j'étais tout à fait sûr que personne n'était allé dans la cuisine puisque je n'avais rien vu. Mais, ni moi, ni le Dr Fletcher ne pouvions être formels et c'était une des rares fois où mon enregistreur ne fonctionnait pas.Quand Grosse rentra de vacances, nous préparâmes notre symposium pour la Seconde Conférence Internationale organisée par la SPR à Cambridge, qui se tint la dernière semaine de mars 1978. Cambridge était le meilleur endroit pour une telle conférence puisque c'était lâ que presque cent ans plus tôt la SPR était née.
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Tout s'était joué un soir où Frédéric Myers, un brillant étudiant classique; et le Professeur Henry Sidgwick marchaient le long des berges de la rivière Cam, au lieu dit The Backs. Myers lança l'idée et en 1882, la SPR vit le jour avec Sidgwick comme premier président. Une heure avant notre symposium, je fis une promenade solitaire le long des Backs en hommage à Myers qui était devenu le plus éminent chercheur psychique de tous les temps. C'était ma seconde visite à Cambridge depuis que j'en étais sorti, vingt ans auparavant. De nombreux souvenirs agréables liés â cette période se présentaient à mon esprit. Je m'arrêtai et regardai la magnifique Bibliothèque Wren de Trinity College, où étaient conservés la correspondance privée de Myers et les rapports des nombreuses et précoces batailles qu'il avait livrées contre les forces invisibles. Puis un souffle d'air humide me fit trembler et me rappela pourquoi j'avais émigré au Brésil. Notre symposium se déroulait dans l'austère Divinity Bccilding et nous avions une assistance de plus de cent personnes. J'aperçus le Professeur Hans Bender d'Allemagne de l'Ouest, l'autorité européenne en matière de poltergeist et le Professeur Archie Roy de Glasgow qui venait tout juste d'enquêter sur un cas similaire au notre en bien des points. Jusqu'ici, la conférence avait été passablement ennuyeuse ; les rapports de laboratoires s'étaient succédés les uns aux autres. Tout cela contribuait à rendre cette conférence plus assommante que celles que j'avais suivies lorsque j'ëtais ëtudiant. Avec Grosse, je décidai de mettre un peu d'animation. Grosse commença par un compte rendu très concis des faits dont nous avions connaissance à ce jour en résumant les types de phénomènes qu'il avait observés ou enregistrés en tant que témoin sous dix-sept rubriques. Ceci comprenait : les coups, les déplacements d'objets petits ou grands, les interférences de la literie, l'apparition d'eau, les apparitions, la lévitation d'êtres humains, les assauts physiques de plusieurs types, les automatismes, les
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désordres psychologiques, les échecs et le mauvais fonctionnement du matériel, le passage de la matière à travers la matière, les phénomènes vocaux non identifiables
aussi bien incarnés que désincarnés - et les combustions spontanées. Pendant ce temps, j'observais l'assistance. Quelques-uns, comme le Professeur Bender, écoutaient attentivement, alors qu'un peu partout, je voyais bon nombre de sceptiques. A l'évidence, ce qu'ils entendaient était un peu fort pour certains membres de la SPR qui n'avaient jamais assisté à aucun phénomène paranormal de leur vie. Anticipant cette réaction, nous avions chacun prévu une liste d'incidents dont nous avions été témoins. Nous avions sélectionné ces faits avec soin, n'y incluant que ceux pour lesquels il n'était pas possible de nous opposer une explication logique. Le récent épisode du pot de fleurs ne satisfaisait pas à nos critères puisque je ne pouvais être certain que personne n'était allé dans la cuisine après que je l'ai vu à sa place habituelle. Grosse dit à l'assemblée qu'il avait vu des billes et de petits objets se déplacer à grande vitesse, mûs par une vélocité inexplicable empruntant des trajectoires anormales ; il avait vu une théière danser toute seule ;des chaussons, des oreillers, des portes, le tapis, le carillon de porte et un mouchoir en papier bouger sans cause apparente ; il avait vu un abat-jour se plier de lui-même et avait reçu en pleine figure une boîte en carton. Le certificat sportif était tombé du mur derrière lui et le canapé s'était retourné sous son nez. Janet avait été lancée hors de sa chaise ainsi que le coussin sur lequel elle était assise et John Burcombe avait été tiré de la sienne et flanqué par terre. Fréquemment, il avait entendu des pas et des bruits de portes s'ouvrant et se fermant alors qu'il n'y avait personne à l'endroit concerné. Il avait vu une pièce de monnaie descendre directement du plafond. Il avait entendu des coups répétés en réponses à ses questions et bien sûr, il avait entendu la Voix, objet de controverse. Il mentionna également un certain nombre d'incidents auxquels il n'avait pas assisté, tels que les incendies et
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les apparitions d'eau
, mais qu'il ne pouvait considérer comme ayant une origine naturelle. Il insista sur le fait qu'il existait deux sortes de convictions, la conviction intellectuelle et la conviction émotionnelle. c Alors qu'intellectuellement, nous pouvons accepter qu'un événement a eu lieu , expliqua-t-il nous ne pouvons connaître la conviction émotionnelle à moins d'avoir vu quelque chose nous-mêmes. Chacun de nous deux peut affirmer avec certitude qu'il est émotionnellement convaincu que des incidents inexplicables sont survenus et surviennent à Enfield . Puis, je donnai lecture de ma propre liste. J'avais vu un fauteuil se renverser alors que la seule personne à proximité était dans mon champ de vision. J'avais entendu la table de la cuisine se retourner alors que la seule personne dans la pièce ne pouvait l'atteindre J'avais vu une pantoufle passer au-dessus d'une porte et réapparaître au rez-de-chaussée sur le seuil de la porte d'entrée après que j'eus passé au peigne fin l'endroit où logiquement on aurait pu s'attendre à ce qu'elle ait atterri. Mon carnet de notes avait sauté sur le lit juste sous mon nez et s'était dirigé vers la seule personne à sa portée quielle, n'avait pas bougé d'un pouce. J'avais entendu à plusieurs reprises des coups frappés émanant d'une intelligence et j'avais limité la communication avec cette source même lorsque je me trouvais hors de portée d'oreille. De plus, j'avais été présent à tous les stades du développement de la Voix que je ne pouvais considérer comme normale. Je décrivis aussi l'incident du livre volant hors de la pièce, frappant une porte et se retrouvant debout, à mes pieds, quelques secondes plus tard, dans une autre pièce, avouant ainsi une trajectoire résolument inexplicable. Puis je donnai un compte rendu à propos de nos méthodes de travail et de l'équipement utilisé, insistant sur le fait que nous avions enregistré six heures de témoignages visuels et cent-quarante heures d'action sur le vif dans la maison, dans lesquelles on retrouvait les descriptions d'un certain nombre des incidents que nous venions
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de citer, Puis je lus nos conclusions communes (qui sont résumées ci-dessous) ; Le cas de nfield paraît sortir directement d'un manuel. Il présente presque toutes les caractéristiques des cas typiques de poltergeists et dure depuis deux fois plus longtemps que la moyenne d'entre eux. Nous avons eu la chance de pouvoir enquêter sur lui, une semaine après le début des événements. Nous croyons qu'une étude détaillée de ce cas contribuerait à une meilleure compréhension d'un phénomène qui cause tant de détresse et qu'en conséquence, il mériterait d'être étudié avec autant de minutie que n'importe quelle maladie physique ou mentale. Je résumai les deux théories principales concernant la réalité des poltergeists ; esprit défunts ou éléments dissociés de la personnalité ou de la conscience du catalyseur, dans ce cas, Janet. Je précisai qu'il existait de bonnes raisons pour défendre chaque point de vue, la vérité résidant probablement dans une combinaison des deux. Les poltergeists se comportent certainement comme s'ils étaient des esprits ou des entités individuelles possédant une forme d'intelligence mais d'un autre côté le lien étroit avec la personnalité du catalyseur était souvent étonnant. Je mentionnai en tant qu'illustration évidente de l'existence de ce lien, les épisodes qui avaient accompagné la puberté de Janet et sa Voix qui nous harcelait de questions pour savoir pourquoi les filles étaient réglées. J'avais envie d'ajouter que nous avions essayé d'obtenir l'aide de psychologues et de psychiatres pour cet aspect particulier et que nous avions totalement échoué, les quatre psychologues membres de la SFR ne nous ayant été d'aucun secours. Mais puisqu'ils assistaient tous à la conférence, je décidai de m'abstenir d'un tel commentaire Nous terminerons en lançant un appel afin que le cas fasse l'objet d'une enquête plus approfondie >>, concluai-je, principalement par des psychologues et des physiciens puisqu'il s'avère présenter l'oppor tunité unique d'étudier l'interaction entre l'esprit et la matière ; une relation qui, depuis l'aube de la connaissance, n'a cessé d'intriguer l'homme.
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Quand nous connaîtrons la vraie nature de l'activité des poltérgeists, nous pourrons détourner les forçes impliguées vers des buts plus utiles H. << Cette recherche devrait être interdisciplinaire et financée par des crédits conséquents. Il y a une limite à la somme de travail que peuvent assumer des chercheurs à temps partiel et volontaires tels que nous. Nous demandons aux membres de nous aider à dresser des plans pour l'attaque finale dans un domaine de l'expérience humaine, demeuré inexploré depuis trop longtemps. Puis, nous fîmes entendre des morceaux choisis de nos enregistrements et le sombre I.ivinity Hall résonna de sons - tels qu'il n'en avait jamais entendus auparavant. Nous avions retenu quelques-unes des meilleures péripéties y compris, la séquence entière au cours de laquelle Maurice avait pris la boîte en carton en pleine figure et celle où Janet avait été tirée de son lit puis portée jusqu'à la moitié des escaliers. C'était trop pour un des participants, qui interrompit le commentaire de Maurice Grosse par un : Excusez-moi, où était Rose quand Janet est sortie par la porte ? c Elle était dans son lit répliqua Grosse. Puis, je dessinai un plan au tableau montrant approximativement Ies mouvements de Janet. Il était clair que si Rose avait ouvert la porte, elle aurait dû se lever. Qui plus est, il n'y avait pas de place à cet endroit pour deux personnes puisque, quand elle était ouverte, la porte touchait pour ainsi dire la tête du lit de Rose. Et, pensait-il vraiment que Mme Harper ne l'aurait pas vue ? Notre collègue n'était toujours pas satisfait. Elle aurait très bien pu ouvrir la porte , insista-t-il. Grosse répliqua qu'elle dormait. c Comrnent savez-vous qu'elle était endormie ? Oh mon Dieu pensai-je. Pourquoi n'attend-t-il pas le débat comme tout le monde ? Je craignais que cette discussion ne se poursuive toute la nuit. II venait d'entendre Mme Harper affimer dix fois sur la cassette que la porte s'était ouverte toute seule. Que voulait-il de plus ? Nous nous arrangeâmes pour poursuivre notre exposé
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sans plus être interrompus ; ensuite, le Professeur Hasted donna un résumé concis des résultats de son étude des enregistrements durant l'expérience avec le laryngoscope. j'écoutai attentivement puisque ces résultats étaient nouveaux pour moi. La Voix, dit le Professeur Hasted, est produite par les faux replis vocaux et non par les cordes vocales ordinaires. (Les faux replis sont une sorte d'appareil auxiliaire qui protège la trachée-artère des invasions microbiennes). C'est un effet connu sous le nom de plica ventricularis , expliqua-t-il, et normalement, il ne peut être produit qu'au prix d'un grand effort. Il laisse les gens avec une gorge douloureuse au bout d'une ou deux minutes parce qu'il n'y a pas assez de salive pour lubrifier les " faux replis vocaux ", ils s'inflamment donc plus rapidement . Le Professeur Hasted projeta ensuite une diapositive montrant l'enregistrement des ondes produites par la voix normale de Janet et par la Voix Profonde, les deux différaient sans équivoque possible. (Lorsque je questionnai par la suite le Professeur Fourcin au sujet de la Voix, il n'était pas décidé à soutenir que la production de la Voix était, en elle-même, inexplicable. Les enfants m'assura-t-il peuvent faire des bruits extraordinaires et nos systèmes de lubrification peuvent varier, de façon spectaculaire, d'un individu à l'autre.Aussi, pour parler franchement, je ne puis affirmer que la Voix soit paranormale ; ce que Grosse et moi continuons de trouver inexplicable c'est le fait que les deux fillettes étaient capables de personnifier de vieux hommes de manière convaincante pendant un long moment. A ce propos, le Professeur Fourcin reconnut que cette question sortait de son champ de connaissances spécialisées.) En fin de compte, nous en arrivâmes au débat. Le Professeur Roy, à ma demande, fit un récit de son cas de poltergeist en Ecosse qui présentait pratiquement toutes les caractéristiques du nôtre, y compris un bref échantillon de voix caverneuses. Le seul point sur lequel la plupart des membres paraissait désireux de poser des questions est ce qu'ils s'évertuaient à nommer << fraude >,
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bien qu'Anita Gregory ait gentiment fait remarquer que ce terme était déplacé dans ce contexte vu qu'il impliquait une supercherie visant à tirer un profit commercial
. Ce n'était vraiment pas le cas à Enfield. Chaque membre, ou peu s'en faut, ayant débité ses âneries exprimant ainsi ses obsessions personnelles, je commençai à en avoir vraiment plein le dos. J'assurai à l'assistance que la fraude était la première chose que Grosse et moi avions essayé de débusquer d'emblée et nous l'avions écartée en tant qu'explication improbable. Nous avions énuméré vingt-six incidents pour lesquels aucune hypothèse frauduleuse ne pouvait être alléguée. N'était-ce pas suffisant ? Eh bien non, car un membre demanda combien des incidents - que nous avions prudemment estimés à mille cinq cent à la fin de mars 1978 - avaient été observés par des témoins extérieurs. Je lui répondis que je n'en avais pas la moindre idée et l'invitai à m'expliquer comment nous aurions pu tenir un compte précis des détails alors que les choses se succédaient si rapidement que nous ne pouvions les consigner. Certains d'entre vous , déclarai-je à un moment de la discussion, <c n'accepteront pas le fait que les phénomènes que cette Société s'est donnée pour but d'étudier, existent réellement. Je ne sais pas pourquoi vous en faites partie >. Je pensais que nous avions présenté un récit précis et détaillé d'un cas vraiment remarquable qui méritait d'être étudié comme un tout, plutôt que comme un vulgaire chapelet d'incidents dissociés. Pourtant, la réaction des participants était négative sur toute la ligne. Deux choses les intéressaient : la fraude et les statistiques. Je décidai de mettre un terme à cette rencontre en rappelant au président que les pubs étaient sur le point de fermer. Nous étions sur la sellette depuis exactement deux heures et la seule chose à laquelle j'étais encore capable de penser c'était une pinte de bonne bière de Cambridge. Heureusement, le président partageait mon avis. Au bar du Trinity College, je rencontrai un membre venu d'Ecosse ; il me dit qu'un de ses collègues, psychiatre.255
possédait un enregistrement d'un effet de voix très semblable au nôtre. C'était, disait-il, une caractéristique d'un désordre appelé syndrome de Gilles de la Tourette. Je pris note du nom ainsi que de l'adresse du psychiatre à qui j'écrivis deux fois afin de lui proposer un échange de bandes ; je ne reçus jamais de réponse. Et pour des raisons que j'expliquerai plus tard, il fallut plusieurs mois avant que je ne découvre ce qu'était ce syndrome. Eh bien , dis-je à Maurice Grosse alors que nous rentrions à Londres. Que pensez-vous de tout cela ? Au moins, nous aurons un peu remué les choses, non ? H Je pense qu'il y a une bonne part de peur en cause, surtout parmi les universitaires répondit-il. c Voyez-vous, nous menaçons leur sécurité en leur présentant des faits qu'ils ne peuvent expliquer. Aussi refusent-ils de les admettre bien que des milliers de cas semblables au nôtre aient été enregistrés dans le monde entier depuis des siècles. f Maurice était toujours à la tribune, bien, chauffé par son sujet. < De prime abord ce refus H, poursuivit-il, < peut sembler être une approche sensible d'un sujet difficile. Mais comment appliquer cette forme de logique à d'autres sciences ? Prenez la psychologie : des théories acceptées sont souvent en mal de lettres de noblesse quand on les applique. Ou l'astronomie : des théories établies quant aux origines et à la formation de l'univers sont balayées presque tous les jours. Et que dire de la neurologie ? Nous ne savons presque rien sur la nature réelle du cerveau et sur sa relation avec l'esprit, et pourtant le chirurgien du cerveau est prêt à y faire des coupes claires et pas toujours avec d'excellents résultats. Les généticiens. quant à eux, peuvent disserter longuement sur la manière dont opèrent les gènes et sur les travaux étonnants tle la molécule d'ADN, mais que savent-ils du contrôle qui régit l'ensemble ? Où est la connaissance que nous avons galvaudée en information ? > dis-je. < Ceci nous raméne à T.S. Eliot. Vous savez. H Les cycles des temps en vingt siècles nous
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ont éloigné de Dieu et rapproché de la poussière. Et il disait cela il y a quarante ans... v << Comme il avait raison, lui aussi , répliqua Maurice. K De nos jours, tout le monde s'occupe du fonctionnement de tel ou tel problème scientifique, mais qui s'intéresse à la grande pensée, à l'ordre et à la règle qui rend toute chose conforme ? Je sais que la contemplation philosophique est démodée désormais, pourtant je pense que c'est sa carence qui mène au matérialisme qui, à son tour, débouche sur le scepticisme. Et cela ne conduit nulle part, comme nous venons de le voir. Cela m'a conduit au bar et en vitesse encore , ironisai-je. Mais je sais ce que vous voulez dire. Continuez ! Maintenant, considérons notre problème v, dit Maurice. <c L'activité poltergeist est un syndrome ou encore un ensemble d'événements dissociés formant un événement collectif. Chacun d'eux demande à être étudié par un spécialiste différent, mais le problème avec certains de nos collègues c'est qu'en parapsychologie ou en recherches psychiques, trop d'experts utilisent leurs connaissances pour étayer uniquement un aspect du sujet. C'est un peu la vieille histoire de l'arbre qui cache la forêt. Nous roulions en silence. Les paroles de Maurice me rappelèrent un passage d'un des livres dus à l'écriture automatique réalisé par le médium spirite Brésilien Chico Xavier, et dès que j'arrivai chez moi, je le consultai Les chercheurs connus sous le nom de métapsychistes, sont d'étranges travailleurs qui fourmillent mais ne produisent rien de fondamentalement utile. Ils se penchent sur la terre, ils comptent les grains de sable et les vers. Ils évaluent la température et étudient la longitude, les conditions climatiques ainsi que les variations atmosphériques. Mais... Ils oublient la graine. (1).
l. F.C. Xavier, Os mensageiros, Rio de Janeiro, F.E.B., 1944, p. 237.
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17 - POUR ROULER LE DIABLE
Le reportage du Daily Mirror sur notre cas parut le lendemain du symposium de Cambridge. Bryan Rimmer avait fait du bon travail, je crois. Son article occupait une page entière et les photos que Graham Morris avait prises des oreillers en mouvement étaient bien reproduites. Grosse et moi étions cités de manière fidèle et suffisante, et les commentaires du Dr Fletcher étayaient nos déclarations. Quant aux magiciens qui s'étaient rendus à Enfield ,ils n'étaient pas d'accord entre eux. Milbourne Christopher, parlant à Rimmer (à ma demande) au téléphone depuis New York, annonça que les seuls esprits impliqués étaient les esprits supérieurs des filles alors que le ventriloque Ray Alan soutenait qu'une seule visite lui avait suffi pour percer le mystère > On le citait disant : C'est regrettable mais ces petites filles aiment tant l'attention qu'on leur accorde quand des objets se déplacent mystérieusement dans la maison qu'elles ont décidé de faire durer l'affaire en inventant la voix. Il n'oubliait qu'une chose, c'était Grosse qui l'avait inventée et non les filles. Rimmer souligna judicieusement que quand bien même la Voix serait une supercherie, cela n'expliquait pas pour autant les autres événements étranges. Plusieurs reporters avaient couvert la conférence de
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Cambridge qui avait été ouverte au public. Le News of the World nous consacra un article d'une demi-page sous le titre Polémique chez les chasseurs de fantômes : spectres ou jeux d'enfants ? Dans cet article, le Dr Beloff soutenait qu'il avait la conviction que les voix caverneuses étaient une invention pure et simple des gamines ; un autre membre de la SPR déclarait que les chercheurs respectables n'étaient absolument pas impressionnés parce qu'ils pouvaient produire des sons identiques et que notre investigation n'était < pas assez sérieuse . La meilleure citation venait de Mme Harper . Vous ne pourrez jamais comprendre ce qui se passe ici, si vous ne restez pas plus de cinq minutes. Pour ajouter à notre impressionnant dossier de presse, le Daily Express publia un article réfléchi de Richard
Grant, qui était plus concerné par le contexte psychologique du cas que par ses allures sensationnelles. Malheureusement, son récit était illustré par une photo de Linda Blair dans le film L'exorciste. Elle ressemblait étrangement à Janet et j'espérai que toute la ressemblance entre les deux cas s'en tiendrait là. Les traits tourmentés de Janet faisaient la couverture de l'excellent magazine allemand Esotera. Deux de ses rédacteurs en chef étaient venus spécialement observer le cas et l'article était écrit par Peter Andreas, un journaliste allemand qui connaissait le milieu psychologique britannique mieux que certains journalistes locaux. Alors qu'ils étaient dans la maison, Peter et ses confrères furent salués par un événement impressionnant : une brosse en plastique quitta la cuisine, siffla à travers les airs et atterrit à leurs pieds dans le living. Andreas fit remarquer que bien qu'une des fillettes se trouvait dans la cuisine, il était impossible qu'elle ait jeté cette brosse sans être prise sur le fait. Quelques jours après la conférence de Cambridge, je rendis visite au Professeur Hans Bender à son hôtel londonien. Il était très intéressé par le cas et voulait tout savoir en détail, en particulier à propos des violentes transes de Janet que nous n'avions pas mentionnées à Cambridge.
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c C'est là phénoménologie de la possession , me dit-il, quand j'eus terminé. c Vous avez certainement fait du bon travail, mais à présent, le problème qui se pose est de savoir comment arrêter tout ceci. H J'étais d'accord et lui: demandai son avis. Hormis William Roll aux Etats-Unis et Hernani G. Andrade au Brésil; il n'existait probablement personne au monde ayant une plus grande expérience des cas de poltergeists puisque le professeur Bende en avait " connu plus de quarante." A votre place, j'essayerais l'exorcisme, dit le Professeur Bender à ma grande surprise. c Je ne suis pas convaincu qu'un agent désincarné soit impliqué mais on ne peut jamais rien prouver. Je lui fis part de mes réticences à faire appel aux exorcistes, en particulier à cause de l'issue fatale du cas Michei en Allemagne que j'ai déjà cité. Maurice Grosse partageait mon point de vue pour les mêmes raisons, quant à Mme Harper; elle n'était guère plus chaude. K Oh, le rituel catholique est désastreux; répliqua-t-il. Parce que c'est l'application mécanique d'un rite qui ne tient pas compte du contexte psychologique. Vous créez des démons, savez-vous, en les contraignant à dire leurs noms. C'est vraiment terrible ! II me conseilla de faire évaluer l'état psychologique de la famille et peut-être de laisser un pasteur anglican tenter sa chance.
Je soulignai que nous avions essayé de trouver un psychologue qui aurait été disposé à prendre en compte tous les éléments ayant trait au cas, mais en vain. Je précisai de plus, que le psychiatre responsable de la santé mentale des enfants de Enfield nous avait même fait dire de laisser tomber. Par une heureuse coïncidence alors que nous devisions ainsi, un exorciste était sur le chemin de Enfield. Je n'en savais rien jusqu'à ce que j'aie une conversation avec Grosse en quiïtant le professeur Bender. Maurice me drt qu'il était simplement allé à Enfield pour parler de la conférence aux Harper. En arrivant, il s'était aperçu qu'un homme du National Enquirer avait fait venir Dom Robert Petitpierre, un moine anglican et une sommité en matière d'exorcisme.
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C'était une situation vraiment très embarrassante me dit Grosse. << Je pris le moine à part et lui expliquai la position de Mme Harper à l'égard de l'exorcisme. Je lui dis que je devais lui demander de partir. Il a très bien compris et l'a fait. Les journalistes nous jouent vraiment des tours pendables ! . En fin de compte, la controverse esprit ou jeu >> s'éteignit. La presse nous oublia et nous reprîmes nos activités. Il y avait toujours beaucoup d'agitation à Enfield mais nous fréquentions moins l'endroit à la demande du docteur Sacks, un psychiatre de Enfield (rien à voir avec le précédent) que John Burcombe avait réussi à intéresser au cas. Le docteur Sacks examina les enfants et fut très gentil et très rassurant avec Mme Harper. Son appro che du problème était très simple - pour ne pas dire simpliste - tout s'arrêterait si nous daignions les laisser seuls. Malheureusement, il n'en fut rien. John Burcombe, parlant au nom de la famille, nous demanda de revenir. Durant le mois d'avril, nous avions donc dû laisser la famille presque livrée à elle-même. Mme Harper avait noté cent cinquante-cinq incidents différents dans son journal. Certains, qu'elle nous décrivit plus tard par le menu, étaient très ingénieux. Un jour, elle préparait le dîner quand quelqu'un frappa à la porte. Elle alla accueillir le visiteur avec tous les enfants. De retour dans la cuisine, elle découvrit qu'un tas de mouchoirs en papier avaient été placé entre la casserole et la flamme du gaz. << La maison aurait pu brûller >, dit-elle. Un incident très semblable se reproduisit plus tard en présence de Grosse ; à la différence près que cette fois, les mouchoirs n'étaient que roussis bien qu'ils se soient trouvés au contact direct de la flamme. Les apparitions humaines devinrent plus fréquentes. J'étais en haut hier; pas vrai ? , dit Janet : < Au lit, et tout à coup, j'ai vu cette personne traversant la pièce. C'était comme un homme et il portait un pantalon brun juste ? et, il avait une paire de bretelles et une vieille chemise usée. Il essayait de me faire peur. Il avait des ongles longs .
c< Je l'ai vu aussi , dit Rose.
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cc Vous êtes sûres que vous ne l'avez pas imaginé ? interrogea Grosse. "Non", renchérit Janet, cc parce que je suis descendue en hurlant. Il ne voulait pas me laisser sortir du lit ; il essayait de m'y repousser. Mme Harper défendit Janet, une chose qu'elle n'avait jamais faite quand un incident lui semblait douteux. cc La façon dont elle a dévalé les escaliers, elle était dans un drôle d'état. Vous savez qu'elle a plutôt l'habitude de rire et quand elle pleure, c'est qu'il s'est réellement passé quelque chose. Et ce fut Mme Harper elle-même qui rapporta la plus nette apparition à ce jour. Ici, au risque de me répéter, je dois préciser que toutes les personnes qui ont rencontré Mme Harper au coursdu cas, y compris des journalistes très sceptiques (et, en fait, des chercheurs), pas une n'a jamais pu émettre l'hypothèse qu'elle n'était pas tout à fait sincère ; elle avait pour habitude de décrire les choses exactement comme elle les avait vues. cc Nous étions tous prêts pour aller faire les courses et je décidai d'aller aux toilettes avant de partir. Pendant que j'y étais, j'entendis des coups, à l'extérieur, comme
si quelqu'un tapait du pied. Puis il y eut un bruit dans la salle de bains; et j'allai voir. Il n'y avait rien, je me retournai pour aller tirer la chasse d'eau. C'est alors que je m'aperçus que la porte de séparation était ouverte et qu'il y avait un enfant... cc Je pensai qu'il marchait mais il flottait plutôt à travers la cuisine. C'était un enfant à peu près de la taille de Jimmy, et pendant une fraction de seconde, on aurait pu penser que c'était lui. Puis, je réalisai que ce n'était pas le cas parce que l'enfant n'était pas habillé comme Jimmy. On aurait dit qu'il portait une sorte de chemise de nuit et qu'il flottait ou qu'il glissait. > cc Nous avions un frère , dit John Burcombe en entendant cela. cc Il est mort à l'âge de cinq ans. Et Jimmy lui ressemble beaucoup. H Puis autre chose lui revint en mémoire. Dans l'hôpital où il travaillait, il avait souvent eu à s'occuper des corps de personnes décédées.
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Quand un enfant meurt , dit-il, on l'habille d'une longue chemise blanche qu'on appelle un suaire... A ce moment, je me dis, y a-t-il un lien ? où vais-je trop loin ? , remarqua Mme Harper. John Burcombe, qui, comme sa soeur, donnait l'impression d'être un témoin sérieux, nous raconta plusieurs autres apparitions qu'il avait vues. Elles incluaient des ombres et des silhouettes non identifiables sur les marches de l'escalier et à la fenêtre de l'étage. Il prit l'une d'entre elles pour Janet regardant par la fenêtre de l'étage alors que la fillette à ce moment précis se trouvait en bas. Et, en fin de compte, ce fut lui qui nous rapporta la plus spectaculaire des apparitions que je décrirai dans le chapitre suivant. En plus des ombres et des silhouettes, il y avait eu les lumières que Mme Harper vit un après-midi, sur le mur. Elles étaient quatre ; deux rondes et deux ayant la forme c de clefs r. Elles s'évanouirent au bout de quelques minutes, puis réapparurent à nouveau. Ensuite, il y avait eu l'écriture qui apparaissait avec régularité sur le miroir et les murs de la salle de bain. En général, il s'agissait de messages du style c JE SUIS FRED ou simplement < MERDE . Mais un jour, un mot beaucoup plus inhabituel apparut. Il était écrit avec du savon sur le miroir. On lisait Q, U, L, I, T. Grosse le vit et ie recopia immédiatement, mais il ne trouva le mot dans aucun dictionnaire. Moi non plus. Lorsque j'allai à la bibliothèque pour consulter le volumineux Oxford Dictionary, j'y trouvai le mot QUILLET, le seul ayant quelque chose à voir avec QULIT. D'après le dictionnaire, c'était probablement une abréviation de QUILLITY, et la citation reprise sortait de l'oeuvre de Shakespeare : Some tricks, some quillets how to cheat the Devil. Quelques tours, quelques subtilités pour rouler le Diable). C'était étrange. Le dictionnaire confirmait qu'une orthographe acceptée de ce mot à présent tombé en désuétude était QUILIT. Ainsi la signification du mot apparu sur le miroir correspondait exactement à ce qu'il représentait en fait, un tour, une subtilité. Avions-nous à faire à un spectre érudit ?
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Ce n'était pas prouvé bien qu'en réécoutant nos enregistrements précédents, Grosse remarqua un autre exemple curieux de la culture apparente du poltergeist. I1s'agissait du dialogue entre Matthew Manning et la Voix : Matthew : c Vous ne connaissez même pas mon nom. N'est-ce pas ? Voix : cc MATTHEW MANNING. Matthew : cc Non. Ce n'est qu'un pseudonyme. Voix : cc BEN VOYONS ! Quelque temps plus tard, Grosse demanda à John Burcombe de demander à Janet si elle connaissait la
signification du mot cc pseudonyme et elle répondit qu'elle n'en avait aucune idée et qu'elle ne l'avait même jamais entendu. Pourtant, la Voix avait répondu à Matthew du tac au tac. Si Janet avait produit la Voix à dessein, nous aurions pu nous attendre à ce qu'elle dise cc Qu'est-ce que c'est ? plutôt que <c Ben voyons ! > Bien sûr, le sens d'un mot peut se deviner lorsqu'il est utilisé dans un contexte particulier mais la réaction immédiate de la Voix était quand même surprenante. C'était un bon exemple pour montrer comment un incident mineur peut être aussi intriguant qu'un incident plus sérieux, tel que des canapés se renversant. Nous eûmes droit à un autre incident qui se déroula, lui, très peu de temps après celui du cc Quilit . Soudain Grosse sentit une odeur nauséabonde comme celle de légumes pourris. Il en fut très surpris puisqu'il savait que Mme Harper était très soignée et qu'en plus, il ne trouva rien susceptible d'être à l'origine de cette odeur. cc C'est intéressant, dis-je cc lorsqu'il me raconta ce fait. Quand Gerry Scherrick est venu ici, il a dit qu'une des entités présentes était une vieille taupe de Spital f ields markett . Je remis la main sur la cassette et trouvai ce que je cherchais. cc Avez-vous déjà senti des odeurs horribles comme celles de légumes pourris ? demandait Gerry à Mme Harper. C'était exactement un mois avant la découverte de Grosse.
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< Il a dû le dire après mon départ parce que c'est la première fois que j'en entends parler. Bien, très bien, commenta Grosse. << Et Mme Harper avait répondu par l'affirmative >,ajoutai-je. Selon nous, les preuves fournies par des incidents tels que ceux-ci, impliquant des individus qui n'avaient aucun lien avec la famille Harper, étaient des plus convaincantes. Il y en avait eu beaucoup dans les supermarchés et les boutiques des environs ainsi que dans les transports en commun ou même sur la voie publique. En rentrant d'une visite chez un ophtamologiste, Rose raconta qu'une boîte de lentilles de contact avait commencé à s'agiter alors que Janet et elle passaient à côté et que la porte de la pièce où elles se trouvaient s'ouvrait et se fermait toute seule. II devint très difficile pour Janet d'aller faire les commissions sans que des fruits ou des légumes ne sautent des étalages et s'écrasent au sol. Un jour où les Harper se promenaient dans le parc, une brique atterrit à leurs pieds alors que nul n'était suffisamment proche pour la leur avoir jetée. A notre grand regret, nous ne pûmes vérifier aucun des événements << publics locaux à l'exception de ceux décrits au chapitre Il. Nous réalisâmes qu'en le faisant. nous aurions attiré l'attention sur les Harper et leurs problèmes, ce qui ne leur aurait certes pas facilité la vie. Nous nous souvînmes du désarroi que pouvaient causer les poltergeists lorsque les Winter à Holloway reçurent une série de lettres anonymes extrêmement désagréables, dont l'une mérite d'être citée en entier : Quittez cet endroit, nous ne voulons pas vivre avec des sorciers et des démons comme vous. Vous avez mis le feu à votre appartement. Quand vous laissez votre chat et votre chien dehors surveillez-les parce que nous allons nous en occuper. L'autre nuit, nous avons démoli les phares de voitre voiture. La prochaine fois, ce sera votre tour. Les locataires à (adresse supprimée). Nous ne voulions pas risquer qu'une telle chose arrive à Enfield. Cependant, nous avons enquêté sur plusieurs incidents dans lesquels, en aucune façon, les Harper
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n'étaient impliqués. Dans bon nombre d'entre eux, nous trouvions les membres de la famille Nottingham. Il était difficile pour n'importe qui ayant parlé à Vic, à Peggy ou a leur fils, ne serait-ce que cinq minutes, de ne pas ressentir qu'ils étaient des gens normaux et honnêtes. Un jour, Vic s'était rendu sur son lieu de travail et il avait laissé son camion tout près, les clefs sur le contact. Voici comment il décrivit ce qui arriva ensuite : Quand je revins vers le camion, les clefs avaient disparu. Nous retournâmes sur nos pas, cherchant partout où nous avions travaillé, mais les clefs étaient introuvables. Nous avons laissé tomber. Peu importe, mon vieux camion en avait vu d'autres et j'utilisai un tournevis pour démarrer et rentrer à la maison. J'ai utilisé le tournevis pendant trois jours simplement parce que je ne trouvais pas une clef à ce chiffre. Le jour où je me procurai enfin un double, je retournai au camion et les clefs étaient là, par terre. Juste sous ma pédale, alors que j'avais fouillé le camion de fond en comble et que j'étais sûr qu'elles n'y étaient pas. >> Pourtant, elles y étaient. Nous fîmes le rapprochement entre deux incidents. Le premier concernait la disparition de la bague de Betty Grosse qui avait refait surface, le lendemain du jour où Maurice avait adressé une lettre à l'assurance pour réclamer l'indemnité. Un après-midi, le fils de Vic, Garry, se servit un verre de limonade et alla s'installer dans le jardin derrière la maison pour le boire. Il déposa le verre, se détourna une seconde et quand il le reprit, il constata qu'il était vide. Certains amis ou parents des Nottingham firent chez eux d'étranges expériences. La petite amie de Garry, par exemple : Je montai chercher un 33 tours , nous raconta-t-elle, il était juste en bas de la pile. Quand je me baissai pour le ramasser, une main me toucha l'épaule. Je pensai que c'était Garry qui flânait par là, mais en me retournant, je vis qu'il n'y avait personne. Alors, je me suis précipitée en bas en hurlant et en pleurant. > Ce n'était pas tout. Le lendemain, on frappa à la
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porte. Ma mère alla ouvrir et... il n'y avait personne. M. Richardson, le père de Peggy, nous fit, quant à lui le récit, haut en couleur et plein d'humour, d'une chose qui lui était arrivée. Il lavait la vaisselle dans l'évier de la cuisine ; Vic était toujours à table à l'autre extrémité de la pièce. Dans l'évier, il avait empilé une passoire verte au-dessus d'une tasse et d'une soucoupe. Un grand plat à viande en étain couronnait cet édifice . J'étais en train de laver les autres choses et tout â coup, le plat vint là. Il indiquait une distance en hauteur d'environ quinze centimètres. < Et ensuite, je vis la passoire décoller et atterrir par terre puis terminer sa course sous la chaise ; la tasse et la soucoupe, elles, n'avaient pas bougé. C'était < un tour > habituel des poltergeists. La réaction de M. Richardson avait été immédiate. J'ai dit foutez le camp ! , se rappela-t-il indigné. Etes-vous convaincu que de telles choses arrivent, maintenant ? lui demanda Grosse. Ben, oui après avoir vu ça répliqua-t-il il n'y a pas l'ombre d'un doute. Puis il ajouta. Mais je ne 1'aurais pas cru si quelqu'un me l'avait raconté. Les Nottingham étaient des gens très sociables ; ils recevaient souvent des amis pour jouer aux fléchettes. Un de leurs proches qui avait l'habitude de venir chaque ieudï depuis trois ans, avait suspendu ses visites dès les débuts du poltergeist. I1 est effrayé, il a peur de le ramener chez lui , remarqua Peggy. C'était une réaction courante. Une dame qui séjournait au no R6 entendit des bruits bizarres une nuit mais elle refusa de faire une déposition parce qu'elle craignait qu' IL reparte avec elle à Leeds. Un des incidents qui emporta le plus grand nombre de témoignages, depuis les épisodes du coussin et les lévitations de décembre 1977, se déroula le 30 mai 1978 Jour où le poltergeist donna pour la seconde fois une représentation en public, en plein jour devant plusieurs témoins. Les petits Harper se disputaient avec les gamins du no 86,
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par-dessus le mur, quand soudain une pluie de pierres s'abattit dans leur jardin. Mais avant que qui que ce soit ne puisse accuser les garçons d'à côté d'être coupables, une seconde cc giboulée arriva en sens inverse. Puis, pour ajouter à la confusion, le locataire du no 90 vint très courroucé se plaindre que quelqu'un lui avait lancé des pierres. Après quoi, un étonnant bombardement de pierres, de bouteilles de lait, de briques et de touffes de gazon fit rage : les objets volèrent dans toutes les directions et atterrirent au moins dans cinq jardins différents. Bientôt, il y eut un tohu-bohu général dans Wood Lane alors que les habitants se précipitaient les uns chez les autres pour essayer de comprendre ce qui venait de se passer. Et quoi que ce soit, on ne pouvait pas accuser les petits Harper d'avoir joué ces tours puisque cela s'était poursuivi même après que Mme Harper ait fait rentrer sa progéniture à la maison. Maurice Grosse fit beaucoup de kilomètres ce jour-là pour essayer de comprendre ce qui était arrivé, enregistrant plusieurs déclarations sur le vif. Une des enfants du no 86 lui dit que les pierres venaient du côté de la rue et passaient au-dessus de chez elle alors que tous les Harper étaient en vue. cc Ce n'était pas eux , affirma t-elle fermement. Pas une personne parmi les membres des cinq familles que Grosse interviewa ne pouvait dire qu'elle avait vraiment vu quelqu'un jeter quelque chose. La description la plus claire fut donnée par le frère de Peggy Nottingham, Jack Richardson, qui déjeunait dans la cuisine quand il dit à Grosse ce qu'il avait vu : <c J'étais exactement là où ie me trouve maintenant,face à la fenêtre, je mangeais. Et il y eut ce coup violent et la vitesse qui venait de là... Une motte de terre s'était écrasée si violemment sur la porte de derrière qu'elle l'avait ouverte. c Alors, je suis allé voir et j'ai constaté qu'elle s'en allait par là ! Il montrait le fond du jardin des Nottingham. cc Vraiment ? depuis la maison ? demanda Grosse. cc Oui. En ligne directe, affirma Jack Richardson. cc Elle se déplaçait très vite et puis s'est écrasée, tout
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simplement. C'était une motte ronde et nous en avons retrouvé les restes. Ça m'a fait frissonner. C'était la première fois que je voyais quelque chose arriver ici. On ne pouvait en douter, l'incident l'avait secoué. Après tout, si vous regardiez par la fenêtre et que quelque chose s'envolait c de vous alors que vous êtes certain de ne pas l'avoir lancé, que penseriez-vous ? Et que pensa Brenda Burcombe, le jour où son pâté en croûte disparut ? Elle l'avait acheté pour son repas et en rentrant à la maison, l'avait déposé sur la table de la cuisine. Soudain, il se volatilisa et Brenda ne le retrouva jamais bien qu'elle soit retournée dans le magasin pour voir si elle ne l'y avait pas oublié. Plus tard le même jour, un message fut gribouillé sur la glace de la salle de bains des Harper : c J'AI PRIS VOTRE PATE EN CROUTE. Rose qui n'était pas au courant du vol du repas de Brenda, nettoya le miroir en rentrant de l'école. Quand elle eut bu son thé, elle retourna à la salle de bains et découvrit le même message sur le miroir. Grosse et moi étions stupéfaits par le fait que tant d'hommes et de femmes ordinaires en plus des Harper des Nottingham et des Burcombe étaient finalement convaincus de l'existence du poltergeist à cause des preuves qu'ils avaient eues. Malheureusement, à chaque fois que nous invitions un membre de la SPR, il ne se produisait absolument rien et ils trouvaient difficile de croire que quelque chose se soit jamais produit. Néanmoins, la plupart d'entre eux admettait qu'il était tout aussi difficile de mettre en doute la parole des témoins. Cependant, ce n'était pas toujours le cas avec les visiteurs qui étaient venus plusieurs fois à Enfield. Parmi ceux-ci, se trouvait Rosalind Morris de la BBC Radio, qui, comme nous, commençait à avoir des problèmes avec ses enregistrements. Un jour, elle arriva et constata que son magnétophone à cassette ne fonctionnait pas ; un des boutons avait été enfoncé si fort qu'il était bloqué. Il fonctionnait parfaitement avant qu'elle ne quitte son domicile et elle était certaine que personne n'avait heurté son sac dans le train. '
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En une autre occasion, elle apporta un des meilleurs engins de la BBC, un enregistreur à bande Uher, ayant la réputation d'etre ce qui se faisait de mieux. Elle était bien familiarisée avec la machine, et la chargea avec précaution pour enregistrer. Tout à coup, la bande cc bourra et refusa de défiler dans un sens ou dans un autre. Le lendemain, elle le porta pour examen à l'ingénieur de la BBC, Don Hitch. Il trouva la panne. La bande s'était enroulée autour de l'axe central faisant tourner la bobine d'entraînement. cc Cependant je ne puis affirmer de façon catégorique que cette " défaillance " ne se serait pas produite dans des conditions normales, > écrivait M. Hitch dans sa déposition signée, cc en sept ou huit années d'expérience, je n'ai pas le souvenir que ce type d'appareil se soit comporté ainsi. En ce qui me concerne, cet incident reste inexpliqué. Nous ne connaissons qu'une exception à la règle du poltergeist qui voulait que les membres de la SPR n'assistent à aucun événement lors de leur première visite. Il s'agissait du Professeur Hasted qui n'était venu qu'une fois à Enfield. Mais il faut bien avouer qu'il avait manifesté un intérêt certain pour le cas, qu'il nous avait procuré un équipement adapté, prodigué de judicieux conseils et surtout dépêché un de ses étudiants, David Robertson. Un soir, les Harper étaient dans la chambre prêts à se coucher, sauf Rose qui était encore au pied de l'escalier dans notre champ de vision, ils entendirent une secousse venant du living ; ils descendirent et s'aperçurent qu'une chaise s'était renversée et que le lustre se balançait. L'ampoule électrique était cassée de la façon la plus inhabituelle. L'observation faite sans tarder par le Professeur Hasted révéla que l'un des supports en verre du filament avait été cassé net. cc C'est , me dit-il, cc un phénomène rare. I1 était étrange que ceci se soit produit en présence d'un enquêteur qui avait pensé à examiner l'ampoule pour déterminer l'origine de l'incident. Et je me surpris alors à repenser à une idée qui, auparavant, m'avait déjà traversé l'esprit. Enquêtions-nous sur un cas de poltergeist.
ou ledit poltergeist enquêtait-il sur nous ?
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18 - a MA PETITE TETE
cc Je veux m'en aller d'ici , dit Janet un jour de juin 1978. A cette époque, le Spectacle de Enfield durait depuis neuf mois et ne présentait aucun signe d'accalmie cc Cette chose, toujours cette chose... cc Je suis très inquiète au sujet de Janet, nous dit un jour Mme Harper. cc Maintenant, je crois qu'elle fait certaines de ces choses, mais elle l'ignore. Je l'ai très bien observée. Elle rappela la nuit de la première transe violente de Janet en octobre. Je pense qu'un changement a eu lieu ce jour-là chez elle. Serait-il possible qu'elle soit possédée par un autre esprit ? Et qu'il lui dise de
faire des choses ? Ce que je dis est terrible, mais c'est ainsi que je vois la situation.
La cause principale de son inquiétude était d'avoir vu Janet sortir de la salle de bains avec une étrange expression sur le visage. cc On aurait dit qu'elle était ailleurs ,dit-elle. cc Que fais-tu là, Janet , lui avait-elle demandé. cc Je ne sais pas quoi faire avec ça. C'était dans le lavabo répondit Janet. Mme Harper n'eut pas besoin de demander ce qu'était " ça ". cc Quand je regardai, nous dit-elle, c une partie des excréments était dans le lavabo et l'autre, sur la serviette de toilette. Je ne peux pas dire que je l'ai vu faire, parce que la porte était fermée. j'avais simplement le sentiment
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qu'elie l'avait fait et qu'ensuite, en réalisant qu'il y avait quelque chose là, elle ne savait plus quoi faire. Même si Janet était capable d'avoir une conduite si répugnante, ce que je ne croyais pas, se serait-elle laissée prendre aussi facilement ? Mais quoi que ce soit, ou qui que ce soit qui lui dictait ses actes, elle n'était certainement pas responsable, au niveau conscient, de l'incident qui eut lieu à quelques jours de là. Janet pelait les pommes de terre quand la cuvette d'épluchures sauta soudain au sol. Grosse était dans le living d'où il voyait la fillette, son enregistreur fonctionnait. Elle n'avait pas jeté le récipient. Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il. Oh, la cuvette a sauté, répliqua Janet, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Grosse, selon
son habitude en de telles occasions, fit un compte rendu qu'il enregistra. La cuvette, dit-il, < a sauté de l'évier de la cuisine sur le sol. J'ai entendu le bruit et elle (Janet) n'était pas à proximité. Elle était dans mon champ de vision. C'était un incident de plus dont l'authenticité ne faisait aucun doute. La chose paraissait follement éprise des pommes de terre. Quand un après-midi, Rose en éplucha à son tour, elle
venait tout juste de les mettre dans la casserole sur le gaz, quand celle-ci prit son élan, traversa la pièce et s'écrasa sur la porte répandant les pommes de terre partout dans la cuisine. Rose remarqua un détail curieux. Elle s'est retournée et s'est mise à tourner si vite, qu'à ce moment, les pommes de terre étaient toujours dans la
casserole. Le poltergeist comme un enfant méchant (ce n'était pas impossible comme nous le savions) s'amusait à jeter lés objets par terre et en particulier, s'était pris de passion pour les ustensiles de cuisine qu'il utilisait comme des projectiles. Un jour, pendant que John Burcombe était dans la maison avec les Harper, ils entendirent tous un fracas dans la cuisine. John y arriva le premier. Nous étions ici >, dit-il, << et nous entendîmes la bouteille de lait frapper le carrelage
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et je sortis avec tout le monde. >> Personne n'était dans la cuisine à ce moment.
Ils découvrirent une composition bien ordonnée : les quatre plantes du rebord de la fenêtre étaient disposées en triangle, l'une au centre ; une bouteille de lait était à
proximité avec une boîte de mouchoirs en papier, une boîte en plastique et un bol rouge renversé. Un jour, pour changer, la Chose décida même de se rendre utile. Mme Harper faisait un gâteau et au moment de verser le sucre dans le bol, elle entendit distinctement une voix lui dire à l'oreille : cc Vous n'avez pas assez de sucre, Mam ! Avec la même intonation que l'une des Voix. Pourtant aucun des enfants n'était dans la maison. Et quand elle vérifia, elle s'aperçut qu'elle n'avait effectivement pas assez de sucre pour sa recette habituelle. De tels incidents nous prouvaient que Janet n'était pas impliquée directement dans toute l'activité. Pourtant nous commencions à partager l'avis de sa mère quant à son comportement général. Elle éprouvait toujours de grandes
difficultés à s'endormir sans être projetée hors de son lit. Et bien qu'elle donnât l'impression de s'amuser de cette gymnastique nocturne, un incident particulier révéla un détail extraordinaire lorsque Grosse mit Mme Harper sur le grill à ce propos. Elle lui raconta comment elle avait vu Janet s'élever au-dessus de son lit.
cc Soixante centimètres ou un mètre d'abord dit Mme Harper c mais quelquefois, elle a roulé en bas du lit et après ça lévite, très haut, presque jusqu'au plafond.
cc Etait-elle couchée ? demanda Grosse.
Oui, essayant de remonter dans le lit. cc
Horizontale ?
Oui, insista Mme Harper. cc
Elle se recouchait et ramenait les couvertures sur elle. Quelque chose fit tiquer Grosse. Et aussitôt, elle lévitait avec les couvertures ? demanda-t-il.
cc Non assura-t-elle. " non ", acquiesça Janet. cc Je montre simplement. Les couvertures, elles, ne bougent pas.
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Attendez >, dït Grosse. Ecoute-moi bien. Tu es couchée sous les couvertures et puis, tu lévites dans les airs mais les couvertures, elles, ne te suivent pas. Serais- tu en train de me dire, par hasard, que tu passes à travers les couvertures !
c Je ne sais pas répliqua Janet.
< C'est ce qu'il me semble à moi, dit sa mère << le lit n'est pas défait.
C'était un peu fort. La lévitation nous pouvions y croire à présent, mais la lévitation à travers les couvertures ? . Nous arrêtâmes un plan, qui, du moins nous l'espérions, nous permettrait d'y assister. David Robertson installa le matériel vidéo ; la caméra fixée au mur de la chambre, laissant l'enregistreur et la console dans la pièce de derrière qu'il tint fermée. Puis, à l'heure du coucher, nous jouâmes un comédie que nous avions soigneusement répétée auparavant. Une fois les fillettes au lit, David et Grosse entrèrent dans la pièce de derrière. c Ce n'est pas bon , dit-il à voix haute ça ne fonctionne pas. Puis suivit une discussion technique complexe, destinée à abuser les fillettes. << Je connais un homme en haut de la rue qui aura la pièce dont nous avons besoin, dit Grosse. Ensuite, ils quittèrent la maison, roulèrent jusqu'au coin de la rue et restèrent assis là, pendant une demi-heure. Bien sûr, pendant ce temps le système vidéo qui, en fait, fonctionnait parfaitement, enregistrait. C'était une de mes idées. Je raisonnais que nous pourrions avoir quelques actions réelles sur le magnétoscope si les fillettes ne savaient pas qu'il était branché. A part la question de savoir si elles s'amusaient à nos dépens ou non, j'arguai que le poltergeist semblait utiliser leurs facilités et donc si elles ne savaient pas que la caméra nvisible les enregistrait, lui non plus: De prime abord, l'idée paraissait géniale, ce fut un four complet. Dès que Maurice et David furent sortis Janet sauta de son lit sans raison apparente et alla regarder par le trou de la serrure dans la chambre du fond. Et, une coïncidence malheureuse avait voulu que l'écran témoin et la console d'enregistrement se trouvent dans sa ligne de mire.
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Janet les vit et sut dès ce moment que le matériel fonctionnait. Elle réalisa que nous lui avions joué un tour. Aussi rien n'arriva-t-il. Janet m'avoua plus tard qu'elle nous avait soupçonnés dès le départ. En fin de compte, nous décidâmes tous que le plus simple pour Janet était de quitter la maison comme elle l'avait elle-même suggéré. Le Professeur Hasted et Grosse se rendirent chez le Dr Sacks, le psychiatre local qui avait de temps en temps gardé un oeil sur la famille. Après une longue discussion, il accepta que Janet retourne en pension chez les soeurs catholiques romaines. Elle quitta la maison le 16 juin 1978 et dès qu'elle fut partie, j'entreprit d'autres démarches afin qu'elle puisse être admise au Maudsley. J'étais certain que le Dr Sacks se montrerait plus coopératif que son collègue ne l'avait été l'année précédente lors de ma première tentative. Quand je contactai le Dr Fenwick au Maudsley. deux suprises agréables m'attendaient. Non seulement il était toujours intéressé par le cas mais de plus, il connaissait personnellement le Dr Sacks et m'assura qu'il n'y aurait aucun problème pour obtenir les papiers nécessaires. Ainsi, enfin, le 25 juillet, Janet franchit pour la première fois de sa vie la Tamise et s'installa dans une chambre agréable et lumineuse du Maudsley's Institute of Neuro-Psychiatry. Nous n'avions pas pu la voir durant les six semaines qu'elle avait passées chez les soeurs d'après ce que nous pouvions constater, elles s'étaient très bien occupées d'elle et ce séjour lui avait été salutaire tant
sur le plan physique que sur le plan mental. C'était un grand jour pour moi. Enfin, Janet était là où j'avais voulu qu'elle aille depuis plusieurs mois, dans un des meilleurs hôpitaux psychiatriques du monde sous l'oeil vigilant d'un psychiatre qui manifestait un intérêtcertain pour le cas. Et je fus flatté et enchanté quand le Dr Fenwick me demanda si Grosse et moi voudrions venir pour exposer la situation aux médecins avant qu'ils ne rencontrent Janet. Nous passâmes notre week-end à rédiger une présentation concise des événements et nous fûmes très surpris en arrivant à l'hôpital de trouver une
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pièce remplie de médecins qui attendaient de nous entendre parler des poltergeists.
Grosse donna lecture de l'exposé préparé à leur attention, soulignant les événements principaux pendant que les onze médecins écoutaient attentivement. La plupart d'entre eux était psychiatres et quelques-uns paraissaient très doctes. II y avait aussi deux Africains, visiblement très embarrassés. Je devinai que ce qu'ils entendaient ne correspondait pas exactement à ce qu'ils étaient venus apprendre en Europe. Il rappela aux médecins que les cas de poltergeists défiaient l'humanité depuis au moins mille cinq cents ans et qu'ils n'avaient jamais été étudiés par des spécialistes aussi compétents qu'eux. Il souligna les approches Spirite et Freudienne en ce qui concerne les théories explicatives rappelant au passage que c'était dans le journal de la Society for Psychical Research que les travaux de Freud avaient été mentionnés pour la première fois. (J'avais introduit cette remarque dans le compte rendu pour montrer que la SPR s'enorgueillissait d'un passé respectable et qu'elle n'était pas un ramassis de chasseurs de fantômes excentriques). Il conclut, comme nous l'avions fait à Cambridge, en les invitant à aborder le problème sous un angle pluridisciplinaire. De tels cas, quelle que soit leur vraie nature, présentent un grand intérêt parce qu'ils impliquent d'évidentes interactions entre l'esprit et la matière. Ils s'inscrivent, semble-t-il, au carrefour de la physique et de la psychiatrie. Le Professeur Hasted s'occupait du plan physique et nous espérions qu'ils seraient capables d'apprendre quelque chose sur l'autre bout du problème ,l'esprit de Janet.
Quand Grosse eut terminé, il y eut un silence total J'étais certain que rien de tel n'avait jamais été dit au Maudsley avant. Je savais que deux victimes des cas de poltergeists dont s'était occupé le Professeur Bender avaient été examinées par des psychiatres ; mais à ma connaissance en Grande-Bretagne, ceci ne s'était jamais produit à l'exception peut-être du cas Ecossais au sujet
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duquel je n'ai jamais réussi à apprendre qu'une chose,qu'il y avait eu un phénomène vocal semblable au nôtre. Le Docteur Fenwick rompit le silence quelque peu pesant en demandant un supplément d'information à propos des états de conscience altérés de Janet. En fin de compte, cette rencontre qui devait durer quinze minutes se prolongea plus d'une demi-heure, bien que plusieurs médecins n'aient pas ouvert la bouche. Je présume qu'ils avaient été pris par surprise et ne savaient tout simplement pas quoi dire.
Cependant, ils savaient certainement que faire puisque nous apprîmes que Janet serait soumise à des examens approfondis tant physiques que psychologiques. Si quelque chose ne tournait pas rond chez elle, nous pouvions être sûrs qu'ils le trouveraient. Pendant ce temps à Enfield, il n'y eut qu'un problème. Nous avions agi en nous basant sur la présomption que Janet était le catalyseur principal de l'activité du poltergeist et qu'en l'éloignant de la maison, on mettrait fin aux troubles. Mais, ils ne cessèrent pas pour autant. Quelques jours après le départ de la fillette chez les soeurs, John Burcombe rendit visite aux Harper, comme d'habitude. Il poussa la porte du jardin et se dirigea vers la porte d'entrée. Elle s'ouvrit. Il entra pensant qu'un de enfants lui avait ouvert et se tenait derrière. Mais quand il fut à l'intérieur, il eut un choc : il n'y avait personne. Burcombe était à présent habitué aux étranges événements qui se déroulaient tant chez sa soeur que chez lui. Pourtant, il trouvait plus qu'énervant le fait que de telles choses arrivent quand il était seul. Et deux surprises l'attendaient encore. La première arriva quelques jours plus tard. Grosse et moi avions été entendre à la SPR une conférence sur les soucoupes volantes. L'orateur était à peine audible du fond du hall et mon esprit commençait à vagabonder. Puis, je saisis le mot < poltergeist que l'orateur avait mentionné et je me tournai vers Grosse. Voilà ce qu'il nous manque à Enfield , murmurai-je, une soucoupe volante . A peu près au moment où je faisais cette plaisanterie,
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John Burcombe se tenait sur le seuil du living des Harper, prêt à partir après avoir eu une conversation avec sa soeur. Quand tous deux perçurent un bruit étrange. c Tu as entendu ? demanda Mme Harper. On dirait un enfant qui rit , répondit Burcombe.
Il pensait que le bruit venait de la cuisine. Bon, surtout ne pas s'inquiéter, pensa-t-il, en posant la main sur la poignée de la porte du living donnant sur la petite entrée. Voici ce qui arriva ensuite : cc Soudain, il y eut cette puissante pression derrière moi, nous dit-il le jour suivant. (La porte d'entrée était fermée). cc Je me sentais poussé en avant. J'étais tout à fait conscient de mon environnement mais quand cette poussée se produisit, je sentis - je savais où j'étais mais c'était comme si j'étais entouré - par rien. Tous deux, nous considérions John Burcombe comme le meilleur de nos témoins. Il chercha toujours les mots les plus justes afin de donner une description correcte des nombreux incidents dont il fut témoin durant le cas. Vous diriez le vide, poursuivit-il. Mais ce n'était pas ça parce que tout était parfaitement calme. j'entendais tout. C'était une sensation bien plus horrible, c'était...comme être ailleurs - vous savez où vous êtes, pourtant vous êtes perdu, entouré par - rien. Détaché. Il reconnut que l'expérience avait duré à peu près trente secondes et sur le moment, il n'en souffla mot à quiconque. En rentrant chez lui, il se sentit soudain fatigué. Il se prépara une tasse de thé, en but une petite gorgée et s'endormit. Il se réveilla soixante-dix minutes plus tard. cc Je dors n'importe où, dit-il, c même sur un fil à linge. Mais en général quand vous faites un petit somme, vous le savez, Mais, là, c'est venu comme ça ! I1 claqua des doigts.
Avait-il été pris dans le champ d'attraction d'une soucoupe volante ? Qui sait ? Toute tentative d'explication de ce qui se produisit â Enfield en 1977 et 1978 paraît complètement fantastique selon les critères de nos connaissances actuelles. Précisons incidemment qu'à cette époque. il y avait eu un certain nombre de rapports concernant
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des apparitions d'OVNI dans les environs mais ni nous, ni les Harper n'avons jamais abordé le sujet. La troisième expérience de John Burcombe durant l'absence de Janet lui valut la plus grande frousse de sa vie. Cette fois, non seulement il n'y avait pas âme qui vive dans la maison mais de plus, la famille Harper au grand complet était à près de cent kilomètres. Ils étaient en vacances sur la côte Est avec Janet, qui à cette occasion avait été autorisée à sortir du Maudsley. Comme d'habitude, John surveillait la maison pendant leur absence. c Ce jour-là, N nous dit-il, cc je marchais dans le living,m'arrêtant de temps à autre pour regarder les gens qui passaient. Puis, je me tournai vers la droite, regardant directement vers la cuisine. Alors, je vis assis à la table
du living, un homme. cc Il était assis sur une chaise devant la table, il me tournait le dos. I1 était accoudé, exactement à cet endroit. I1 avait une chemise blanche sans col, avec des rayures bleues. C'était le genre de chemise - pas une neuve - qu'on portait dans les années trente. Des manches roulées, un pantalon noir, une ceinture en cuir et des cheveux gris clairsemés. cc Quel choc j'ai eu en voyant ça ! Il ne bougeait pas et il lisait dans mes pensées. Je le regardais et une idée me vint à l'esprit, je me dis : cc Qu'est-ce que tu fais ici ? Quel jeu joues-tu mon gaillard ? cc Il me tournait le dos regardant droit devant lui. J'étais sur le point de dire quelque chose quand, soudain, je réalisai dans quelle maison j'étais. Je réagis aussi vite que l'éclair en fermant les yeux quelques secondes. Quand je les rouvris. Plus personne ! H cc Paraissait-il solide ? questionna Grosse.
c I1 était comme vous en ce moment, > répliqua Burcombe sans hésitation. cc Comme tout un chacun assis à une table. Pas d'imprécision, rien. Clair comme de l'eau
de roche. Ceci se passait vers 17 heures, un après-midi d'été, en plein jour.
cc Je quittai la maison précipitamment v, poursuivit-il n j'étais effrayé. En arrivant chez moi, j'ai dit à ma femme : cc désolé, mais en aucun cas, je ne remettrai les
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pieds dans cette maison tout seul. Cette maison est hantée ! Plus tard dans la soirée, la fille de John, Brenda, rentra chez elle paniquée. Elle était, comme son père, un vétéran de la campagne de Enfield, ayant assisté à plusieurs incidents tant chez elle que chez les Harper. C'était une fille sensible, nullement hystérique et son imagination n'était pas débridée. <c Que se passe-t-il ? demanda son père. Il ne lui avait rien dit de sa propre frayeur. Voilà >>, répliqua Brenda, < je passais simplement devant chez Peggy Nottingham et j'ai vu une ombre qui se déplaçait dans le salon. Elle était passée là au moins cinq cents fois depuis août 1977, mais elle n'avait jamais rien vu de tel. Elle n'était pas capable de donner une description précise de ce qu'elle avait vu ; mais il n'y avait aucun doute que quoi que ce fût, elle avait été bouleversée. Ceci arrivant juste après l'expérience de son père dans la maison mitoyenne, il y avait de quoi réfléchir. Vic Nottingham fut intrigué par le récit de Burcombe. Avec tact, nous lui demandâmes s'il pensait que ce pouvait être son père. (La voix avait souvent prétendu être Fred Nottingham, une prétention que nous n'avons jamais prise au sérieux, puisque d'après tous les témoignages, c'était un homme que les fillettes avaient connu et aimé). On dirait plutôt mon grand-père, dit Vic. Il retirait toujours son col. Il était terrassier et portait toujours sa ceinture. Puis, il se souvint d'autre chose. Ses grands parents avaient perdu un petit garçon âgé de quatre ans qui était tombé dans l'âtre << C'est peut-être pour ça que la cheminée a été arrachée un jour suggéra Peggy. Bien que l'accident soit arrivé dans une maison différente, c'était peut-être une coïncidence significative. (Rose qui ne savait rien à propos de la mort du petit garçon, nous avait dit, plusieurs mois auparavant, avoir vu un gamin sauter hors de la cheminée.) Enfin, tout cela allait-il avoir un sens ? Quelquefois, on aurait pu penser que oui. C'était comme un énorme puzzle pour lequel nous n'aurions réussi à placer que
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deux ou trois pièces sur un millier. J'enviais Jimmy qui en un rien de temps, à partir d'un énorme tas de briques Lego construisait un petit immeuble Pour ajouter à la confusion, Rose mentionna un jour qu'une des apparitions qu'elle prétendait avoir vue était une de celles qu'elle avait déjà vue quatre ans auparavant. Elle et plusieurs camarades de classe, me dit-elle, avaient joué au ouija dans un appentis. Nous avions toutes mis nos noms autour , dit-elle < et nous avons dit : si le verre se renverse c'est hanté s'il ne se renverse pas ce n'est pas hanté. Nous l'avons fait. Nous ne savions pas vraiment ce que nous faisions à ce moment, parce que nous n'avions que dix ans.
C'était l'idée d'une de ses camarades, dit-elle. Elle l'avait lu dans un livre. Et quand nous l'avons fait, nous avons vu le visage de cet homme à la fenêtre poursuivit-elle. < Et je l'ai revu l'autre nuit, le même. Je lui demandai si elle en était sûre. << Certaine, certaine, parce que c'était le même visage et les mêmes yeux. Je l'interrogeai un bon bout de temps, évitant les questions directes au vu des circonstances de sa confession forcée à la brigade de choc du Daily Mirror. Mais elle se tint avec ténacité à son histoire en m'assurant qu'elle ne jouerait plus jamais au ouija. Je saisis cette opportunité pour lui demander si elle avait lu l'Exorciste ou vu l'un des films qui en ont été tirés. Elle répondit par la négative et ne parut guère intéressée. (Environ un an plus tard, Mme Harper emprunta un livre sur les fantômes à la bibliothèque et l'abandonna très vite. Rien de tout ceci n'est nouveau pour moi , me dit-elle.) Les coïncidences ne cessaient de s'accumuler. Un jour Maurice Grosse téléphona à John Burcombe, comme il le faisait souvent pour lui demander si tout allait bien. Il nota l'heure : 19 h 20. Burcombe lui répondit que tout était calme. < Dans ce cas, je ne viendrai pas ce soir dit Grosse. Tard ce soir-là, il me raconta qu'il avait eu le sentiment
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que Burcombe se trompait, et à 19 h 35, son téléphone sonna. cc J'ai eu l'intuition que c'était John qui téléphonait pour dire que quelque chose était arrivé , dit-il. cc Ouand
je décrochai, c'était lui et il me dit qu'à 19 h 20, heure exacte à laquelle je l'avais appelé, des choses ont commencé à arriver dans la maison des Harper. Et ce n'était pas des incidents mineurs. Mme Harper nous les décrivit en détail en fin de soirée : Ils étaient tous assis dans le living. Mme Harper sentit un de ses maux de tête prémonitoire s'installer. Elle le dit à Rose qui lui répondit que soudain elle avait froid. Puis, Mme Harper se leva pour aller dans la cuisine.où elle trouva une tasse, une assiette et une cuillère disposées sur le paillasson. cc Oh, ramassez ça ! dit-elle sévèrement. Rose vint l'aider. Puis. elles entendirent un bruit fracassant. La chaise près de la fenêtre s'était renversée alors que personne n'était à proximité. cc Je suis restée plantée Ià, vraiment tremblante , nous dit-elle c et soudain, on a entendu une secousse formidable. La longue desserte près du mur s'était retournée et à ce moment, nous étions tous dans la cuisine Tous, sauf Janet, bien sûr puisqu'elle était à une trentaine de kilomètres de là, au Maudsley Hospital. c< Si ça recommence , dit Mme Harper. cc je ne tiendrai pas le coup . C'était reparti de plus belle et, en vérité,
ça n'avait jamais cessé. Le phénomène s'était certainement calmé après le départ de Janet. Nous ne saurons jamais ce qui se passa en juillet et en août 1978 parce que nous avions demandé à Mme Harper de ne plus prendre note des événements dans son journal pensant que c'était une manière comme une autre de décourager le poltergeist. Nous utilisâmes tout notre pouvoir de persuasion pour suggérer que le cas était terminé maintenant que Janet était écartée. Il était pourtant évident que nous nous trompions. Nous avions tout essayé, nous avions même obtenu le meilleur traitement psychiatrique possible pour Janet, et rien n'avait marché, du moins, de façon durable.
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Mais ,pensai-je, tous les médiums qui sont venus ont au moins fait du bien ; aussi en contactai-je deux autres. La première était Ena Twigg, probablement la plus cëlèbre médium de Grande Bretagne, qui me dit qu'on la sollicitait tant qu'elle ne pouvait tout simplement pas sortir de chez elle pour le moment, Cependant, elle me donna par téléphone une démonstration impressionnante et spontanée de ses légendaires pouvoirs de clairvoyance. Je vois un livre de prières juif écrit en hébreu , dit-elle, il est ouvert à peu près à la moitié . Je ne lui avait rien dit de spécifique au sujet du cas. Je téléphonai immédiatement à Grosse pour lui communiquer cette information. "C'est très intéressant ", dit-il, c< j'ai pris mon livre de prières, la semaine dernière pour en dire une, bien précise. Elle se trouvait au milieu du livre . Je savais qu'il priait souvent chez lui, mais nous n'avions jamais abordé la question, nous respections mutuellement nos religions différentes et je ne l'avais jamais vu avec un livre de prières. Quelques jours plus tard, j'eus une longue discussion à propos du cas de Enfield avec Rose Gladden dans le cadre paisible d'une manifestation se déroulant à IckwellBury où nous donnions des conférences au siège de la Yoga f or Health Foundation. L'endroit était mal choisi pour un tel sujet mais j'appris que Rose dont je ne
connaissais que l'activité de guérisseuse avait connu personnellement ce que nous vivions à Enfield, y compris les Voix et qu'elle s'était également intéressée à plusieurs cas sérieux de poltergeist. c Il y a beaucoup de mal qui revient vers la Terre à l'heure actuelle me dit-elle. Ils veulent prendre le dessus. Ceux qui tirent les ficelles sont vraiment mauvais, et qu'importe leurs noms. Ils utilisent les autres pour faire leur sale boulot. > C'était exactement ce que George et Annie Shaw nous avaient dit. Rose proposa de nous aider à Enfield mais elle était sur le point de partir aux Etats-Unis, et nous convînmes que je la recontacterais dès son retour si les choses allaient toujours aussi mal. Cependant, pour des raisons
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qui deviendront évidentes au chapitre suivant, je n'eus pas à le faire. Mais, si je devais être à nouveau mêlé à un cas de poltergeist, je n'y manquerais pas. Le 29 juillet 1978, je rendis visite à Janet au Maudsley accompagné par Rosalind Morris. C'est à peine si je la reconnus. Elle paraissait bien nourrie, détendue et plus mûre que lorsque je l'avais
quittée deux mois auparavant. On s'occupait bien d'elle et elle s'entendait bien tant avec le personnel hospitalier qu'avec les patients, y compris avec un ou deux malades gravement atteints. Elle nous montra par la fenêtre un homme marchant d'un pas alerte dans le ravissant petit jardin intérieur. Il portait un chapeau noir, une grande barbe noire et une blouse blanche. << C'est un rabbin ? , demanda-t-elle. Je lui expliquai
que l'homme était vraisemblablement un Juif hassidique et appris que c'était un des médecins qui l'avait examinée.Elle l'aimait bien, le trouvant très gentil et très drôle. Cette remarque contrastait étonnamment avec l'hostilité que sa Voix avait si souvent exprimée à l'égard de Grosse, le traitant constamment de rabbin , avec une intonation des plus méprisantes. Je demandai à Janet s'il s'était produit quelque chose
pendant qu'elle était chez les soeurs. < Ouais >, dit-elle, << je suis allée aux toilettes, une nuit et, je ne voulais réveiller personne, alors je n'ai pas tiré la chasse d'eau. Et puis, quand j'ai refermé la porte elle s'est tirée toute seule ! Une petite boîte avait aussi sauté du rebord de la fenêtre de sa chambre, le lendemain de son arrivée, dit-elle ajoutant : Les soeurs ont dit que c'était le fruit de mon imagination. Puis, elle nous montra un fragment de sa règle en plastique qui s'était cassée net en trois parties sur son pupitre. C'était un des très rares incidents qu'elle ait prétendu être arrivés à l'école, peut-être y en eut-il d'autres, mais nous les ignorions délibérément puisque nous ne voulions pas que Janet soit considérée comme << la folle de l'école ni par les instituteurs, ni par ses camarades.
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Rosalind et moi réalisâmes que nous n'avions jamais été seuls avec Janet auparavant, aussi nous entreprîmes de la questionner largement sur les tout premiers incidents à Enfield. Elle se montra très coopérative mais très peu intéressée par son récent passé. Elle sautait sur toutes les occasions pour changer de sujet de conversation. A un moment, elle indiqua une grande fissure dans le plafond au-dessus de son lit. c La toiture va s'écrouler dit-elle. K Oui, évidemment , répliquai-je, c les immeubles s'écroulent toujours quand Janet Harper est là . Puis, je lui demandai quels étaient ses sentiments à propos du cas. <c Je peux garantir qu'il n'arrivera rien maintenant ,répondit-elle. C'est une intuition. Elle dit aussi que lorsqu'elle rentrerait chez elle, elle voulait redécorer sa chambre et dormir seule. Quand tu es dans l'autre chambre avec Rose et ta mère, sens-tu cette force... ? > demandai-je. c Monter, ouais ! interrompit-elle. Je voulais des détails supplémentaires. Janet parut confuse. Ouais. Bon. Mam me disputait un peu parce que ça arrivait autour de moi. C'est ce que je dis, ça vient à moi. Voyez-vous , dit-elle avec emphase, < les gens disent que j'ai beaucoup d'énergie >. J'éclatai de rire. J'avais remarqué ! dis-je. Jamais personne n'avait été plus en dessous de la vérité. Je Iui demandai si depuis qu'elle était à l'hôpital. des incidents s'étaient produits. Elle me donna, alors, un exposé détaillé sur la façon dont la table à thé s'était mise à trembler, renversant les assiettes. Mais elle l'avait examinée elle-même et trouvé, tout de suite, qu'un des pieds de la table était plus court que les autres. Là, si elle l'avait voulu, elle aurait eu la chance de pouvoir jouer un bon tour. Mais elle avait trouvé l'explication normale pour cet incident qui avait alarmé un des patients. Une fois encore, je sentis que Janet n'était pas fille à inventer des phénomènes pour impressionner les chercheurs ; elle nous répéta qu'il ne se passerait rien au Mandsley.
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Parce que je ne suis pas chez moi , expliqua-t-elle.< La force peut monter, il n'y a personne ici pour l'aider. < C'est ce que les soeurs t'ont dit ? demandai je.C'était une remarque profonde pour une enfant de cet âge. Non , répliqua-t-elle. C'est ce que j'ai compris en réfléchissant. > Rosalind Morris lui demanda alors ce qu'on lui faisait à l'hôpital. <c Hum. Le cerveau, vous savez. Toutes ces petites
choses qu'on vous fout sur la tête. Et je suis étendue sur ce lit, cette lumière s'allume puis s'éteint et je dois fermer les yeux puis les rouvrir. Tout le temps pareil. Visiblement tout cela l'amusait. C'est la raison pour laquelle tu es là , dis-je. < Pour trouver s'il y a quelque chose dans ton cerveau qui ne devrait pas y être. > Ils ne trouveront rien, n'est-ce pas ? répliqua Janet. Tout le monde pense que c'est dans ma petite tête mais non. Je sais que ce n'est pas vrai. J'aurais aimé que nous poursuivions cette conversation. Mais, à ce moment là, la porte s'ouvrit et la plus jolie petite fille que j'aie jamais vue de ma vie entra. Elle devait avoir sept ou huit ans, elle portait une très jolie robe brodée, elle avait une longue chevelure sombre et de grands yeux bruns. Elle annonça que c'était l'heure du thé. C'est la petite Samaya >, dit Janet. < Elle vient d'Israël ou quelque part par là. Elle a une très belle planche à roulettes qui a coûté très cher et elle est très malade. >> Samaya nous souriait timidement, j'en avais le cœur brisé. Quels que soient les problèmes que Janet pouvait
avoir, sa vie n'était pas en danger. Janet prit la main du petit ange et elles allèrent prendre leur thé. Rosalind et moi partîmes, soulagés d'avoir constaté qu'au moins Janet semblait s'être débarrassée de. ses problèmes. Rosalind, elle, avait toujours les siens. Elle s'aperçut que pour la troisième fois, son enregistreur ne fonctionnait plus
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. Il avait, inexplicablement cessé d'enregistrer, au beau milieu de la cassette. Fort heureusement, mon vieux Sony avait enregistré toute cette conversation. Et, comme je l'appris le lendemain, la famille Harper avait elle aussi, un nouveau problème et de taille...
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19 - UNE ETRANGE PRESENCE
Jimmy Harper avait été moins affecté par le poltergeist que les autres membres de la famille. Il dormait toujours comme un loir ou comme c dans une tempête de neige >, selon l'expression de Janet, la tête recouverte par sa robe de chambre, indifférent aux innombrables rituels nocturnes. Pendant la journée, il s'intéressait beacoup plus à ses constructions Lego, qu'aux tables qui se renversaient. Mais, une nuit d'août 1978, il se mit à geindre dans son sommeil et quelque chose dans ses sanglots fit courir des frissons le long de l'épine dorsale de sa mère. Cela lui rappelait la façon dont les violentes transes de Janet s'étaient déclarées. Oh, Dieu du Ciel ! s'exclama-t-elle. < Pourvu que nous n'ayons pas droit à une répétition de ce qui s'est passé avec Janet. > Jimmy venait à peine de s'endormir et elle dut le secouer violemment pour le réveiller. K J'ai peur , dit-il finalement, encore tout ensommeillé.I1 ne précisa pas de quoi, se rendormit aussitôt et ses gémissements reprirent de plus belle ; Mme Harper le
réveilla à nouveau. << J'ai peur de fermer les yeux H, expliqua-t-il. Lorsque Jimmy était troublé, il parlait très clairement. Rose était chez une amie, Pete au pensionnat et Janet à l'hôpital en dehors de Jimmy et de sa mère, il n'y avait donc personne dans la maison.
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cc On ne peut pas rester seuls N, décida Mme Harper. Elle tira Jimmy de son lit, et tous deux allèrent passer la nuit chez les Burcombe. Fort heureusement, la transe naissante de Jimmy ne se renouvela jamais, mais, en une autre circonstance, il se comporta de curieuse façon, et ce, en plein jour. John Burcombe était venu voir Mme Harper et Jimmy, fidèle à son habitude, jouait avec ses Lego, totalement absorbé par le jeu. cc Comment s'est passée la nuit ? demanda Burcombe. cc Si calmement que c'en était agaçant >>, répondit sa soeur. cc Eh bien, ça prouve au moins une chose, pas vrai ? Vous deux n'êtes pour rien dans cette histoire. cc ALLEZ DONC VOUS FAIRE FOUTRE ! > Jimmy était dans le champ de vision de Burcômbe. <c Qu'as-tu dit, Jimmy ? demanda Mme Harper surprise.
cc Moi ? Rien répondit-il, sans même lever le nez.
c Ce qui m'a stupéfait , nous raconta Burcombe c'est que j'aurais juré que Janet était dans la pièce C'etait exactement la même voix . Il faisait, bien évidemment, référence à la Voix. Et Burcombe n'était pas au bout de ses émotions. Le soir même, alors que Mme Harper et Jimmy passaient, une fois encore, la nuit chez lui, il se rendit chez eux pour récupérer le réveil. cc La maison était plongée dans les ténèbres, nous dit-il. Je montai les escaliers pour aller chercher le réveil qui était resté dans la chambre et, lorsque j'arrivai à la porte, elle s'ouvrit toute seule, toute grande, pour me laisser entrer. Ce qui me parut le plus fantastique c'est que le bouton de porte avait tourné, comme si quelqu'un l'avait manoeuvré de l'autre côté. Ceci était quelque peu angoissant mais, connaissant la maison, je haussai les épaules et me dis c Bon, où est ce réveil ? Que je m'en aille ! > cc Alors que je m'avançai dans la pièce, la porte se referma derrière moi. Elle n'a pas claqué, non, elle s'est simplement refermée d'elle-méme. J'ai pris le réveil et le bouton de porte s'est à nouveau mis à tourner, tout seul et la porte s'est ouverte
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et e suis sorti., << J'ai dévalé les escaliers et je me suis précipité chez moi. Je crois, honnêtement, que si je n'avais pas connu l'histoire de cette maison, j'aurais sauté par la fenêtre. Au total, Burcombe avait assisté à trois ouvertures de porte inexplicables. On pouvait admettre, bien que cela nous paraissait peu probable, qu'il avait ete abusé une fois, mais pas trois. Une nuit, Mme Harper se réveilla, entendant un enfant appeler Maman, Maman , d'une voix plaintive. Jïmmy dormait à poing fermé. Et, de toute façon, il appelait toujours sa mère < MAM , comme ses frères et sœurs la seule fois qu'on l'avait appelée < Maman , c'était au cours des transes de Janet...
Puis, il y eut un fait nouveau, dont elle se serait volontiers passé. Un matin, elle remontait la rue avec Pete, qui était de retour pour les vacances d'été. Il ne s'est jamais évanoui de sa vie , nous dit-elle, plus tard dans la journée. Elle avait travaillé dans un hôpital dans sa jeunesse et connaissait de nombreux troubles et maladies.
< Je l'ai regardé et j'ai remarqué quelque chose de curieux. Ses yeux paraissaient révulsés et tournaient dans leur orbite. Je n'avais jamais rien vu de tel, et pourtant, j'ai vu bien des gens s'évanouir ou avoir des crises. Elle se précipita chez le pharmacien qui administra un médicament à Pete. < Oh, mon Dieu v, pensa-t-elle. Qu'est-ce qui va nous tomber sur le dos, maintenant ? Mais Pete ne tarda pas à se remettre. Je sens des picotements, comme des aiguilles, dans les bras et les jambes , fut son seul commentaire. Janet étant en de bonnes mains à l'hôpital, et Rose réussissant apparemment à résister à la Chose, comme le lui avait conseillé Gerry Sherrick, était-ce, maintenant le tour des garçons ? Faudrait-il envoyer toute la famille au Maudsley ? Une fois de plus, j'avais l'impression que nous piétinions.
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II était désormais évident que Janet ne pouvait être la cause directe de l'activité du poltergeist, puisque celle-ci se poursuivait durant son absence. Ce ne fut donc pas une surprise pour nous d'apprendre qu'il n'y avait absolument rien d'anormal chez elle. Les médecins du Maudsley trouvèrent que son intelligence, sa structure cérébrale et tous les tests à l'aide de rayons X étaient parfaitement normaux. Non seulement, ils ne décelèrent pas la moindre trace de lésion cérébrale, mais encore, il n'y avait aucune
indication d'épilepsie. Ainsi que Janet le dit, elle-même, tout le monde pense que tout ça vient de ma petite tête, mais c'est pas vrai . Il n'y avait, en réalité, absolument rien de dérangé danssa petite tête et, comme sa mère, Janet sentait, instinctivement, que la situation familiale était d'une certaine façon, à l'origine du trouble. Cette << certitude d'être malheureuse ainsi que Janet, elle-même, l'avait suggéré au Docteur Fletcher durant sa seule séance sous hypnose. J'espérais que l'hypnose pourrait nous aider à en savoir plus sur le cas, et en parlai à un membre de la British Society of Medical and Mental Hypnotists, que m'avait recommande le Dr Fletcher. Le Docteur Ashburn * se montra très intéressé par le cas mais n'aimait pas mon idée de recourir à la régression sous hypnose avec une fillette de l'âge de Janet. Il me parla de deux patients qui avaient éte amenés à revivre, par ce processus des événements particulièrement traumatisants de leur vie ils ne l'avaient pas supporté et la conséquence directe en fut une dépression nerveuse. C'est beaucoup trop dangereux , dit le Docteur Ashburn, << et, personnellement, je n'y aurais pas recours .I1 me fit clairement comprendre que je n'aurais pas plus de chance avec ses collègues et me déconseilla fortement de faire appel à un hypnotiseur ne possédant pas de qualifications médicales , et renoncai donc à mon projet. Il parait dorénavant évident que, pour se manifester, les poltergeists ont besoin de l'atmosphère d'un groupe sous tension ; aussi les psychiatres peuvent-ils se rendre tres utiles en aidant à supprimer cette tension. Mais il faut être physicien pour identifier la force qui fait basculer les tables.
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Lorsque je lui fis le compte rendu de certains phénomènes physiques, le Docteur Fenwick remarqua :
Vous devriez réécrire les lois de la physique. Je l'assurai que le Professeur Hasted ne se laisserait pas rebuter par l'ampleur de la tâche. Il avait déjà consacré plusieurs ouvrages volumineux aux lois connues et, contrairement à certains de ses collègues, n'avait pas peur d'accepter l'existence de forces et de dimensions hors de portée des instruments de mesure actuels. Mais, il lui faudrait encore bien du temps avant de pouvoir ne fut-ce qu'ébaucher ces nouvelles loïs.Janet rentra à la maison en septembre 1978, après une absence de près de trois mois. Sa mère était enchantée pâr sa bonne mine ; elle paraissait avoir grandi et s'être remise des éventuels problèmes mentaux qu'elle avait pu connaître.
Pourtant, Janet était à peine de retour depuis une demi-heure qu'elle aperçut quelque chose. << Il y avait un petit garçon dans la cuisine. Il ressemblait à Jimmy. Tu penses avoir vu quelqu'un qui ressemblait à Jimmy ? > demanda Grosse. c Je ne le pense pas, je sais que je l'ai vu , répliqua fermement Janet. La description correspondait,trait pour trait, à celle rapportée par sa mère, quelques mois plus tôt.
Rose et Jimmy aperçurent, eux aussi, une série de vieux hommes, alors qu'au désespoir de Mme Harper ,ainsi qu'au nôtre, une bonne partie de l'ancienne activité reprit de plus belle, en particulier les coups. Une ou deux chaises et tables se renversaient régulièrement et bien que l'activité physique était moindre qu'auparavant
c'était déjà plus que suffisant. c Je commençais vraiment à en avoir marre de toute cette affaire , nous dit Mme Harper. Parfois, je me réveillais et me disais : qu'est-ce qui me ferait le plus plaisir, maintenant ? Je n'ai jamais demandé grand chose dans la vie, mais ce serait tellement bon de se réveiller un jour et de pouvoir se dire : grâce à Dieu, c'est fini !
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Je ne sais pas ce qu'il voulait, mais il l'a eu et est parti. II était clair que les enfants et elles n'aspiraient qu'à une chose : la paix ! Eloigner Janet avait aidé, mais n'avait pas résolu le problème. J'en arrivai à me demander si j'allais devoir consacrer le reste de mes jours à une affaire qui m'accaparait depuis un an déjà, lorsque je reçus une lettre d'un journaliste hollandais, Peter Liefhebber.Il était, disait-il, l'éditeur d'un nouvel hebdomadaire hollandais, spécialisé dans les problèmes de recherche psychique, Extra. II désirait venir sur place et couvrir le cas de Enfield. Oh Seigneur, pensai-je, encore un ! J'étais fatigué de passer des heures à raconter sans cesse la même histoire à des journalistes qui, de toute façon, ne comprenaient jamais rien. Mais, j'ai toujours eu un faible pour la Hollande et les Hollandais, aussi je téléphonai à Peter et eus une longue conversation avec lui. II paraissait sérieusement intéressé par le cas, qu'il avait, visiblement, bien étudié. Il me dit qu'il aimerait amener avec lui un médium hollandais qui, affirmait-il, essayerait de mettre fin aux agissements du poltergeist. cc Ah, voilà qui est parlé ! > dis-je. Vous êtes le premier journaliste qui ait jamais proposé de nous aider. Je lui promis mon entière coopération pour autant que Grosse soit d'accord ; il le fut. Peter arriva en octobre 1978, décidé à passer une semaine sur place. Il était accompagné d'un jeune homme calme et sympathique, Dono Gmelig Meyling. Peter nous expliqua qu'il était un très bon médium et un très bon guérisseur ; il avait personnellement résolu deux cas de poltergeists hollandais. II était convaincu de pouvoir, tout aussi bien, mettre fin à celui-ci. Son assurance me surprit car jamais un médium ne m'avait affirmé une telle chose. Mais Dono paraissait aussi détendu qu'un plombier diplômé appelé à déboucher un évier. K Comment arrêtez-vous ces choses ? demandai-je.
< Que faites-vous en réalité ?
Soigner les gens dans la maison, c'est le plus important , répondit-il. Lorsque les gens perdent trop d'énergie,
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ils sont très vulnérables aux forces extérieures et moi j'empêche l'énergie de quitter leur corps. Je ferme les portes. C'était exactement ce que tous les autres médiums avaient prétendu essayer faire. Mme Harper était d'accord pour donner sa chance à un autre médium et je lui avais avoué que si Dono n'obtenait pas de résultat, je laisserais tomber. K Eh bien, qu'il essaie , dit-elle. c Je ne le bousculerai pas. J'ai déjà attendu si longtemps. La veille de la première visite des Hollandais avait été très agitée. Une commode s'était renversée à trois heures du matin sur l'un des lits vides, alors que tout le monde dormait dans la maison. Des excréments étaient apparus sur le sol et les Harper avaient entendu des coups, des pas et même des bruits de respiration, près d'eux.
n J'ai le sentiment qu'à certains moments cette maison est hantée par une étrange présence , dit Mme Harper, a en plus de l'activité du poltergeist . Cette remarque devait prendre une nouvelle signification au vu de ce qui sllait suivre. Lors de sa première visite, le 2 octobre 1978, Dono se promena dans toute la maison, parlant peu et ne faisant apparemment rien du tout. Puis, iI demanda s'il pouvait parler avec Janet, en privé. Ils allèrent jusqu'au magasin du coin où il lui acheta une glace. Entre temps, Peter s'avéra un interlocuteur très agréable avec qui nous discutâmes du cas, jusqu'au retour de Janet et Dono une demi-heure plus tard. Dono monta à l'étage où il passa quelques minutes seul. Lorsqu'il redescendit, nous échangeâmes encore quelques propos anodins avant de repartir. Peter me demanda de ne pas questionner Dono avant notre prochaine rencontre prévue deux jours plus tard. Cette nuit, il sortirait de son corps pour un voyage dans l'astral au cours duquel il ferait ce qui s'imposait. Bien, pensai-je, qu'il fasse ce qu'il veut dans l'astral. Le 4 octobre 1978, alors que nous revenions à Enfield ,je demandai à Dono quelles étaient ses premières impressions. Tout d'abord, nous étions très nerveux, tous les deux.
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On ressentait une forte tension dans cette maison et, au bout d'une heure, elle a commencé à se dissiper. Subtil, songeai-je. Il n'était pas nécessaire qu'ils viennent de Hollande pour nous dire cela. cc Avez-vous vu une entité spécifique ? > dis-je.
cc J ai fait une sortie en astral, poursuivit Dono, cc etj ai rencontré une jeune fille de vingt-quatre ans. Il était difficile de préciser qui elle était ou ce qu'elle faisait ,mais elle était là. > Il ne manquait plus que ça. Nous avions de vieux hommes, de vieilles femmes et des enfants qui se baladaient à Enfield et maintenant nous héritions d'une jeune fille de 24 ans. Même avec l'aide de Peter, qui possédait mieux l'anglais que lui, Dono éprouvait des difficultés à m'expliquer ce qui s'était exactement passé au cours de son incursion dans le plan astral. Il était tout simplement entré dans une sorte de transe et avait reçu des cc impressions et la plus forte avait été celle de la jeune fille, bien qu'il n affirma pas que ce fut elle, le poltergeist. Elle était seulement en relation directe avec le cas. Elle paraissait très excitée, précisa-t-il. cc Elle essayait d'attirer l'attention du voisinage. Je ne pus m'empêcher de rire. cc Eh bien, elle a réussi, commentai-je. cc Elle a attiré l'attention de presque tout le monde, ici ! Je lui redemandai s'il pensait avoir raison du cas. Ce serait le test ultime nous permettant de juger de ses capacités. cc Oui, je le pense, répliqua-t-il calmement. Son assurance commençait à m'impressionner et je sentais qu'au moins, il tenait sincèrement à aider les Harper. Lors de leur seconde visite, Peter et Dono apportèrent quelques cadeaux aux Harper, y compris une boîte de chocolats et le dernier disque de John Travolta, la coqueluche qui avait remplace les Bay City Rollers dans le coeur des gamines. Janet l'écouta aussitôt, dansant fort bien d'ailleurs, avec Rose. Nous passâmes tous une excellente soirée, très détendue, mais une fois encore Dono paraissait ne rien faire du tout. cc Mais, que faites-vous donc ce soir ? v lui demandai-je en haussant la voix pour couvrir le vacarme de
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la musique de Grease. Janet faisait une excellente imitation de son idole Olivia Newton-John, dont elle avait fidèlement adopté la coiffure. << Tout dépend de l'atmosphère , répliqua-t-il mystérieusement. Bon, alors qu'avez-vous fait jusqu'à présent ? >>
c Rien de particulier. Le plus important c'est de calmer les filles. Quoi, pensais-je, en leur offrant un disque aussi bruyant ? S'il y a toujours une entité dans les parages, poursuivit Dono, elle peut puiser l'énergie des fillettes. Et lorsqu'elles seront calmes et convaincues que rien ne pourra se passer, alors, il ne se passera plus rien. > Nous passâmes à la cuisine pour discuter du mystère du poltergeist devant une tasse de thé. Ce que je trouvais particulièrement surprenant, dis-je, c est que, bien qu'ils soient aussi stupides, les poltergeists s'arrangeaient parfois pour faire des choses assez subtiles, comme, par exemple, retourner des tables. Je voulais savoir comment
ils s'y prenaient. Quelle énergie était dirigée par qui, ou quoi, et surtout pourquoi. Peter Liefhebber sentait qu'il devait etre question de dématérialisation, et que d'autres dimensions de l'espace et du temps devaient également entrer en jeu. Je lui dis que cela devenait une hypothèse scientifique tout à fait respectable j'avais un jour, demandé au Professeur Hasted s'il était raisonnable de considérer qu'un corps solidepuisse traverser un autre corps solide. Il m'avait répondu : < Oui, en franchissant des barrières d'énergie. La téléportation est simple en physique atomique. Cela se produit constamment. Des atomes traversent des barrières pendant toute leur vie. C est sur cela que nous travaillons. Il n'avait pas de temps a perdre avec la théorie dite du Pont de Londres selon laquelle des atomes sont séparés puis réassemblés, comme ce pont qui fut reconstruit après avoir traversé l'Atlantique en pièces. Par contre, il était tout disposé à envisager la << théorie hyperdimensionnelle >, bien qu il n eut aucune idée de la provenance des < pseudo-forces > qui soulevaient les tables.
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cc Des particules simples sont constamment téléportées.Dans la théorie des quanta, vous ne pouvez jamais prétendre qu'une particule est à un endroit précis. Tout ce que vous pouvez dire c'est qu'elle doit, probablement, être cc là et, peu probablement ailleurs. Et une façon d'aborder le problème des poltergeists, avait-il ajouté, était de suggérer que l'esprit pouvait influencer cette probabilité.
cc Ce n'est pas encore prouvé, mais c'est formellement possible, avait commenté Hasted. Il était convaincu que certains des effets physiques auxquels nous avions assisté, à Enfield, étaient parfaitement réels et m'avait montré un film vidéo dans lequel on voyait une barre de métal se plier sans que personne n'y touche. Il étudiait ce genre de phénomène depuis quatre ans et son bureau était encombré d'une étonnante collection de morceaux de métal tordus en tous sens, par les cc Geller en herbe avec qui il travaillait. Ainsi, il semblait que, sur le plan physique, au moins, un espoir de solution du syndrome du poltergeist était en vue. Au cours de notre discussion, le Professeur Hasted avait fait une autre remargue intéressante. Je lui avais
appris que des choses étranges arrivaient, maintenant, à Maurice Grosse, je lui racontai l'histoire du carburateur de sa voiture et celle de la bague de sa femme. Se pouvait-il que le syndrome fut contagieux ? cc Il m'est arrivé la même chose, répliqua-t-il, cc ou du moins à ma femme. Après sa première visite à Uri Geller, en 1974, un certain nombre d'événements inexplicables s'étaient produits, à son domicile personnel. Cela l'amena à supposer qu'il pouvait y avoir un effet d'induction dans les phénomènes psychiques, par lequel ils cc déteignent d'un médium sur l'autre. Le 6 octobre 1978, j'allai faire mes adieux à Peter Liefhebber et à Dono Gmelig-Meyling et leur demandai
de m'informer de ce qui s'était passé depuis notre dernière rencontre, puisque Grosse les avait ramenés à Londres en voiture, alors que je rentrai par le train. cc Dans la voiture, me dit Peter, cc Dono et moi avons ressenti une fois encore cette terrible tension, la même que chez les Harper,
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le soir de notre première visite. Dono affirmait qu'il y avait quelque chose dans l'aura de Grosse, il ne pouvait dire quoi, mais c'était étroitement lié à toute cette affaire. Plus tard, il me répéta cette réflexion. Il y a quelque chose chez cet homme. Je crois qu'il possède des pouvoirs psychiques, mais ne sait pas les maîtriser. Pourtant, il pourrait apprendre. Ceci me surprit. Quiconque rencontrait Maurice Grosse, pour la première fois, était frappé par son esprit pratique et logique. Je savais qu'il avait eu des expériences de type télépathique mais j'attribuais cela à un bon sens des affaires , propre à tous les hommes d'affaires de talent. Je reconnaissais, cependant, que Grosse avait toujours montré un attachement particulier pour le cas de Enfield, que je ne pouvais m'expliquer. Dono alla prendre un bain, me disant qu'il serait préférable que ce soit Peter qui me raconte ce qui s'était passé car il avait du mal à s'exprimer en anglais. Aussi Peter me raconta-t-il toute l'histoire devant un bon verre de bière. II était allé, avec Dono, voir Grosse à son bureau, cet après-midi. Alors que nous étions dans le métro, Dono me dit qu'il allait se passer quelque chose de très ennuyeux. Il le sentait dans son estomac et ce signe ne le trompait jamais. J'avalai une gorgée de bière, alors que Peter n'avait pas encore touché à son verre, posé près de mon enregistreur.
c Après une centaine de mètres, la rame s'arrêta dans le tunnel et nous avions le sentiment que quelque chose ne tournait pas rond. Un accident, peut-être. Oh, ces arrêts sont assez fréquents, surtout aux points de jonctions, intervins-je. C'est tout à fait normal. Non, ce n'était pas cela, répondit Peter. Parce qu'ensuite, nous éprouvions toujours ce sentiment, il devint même de plus en plus fort, pourtant nous étions sortis de la station. J'étais désormais, convaincu que Peter, lui aussi, était assez bon médium. <c En arrivant au bureau de Grosse, le sentiment était
encore plus fort. En montant les escaliers, nous étions
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fiévreux et en sueur. La discussion que nous avons eue avec Grosse fut longue et intéressante. Il voulait savoir si Dono avait vraiment des pouvoirs psychiques et s'il pouvait se projeter à volonté. > Dono répondit que oui et Grosse lui demanda : Pourquoi ne pas essayer ? Vous pourriez aller jusque chez moi. Dono lui dit que cela ne prouverait rien, car il pouvait arriver au même résultat par télépathie et voir des choses dans son aura. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il soit allé jusque chez vous.
Bien, dit Grosse, si vous pouvez lire dans mon aura, que voyez-vous ? >>
< Dono dit qu'il percevait une relation très étroite entre son aura et le cas de Enfield, qu'il y était très fortement impliqué. II était, en fait, au centre même du cas. Il est utile que je précise, à ce stade, que Dono et Peter avaient à peine parlé à Grosse et je ne leur avais rien dit à son sujet si ce n'est qu'il était chargé du cas, et qu'en ce qui me concernait, je considérais qu'il faisait du bon travail. Peter poursuivit en m'apprenant que Dono avait soulevé le problème de la jeune fille de vingt-quatre ans qu'il avait senti impliquée et avait demandé à Grosse s'il pouvait expliquer son rôle dans l'affaire. Elle était insista Dono, impliquée à deux niveaux. Précédemment, à l'hôtel, Dono avait pris une photo que Graham Morris avait faite de la famille Harper et s'était livré à un test psychométrique. La psychométrie est le nom donné à l'art consistant à recueillir de l'information sur une personne en se concentrant sur un objet lui appartenant ou sur une photo d'elle. c Il a vu que la jeune fille de vingt-quatre ans était liée à Janet Harper et à personne d'autre. > C'était le premier niveau où elle était impliquée. Le second qu'il me dévoila ensuite me sidéra plus que tout ce que j'avais vu ou entendu à Enfield, depuis longtemps, bien qu'en y repensant je suppose que j'aurais pû m'y attendre. << A un certain moment, Grosse nous dit qu'il avait
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perdu une fille de vingt-deux ans, dans un accident. > Janet Grosse était décédée en 1976 et si elle avait vécu ,elle aurait eu, aujourd'hui, vingt-quatre ans. Bien que Dono ne pût décrire la jeune fille dont il avait perçu la présence à Enfield, il était catégorique quant à son âge qui était fermement imprimé dans son esprit. A ce moment, dit Peter, toutes les impressions de Dono s'agencèrent en un point focal et il dit à Maurice Grosse : " C'est bien ça. C'est votre fille. "
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20 - LE SYNDROME DE ENFIELD
Surpris, j'observai Peter Liefhebber en silence. Il est vrai que Maurice Grosse m'avait, un jour, demandé si je pensais que sa fille pouvait, d'une façon ou d'une autre, être liée à l'affaire de Enfield, ainsi que je l'ai dit au chapitre 15, mais j'avais rejeté cette éventualité et je n'étais guère plus disposé à l'accepter, aujourd'hui. A coup sûr, Dono marchait à côté de ses souliers. II n'en est pas moins vrai que j'y repensai, en cours de journée ; je n'imaginais pas Dono faisant une telle affirmation sans y croire sincèrement. C'eut été extrêmement cruel de sa part et il ne me faisait pas l'effet d'être un homme qui parle à la légère. En fait, il parlait peu et il était clair que Peter et lui tenaient sincèrement
à nous aider ainsi que les Harper. Après que Dono et Peter furent repartis pour la Hol-
lande, j'eus une longue discussion avec Grosse. J'étais bien évidemment impatient de connaître sa version de la rencontre avec les Hollandais et de l'informer de ce qui était ressorti de la mienne. Tout d'abord, je lui passai ma bande et lui demandai si le récit de Peter correspondait bien à ce qui s'était passé. K Oui, répondit Grosse. c C'est bien ainsi que cela s'est passé. C'est vrai, ce Dono m'a fait une forte impression. Il était très sûr de lui, mais sans aucune affectation. > Et que pensez-vous de cette histoire de votre Janet ? Hlui demandai-je. Te savais que c'était une question difficile,
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mais je ne doutais pas que Grosse, qui avait souvent discuté avec moi de sa fille, l'aborderait objectivement. Il réfléchit un moment. Eh bien, malheureusement puisqu'il s'agit d'un cas de poltergeist - il est très possible que ses pseudo-entités aient le pouvoir de leurrer les médiums. Si elles nous ont mystifiés, et nous ne pouvons en douter, pourquoi ne pourraient-elles mystifier des gens comme Dono, et tous ces médiums qui sont venus à Enfield ? Cela expliquerait au moins pourquoi ils nous ont tous raconté une histoire différente. I1 me rappela la fois où Brenda Burcombe avait aperçu son c double à travers la porte vitrée ; un exemple parfait de mystification de la part du poltergeist. cc Toutes n'étaient pas différentes lui fis-je remarquer.cc Annie Shaw a perçu une méchante vieille femme, Gerry Sherrick aussi. Et, le même jour, Mme Harper et Vic Nottingham ont cru apercevoir une vieille femme. Et vous- même avez parlé de légumes pourris avant même de savoir que Gerry en avait parlé lui aussi. Qui plus est tous les médiums ont insisté, sur le fait qu'il y avait plusieurs entités en cause et les fillettes l'ont également affirmé dans leur rêve commun, où il était question de cc Dix Vilaines Choses. <c Et n'oubliez pas que toutes les apparitions n'étaient pas désagréables. Souvenez-vous des récits de John Burcombe à propos de ce petit garçon qu'il pensait être le frère qu'il avait perdu. Et que pensez-vous de l'apparition aperçue par Burcombe lui-même, la meilleure de toutes ? Ce vieil homme qui était assis à la table ne faisait rien de méchant, il était seulement assis là, c'est tout. Et selon Vic, la description faite par John pouvait très bien correspondre à son grand-père.
Maurice ne dit rien. J'avais le sentiment qu'il n'avait pas encore très bien décanté ses idées, et, sachant qu'il ne participait jamais à une discussion dans ces conditions, je poursuivis : Voyons, il est une chose que je tiens à préciser : personne n'a jamais insinué que votre Janet était, en aucune façon, responsable des événements terribles qui se passent à Enfield.
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J'ai soigneusement interrogé Peter et Dono à ce propos, et tous deux m'ont affirmé que ce n'est pas parce qu'une entité est vue ou perçue dans cette maison qu'il faut en déduire qu'elle est responsable de ce qui s'y passe. On sait qu'elle est là, c'est tout. Et, pour autant qu'on le sache, certaines des entités présentes à Enfield ont essayé de se rendre utiles. Mais tenons-nous en aux faits. Dono paraît formel :Votre Janet est liée au cas et, le premier à avoir émis cette supposition c'est vous, pas lui. Cela me semble
très important. Et, si vous vous en souvenez, dès le départ vous m'aviez demandé si je pensais qu'elle pouvait être impliquée, d'une façon ou d'une autre, à cause de toutes ces coïncidences qui vous avaient mené à Enfield. A l'époque, je trouvais que vous aviez trop d'imagination, peut-être parce qu'une des filles Harper avait le même prénom que la vôtre. < Je crois que nous disposons de suffisamment d'éléments solides pour bâtir un scénario ; j'entends par là une version de ce qui aurait pu se passer. Que pensez-vous de celle-ci ?
Votre Janet succombe à son accident. Etant jeune et intelligente, elle le réalise aussitôt et sa première impulsion est, tout naturellement, d'entrer en contact avec vous
et votre famille afin de vous apporter la consolation de savoir qu'elle n'a pas totalement cessé d'exister. Cette réaction est parfaitement logique et nous disposons de suffisamment de preuves pour pouvoir affirmer que quelque chose, vraisemblablement l'esprit, survit à la mort physique. Rappelez-vous tous ces événements qui succédèrent à son décès : les cierges qui s'éteignirent trois jours de suite, la pluie sur le toit devant la fenêtre de sa chambre, un " signe " que vous-même aviez demandé, et l'horloge qui s'arrêta dans la maison de votre belle-soeur, les aiguilles indiquant l'heure exacte de sa mort. Puis, se présente le cas de Enfield, impliquant une
fillette appelée Janet, et votre Janet, qui est une journaliste curieuse et persévérante, se rend sur place pourcouvrir l'histoire, sensiblement pour les mêmes raisons
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qu'elle l'eût fait de son vivant. Mais, bien évidemment,vu son état, elle ne peut faire le travail elle-meme, aussi, elle s'arrange pour que vous et moi venions ici. Ceci pourrait expliquer toutes les autres coïncidences : Enfield n'est pas trop loin de chez vous, le seul journaliste de Fleet Street susceptible de rapporter le cas à la SPR a vent de l'affaire et la SPR vous confie aussitôt l'enquête. Quant à moi, je me pointe une semaine plus tard, pour des raisons que je ne m'explique toujours pas. Rappelez-vous, je n'étais pas très chaud au départ. J'en avais assez des poltergeists et je n'avais nullement besoin de me convaincre de l'existence de tels phénomènes. Et je n'avais pas la moindre intention d'écrire un livre sur le sujet, jusqu'à ce qu'il devint évident que je n'aurais pas la possibilité de faire autre chose cette année et que ce cas devait être préservé. Peut-être, est-ce ce que votre Janet cherchait dès le départ. Il est courant que des auteurs affirment ne pas savoir pourquoi ils écrivent ce qu'ils écrivent, et je suis tout disposé à croire qu'une bonne part de << l'inspiration, quelle que soit la signification profonde de ce mot, vient de cc l'extérieur et non pas directement de notre esprit. Maurice demeura un moment songeur. Certains inventeurs ne manqueront pas de partager votre avis >, concédat-il. c Quant à votre scénario, il est très intéressant,
croyez-moi, j'admire votre imagination d'écrivain. > Pas si vite , l'interrompis-je. Je n'en ai aucune. En tant qu'auteur de fiction, je suis un raté de première plusieurs éditeurs pourront vous le confirmer. J'ai un esprit très simple, vous savez. J'écris ce que je vois de mes propres yeux ou ce que je puise dans des bibliothèques ou encore, ce que des gens à qui je fais confiance, me racontent. Qu'il soit question d'imagination provenant de sources inconnues, c'est possible, mais d'imagination pure, c'est hors de question ! Je vous comprends, dit Maurice. Vous êtes mieux placé que moi pour le savoir. Mais votre scénario n'explique pas pourquoi le poltergeist s'est déclaré. A moins qu'il ne soit pas terminé ; qu'était-ce ou qu'est-ce, en
réalité ? >
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Ah, répondis-je, K pour cela, il nous faut un autre scénario. En fait, il nous en faudrait plusieurs. En voici un, par exemple : c Lorsque M. et Mme Harper ont divorcé, une atmosphère de tension s'est installée entre les enfants et leur mère, juste à l'époque où les deux gamines approchaient de la puberté. Toutes deux étaient très énergiques, championnes sportives à l'école, mais en dépit de cela, elles ne réussissaient pas à dépenser l'extraordinaire somme d'énergie qu'elles généraient. Aussi, un certain nombre d'entités furent attirées par le potentiel et vinrent " se
servir Qui seraient ces entités ? demanda Maurice. c Ce pourrait être n'importe qui. II semble que la moitié du cimetière local ait défilé à un moment ou à un autre. L'une d'entre elles pourrait avoir été M. Watson, le monsieur qui vivait là, autrefois et qui est mort dans le fauteuil du rez-de-chaussée, ainsi que l'a dit la Voix. Aucun des Harper n'avait connaissance de ce détail à l'époque, n'est-ce pas ? < Non, mais c'était, semble-t-il, un charmant petit vieux. Sans aucun doute. Ainsi que certaines autres Voix. Souvenez-vous de ce pauvre Bill Hobbs ; il paraissait éperdu, désemparé ; il essayait de retrouver sa femme. J'ai souvent eu le sentiment que nous avions affaire à des fragments d'esprits en détresse qui avaient appartenu autrefois, à des hommes et à des femmes parfaitement ordinaires et qui ne comprenaient rien à leur situation actuelle. C'est exactement ce qu'ils étaient selon Allan Kardec et il a consacré plus de temps que quiconque à étudier ce genre de cas. Et, ainsi qu'il l'a également avancé, ces fragments, que nous appelons esprits, sont utilisés par d'autres esprits pour jouer des tours pour leur propre amusement, ou peut-être, dans des buts parfois plus sinistres, c'est ce que les Shaw nous ont dit. Je crois que tout cela commence à prendre forme. c Bien sûr, dit Maurice cc nos détracteurs diraient que nous avons trop tendance à extrapoler à partir de coïncidences parfaitement normales.
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Je ne me fais pas trop de soucis au sujet de nos détracteurs, dis-je. c< Nous avons vu les faits, eux pas. Et de toute façon qu'est-ce qu'une coïncidence normale ?
Comme le dit Kardec, la matière nous montre tous les jours que sa puissance dépasse ce que nos sens peuvent percevoir... < Ah les faits ! m'interrompit Maurice. << Ce sont les faits de ce cas que je suis prêt à discuter et rien d'autre, du moins en public. Je laisse aux autres le soin d'aligner leurs théories, bien qu'il soit évident que j'y pense aussi de mon côté. Je pense que vous et moi sommes d'accord pour reconnaître qu'il n'y a pas le moindre doute quant à la réalité des faits de ce cas. Nous les avons observés nous-mêmes, pendant plus d'un an : ces coups, ces bruits, nos bandes et nos photos, je crois que même aujourd'hui, ces meubles et autres objets se déplaçant de leur propre chef, ces choses s'évanouissant dans l'air et apparaissant de nulle part, traversant apparemment les murs et les plafonds ou, si vous préférez, pénétrant ou sortant d'autres dimensions de l'espace ; plus toutes ces
flaques d'eau et d'autre chose, les feux, les enregistreurs et les appareils photo tombant en panne et, bien sûr, tous ces désordres psychologiques, si c'est bien de cela qu'il s'agit. Ces faits, poursuivit-il, furent observés par trente personnes au moins ; les Harper, les Nottingham, et les Burcombe, trois familles tout ce qu'il y a de plus ordinaires et qui convaincraient, sans problème, n'importe quel juré, de leur honnêteté ; et plusieurs de leurs amis, voisins, proches et de nombreux témoins extérieurs, des policiers, des journalistes, des représentants de commerce, des assistantes sociales... Que souhaiter de plus ? Vous, moi et David Robertson avons vu de nos propres yeux des dizaines de choses qu'aucun d'entre nous ne peut expliquer. Nous en avons enregistré un bon nombre sur bande et Graham Morris s'est arrangé pour en filmer certaines. Voilà les faits du cas Enfield et ce qui me sidère toujours, ce n'est pas que nos détracteurs n'acceptent pas les diverses théories avancées,
mais qu'ils n'acceptent pas les faits ! > Eh bien, dis-je ils sont durs à convaincre.306
Sans nos bandes et nos photos, je crois que même aujourd'hui, j'aurais du mal à avaler toute cette histoire. Vous voyez les gens sont tout disposés à accepter les phénomènes
psychiques s'ils sont présentés comme une fiction ou une fantaisie ou faisant partie d'un systène de croyances religieuses ; mais, dites-leur que c'est la vérité et ils auront tous la même réaction immédiate : affirmer que vous faites erreur ou encore que vous êtes malhonnête. Je pense que la raison en est tout simplement la peur de l'inconnu. C'est tout à fait naturel et cela ne me dérange pas parce que je ne suis pas un savant. Si j'étudiais la physique ou la psychologie au lieu des langues et de la musique je " saurais " que les phénomènes de poltergeist sont impossibles et mon rapport irait donc dans ce sens. Si vous faisiez des conférences sur la mécanique au lieu d'être inventeur et de vous intéresser aux nouveaux moyens de produire des choses, que ce soit " possible " ou non au regard du savoir actuel, vous réagiriez probablement de la même façon. H
< Sans doute, reconnut Maurice. Mais, par chance, nous avons rencontré des scientifiques qui n'adhéraient pas à la position que vous venez de décrire. Nous avons fait des progrès sur le plan physique, grâce au Professeur Hasted et à David Robertson et grâce au Docteur Fenwick et à ses collègues du Maudsley, nous avons également fait des progrès sur le plan psychologique, même si ceux-ci s'avérèrent négatifs puisqu'ils réussirent seulement à établir que Janet Harper était parfaitement normale. Avec l'aide de quelques autres spécialistes dans leur genre, nous parviendrions à résoudre ce mystère sans trop tarder. Ce ne sera pas facile, s'il existait une solution simple nous l'aurions déjà trouvée. Les poltergeists, quoi qu'ils soient, sont partie intégrante de la nature et, en ce sens, ils sont naturels et non surnaturels.
L'histoire de la civilisation m'amène à penser que nous perçons petit à petit tous les secrets de la nature. II nous a fallu des milliers d'années pour arriver où nous sommes et il en faudra encore bien des milliers pour réussir à soulever tous les voiles, mais nous y parviendrons. J'espère que cela prendra moins de temps, dis-je.
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Ne pouvez-vous, avec votre formation scientifique, fournir une hypothèse, ou du moins un scénario basé sur les faits que nous avons rassemblés ? > Si, répliqua Maurice. Je puis spéculer qu'il y a une force naturelle, encore non identifiée, produite par des êtres humains dans certaines conditions de stress et que cette force peut être manipulée par une personnalité secondaire de manière telle qu'elle nous donne l'impression d'une action intelligente produite par un individu séparé, un esprit, si vous préférez. Nous appelons cette force psychokinésie - ou PK - ce qui signifie simplement le mouvement de la matière produit par l'esprit. Ceci est pure spéculation, bien sûr. Cela convient pour certains faits, mais n'explique rien. >>
Les mois passèrent et, en 1979, il semble que le poltergeist de Enfield était reparti aussi inexplicablement qu'il était arrivé. Il y eut encore quelques incidents isolés
après la visite des Hollandais et une soudaine mais bienvenue accalmie en avril 1979 - le jour de l'anniversaire de M. Watson - comme par hasard. (Une simple coïncidence ! ) Durant toute cette période, Grosse resta en contact étroit avec les Harper, les aidant à assumer tant leurs problèmes pratiques qu'émotionnels et ceci n'est peut-être pas étranger au retour à la normale. Peut-être , était-ce tout ce qu'il fallait faire, et ce, dès le départ. A cette époque, j'eus l'occasion de contacter un médium londonien, Ronald Hearn, pour un problème sans rapport avec Enfield, et j'avais été très impressionné par les résultats auxquels il était arrivé. M. Hearn travaille d'une manière assez inhabituelle : il ne rencontre pas ses clients et ne leur demande pas la moindre information, à l'exception du nom de la personne décédée qu'il est sensé essayer de contacter. Ensuite, il s'installe confortablement chez lui et attend que des impressions se présentent à lui et lorsque cela se produit, il enregistre ses propos. Je l'avais contacté afin de lui demander s'il pouvait fournir à une de mes amies des indications lui suggérant que son mari, récemment décédé, avait survécu à la mort et une ou deux des déclarations que fit M. Hearn étaient si spécifiques et personnelles que je sentais quelque chose
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de plus qu'une simple coïncidence ou H devinette. Je fus aussi impressionné par son approche étonnamment humble et sans prétention de son travail. En conséquence,
je lui demandai d'essayer d'entrer en contact avec Janet Grosse, après que Maurice m'eut assuré qu'il n'y voyait pas d'objection.Ce serait, pensais-je, une expérience intéressante en elle-même. je n'avais jamais rencontré Janet Grosse et ne connaissais rien de très personnel à son propos, quant à Ronald Hearn, tout ce qu'il savait d'elle c'est qu'elle était décédée. Je ne lui avais rien dit de plus, à l'exception de son nom.
Quelques semaines plus tard, sa bande me parvint par la poste. M. Hearn commençait par y décrire sa méthode de travail, expliquant que selon lui, sa forme de médiumnité mentale devait être la réception, par télépathie, d'impressions venant d'un autre monde ou d'une autre dimension. I1 ne promettait ni ne garantissait rien, si ce n'est qu'il ferait de son mieux pour rapporter fidèlement ce qui s'imprimait dans son esprit. Il insista sur le fait qu'il ne voyait ni n'entendait rien, il percevait plutôt des impressions. La première des quelque soixante remarques qu'il fit concernait le sens de l'humour de Janet Grosse. Elle avait un rire particulièrement remarquable, ajoutait-il ; il poursuivait en faisant le portrait d'une jeune fille très vivante et énergique qui était à la fois impulsive et tenace. Elle était curieuse de tout, et une fois qu'elle s'impliquait dans un sujet, elle ne le lâchait plus. Toutefois, elle était aussi très critique à son propos, et bien qu'intelligente et jolie, elle n'en avait pas conscience. Elle avait de grands yeux expressifs, des cheveux sombres et un rire contagieux. Elle utilisait beaucoup ses mains quand elle parlait, frappant du poing pour appuyer ses propos. Dans l'ensemble, elle paraissait avoir une forte personnalité ; jusqu'à ce point, M. Hearn n'avait rien dit qui ne puisse s'appliquer à un bon nombre de jeunes filles. Puis, suivaient quelques déclarations plus spécifiques. Elle voulait que son père prenne conscience de la réalité
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contacts avec l'écriture, la radio et aussi la télévision. Puis, des phénomènes psychiques, elle précisait qu'il aurait des il y avait des références partielles à des incidents impliquant un collier ou quelques perles, des livres, un lit, un réveil qui s'était arrêté sans raison, des problèmes avec la portière d'une voiture et une chaise cassée dans la cuisine.
Vers la fin de la bande, M. Hearn fit remarquer de façon très impromptue : cc J'étais là quand l'orgue jouait , puis, il ajouta : cc Des groseilles... quelque chose à propos de groseilles... Il ne comprenait pas ces allusions et je pensais que peut-être ses impressions devenaient moins précises.J'adressai les bandes à Maurice et quelques jours plus tard, nous nous rencontrions dans son bureau pour en discuter. Il nous prépara du thé et nous allâmes le boire sur le balcon, d'où on avait une vue imprenable sur Londres, par-dessus les arbres de Finsbury Park jusqu'aux vastes espaces de Hacknay Marshes. Les récentes chutes de neige avaient recouvert les habituels détritus de Londres et étouffaient même le grondement de l'interminable chaîne de véhicules qui encombraient Archway Road juste derrière nous. En dehors, de l'étrange tour d'habitation, c'était un paysage sorti d'un tableau du XVIII° siècle. c Eh bien, demandai-je. cc Qu'avez-vous retiré des enregistrements ? > cc Ils sont très intéressants, en vérité. Janet n'avait pas les cheveux sombres, mais hormis ce détail tout correspond à merveille. Ma femme et moi avons eu l'impression qu'il ne se contentait pas de décrire Janet, mais qu'il retenait ses caractéristiques les plus évidentes. Et, certains des incidents spécifiques qu'il mentionne constituaient pour le moins de remarquables coïncidences. La remarque à propos de la portière de voiture, par exemple ; j'ai eu des problèmes avec les deux portières de mes deux voitures et il y a bien eu une chaise cassée dans notre cuisine. Je suppose que cela peut s'appliquer à bien des familles, mais il a fait deux remarques qui m'ont vraiment donner à penser. cc Vous vous souvenez qu'il a dit : " J'étais là quand l'orgue jouait "
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? Eh bien, il y a quelques semaines de cela, je suis allé rendre visite à une relation d'affaires, près de Heatrow Airport et il m'a montré un orgue qu'il avait construit. Je lui ai demandé d'en jouer pour moi , et il l'a fait, et c'est la seule fois où j'ai entendu jouer de l'orgue, depuis longtemps. Et non seulement ça, mais cette maison se trouvait à deux pas de ce bureau hanté que nous sommes allés voir l'autre jour. >> (Maurice et moi avions été sur les lieux de plusieurs autres cas de poltergeist durant et après l'affaire de
Enfield. L'un se situait dans le bureau de la direction d'une compagnie très connue, près de Heatrow, plusieurs membres du personnel y avaient rapporté des incidents guère différents de certains de Enfield.) Une autre coïncidence à ajouter à notre liste, dis-je. Deux en fait. Quelle autre remarque vous a donné à penser ? > C'était encore plus fort, parce que cela fait référence à quelque chose dont je n'avais pas même connaissance. Cette histoire de groseilles vers la fin de la bande. Cela ne me disait rien. Eh bien, le week-end dernier j'ai passé la bande à une ancienne amie d'école de Janet et que pensez-vous qu'elle m'ait dit ? Je lui dis que j'aimerais l'apprendre de sa bouche même, aussi Maurice lui téléphona-t-il, lui expliquant ce que je voulais savoir, puis il me tendit le récepteur. J'ai trouvé tout cela très convaincant me racontala jeune fille ; surtout cette histoire de groseilles. Janet disait toujours ça. >
Que voulez-vous dire ? demandai-je. Ce n'était pas un mot tellement facile à placer dans une conversation. Oh vous connaissez l'expression jouer les chaperons 1 ? > < Un jour mon petit ami et moi lui avons demandé de sortir avec nous et elle nous a répondu qu'elle ne voulait pas nous servir de chaperon, et c'est devenu une sorte de plaisanterie classique entre nous.
l. En anglais s groseille ae dit gooseberry, et joucr les chaperons ,
playing gooseberry, la relation évidente en anglais ne l'est évidemment pas
en français. (NdT.
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Elle le disait souvent, donc. Je demandai à la jeune fille ce qui, selon elle, était la caractéristique principale de Janet. c Son rire, H dit-elle. << C'est un rire très drôle, très communicatif. H C'était la première remarque faite par Ronald Hearn. Je remerciai la jeune fille après qu'elle n'eut assuré que presque tout ce qu'il y avait sur la bande,à l'exception des événements dont elle n'avait pas connaissance, pouvait très bien s'appliquer à Janet Grosse. c C'était intéressant, confirmai-je à Grosse. Il semble que vous ayez fait entendre cette bande à la seule personne pour qui cette histoire de groseilles (chaperon) avait un sens. Mais, j'ai noté que rien sur cette bande ne faisait spécifiquement référence au poltergeist ou à Enfield. Exact , convint Maurice. < Mais, en matière de recherche psychique, il nous faut bien nous contenter de ce que nous avons. I1 ne sert à rien de nous demander, comme le font tant de nos collègues, pourquoi le médium n'a pas dit ceci ou cela ou pourquoi le poltergeist n'a pas fait ceci ou cela. Ronald Hearn n'a dit que ce qu'il sentait devoir dire, et il a eu l'honnêteté de reconnaître qu'il ne savait pas d'où venait l'information, ni comment elle était transmise. Nous ne le savons pas non plus.
Cependant, le fait est que toute cette information a été transmise et, ainsi que je continue à le prétendre, tout ce que nous pouvons faire, c'est étudier les faits. Il était tentant de conclure hâtivement que Hearn avait véritablement été en contact avec l'esprit, la conscience survivante, ou quoi que ce soit de Janet Grosse. Ni Maurice ni moi ne le fîmes, mais nous nous accordâmes sur le fait que des informations correctes, l'une inconnue de lui comme de moi, nous avaient été fournies par un homme que nous n'avions jamais rencontré, auparavant. Et il nous paraissait impossible de les attribuer à un simple jeu de déduction. Des pièces supplémentaires de notre grand puzzle trou-
vaient-elles enfin leur place ? L'esprit survivant de Janet nous avait-il forcé à nous rendre à Enfield, de sorte que
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son père y trouve des preuves convaincantes de I'existence d'autres énergies, d'autres dimensions et d'autres réalités et de sorte que je consigne tout cela dans un livre ?
Je ne pouvais le prouver, pas plus que je ne pouvais prouver le contraire. Je ne pouvais que réfléchir au fait que, si c'était vrai, cela suggérerait que les esprits survivants d'individus interfèrent avec ceux des vivants, ce qui correspond à ce qu'Allan Kardec affirmait il y a plus de cent ans et à ce que les spirites tiennent toujours pour vrai de nos jours. Et, que ces convictions reposent sur des faits ou des fantaisies, il n'en est pas moins vrai que je les avais vu mises en pratique avec des résultats positifs, comme, par exemple, lorsque mes amis Spirites brésiliens, Luiz Gasparetto et Elsie Dubugras avaient accompli ce que quatre médecins n'avaient pu faire, à savoir, mettre fin, de façon instantanée, aux transes de Janet, par des méthodes qui ne pouvaient certes pas être considérées comme normales. Il nous reste bien des choses sur lesquelles spéculer, dis-je alors que nous lavions notre petite vaisselle. c Il est impossible d'expliquer tout ceci en s'en tenant aux connaissances acquises actuelles, ou nous le saurions déjà. Ceci explique sans doute pourquoi tant de personnes rejettent le genre de preuves que nous avons accumulées vous et moi. >
< Je pense que vous avez raison, dit Maurice.
<< Mais, au moins, nous tenons des faits et nous savons qu'ils sont vrais. En rendant ce cas public, j'espère que nous amènerons d'autres personnes à étudier d'autres cas un peu plus soigneusement; à l'avenir.
>>Puis, en fin de compte la réponse nous apparaîtra. Qui cherche, trouve. Nous sommes pareils aux Grecs de l'antiquité qui frottaient des morceaux d'ambre l'un contre l'autre et découvrirent ainsi l'électricité, sans avoir la moindre idée de ce dont il s'agissait et de ce qu'ils pouvaient en tirer. II nous fallut deux mille ans pour relier électricité et magnétisme et les faire travailler pour nous et pour découvrir l'électron qui rendit tout cela possible.
<< J'espère qu'il ne nous faudra pas deux trois ans de plus pour découvrir comment un esprit humain peut renverser les tables.
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Ce n'est pas à exclure. En fait, nous ne savons pour ainsi dire rien de la véritable nature des choses. Nous sommes très documentés sur les effets, mais guère sur les causes. > Nous enfilâmes nos manteaux et Maurice éteignit les lumières. Oh, à propos, dit-il << avez-vous jamais découvert quelque chose au sujet de cette histoire de syndrome dont vous m'avez parlé un jour à Cambridge ? Oui, répondis-je. Oui, et c'est très intéressant. Rallumez un moment, voulez-vous ? Je farfouillai dans le sac qui me servait de serviette et trouvai mon carnet de notes.
<< Voici, dis-je. Syndrome ou maladie de Gilles de la Tourette. Ça m'a pris du temps pour le trouver, parce qu'il était classé sous la lettre G et pas sous la lettre D, L ou T, comme on pouvait s'y attendre. Voulez-vous savoir ce que j'ai découvert ? >>
Si vous pensez que cela a un rapport avec le syndrome de Enfield, répliqua Maurice. c Eh bien, c'est possible. Je laisse aux psychiatres le soin d'en décider. Je lus les notes que j'avais extraites de traités et de journaux de psychiatrie, la plupart américains. < Gilles de la Tourette, médecin français du XIXe siècle, qui fut le premier à identifier le syndrome caractérisé par la crapolalie, la capropraxie et l'écholalie...
C'est quoi ce charabia ?
Des tics et des mouvements involontaires y compris des gestes obscènes, des cris explosifs tels que des aboiements et des grognements - cela vous rappelle quelque chose ? - et aussi des comportements et des phénomènes verbaux imitatifs. Les phénomènes verbaux imitatifs qui se produisent dans 50 % des cas sont des cris explosifs, des obscénités, le plus souvent < merde ou << allez vous faire foutre . Vous plaisantez ! s'exclama Maurice. < Non. Voici un extrait de l'American Journal of Psychiatry,
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septembre 1974, page 1000. Et, il y en a plus encore. Cette maladie est très rare, plus courante chez les garçons que chez les filles ; elle se déclare, généralement avant dix ans. Les causes n'en sont pas connues mais paraissent associées à des événements traumatisants tels qu'une séparation parentale, commencer l'école ou voir son chien se faire écraser. Elle est considérée par certaines sommités comme étant un état schizophrénique mais un autre traité prétend que le syndrome de Gillesde la Tourette et la schizophrénie sont des états clairement séparés, qui devraient facilement être différenciés par les praticiens, sauf par ceux de Enfield, évidemment. > cc C'est incroyable ! dit Maurice. cc Le cas de Janet semble sortir tout droit des traités de psychologie. Pourquoi personne n'a-t-il jamais songé à cela plus tôt ? cc Ils y auraient sans doute songé s'ils l'avaient vue plus tôt, répondis-je. < Au moment où elle est arrivée au Maudsley, son syndrome s'était transformé en autre chose et elle se portait très bien. Vous voyez tout ce qu'il y a dans les traités décrit ce qui s'est passé juste avant que le cas ne se déclenche - elle venait de changer d'école ses parents s'étaient séparés et, comme vous le savez,elle a toujours désiré un chien. Nous avons eu droit aux aboiements, aux grognements et je suppose que ces crises de transes violentes pourraient être décrites comme cc de multiples tics involontaires d'une intensité extrême. Pour ce qui est des obscénités, cc merde et cc va te faire foutre furent les deux premières expressions que la Voix ait jamais prononcées, la première nuit où elle nous a parlé. Maurice rit. cc Vous vous souvenez du Docteur Fenwick disant qu'il nous faudrait réécrire les lois de la physique ? Eh bien, il serait temps que quelqu'un ajoute un nouveau chapitre aux traités de psychiatrie. cc J'en ai bien peur. Les traités ne parlent pas de tables qui se renversent, de coups sur le sol, de lévitation, de dématérialisation ou d'enregistreurs qui deviennent fous. Il me semble que le syndrome de Gilles de la Tourette ignore toute une dimension. Peut-être savait-il tout des phénomènes de poltergeist, mais il n'y croyait pas ou, en tout cas, il ne pouvait amener ses collègues à y croire. Il est dommage
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qu'il n'ait jamais rencontré Allan Kardec qui vivait à Paris à la même époque que lui. Kardec savait tout des poltergeists. Mais je suppose qu'à cette époque, les docteurs n'étaient pas préparés à ne fût-ce que prendre en considération des idées suggérant l'existence d'entités, ou d'esprits, extra-physiques. c Les temps peuvent changer, poursuivis-je. cc Il y a un psychiatre en Californie, Ralph Allison, qui lut en avril 1974 un article intitulé cc Possession et Exorcisme à la Société Psychiatrique de la Californie du Nord. Il décrivit un cas qu'il avait traité, lui-même, dans lequel une c personnalité secondaire s'avéra être, en fait, un esprit possesseur qui put être identifié grâce à l'aide d'un médecin, Robert Leichtman, qui était aussi clairvoyant. Si seulement nous avions quelqu'un de ce genre ici, pour entreprendre de réécrire les traités. Il serait utile de consacrer un bon chapitre au syndrome de Enfield. Je refermai mon carnet de notes. Maurice, lui, referma la porte de son bureau et nous partîmes dans la neige vers la station de métro. cc Quoi qu'il en soit, conclus-je, cc merci pour le thé et pour le cas. Ce fut une expérience prodigieuse . J'allais ajouter : cc et tenez-moi au courant si vous en découvrez un autre, >> mais je n'en fis rien. Je sentais que j'avais atteint mes limites en rapportant le cas Enfield.
Maintenant, aux vrais experts de jouer !
Nous nous dîmes au revoir et repartîmes vers nos demeures respectives. Le cas Enfield était peut-être terminé, mais la recherche de l'explication commençait à peine.
J'espère que ce livre encouragera d'autres personnes à relever le défi.
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TABLE ' DES MATIERES
Préface .................................. 9
l. Poltergeist . . . . . .. . . . . . . .... . . .. . .. . . . . 15
2. Dix coïncidences . . . .. . . .. . . . . .. .. . . .. . 29
3. L'épicentre ........................... . 37
4. c Je l'ai vu bouger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
S. << Action et aventure . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
6. c Oh ! Il répond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
7. Un coup non, deux coups oui . . . . . . . . . . . . 91
8. Quelques situations hystériques . . . . . . . . . . . . 108
9. Dix vilaines choses .................... 127
10. Je ne peux pas faire ce bruit . . . . . . . . . . 144
11. A travers le mur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
12. Les parleurs imparfaits . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
13. Le rituel nocturne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
14. Un triste nouvel an . .. . . . . . . . . .. . . . .. . . 211
15. Un brouillard à couper au couteau . . . . . . . . 224
16. << Où est le savoir ? > . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
17. Pour rouler le diable .................. 258
18. << Ma petite tête . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271
19. Une étrange présence ... .. .. . . . . . . . . . . . 288
20. Le syndrome de Enfield . . . .. . . . . . . .. . . . 301
Achevé d'imprimer
sur les presses de l'Imprimerie Bretolienne
27160 Breteuil-sur-Iton
No d'Edition : Section Commerce et Industrie
Monaco :19023
Dépôt légal : avril 1982
No d'impression : 020
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GUY LYON PLAYFAIR
CETTE MAISON EST HANTÉE
Une enquête sur le Poltergeist de Enfield
Traduit de l'anglais
par Cristel RoLLINAT
Collection
AUX CONFINS DE L'ÉTRANGE
EDITIONS DU ROCHER
28, rue Comte-Félix-Gastaldi - Monaco
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Titre original :
This House is haunted
© Editions du Rocher, I982.
ISBN 2.268.00161-X